Récit de la course : Semi-Marathon de Cannes 2022, par Thibaut D

L'auteur : Thibaut D

La course : Semi-Marathon de Cannes

Date : 6/3/2022

Lieu : Cannes (Alpes-Maritimes)

Affichage : 520 vues

Distance : 21.1km

Matos : Garmin Instinct, Adidas Boston 8

Objectif : Faire un temps

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Les tribulations d’une allure semi-marathon

D’abord je recommande chaudement cette course qui offre une ambiance très conviviale et sympathique. On a le temps de récupérer son dossard le matin, on ne se marche pas les uns sur les autres, le parcours est propice à la vitesse en étant extrêmement roulant et plat. Les toilettes sèches sont également une aventure à vivre pour ceux qui n’ont pas fait de scoutisme. On a même des vestiaires (pratique quand il pleut comme en ce début de matinée). Bref que du bonheur. Si je reviens sur cette course c’est parce que j’ai mis du temps à comprendre ce qu’il s’est passé me concernant.

 

Après mon PR sur marathon Nice-Cannes le 28 novembre dernier, j’ai laissé quinze jours de repos et décidé de me lancer dans une prépa 12 semaines pour le semi de Cannes. Au début de cette nouvelle prépa je vise de passer sous 1h35 et donc je commence avec une as21 à 4’25. J’ai néanmoins un œil sur 4’20 dont j’ai envie de me rapprocher le plus possible. J’ai le sentiment que mon marathon m’a rendu fort physiquement et mentalement et ne doute de rien.

 

Lors de la Sl 1h40 de ma 7eme semaine de prépa arrive ce que je voyais venir déjà depuis un petit moment à savoir que je fais relativement facilement un PR semi à 1h34. Du coup viser moins de 1h35 n’est plus à faire. Je décide donc de décaler mon allure cible en visant directement 4’15. Je teste l’allure sur une séance de 3x10’as21 au canal de Gairaut. J’ai beaucoup couru là bas ces dernières années jusqu’au premier confinement, avant de migrer presque exclusivement vers la prom. Si j’ai donc jadis beaucoup aimé y courir, lors de cette séance se confirme quelque chose dont j’avais l’intuition : je n’arrive pas à prendre de vitesse et globalement la séance est décevante. Je tourne à 4’20 sur la première répétition, 4’17 sur la seconde et 4’27 sur la troisième. Bien entendu il est logique de ne pas réussir tout de suite à tourner à 4’15 après avoir visé 4’25 durant des semaines, mais je ne trouve pas normal d’être au dessus de 4’20 sur la séance.

 

Si j’évoque ce point c’est parce que lorsque j’ai commencé à courir sur la prom et à partir de décembre 2020 voir mes chronos s’envoler séances après séances (avant je stagnais à plus de 1h50 sur semi) j’ai commencé à ressentir des sensations que je n’avais justement jamais ressenti précédemment au canal : l’impression de « dérouler » c’est l’expression qui m’est tout de suite venu à l’esprit pour les décrire. La sensation de prendre de la vitesse, au début de subir cette vitesse puis peu à peu de devenir totalement à l’aise avec, et même d’avoir parfois eu comme l’impression que des câbles derrières moi se rompaient me permettant d’accélérer en me sentant même encore mieux. A l’époque après l’annulation du marathon de novembre 2020 convaincu des bienfaits de ce type de course je m’étais lancé dans une prépa marathon sans objectif, mais l’aisance venant avec cette sensation de dérouler j’avais très vite remplacé dans le plan mon as42 par mon as21. Rétrospectivement je pense que ça m’a permis de travailler plus sérieusement au seuil et que c’est de là que le gros des progrès est venu en permettant ensuite de décaler la pyramide des allures. En tout cas c’est ainsi qu’après quelques semaines j’ai abouti à un PR sur un semi en off en février 2021 à 1h38 alors que mon dernier dossard semi était à 1h50’35 en mai 2019 sautant par dessus l’étage 1h40-1h50. Il y a donc plusieurs paramètres explicatifs à cette progression comme encore celui d’avoir fait mon premier marathon l’année d’avant en me forgeant ainsi une caisse, ou encore d’avoir totalement remplacé la fréquence cardiaque au bpm prêt par des fourchettes souples et empiriques de pourcentage vma comme critère de référence (et abandonner ainsi enfin l’idiotie tenace chez moi selon laquelle courir lentement fait progresser), le fait enfin que les séances de tapis obligent à une constance dans les allures de travail et surtout dans celles de récupération pour former un ensemble homogène, mais en sus de tout ça et d’autres choses que j’ignore encore je tiens pour fiable l’idée que des sorties en longues lignes droites sur bitumes sur la prom ont fortement contribué à me faire progresser en me permettant de bien éprouver les allures. Quitte à ce que j’accélère brutalement à des carrefours ou que je pousse d’avantage en remontant chez moi selon ma conception personnelle de la Sl qui veut que je mette les répétitions des as10/21/42 non pas à la fin mais au milieu de la séance et qu’ensuite je maintienne l’allure moyenne sur la seconde partie et en remontant chez moi.

