L'auteur : jerome65
La course : Le Grand Raid de la Réunion : La Diagonale des Fous
Date : 20/10/2022
Lieu : Saint-Pierre (Réunion)
Affichage : 1468 vues
Distance : 167km
Objectif : Pas d'objectif
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Samedi 15 octobre, la valise est faite, l'essentiel pour la course je le prends avec moi en cabine au cas ou ma valise se perde, car ce vol aller est quelque peu long avec 3 changements de vol.
Effectivement contrairement au retour, pour l'aller je passe par CDG, Djeddah, Maurice et enfin la réunion, environ 30h de trajet dont 6 heures d'attente à Djeddah. Quand j'arrive à Maurice, j'ai pas ma carte d'embarquement pour la réunion et j'ai qu'une heure et je ne sais pas si ma valise arrive à la réunion ou à Maurice. Petit coup de speed mais tout est ok ma valise sera livrée à la réunion.
Arrivée, à Saint Denis, soulagement je vois ma valise , ouf. A la sortie de l’aéroport je prends le bus apres deux heures d'attente. A 20h00, je suis dans le studio AirBNB, quel trajet : départ Toulouse samedi 10h45, arrivé 33h apres !
Le lundi, visite de saint Denis et mardi départ vers Saint Pierre avec quelques arrêts touristiques. Mercredi matin, la pression monte, retrait des dossards de 8h30 à 11h30 au centre de Saint Pierre, mais cela passe vite je discute avec des locaux, un corse et un métro qui revient de blessure et a quasiment pas couru pendant 6 mois cette année !
L'apres midi visite de la vanilleraie bleue à Saint Philippe, le top de la vanille sur l'ile. Retour sur Saint Pierre je prends le dernier bus qui ne passait jamais, 45 min de retard !
Jeudi repas patate douce, pates cuites au micro-ondes dans un verre (j'avais loué une chambre) et je prépare mes trois sacs (sacs qui seront amenés par l'organisation aux ravitos bases de vie).
Herve qui loue la chambre apres moi viens de voir le départ de la course et me dit qu'il y a au moins 2 km pour y aller. Super gentil il me propose de m'accompagner et me prend deux sacs, moi je prends le troisième et mon sac à dos.
Effectivement apres 20 à 30 min de marche on arrive au départ vers 19h45, tout le monde attend. Heureusement qu'Hervé m'a aidé je pense que sans lui j'aurais bien galéré.
La pression monte, un gars me dit qu’il faut partir molo, et vu que depuis mon GRP 120 je ne suis pas super confiant au niveau de mes genoux (pour rappel, arret au 110 km à cause du mal aux genoux), je pense vraiment partir molo. J’échange des messages avec mes chéries sur WhatsApp, avec la famille les amis ca fait du bien d’être encouragé même si beaucoup comme moi doute de mon rétablissement. Alex lui, me dit dans un message que j’ai des genoux en titane, et à ce moment là cette phrase va me fait un bien fou.
Je suis dans le SAS4, et c’est bientôt le départ. La musique commence, le speaker chauffe la foule et c’est parti vers l’inconnu. Les premiers kilomètres je cours cool (trop d’ailleurs) je vois les SAS5 me doubler, mais qu’importe je suis porté par cette foule qui nous acclame comme des starts les enfants tendent les mains et moi au milieu je profite de ce moment d’effervescence à fond.
Je chemin monte, on traverse les champs de cannes à sucre avec l’arrosage automatique qui nous arrose aussi malgré mes efforts pour passer à coté. Plus loin on revient sur une route des gens font la fete et nous propose des boissons tel que Rhum, Ricard et chantent « Rendez vous sans aucun doute à la redoute ». La redoute étant le nom du stade de l’arrivée.
Premier ravito au Domaine vidot, 2 heures de course, il commence à faire froid. Je me change avec mon t shirt à manches longues, je change les chaussettes, je mange et c’est reparti. Et maintenant commence les chemins étroits (single) avec les bouchons. Le chemin et parfois très escarpés et cela génère des bouchons ou tout le monde est arrêté. En tout au moins 1h de bouchon. Mais bon, on m’a dit que les barrières horaires étaient plutôt larges.
Arrivé à notre Dame de la paix, au ravito je m’enlève les gants, je bois une soupe de vermicel mais j’ai super froid. Il fait 6°, quand tu t’arrêtes avec le t shirt mouillé par la sueur le froid prend vite le dessus. Je me mets tout ce que j’ai de chaud, buff x2, k way, gants sur gants que je perds et retrouve qq s secondes après avoir bu ma soupe. Je repars frigorifié, j’ai récupéré mon gant perdu par terre et en marchant je vois que c’est pas le mien, j’ai deux gants main droite !
Nez de bœuf, le jour se lève le parcours final était assez roulant mais au cas ou je me ferais mal aux genoux je n’ai pas couru. Je mange et j’entends parler autour moi de barrière horaire, et putain je suis qu’à 2h30 de la barrière horaire. Je me speede de mettre ma crème NOK sur les pieds de manger et je me dis que maintenant il va falloir se bouger un peu, tant pis pour les genoux, je vais courir.
