Récit de la course : L'Echappée Belle - Intégrale - 149 km 2019, par IziiJon

L'auteur : IziiJon

La course : L'Echappée Belle - Intégrale - 149 km

Date : 23/8/2019

Lieu : Vizille (Isère)

Affichage : 3032 vues

Distance : 149km

Objectif : Objectif majeur

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EB 2019 : Du rêve inaccessible à la réussite d’une traversée

Un peu Nostagique de 2019 et avec les regrets de pas avoir pris de dossards pour l'édition très spéciale de cette année 2020, je viens de voir que je n'avais toujours pas mis en ligne mon récit, du coup je poste ça là

P’ti rappel des ingrédients pour une bonne Échappée Belle (EB) :
2016 : découverte du mot "ultra-trail" et découverte de l'Echappée Belle à travers les expériences d'une collègue de boulot, Adeline. => Ma réaction : "jamais je ferais ça"
2017 : Adeline m'offre l'occasion d'être son Pacer, objectif finir les 85 derniers km avec elle. Elle m'embarque dans une partie de sa prepa, je découvre les sorties longues. Au final je l’accompagnerais 50km 5000mD+ sur 19h et toucherait à mes limites. Mais c'est en la voyant sonner cette cloche que le rêve néé. Secrètement, Je me laisse 2 ans pour me préparer à l’intégrale.
2018 : Année de transition, 1er ultra sur la Maxi Race (85km 5275mD+), l'ut4m challenge (170km 11700mD+ en 4jours). Des résultats variés mais l'essentiel est là : j'encaisse très bien l'augmentation de volume.
2019 : L'Echappée Belle comme objectif majeur de l'année, 2 objectifs secondaires : le 90km du mont blanc en point intermédiaire sur la prépa EB et le marathon d'annecy. Bilan du 1er semestre = échec chrono sur les deux 1ers objectifs mais de la confiance accumulée sur toute la prépa, un plaisir intact sur toutes les sorties longues malgré la répétition des efforts, des résultats plus que satisfaisant avec une nette progression sur des formats courts sans prépa spécifique et surtout la sensation d’être prêt à l'approche du départ.

Prévision de course :
En étudiant les résultats des précédentes éditions, surtout de 2017 avec l'intégralité du parcours, 2018 ayant été amputé de la Croix de Belledonne, de l'Aigleton et du Moretan, je me suis fixé un objectif de 41h.
La grande inconnue sera la gestion du sommeil, comment vais-je réagir à un effort de 40h ? Où et quand vais-je dormir ?
J'ai ainsi prévu en conséquence toutes mes pauses (pour dormir ou autre) et tous mes ravitaillements : 2 flasques de 500 ml, à remplir si besoin dans les ruisseaux, 3 barres et 3 morceaux de pains du montagnards, 1 gel, 1 compote (stock à renouveler intégralement à chaque base vie).
 
Jour J : Vendredi 23/08/19
Après un coucou rapide à Bruno Lavit, qui me rencarde sur les points où il faudra sourire pour avoir sa photo souvenir, j'entre dans le sas de départ pour les dernières minutes d'attente avant le lâcher des fauves. L'émotion est déjà très forte, rien qu'être présent sur cette ligne de départ constitue un aboutissement, le dernier point d'une préparation entamée 8 mois plus tôt. Le briefing se veut classique et rassurant : pas de point météo, elle sera parfaite, "gestion, gestion, gestion", et le rappel à tous que 1 personne sur 2 présents ici ne sonnera pas la cloche, ça calme (intérieurement je suis déjà persuadé d’être dans la moitié finisher, pas de place aux doutes).
Vendredi 6h02 – Vizille - KM0 / +0m / 00:00 de course
3,2,1,.....EB2019 c'est parti !
Le départ n’est pas si rapide, même en tête, je vois François D'Haene pas si loin. Je pensais qu’il partirait plus vite.
De mon côté les 2 premiers km à plat me servent d'échauffement, je cours sans forcer, tout en confort, le peloton des 550 partants s'étire peu à peu mais reste très dense.
Je sors et déplie les bâtons et entame la montée toujours en confort sans forcer plus avec une marche tout aussi efficace qu'économe en vue du programme à venir. Je trouve rapidement mon rythme et essaye de rester le plus régulier possible sans tenir compte ni des gens qui doublent en accélérant ni des gens qui sont partis trop vite et qui commencent déjà à ralentir brusquement.
Je suis par contre déjà contraint de m’arrêter à peine cette montée entamée car j’ai oublié de désactiver mon réveil qui se met automatiquement à sonner à 6h45. Donc un petit arrêt pour sortir le téléphone du sac et couper le réveil. Une pause qui m'aura tout de même laisser le temps de voir défiler une bonne cinquantaine de coureurs. Je me dis que c'est un mal pour un bien, ça me forcera à baisser encore légèrement mon rythme pour être sûr de ne pas me griller.
 
