Récit de la course : Ultra Tour des 4 Massifs - XTrem 160 km 2021, par Franch

L'auteur : Franch

La course : Ultra Tour des 4 Massifs - XTrem 160 km

Date : 16/7/2021

Lieu : Grenoble (Isère)

Affichage : 2810 vues

Distance : 169km

Objectif : Se défoncer

9 commentaires

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Un UT4M Xtrem au pied levé

Et pourquoi pas l’UT4M?

Mai 2021, pas la grande forme, pas d’objectif sportif si ce n’est une vague place en liste d’attente pour la Terminorum, j’éprouve le besoin de trouver de la motivation et de m’accrocher à quelque chose. La Terminorum après avoir été potentiellement décalée en juillet est annulée, c’est le moment où je vois une annonce pour un dossard UT4M XTrem.

 

J’ai couru le challenge en 2017, apprécié l'expérience mais malgré le côté “course à domicile” le format ultra ne me fait pas envie, pas assez montagnard, trop gros événement. Le tarif du dossard d’occasion me décide (un reliquat de la course de 2019 annulée, replacé en 2020, annulée à nouveau), sur un coup de tête je signe. Nous sommes le 17 mai, dans 2 mois je dois être prêt pour un ultra. 

 

J’attaque sérieusement l'entraînement fin mai, il reste 45 jours. Ou plutôt il reste 30 jours d'entraînement et 15 jours d'affûtage.

Ah et puis en fait je ne suis dispo qu’un week end sur 2. La stratégie est posée avec le coach, week end choc X3, boostés par des trajets boulot en courant. J’en profite pour faire quelques reco, un RTT pour Belledonne, un samedi pour faire le Vercors depuis la maison. Les sorties en Chartreuse sont nombreuses mais je privilégie des itinéraires qui me font rêver, j’ai l’impression de ne pas avoir besoin de cette reco (spoiler : c’est faux). 

Tant pis pour le Taillefer, trop compliqué en logistique, même si j’y passerais de nuit, je ferais sans.

 

Le Roadbook est ficelé, très ambitieux, 28 heures dans mes rèves, et comme j’aime pas faire les choses à moitié je participe à l’étude du labo UT4M : https://www.20minutes.fr/sport/3083267-20210715-ultra-trail-ca-ajoute-utilite-defis-debiles-pourquoi-coureurs-ut4m-si-suivis-medicalement

Je vais donc devoir faire des examens avant et après et permettre un suivi glycémique à chaque base vie. Je devrais décrire ce que j’ai bu et manger sur les sections qui précèdent ces bases vie. 

 

On m’a vu dans le Vercors, faire péter l'élastique

Départ repoussé de 16h a 16h40, comme tout le premier tiers des coureurs je suis en sas 3. Cela implique un décalage de la portion de nuit (plus question d’arriver de jour à Vif) mais surtout de devoir doubler les 400 coureurs partis avant sur la montée du Vercors.

Après un premier relevé de glycémie je papote avec les copains et avec Casquette Verte rencontré la veille.

Le départ est rapide, comme toujours, j’en rigole avec les autres mais ça ne m'empêche pas de suivre malgré tout. Cette première portion est mon terrain de jeu, je connais chaque caillou, chaque racine et je sais quand il faut marcher, on est parti pour une longue journée.

Ca double pas mal, je sais que ça sera plus compliqué au tremplin et j’ai prévu de temporiser. Mais une fois sur place je cède à la dynamique et je remonte les coureurs des sas précédents. 

Je temporise légèrement pour limiter l’emballement du départ mais je sais que je suis sur un rythme rapide.

Avant Le Moucherotte j’aurais dépassé quasi l’intégralité de ces 2 premières vagues.

La descente vers Lans se fait à grande foulée, j’y fais ma première pause ravito pour remplir les flasques. Je ne prends rien à manger, j'ai prévu d’être autonome sur ce plan.

Montée au Pic Saint Michel il pleut mais la veste ne sort pas, elle restera rangée toute la course.

Dans la descente vers Saint Paul de Varces je joue la prudence dans la bouillasse, je n’aime pas garder les bâtons en descente mais je regrette de les avoir rangé, quelques glissades, je me fais un peu doubler. La bifurcation de 7km pour éviter un passage dangereux ruiné par le 40km Vercors la veille me permet de regagner ces places. Faut dire que quand je regardais la montre ça galopait à 4 min au kil.

Une pause remplissage à Saint Paul, on sors la frontale et je m’attaque serein à la dernière bosse du massif.