Donc jusqu’à Marre à bout j’ai couru pas mal et doublé en me répétant la phrase d’Alex, mes genoux sont en titane. J’arrive à Marre à boue, je suis bien, c’est cool de pouvoir courir sur ces sentiers.
Départ pour Les coteaux de Kerveguen sous la pluie, et là chez hyper technique un petit chemin ou l’on se suit car difficile de doubler, des cailloux, de la boue cela monte fort on est pas loin du piton des neiges.
Là on est une dizaine à se suivre, devant moi une nana, pas très féminine plutôt un mec d’ailleurs qui lâche des caisses hyper bruyantes sans se retourner sans s’excuser ! Putain, ca pue un truc de fou, normal me direz vous après 10 heures de course. Malgré ces odeurs je suis le troupeau. Des passages se font parfois avec des échelles, on n’en voit jamais la fin de cette montée. Le pire c’est qu’avec les nuages on ne voit pas les paysages. Ouf, arrivé en haut, enfin soulagé, on commence la descente, cela s’appelle le bloc 1500m de d- avec quasiment que des marches d’environ 50 cm et des cailloux. 1h30 de descente comme ça use le moral et les cuisses, mais je suis content mes genoux même s’ils chauffent tiennent le coup. C’était la descente que je craignais le plus à cause du fort dénivelé. Cela nous amène au creux du cirque de Cilaos ou est notre première base de vie. Arrivé dans la ville, direction le stade. Là il commence à pleuvoir. Suite aux douleurs aux genoux au GRP qui m’on fait abandonné, je préfère ici prendre le temps de me faire examiner par un kiné et en profiter pour voir un podologue pour mes ampoules. Les bénévoles kinés et Podologues sont super sympa, très souriants, cela donne de l’énergie aussi de les voir si attentifs à nos douleurs. D’après elle les douleurs latérales de mes genoux sont plutôt musculaires, ce qui confirme la phrase d’Alex « mes genoux sont en titane » 😊.
Je prends le repas assez simple, pate avec du poulet, un yop en dessert. Je me change et je repars. Mince il recommence à pleuvoir, je m’équipe pour la pluie. J’ai passé plus de deux heures à Cilaos, va falloir maintenant me bouger un peu ! J’ai parcouru 73 km, donc presque la moitié. Direction l’autre difficulté, la montée du Taïbit. Ouais, le nom fait beaucoup sourire, la montée à base de marche et très raide beaucoup moins. Avant la montée, un petit ravito je croise un gars qui abandonne à cause de mal à l’estomac, il ne peut plus rien avaler. Moi je suis plutôt en forme, la nuit commence, et je double qqs trailers lors de l’ascension. De l’autre coté on rentre dans Mafate, lieu très symbolique car une fois que tu es dans Mafate, tu ne peux sortir qu’à pied ou en hélico. Au milieu de la montée au milieu de nulle part des bénévoles offrent un thé, ils ont de la musique on dirait un bar sauvage, ils appellent ça le thé ascenseur ! Je poursuis, l’ascension qui me parait interminable, avec encore et toujours des marches, irrégulières, hautes et fatigantes. Enfin on redescend, en vue Marla on est dans Mafate, petit moment d’émotion, et de crainte aussi. Arrivé à Marla à minuit, on joue avec les barrières horaires même si j’en suis à plus de deux heures, cela me stresse. Je ne traine, pas je repars et on ne sait pas ou est exactement la prochaine barrière. Lors de la montée je croise une nana (une vraie, pas comme l’autre) qui est complétement hors d’elle, qui crie qu’elle en a marre et qu’elle ne comprend pas pourquoi les autres ne crient pas comme elle. Je lui propose de faire une pause, elle me dit : « ouais comment je la monte cette montagne si je m’arrête ». Moi je poursuis mon chemin. J’arrive grand place des écoles, il est 5h00, j’ai deux heures d’avance sur la barrière horaire. Mais la je traine, et reste une heure pour manger un bout de patate douce et faire petit popo. Quel con, pourquoi trainer ! Du coup quand je réalise que je suis qu’à une heure de l’élimination, je pars à fond, je remonte des gens lors de la montée, une descente de 400m de D- je suis à fond je passe à coté des gens en m’excusant car le chemin est étroit. Maintenant il reste 600 de D+ jusqu’à la prochaine barrière horaire. Je monte vite au début, et après je suis vite calmé et suis le mouvement. Enfin, j’arrive à Roche plate, maintenant les barrières horaires sont super larges à plus de 8H, donc pas de problème j’irai au bout. Je me pose à l’ombre et m’endors en 2s, mais 5 min après un bénévole me réveille, il faut de la place pour les kinés ; dommage je dormais trop bien. Je mange et repars après qu’un podologue me soigne mes ampoules. Je repars, il commence à faire chaud, moi j’ai oublié lunettes et casquette à Cilaos, donc je ressens bien le soleil très puissant sous ces latitudes. Maintenant grosse descente, je suis en super forme, je cours en descendant je sautille de pierres en cailloux. On arrive à la rivière de galets, on traverse les chaussures à la main, trop bon pour les pieds. J’en profite pour me faire un petit soin au