Vendredi 7h09 – Mont -sec – KM 6,2 / +850m / 1:07 tps course (1:10 prévi ; -3min)
Premier Checkpoint j’avais prévu de passer en 1:10 à Montsec c’est chose faite, avec même une légère avance, alors que j’ai vraiment l’impression de me freiner. Tous les voyants sont au vert.
On retrouve une légère portion de route plate qui permet de dérouler un peu, je profite de toutes ces portions où je me sens le mieux – merci la prépa marathon :) - car je sais qu’il y en aura très peu sur cette course.
Sans m’en rendre compte j’arrive ainsi très rapidement au col de la Madeleine, où je croise un premier visage connu au bord du chemin, il s’agit de Rémy Marcel qui donne de la voix pour encourager tous les concurrents.
Je profite de ce passage pour engloutir ma première barre au chocolat. Maintenant direction l’Arcelle avec un passage au Luitel.
La pente est beaucoup moins forte que sur la première partie ce qui permet soit de s’économiser, ce que je ferais, soit de relancer comme les premiers le font devant, creusant ainsi des écarts déjà conséquents.
Vendredi 8h33 – L’Arcelle - KM 16,7 / +1570m / 2:30 course (prévi 2:40; -10min) 81ème
Passage à l'Arselle dans une ambiance de folie, pour le 1erravito. Je lance mon rituel de ravito bol/flasque : un bol de soupe à avaler sur place et refaire le plein des flasques (1 eau et 1 boisson iso).
Moins de 5min plus tard je suis déjà reparti en direction du lac Achard.
Je suis passé en 2h30 sans même forcer, j’ai déjà 10 minutes d’avance sur mes prévisions.
On rentre dorénavant dans la vraie partie montagne, celle qui caractérise l'EB. La portion jusqu'au lac Achard est une très bonne transition avec l’entrée progressive dans les cailloux Belledonnien et des passages de plus en plus technique.
On arrive au lac Achard, pas le plus beau du parcours mais qui ne laisse pas insensible non plus : je savoure la chance qu’on a aujourd’hui, en pensant aux participants de l’année dernière qui avait traversé quasiment l’intégralité de Belledonne dans la grisaille.
Je suis maintenant, jusqu’à La Pra, dans la portion que je maîtrise le plus pour l'avoir très régulièrement pratiquée entre sortie off, randonnée, Trail de chamrousse et ut4m.
Sous le col de la botte c’est l’occasion de retrouver pour la première fois Bruno qui m’offre un magnifique cliché. Je suis content de le voir, sa présence est toujours rassurante et très sympathique, il trouve que je suis bien, il n'y a donc plus qu’à continuer comme ça !
Le passage en relance entre les deux cols est tout ce que j’aime dans le Trail: du single technique dans un cadre minéral exceptionnel où on peut courir relativement « vite » en jouant avec les rochers qui jouxte le sentier.
C’est donc avec entrain que j’enchaîne avec la descente sur les lacs Roberts, première zone de difficulté technique.
Emporté dans mon enthousiasme, j’y arrive trop vite et connais ma première chute dans un bloc de pierre légèrement humide. Pas de casse, le concurrent qui me précède a réussi à me rattraper, fort heureusement et je l’en remercie. Un avertissement pour me rappeler qu’ici c’est bien la montagne qui commande.
 