 

Vif - km 47 (+7) temps : 6h06, (prévu 6h), 8ème, 16 min de pause (prévu 20)

 

Première base vie, l’équipe de recherche m’attend, c’est royal ils font office d’assistance et me remplissent sac et flasques pendant que je me change. Je repars avec Seb qui est parti sur son premier ultra et qui devait en théorie rester derrière moi, il est pas au top et lâchera rapidement.

Taillefer, à La Morte je suis Zombie

De la boue partout, ce massif devait se courir de nuit mais les conditions sont compliquées. Le terrain gras, le brouillard qui permet à peine de voir ses pieds, je prends sur moi et me ferme dans ma bulle de lumière. 

Les conditions sont épuisantes mentalement, impossible de savoir quand relancer, la concentration sur les appuis est très présente.

Un coureur me rattrape en montant vers La Morte, on avance en discutant, il a couru le 40 Vercors la veille, il regrette et je comprends.

Le brouillard rend l’orientation difficile, on perd quelques minutes en ratant une balise.

Il me lâchera au ravito de La Morte, j’enrage en sortant de ne pas trouver l'itinéraire, je replacerais des balises en pestant.

La montée au pas de la Vache permet d’avoir un aperçu sur ceux qui nous précédent et nous suivent, j’avale cette côte motivé et concentré.

La descente qui suit s’avère très compliquée avec le brouillard, je suis tout en retenue, je ne vois jamais 2 appuis consécutifs, impossible d’anticiper. Un coureur que j’ai semé avant de descendre dans le nuage me rattrape et partage son astuce de garder la frontale à la main le plus bas possible. Merci.

 

Au Poursollet le jour se lève, je double la première féminine, partie vague 1 avec 40’ d’avance je suis impressionné. 

Dans la côte qui suit je reprend casquette Verte, c’est un zombie qui dort sur ses bâtons, je l'emmène avec moi. On papote pour passer le temps, il me raconte qu’il a fini dans un des lacs la dernière fois, on en rit. Cette année le plateau entier est un lac j’ai arrêté d’esquiver les flaques je trace dedans, les pieds sont déja trempés de toute façon.

On descend pleine balle sur Riouperoux, Casquette Verte sur mes talons je suis motivé à semer le parisien, il est motivé à suivre.

 

Riouperoux - km 97 (+7) temps : 15h01, (prévu 14h15), 7eme, 23 min de pause (prévu 30)

 

Deuxième base vie, c’est l’heure du hold up, faire croire au corps qu’on vient juste de se lever et qu’on attaque une nouvelle journée. Le staff de l’étude est là mais je me débrouillerais pour l’assistance. 

ça fait 8h que je me répète que j’ai oublié de déclarer certains trucs ingérés précédemment, je me débarrasse de cette charge mentale.

Je change de chaussures pour une paire complètement neuve.

Casquette verte repars avant moi et il dit m’attendre dans le KV, je tarde un peu en faisant une pause technique et je sors au moment du départ du 40k Belledonne, c’est un bonus du décalage de 40 minutes au départ.. 

Belledonne, tu as toutes les cartes en main

Dans mon plan de course tout commence ici, je suis mentalement remonté, prêt à attaquer ce massif sauvage ou j'apprécie la solitude. Ca ne sera pas pour aujourd’hui, il y a la foule des grands jours, avec les différents formats c’est la fête du trail mais je me surprend à apprécier.

Après les 400 dépassements de la veille à mon tour de me faire doubler, mais contre toute attente les dépassements sont assez facile dans ce KV. 

Et vu que les challenge sont partis avant c’est festival dans cette bosse. Un 40 me double, je dépasse 2 challenge, je suis euphorique et raconte une blague à chaque fois.

La boue qui me macule montre que je ne viens pas de prendre le départ et les encouragements sont nombreux.

J’arrive sur le plateau d’Arcelle content de mon rythme, bien dans mes chaussures sèches jusqu’à ce que je vois que les traceurs du BCA sont passés dans la tourbière. C’est plat mais je marche tout en pestant contre cette tranchée débile sur un espace protégé et en essayant de garder les pieds secs. Raté.

Je suis concentré, dans ma course, je lèverais peu les yeux et j’avoue ne pas être sur de la météo lors de mon passage.

Croix de Chamrousse, la foule, beaucoup de spectateurs, il faut faire un AR c’est convivial mais je ferais encore une pause express, je remplis les flasques et je file.

Je retrouve le brouillard dans la montée du Loup, j’y trouve tout de même par hasard un pote qui fait le GR738, magique.