pied et changer avec de chaussettes. Je sais que la prochaine base de vie n’est pas loin, mais pour y arriver il faut encore pas mal marcher, je suis un peu dégouté, je la trouve trop loin cette base de vie. En chemin je discute avec un gars qui a abondé à cause d’un problème d’estomac. Il continue sans dossard, c’est dur pour lui. Enfin on arrive à deux bras, en bas du cirque de Mafate. Gros ravito, je prends saucisse rougail, me faire soigner mes ampoules par deux podologues adorables avec le sourire vraiment tous ces bénévoles sont super. Je me mets le tee shirt de l’organisation obligatoire pour finir la course. Là il reste une autre difficulté, la sortie de Mafate avec 600 de D+, la montée de dos d’ane. Je monte tranquillement, et à la fin de la montée, une foule nous attend avec des applaudissements, ca fait bizarre d’un coup voir tant de gens ; En voyons la route je comprends que cet endroit est accessible et qu’enfin je suis sortie de Mafate. Une petite victoire, mais la nuit commence à tomber, la troisième en ayant dormi 5 min. Maintenant je suis un peu dans le dur quand ça descend, je suis vraiment dans le dur quand cela monte. J’ai les pieds en compote avec tous ces cailloux. Je commence à avoir des hallucinations sur le chemin ratineau, c’est un enfer. Je discute avec un journaliste Belge qui fait un reportage sur la diagonale. Il me raconte ca vie, et me dit que sa mère est partie avec un collègue à lui ?! Apres il me dit qu’il est en garde alterné, donc j’ai supposé que c’est son épouse qui est partie ! Il peste sur des montées hyper techniques. On arrive à la possession, au niveau de la mer. J’essaye de dormir, 15 min, mais sans trop de succès. Je repars sur qui sera pour moi le véritable enfer de cette course, le chemin des anglais ! Putain mais pourquoi il nous font passer sur ce chemin avec des galets tous de travers ou il est impossible de poser le pieds sans qu’il parte de travers. J’ai super mal aux pieds. J’en peux plus, je vois malgré la nuit une montée sans fin. J’ai des hallucinations encore sur les pieds, je vois des livres, des visages … je suis fatigué de tout. L’enfer, fini on arrive à grande chaloupe, j’essaye de dormir 15 min, mais avec la musique à fond pas trop réussi. Je repars et je vois un point lumineux tout en haut de la montagne, putain encore une belle montée. Depuis les trois derniers ravitos je bois du coca pour faire passer mon mal de ventre mais celui-ci reviens au bout de 30 min. Encore 600 de D+, il pleut je suis épuisé, et ce point lumineux me semble très très haut. En arrivant à 10 min du dernier ravito, avec mon k Way sous la pluie mon mal de ventre me bloque, j’avance au ralenti, je ne sais pas comment je vais faire pour finir. Arrivé au Colorado, dernier ravito il pleut toujours, je vais voir sous la tente pour qu’il me donne quelque chose pour mon estomac. Je prends un Vogalène, je dors 20 min, je mange de la soupe avec du vermicel, je n’en aurais jamais mangé autant de la vie et je repars. Wahou je suis en super forme, et malgré le sol glissant, je descends à fond. Quel plaisir je redouble toutes les personnes qui sont passées pendant mes 20 min d’arrêt. Je sautille, de pierre en pierre, je croise des gens qui sont au ralenti à cause de la boue, d’autres épuisés, les genoux en vrac … et moi je continue dans ma lancée. Je sors de la montagne, et je vois le stade de la redoute, je cours, je vole vers cette arrivée. Je ne suis pas fatigué, je passe la ligne tant rêvée… on me mets la médaille autour du coup, photo …un grand moment d’émotion m’envahit. Je suis comme un gamin qui réalise son rêve. Heureux, fier, je pense fort à mes chéries. On me donne le fameux tee shirt de finisher « j’ai survécu ». Je vais manger encore du rougail. J’allume mon téléphone, et je vois plein de messages de gens qui m’ont suivi, et à ce moment je ne suis plus seul, je me délecte de tous ces messages et je partage alors ce bonheur. Merci à vous tous de vos messages, ca fait trop plaisir. Maintenant j’attends qu’Eric, le gars du AirBnb vienne me chercher après son boulot, vers 6h00. Il est adorable, en plus il m’avait gardé mon gros sac de voyage. Après une douche je me pose sur le lit aussi exténué qu’heureux. Apres mon échec au GRP 120, à quelques km de l’arrivée, moi comme beaucoup ne pensaient pas de je réussirais à finir cette diagonale, comme quoi il faut savoir croire en ses rêves 😊.
Si vous etes arrivés au bout de ce compte rendu, bravo, vous avez assez de courage pour vous aussi faire cette diagonale des fous !!!
1 commentaire
Commentaire de PhilippeG-641 posté le 31-01-2023 à 12:30:58
Bravo Jérôme pour ta ténacité et d'avoir été au bout !
Je visualise bien tous les points de passage que tu cites. J'adore ton anecdote dans le chemin Ratineau avec le journaliste belge :-)
C'est super d'avoir encore de tels rêves...
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