Vendredi 9h38 – Lacs Roberts - KM 22,6 / +2120m / 3:35 course (prévi 3:40; -5min)
Je traverse alors les lacs Robert puis poursuis la descente en direction du lac Léama.
Au croisement de la séparation avec le lac David où l’ancien tracé EB passait, nouveau visage connu qui fait du bien c’est Mathieu!
Ça descend puis ça remonte et on déboule sur les lacs. L’eau est toujours aussi transparente à chaque fois, le Leama, le Longet puis le claret et on a déjà le refuge de La Pra en ligne de mire.

Vendredi 10h38 – Refuge de La Pra - KM 27,3 / +2453m / 4:35 course (prévi 5:00; -25min) 68ème
J’avais profité des petites remontées pour avaler ma deuxième barre de la journée. Arrivé à La Pra je n’ai pas je n’ai donc pas faim ce sera un ravito express avec le classique bol/flasque.
Les sensations sont bonnes je ne m’enflamme pas pour autant et je poursuis mon bonhomme de chemin.
Me voilà devant la première grosse difficulté du parcours une première traversée dans des blocs caillouteux pour rejoindre le lac du petit Doménon en longeant une cascade. Une portion physique, difficile, mais finalement très courte et rapide à passer.
Physique et difficile c’est également ce qui m’attend, après les lacs des Doménons, pour monter la où habituellement se trouve un névé dit de la grande pente. C’est le passage le plus raide depuis le début de la course, mais finalement très vite passé également. La fin de son ascension est d’autant plus plaisante que j’y suis accueilli par Estelle qui m’attend en poussant de la voix pour m’encourager, elle qui a bien choisi son jour pour randonner à la Croix de Belledonne^^.
Au croisement avec le chemin qui part en direction du col de Freydane on croise les plus rapides qui redescendent déjà de la Croix de Belledonne. Alors que j’entame la montée finale c’est Lucas Papi qui en termine avec cette descente, 1er en duo, le tout avec sa décontraction légendaire.
Cette montée n’est pas forcément difficile mais l’altitude pèse sur l’effort. On passe au plateau rouge et la vue au loin de la croix qui nous attend remotive à vite l’atteindre. J’en profite pour me descendre une compote.
Vendredi 12h13 – Croix de Belledonne - KM 32,1 / +3242m / 6:10 course (prévi 6:30; -20min) 84ème
Arrivé au sommet, petite séquence émotion au moment de toucher la croix pour « mettre l’amour au sommet » ….Une grosse pensée pour tous ceux que je porte haut dans mon cœur et que je monte donc au sommet sur cette croix. Cette course sera aussi pour eux, pour les rendre fier, être à la hauteur de tout le soutien qu’il m’apporte... L’émotion m’envahit rapidement dans la descente sur le Lac Blanc via le col de Freydane, mais « heureusement » le terrain me rappelle vite à l’ordre, par sa forte pente et son pierrier piégeur. Je baisse mon rythme, me reconcentre en gardant en tête que je ne suis qu’au début et que la route est encore longue.
C’est là que débute un défilé d’encouragement de têtes connues qui font grand bien au mental Thierry puis Lionel puis quelques kikou et des bénévoles rencontrés sur le FestiTrail Chartreuse.
 
 
Alors que jusque-là je connaissais l’intégralité du parcours, j’arrive sur l’une des seules portion que je n’ai jamais parcourue. Je découvre donc le single aérien et parfois exposé qui va nous mener au refuge. Dans cette légère remontée je me fais déposer par un traileur en simple sortie qui m’encourage par mon prénom. Il s’agit en fait d’un collègue de Liess, il reste un peu avec moi m’encourage et me félicite ça fait du bien et puis ça me reboost à rejoindre le plus vite Liess et Fredqui sont postés au col de l’aigleton.
 