Je commence à avoir des maux de ventre, une pause s’impose, facile de trouver un bloc derrière lequel se planquer. Je prend un Smecta pour prévenir, grosse erreur.

Je ne réaliserais que des heures plus tard pourquoi mais le coup de mou qui suit est monstrueux, je m'alimente bien mais le jus ne vient pas. L’estomac tapissé d’argile, le médoc fait son effet, au contraire de tout ce que j’assimile.

Je perds de longues minutes à me traîner dans cette montée, probablement une demi-heure de perdue ici.

Je me refais la cerise en descendant au refuge de pré Mollard, je prendrais le temps au ravito pour un café que je déguste assis dans l’herbe. 

Je repars le couteau entre les dents, 2000m de D- il est temps de faire parler mes qualités et d’arriver sur-motivé pour traverser la vallée. Ce passage m’a traumatisé lors du challenge en 2017, le grésivaudan en plein cagnard n’est pas une partie de plaisir.

Après une longue descente avec un gros rythme, le choc thermique est violent, je retrouve le soleil. Le plein d’eau à Villard Bonnot, un buff mouillé autour du cou je suis bien décidé à courir l’intégralité de la traversée, ce sera fait, a 10 de moyenne certes.

 

Saint Nazaire les Eymes- km 140 (+7) temps : 23h16, (prévu 22h15), 3ème, 20 min de pause (prévu 30)

 

Je retrouve le staff complet de l’étude pour un nouveau test de glycémie et un debrief des choses ingérées. Je change de chaussettes et de T shirt pendant que des chercheurs remplissent flasques, poches et réparent un cordon de mon sac.

Chartreuse, trop tôt pour boire un verre

Je repars motivé, mais distrait, je prends le temps de discuter avec un pote qui passe à vélo, je me sais 3eme mais je sais que le 4eme est juste derrière, je l’attend.

Je retrouve donc Casquette Verte et on attaque ce dernier massif en papotant, il blague sur le fait que le coureur en tête est un Breton, le 2eme un Nordiste et qu’il mettrait bien un Parisien en 3eme. On discute du final, de terminer ensemble, dans ma tête la course est bouclée, sans Chamechaude la Chartreuse est une promenade, grosse erreur.

 

La montée se fait en se callant derrière des coureurs du Master 100, ça discute et ça blague à tout va, la concentration est réduite à néant. Le rythme de minimum une barre par heure d’avalée est abandonné.

Après le col de la Feita dans ma tête on descend au Sappey, je connais c’est direct, en réalité les coups de cul s'enchaînent, je maudit Claude qui a tracé ce parcours. 

Depuis 2h tout ce que j’ai mangé est de la pastèque à l'emeindra ça ne suffit pas, je prend un coup de bamboo et le temps de refaire un lacet Casquette Verte est parti.

 

Je rage et je peste de mon erreur, je mange mais il est trop tard. La fatigue s’est installée, pour la première fois j’expérimente des bugs du cerveau liés à l’épuisement je vois des animaux et des gens dans chaque arbre, chaque rocher.

Les coups de culs qui n’en finissent pas pour rejoindre le Sappey m’enervent et j’ai du mal à reprendre ma concentration.

Heureusement des messages reçus me remotivent. Quand j’allume mon téléphone je reçoit des vagues d’encouragement, du monde vit un moment de sport par procuration sur livetrail, ça me rebooste. Je comprends que les copains veulent me retrouver à la Bastille, j’en ai les larmes aux yeux, la fatigue est là, il n’y a plus de barrières.

 

Dans la descente du Saint Eynard j’allume la frontale, à fond, avec la perte de lucidité je crois voir des néons dans les zones réfléchissantes des balises, il est temps de finir ce chantier.

 

La remontée vers Jalla est dure, impossible de courir intégralement, moi qui suis nul pour courir en côte je me force pour alterner marche et course.

 

La frontale montre des signes de faiblesse mais impossible de changer la batterie elle est coincée. Je fais une pause pour essayer de la changer et au moment de repartir le genou droit est bloqué, impossible de courir, je marche en descente dans la douleur avec un faible éclairage. ça va être long à ce rythme…

Je retrouve les copains et mon genou au même moment, les douleurs disparaissent et l’envie de finir au plus vite prend le dessus. La ville me tend les bras et j’entend le speaker au loin.

Je descends la Bastille au mieux puis viens le circuit qui fait le tour des rues commerçantes, interminable. Un rail de peinture qui serpente ça parait facile à suivre, avec ma lucidité du moment c’est un combat.