 

A contrario j’analyse donc que pour moi le canal de Gairaut contient deux inconvénients majeurs : le grip du sentier est insuffisant par rapport au bitume et ensuite le parcourt serpente trop et est trop court (1700m) pour tenir des allures dans la durée sans être hachées et entrecoupées. Rien à voir donc avec la possibilité de la prom (et du bord de mer qui suit) de pouvoir dérouler en ligne droite pratiquement sur une bonne dizaine de kilomètre. Ceci dit je ne veux pas jeter le bébé avec l’eau du bain, le canal reste un bel endroit à mes yeux (quand il n’y a pas trop de monde), mon propos est surtout de rapporter une expérience particulière qui m’est propre. Nul doute que d’autres coureurs avec des profils différents s’y épanouissent sans ces inconvénients. Disons que cela fait parti de mes expériences et découvertes faites au hasard de ma progression d’autodidacte borné. Des découvertes heureuses autours d’un grand nombre d’échecs, d’erreurs et de déceptions. Qui sait peut-être que ça peut faire écho chez d’autres. C’est d’autant plus un retournement qu’initialement j’étais au contraire féru du canal et ne voulais pas entendre parler de courir dans la ville : comme quoi pour mieux courir il faut savoir aussi se déplacer mentalement.

 

J’en reviens à ma prépa pour Cannes : après cette première séance décevante au canal heureusement je pourrais mieux ressentir les choses lors de la Sl en fin de semaine. La semaine suivante je suis en vacances à Annecy je fais une sortie 2*15’as21 dans les clous avec un super kiff et ensuite une Sl qui passe bien malgré une soirée festive et confortablement arrosée la veille. Retour à Nice pour une séance teste 2*20’as21 le mercredi que je plante même si j’avoue que je ne fais pas trop état sur strava ni des détails ni de mes états d’âme. C’est de toute façon le fait d’une semaine compliquée pour moi où j’ai eu plusieurs nuits d’insomnie dès le lundi, vraisemblablement je me crame aussi en la commençant beaucoup trop vite pour me rassurer sur le fait que 4’15 soit possible : si je tourne à 4’15 de moyenne sur la première partie, sur la seconde je ne tourne plus qu’à 4’23 et je l’écourte de 5minutes pour m’épargner l’acharnement. En revanche sur la dernière Sl du dimanche (petite de 1h) je me sens bien sur mes petites répétitions d’as21. Après c’est l’affûtage dans une semaine light, avec quelques sprints fantaisistes pour rester derrière les trams au feu vert lors d’un dernier court footing et des crampes au cuisses pendant deux jours histoire de se rappeler que tout se paye.

 

La nuit précédant la course je ne dors presque pas en me répétant entre autre qu’il est impératif que je ne parte pas à 4’15 mais que je garde 4’20 comme allure jusqu’au moins une demi heure et voir ensuite si je peux accélérer jusqu’à éventuellement compenser le retard de façon à revenir à 4’15 de moyenne. A Annecy après une grosse pente dans laquelle je force pour tenir 4’13 je fais le constat de reprendre du souffle et de l’aisance à 4’23 donc je me dis que j’ai quand même acquis un solide socle. Néanmoins le doute étant le siamois de la confiance je me dis aussi que j’ai l’impression que le pic de forme que je ressentais fortement encore cette semaine là s’est éloigné. L’affûtage fait donc son effet puisque paradoxalement le repos me fait me sentir moins fort.

 