Vendredi 13h27 – Refuge Jean Collet - KM 38,2 / +3333m / 7:24 course (prévi 8:00; -36min) 85ème
Découverte du refuge Jean Collet, de sa soupe, pour moi la meilleure du parcours !
C’est le premier ravitaillement où je prends bien le temps de me poser, de bien boire et bien manger : une soupe, du saucisson, du fromage, des verres de coca.
Je m’accorde une petite pause à l’ombre et fait la rencontre bien sympathique d’un couple qui attend leur fils apparemment en retard sur ses prévisions. Je les rassure vaut mieux qu’il arrive ici en retard pour mieux finir plutôt que l’inverse.
Après 15 minutes de pause bienfaitrice J’attaque la montée du col de la mine de fer et son enchaînement réputé technique sur la brèche de roche fendue.
Première légère baisse de forme dans la fin du col de la mine de fer. Quelques coureurs me dépassent, ce qui ne m’était pas arrivé depuis l’Arcelle mais ça ne me pose aucun problème je reste dans mon rythme certes pas rapide mais confortable est suffisant. Par contre la bonne surprise, c’est que je m’attendais à effectuer cette montée dans un pierrier il n’en est rien il s’agit d’une montée plutôt classique en lacets avec une pente relativement douce.
Une fois le premier col passé, légère descente avant de remonter sur le passage à la Brèche de Roche fendue et d’arriver véritablement sur LE « bordel » !
Effectivement rien n’est rangé des cailloux à droite à gauche en travers ! J’adore ça ! J’attaque la descente et il s’agit maintenant de jouer avec ces pierres, de sauter de rocher en rocher. C’est exactement pour ça que j’adore Belledonne.
Cette portion n’est finalement pas pour moi la plus technique de la course j’ai en revanche été bien surpris par la difficulté de la descente entre le col de Freydane et le lac blanc.
Je remets donc du rythme d’autant plus que je reviens sur les portions que je connais car déjà effectué en reco. Je sais donc que ce passage peut être assez long, car plein de relance, si je ne parviens pas à courir jusqu’au Habert. J’opte donc pour une petite foulée économique pour garder du dynamisme sans me cramer.
Arrivé au Pas de la coche il n’y a donc plus qu’à se laisser descendre jusqu’au ravito bien mérité du Habert d’Aiguebelle.
 