 

Je franchi la ligne dans le calme, le coin est désert, le speaker a fini pour la journée, seuls les copains et le staff de l’étude sont là.

 

Grenoble - 30h43 - 4ème

 

Quelques minutes pour souffler et je dois répondre aux sollicitations de l’étude, glycémie, prise de sang et un garrotage de la cuisse qui ne sera pas une partie de plaisir.

 

Et enfin je peux aller partager une bière avec les copains, le chantier est fini mais étrangement j’ai du mal à être satisfait.

 

Avec le recul je suis content et fier de la performance, je prend conscience de la difficulté du bordel avec les conditions de cette année. La 4ème place me frustre un peu sachant les erreurs commises mais ce sont des leçons à tirer. 

Le plus important est la fierté de sentir du monde derrière son écran qui a vibré devant le suivi live-trail comme devant n’importe quel sport live. Je me sent réconcilié avec cette course, l’UT4M est une belle fête du trail.








9 commentaires

Commentaire de Zucchini posté le 06-10-2021 à 16:26:58

Beau récit, mais perf plus belle encore ! Si ça se trouve, vu que j'ai croisé casquette verte après St Nazaire, on s'est croisés. Bon enfin je suis content de tes dernières lignes, lorsque tu dis que l'UT4M est une belle fête du trail, je suis d'accord. Un brin trop diversifié, mais après ce qu'on a vécu (ou pas) durant ces 18 derniers mois, avoir un tel événement avec autant de monde fait du bien! Et vive la pastèque, même si ça ne nourrit pas son homme !

Commentaire de Franch posté le 07-10-2021 à 09:54:17

Merci ! Vu ton récit j'ai du te doubler dans le grésivaudan ou on a du être au même moment a la base vie

Commentaire de Rich posté le 06-10-2021 à 20:59:21

Encore bravo pour cette superbe perf. Ça se présente bien pour être retenu pour la Terminorum 2022. Un duo Kikourou avec Niko3006 ça aurait de la gueule et ça pourrait aller loin.....

Commentaire de Franch posté le 07-10-2021 à 09:55:50

Merci Richard ! Je doute d'être pris cette année, j'étais encore loin sur liste d'attente ça ne devrait pas bouger, mais j'ai déja ma blague de candidature ! Toujours est-il que même pris je n'ai que peu d'ambition pour la Terminorum va falloir réaliser l'ampleur du bordel une première fois

Commentaire de elnumaa[X] posté le 07-10-2021 à 09:38:27

merci pr ce partage , très bon esprit Franch ;-)

ahah " 2ièm base vie, c’est l’heure du hold up "" j'adore la formule , et surtout le concept ! exactement ça , l'ultra c'est un "duel tripartite" sans merci corps-esprit-émotion !!!
sacré perf qui ne me surprend pas vu ton potentiel .. tes qq erreurs de débutant seront corrigées ds le tps , ça promet pr la suite !!!
et oui livetrail c'est génial et très addictif derrière l'écran
@++

Commentaire de Franch posté le 07-10-2021 à 09:57:04

Merci ! L'ultra c'est un apprentissage constant même si ça n'empeche pas de refaire les mêmes boulettes, du coup j'essaye d'en garder une trace pour m'en rappeler avant le prochain :-o

A bientôt en Belledonne ;-)

Commentaire de elnumaa[X] posté le 07-10-2021 à 09:49:28

merci pr ce partage , très bon esprit Franch ;-)

ahah " 2ièm base vie, c’est l’heure du hold up "" j'adore la formule , et surtout le concept ! exactement ça , l'ultra c'est un "duel tripartite" sans merci corps-esprit-émotion !!!
sacré perf qui ne me surprend pas vu ton potentiel .. tes qq erreurs de débutant seront corrigées ds le tps , ça promet pr la suite !!!
et oui livetrail c'est génial et très addictif derrière l'écran
@++

Commentaire de truklimb posté le 03-11-2021 à 11:13:58

Merci pour le récit, je l'avais loupé, et gros bravo pour la perf' de malade ! On a clairement pas vécu la même course !! ;o)
Quand tu m'as annoncé 28 heures dans le sas de départ, je me suis dit que tu étais ceintré ! Et puis finalement tu en es pas si loin malgré les conditions horribles, chapeau bas m'sieur !!
PS : j'ai bien fait de ne pas aller faire la reco dans le Vercors avec toi !! :oD

Commentaire de Franch posté le 03-11-2021 à 15:42:32

Merci ! Au plaisir de partager une sortie une prochaine fois (je sais aller doucement aussi ;-) )

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