L’épilogue de tout cela ce sera que le lendemain la course se fera finalement presque totalement à l’aveuglette, qu’il me faudra un bon moment avant de comprendre ce qui s’est passé et pouvoir organiser les pièces du puzzle. Le jour venu sur place après un échauffement en trottinant et quelques éducatifs qui m’ont toujours fait chier et que je ne fais plus que par imitation des autres, avec ma bouteille boisson d’attente/pissotière à la main, couvert de mon sac poubelle, et chaussé de mes chères Boston, je rejoins le sas3 (les 2 premiers ne sont accessibles qu’avec justificatifs de performances) je jette ma bouteille (sans avoir besoin de pisser dedans) et mon sac poubelle et me mets juste derrière la corde. Devant, dans le sas2, il y a un meneur d’allure 1h30. Le départ est donné, après quelques minutes dans un peloton un peu compact celui-ci s’étire. Sur les 5 premiers kilo ma montre donne une allure un peu au dessus de 4’20, je ne m’inquiète pas outre mesure vu que ça correspond à ma stratégie même si je suis un peu étonné de ressentir un effort un peu plus grand qu’attendu (je me rassure avec l’expérience de mon lointain dernier semi où la première moitié de course avait été exigeante avant de devenir beaucoup plus aisée). Néanmoins je ne capte pas deux signaux qui auraient dû m’alerter : la montre bipe au tour largement après les panneaux kilométriques, et en discutant avec un gars à un moment il me dit que selon sa montre on tourne à 4’16 alors que la mienne est toujours sur 4’20-4’21. Bref, probablement du fait de la couverture nuageuse épaisse et basse qui trompe le signal gps, ma montre sous-évalue la distance et donc l’allure. Mais comme le meneur d’allure 1h30 reste devant nous je considère que je suis nécessairement un peu au dessus. Pour ne pas m’exciter je mets l’écran de la montre au tour et non pas sur l’estimation du temps final ni sur celui de l’allure totale moyenne.

 

Sur la seconde partie de la course je ne me souviens plus trop la moyenne affichée mais je pars sur l’idée que je dois rester sur un objectif de 4’20 en essayant si possible de bouffer un peu de gras sur la suite histoire de faire moins mais que ce sera donc de toute façon compliqué de faire en dessous de 1h30. Le meneur d’allure que je rattrape tout en restant quand même à une dizaine de seconde me conforte dans cette analyse. Un temps je me dis que je devrais pouvoir me mettre dans sa semelle, me reposer derrière, et ensuite tenter de le doubler au sprint final mais je ne parviens pas à réduire l’écart et la fatigue commence à monter. Au 21eme alors qu’on longe le port et qu’il y a un peu de public (le temps maussade a découragé les gens de se mettre sur le reste du parcours) je gueule que j’en ai marre, les gens m’encouragent en me disant que c’est la fin, j’arrive en effet sur la portion finale avec le tapis rouge, des gens crient, je n’ai pas le temps de chercher des yeux ma femme et mes enfants que je ne vois pas. Entre-temps j’ai remis ma montre en mode temps final et j’aperçois une estimation a 1h30 et des poussières, je pousse un sprint et franchi la ligne en coupant le chrono.

 

J’ai quelques montées de larme parce que c’est quand même un sacré effort, je me dis que ce ne sera pas un sub pour cette fois-ci mais que globalement c’est très satisfaisant. Je suis plutôt fier mais néanmoins ma joie n’est pas débordante. Je récupère mon sac et je sors du village pour me changer et retrouver ma femme et les gosses. Elle me passe un coup de fil, ils m’ont raté en arrivant a 1h32. Le temps qu’ils me retrouvent je me change, je n’ai toujours pas enregistré la course, je vois vaguement 1h29’46 qui défile sur le cadran mais je n’y prête pas vraiment attention en me disant que ce n’est pas le chrono de ma course mais celui de l’estimation finale. C’est évidement débile et surtout contradictoire avec la situation mais je ne percute absolument pas et en reste avec les estimations d’allure erronées données tout le long de la course et l’idée que le meneur est resté devant moi. Je n’ai pas eu non plus la présence d’esprit de regarder le chrono de la ligne d’arrivée (il faut dire que si à Cannes dans mon cas il n’était décalé que de 9secondes par rapport à mon temps réel la plupart des courses auxquelles je participe c’est plusieurs minutes et donc il ne signifie généralement pas grand-chose).

 

Je finis par enregistrer la course, la laisser se synchroniser avec le smartphone. Sur la page Strava je vois que le kilométrage est sous évalué, je commence à me désoler que je ne vais même pas avoir un PR vu que j’ai pas 21.1km au compteur, qu’il va falloir corriger la distance. Je vois les premiers commentaires sympa des amis mais je ne réponds pas tout de suite parce que je suis encore à la masse. Et puis je percute en allant chercher la voiture que mon chrono indique 1h29’46 (corrigé ensuite à 44’’ réel) et que c’est bien le chrono de la course qui démarre et s’arrète avec les lignes de départ et d’arrivée. Je n’arrive pas à y croire parce que les informations partielles ne vont pas dans ce sens, mais je me raisonne en me disant qu’un chrono c’est un chrono et que par définition c’est le seul truc fiable que mesure une montre. Bref je ne vais pas épiloguer plus sur le temps que ça m’a pris pour rassembler le puzzle mais clairement sur ce semi marathon j’ai tourné à 4’15 sans jamais le savoir...

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