Vendredi 16h02 – Refuge Habert d’Aiguebelle- KM 47,1/ +4085m / 10:00 course (prévi 10:40; -40min) 89ème
Un ravito qui fait grand bien au moral et au corps : du monde pour garder la motivation et de la bonne soupe pour redonner des forces pour attaquer le plat de résistance qui se présente.
J’ai du mal à me jauger, je me sens bien, je ne pense pas avoir pris un départ rapide mais je sais que je suis plutôt devant vu les ptis numéro de dossards présents autour de moi (n° attribué par côte ITRA, le plus petit étant le coureur avec la meilleure ITRA, François d’Haene et son dossard 1).
Le prochain objectif en vue est le Pleynet, 1ere base vie, mais pour ça il reste 2 cols corsés à passer : l’Aigleton puis la Vache.
Je connais l’enchaînement pour l’avoir fait en sortie reco avec François-Xavier en boucle depuis le Pleynet avec une cime de la jasse en bonus. La seule différence c’est qu’il n’y a plus de neige, il faudra donc terminer le Pas de la vache intégralement dans le pierrier.
La seule ?! C’est là que j’ai commis ma plus grosse erreur de course...ce n’était pas la seule différence, comment j’ai pu oublier qu’il fallait aussi que je tienne compte de tout le début de course déjà pesant.
Le retour de bâton ne s’est pas fait attendre. A peine sorti du ravito je me retrouve scotché, la pente est forte, la progression lente, et la vue de la destination à atteindre tellement lointaine que les traileurs qui y passent ne sont que des points. Comme une mauvaise nouvelle n’arrive jamais seul voilà que je commence à ressentir des débuts de nausée.
CALME…. Pas de panique, j’essaie de prendre un peu de recul sur ce coup de mou.
J’ai connu ça au mont blanc et je connais la solution....alors j’applique ma solution miracle : boire beaucoup d’eau et ralentir le pas mais ne surtout pas s’arrêter. Je traîne ma peine jusqu’au Lac venetier où un répit dans la montée me permet de souffler un peu. Puis c’est parti pour l’aigleton.
Mais ce n’est pas comme dans mes souvenirs ! M**** je n’ai peut-être pas dû faire l’aigleton comme je le pensais en reco mais une variante qui le contourne ?! Je ne reconnais absolument pas le mur qui se présente face à moi. Gros coup dur ! Au mental d’abord. Puis au physique quand je me retrouve contraint de marquer une pause dans un virage pour faire redescendre mon cardio qui s’emballe, et reprendre mon souffle. Allez ! C’est dans ces moments qu’il faut que je sois fort ! Je pense positif... « allez y’a Fred et Liess juste là qui t’attende ... Avance même lentement ça te rapprochera d’eux ». Je me parle tout seul, me remotive, me force. J’ai toujours cette envie de vomir qui revient, je me remets sur le côté. Je bois, je veux manger mais le sucré ne passe plus et je n’ai que ça... « Allez, repars faut pas que je reste là, il faut que j’arrive au col à tout prix ».
Un pas, un 2ème, c’est lent, moche, difficile mais j’avance. C’est tout ce qu’il faut pour atteindre le col, pas besoin de plus. Et j’ai bien fait car j’arrive en vue de Fred. Il me reconnaît de loin et me crie ses encouragements. Je me laisse porté par sa voix et avance comme je peux jusqu’à lui et Liess. Voilà enfin le col.
Vendredi 16h02 – Col de l’Aigleton- KM 49,6/ +4628m / 10:00 course (prévi 11:40; -40min)
Je m’arrête avec eux et leur explique mes difficultés. Je leur demande s'ils peuvent me dépanner un peu d'eau car pour éloigner les nausées j'ai beaucoup bu, et ai peur de me retrouver à sec beaucoup plus vite que prévu (je pensais refaire le plein au ruisseau sous le pas de la vache).
Rien que d'être là, ici, à ce moment, avec eux, me remonte déjà pas mal. Pour que je reparte encore mieux Liess me file une barre salée, pile ce qu'il fallait pour me changer mon goût en bouche et éloigner définitivement mes nausées. Et surtout ils me partagent leur expérience et trouvent les mots justes, les mots que t'as besoin d'entendre quand tu traverses ce genre de difficultés. Je ne m'attarde donc pas plus inutilement et repars doucement mais sûrement vers la dernière difficulté avant la base vie.
La courte descente pour rejoindre le GR me laisse le temps de me remettre dans la course, dans le flot de coureurs désormais bien étiré.
Une fois le GR atteint l’ascension du Pas de la Vache débute. 450m de d+ à avaler sur 2km, d'abord sur sentier, puis ensuite à travers un pierrier. Je tente de suivre un groupe qui me dépasse à l'entame de la montée mais mon souffle ne suit pas. J’entre alors dans ma bulle pour avancer aussi lentement que je le souhaite, sans me laisser perturber par le flot de coureurs qui me dépasse. Je vois enfin le col au loin, je le fixe, continue d'avancer vers lui avec rien d'autre en tête que l'objectif d'y arriver sans m'arrêter. Ce sera donc long mais je l'atteindrai enfin après 1h10 de montée sans rien lâcher.
 
Vendredi 18h54 – Col de la vache- KM 52,4/ +5087m / 12:52 course (prévi 13:00; -8min)
Soulagé d'avoir passé cette "dernière" difficulté je me laisserai redescendre comme si la course s'arrêtait au Pleynet, en misant sur la nouvelle santé que je pourrais me faire sur la base vie. Donc maîtrise en descente technique juste histoire d'éviter une chute bête et trot économique tout le long des lacs des 7 laux. Je retrouve rapidement des sensations, et même de la satisfaction en voyant que je reviens dans mes prévisions, au Pleynet, tout va repartir à zéro.
Je reprends plaisir à courir et savoure ces passages jusqu'à ce qu'un coureur me dépose au début de la descente du cul de la vieille. Il réveille mon instinct compétiteur et j'embraye dans sa foulée. On est au taquet et on avale les 800d- en une vingtaine de minutes.
Arrivé au chalet du Gleyzin, je le laisse filer. Débute alors une partie mentalement difficile car le ravito est juste en face à vol d'oiseau mais le tracé nous fait contourner tout le fond de vallée par une combe, pour rejoindre le Pleynet.
D'ailleurs ça râle de partout à propos de ce détour. C'est là que je rencontre Glen, un pyrénéen bien expérimenté, qui me donne le -très bon- rythme, on reprend quelques coureurs et on fond sur le Pleynet.
J'ai une pensée marrante pour mon assistance qui, depuis le suivi, voit simplement que je tiens les temps de passage annoncée et doit être bien loin d'imaginer l'état dans lequel je me trouvais à l'aigleton...C'est marrant d'ailleurs de se dire qu'à l'aigleton je commençais à penser que j'allais devoir revoir mon objectif à la baisse...Et que maintenant, j'étais revenu dans mes temps.
Ce sera un de mes gros enseignements de l'ultra, tout peut basculer tellement vite dans un sens comme dans l'autre, rien n’est jamais gagné, mais rien n’est jamais perdu non plus.
Bref, le temps de penser à tout ça on est déjà au Pleynet, où j'arrive à la tombée de la nuit, caché derrière Glen qui m'éclaire, ayant eu la flemme de sortir la frontale pour 500m....
Après des heures de tranquillité au cœur de Belledonne c'est le retour à la civilisation
 
Vendredi 21:10 – Pleynet (entrée) - KM 63,9/ +5311m / 15:08 course (prévi 15:00; +8min) 119ème
Des 1ères voix au loin c'est celle de Pierre-Alainque j’entends et reconnais en 1er, apparemment impatiemment, mais aussi...... et là c'est une énorme surprise qui me fait vraiment chaud au cœur...Sam', un frère de coeur est là juste pour moi !  Quel plaisir de les retrouver. J'ai tellement envie de leur raconter ce qui s'est -déjà- passé...mais le temps file et ils me le rappellent. J'avais prévu un ravito millimétré mais je prends finalement le temps de savourer ce moment avec eux.
On file au resto prendre l'assiette de pâtes, Gan', nous rejoint. Pendant que Morgane s'occupe de toute ma logistique, pleins des flasques, des barres, tout ce qu'il me faut pour affronter la nuit, c'est Caroline qui nous chouchoute dans le resto familial. Celui-là même où on avait pris plaisir à déguster une bière après une reco avec Fix et JJ, sous les blagues et anecdotes des proprios qui ont vécu toutes éditions de l’EB.
Le moral est au max, je resterai même bien là pour profiter simplement de la soirée avec eux.
Le temps continue de passer, pour le coup je ne suis absolument pas efficace, mais qu'importe, cette pause me fait un bien fou. J’aurais ainsi pris 1h30 d’arrêt au Pleynet au lieu des 45min max que je m’étais initialement fixé.
Une fois l'assiette fini, j'avais prévu de dormir, mais n'ayant pas sommeil, je vais plutôt mettre ce temps à profit pour me faire masser. Les kinés assurent et me laissent avec des jambes remises à neuf !
Pendant tout ce temps je me suis bien refroidi, on enfile donc nos vestes avec Gan, et c'est reparti pour les 85km du Nord de Belledonne.
 
Vendredi 22:41 – Pleynet (sortie) - KM 63,9/ +5311m / 16:39 course (prévi 15:45; +54min) 130ème
A peine 500m qu'on s’est déjà arrêté, trop chaud, on enlève la veste enfilée 5min plus tôt. Le temps est parfait, on part tranquille, parfait pour échauffer le pacer tout frais. Je prends ses ressentis, on s’accorde sur l’allure, et c’est parti pour de looooongues discussion sur tout et rien toute la nuit. Alors que quasiment tout le monde avance dans le silence on contraste complètement avec notre débit de paroles incessant.
Je trouve la descente très longue pour rejoindre l’attaque de la montée suivante, je ne sens pas la petite remontée à la cascade sur le chemin et on adopte du coup un léger trot tout en économie et en relâchement.
Encore des bénévoles même au milieu de la nuit, pour nous indiquer le chemin vers la montagne de Tigneux..
Je me souvenais et avais annoncé une montée raide type Kilomètre Vertical. Finalement ça ne grimpe pas si fort on monte de manière très régulière entrecalé entre 2 groupes jusqu'au 1er chalet de la Valloire. Ravito sauvage bienvenu sur ce poste, on prendra un petit café avant d’aborder la fin de montée puis de basculer sur le leat et gleyzin. Les groupes se sont dissipés et le rythme donné est trop lent donc on double pour progresser à notre (mon) rythme.
Fin de montée très vite avalée jusqu’à la bergerie puis c’est parti pour une descente en single pas des plus difficiles mais avec quelques pièges pour les pieds, il ne faut pas relâcher l’attention. L’arrivée au lac du Leat est magique, le lac est entouré de balise réfléchissante qui donne l’impression que le chemin flotte sur le lac. Plus qu’à plonger sur Gleyzin par la piste forestière et ça fera un nouveau morceau d’avaler. La descente est large mais raide, je veille à descendre en légèreté pour continuer de préserver mes cuissots On reprend régulièrement des places, sans se faire doubler, depuis notre dernière pause, ça fait du bien au moral.
 
Samedi 02h50 – Gleyzin - KM 80,6 / +6464m / 20:48 course (prévi 19:45; +1h03min) 127ème
Arrivé à Gleyzin je n’ai toujours pas sommeil mais j’ai peur de le payer plus tard si je ne dors pas alors on prend notre soupe et on tente de dormir....en vain...trop de bruit. Ce sera donc 20min de repos allongé mais tout aussi bénéfique. On a de nouveau pris froid à s’arrêter donc on renfile la veste et c’est reparti à l’assaut de la dernière longue montée : le Moretan.
On retrouve petit à petit nos repères même dans la nuit, on y était passé début août en reco, je crois même qu’on est plus rapide aujourd’hui, car une rencontre avec les patous nous avait fait dévier et perdre un peu de temps en reco. La 1ere partie jusqu’à l’Oule est vite avalée, pause rapide au refuge pour faire le plein d’eau et on poursuit l’ascension.
 
Samedi 05h00 – Refuge de l’Oule- KM 84,4 / +7199m / 22:58 course (prévi 21:35; -1h23min) 126ème
La 2e partie est un peu dure car d’abord très raide puis en plein pierrier ensuite. C’est à l’attaque du pierrier qu’on rattrape un petit groupe on s’y greffe puis le dépasse, c’est un rare moment où on retrouve du monde en course.
 
Samedi 06h16 – Le Moretan - KM 86,7 / +7853m / 24:13 course (prévi 22:45; -1h32min) 121ème
Moment qui ne dure pas puisqu’à la bascule au sommet on refait le trou dès la traversée du névé sous le col qui nous amène sur une magnifique descente en arrête dans une moraine. On rattrape d’autres concurrents sur l’arrête avant de remettre les gaz sur la partie roulante jusqu’au ravito de Perioule.
 
Samedi 07h11 – Périoule - KM 90,3 / +7856m / 25:08 course (prévi 23:45; +1h23min)
On y retrouve des têtes connues ça fait du bien. Laurieet Mat’ (encore une fois!) assure notre ravito, super soupe et patates salvatrices. On en profite pour ranger définitivement la veste, et on repart sans trop traîner pour profiter un maximum de la fraîcheur notamment pour la montée à la pierre du carré. La descente jusqu’à la piste de 4x4 est parsemée de passage technique mais nous permet dans l’ensemble de dérouler un semblant de foulée et de retrouver un peu de dynamisme.
 
Samedi 08h20 – Pied de la montée au refuge de la Pierre du Carré - KM 94,5 / +7866m / 26:17course (prévi 25:15; -1h02min)
On en profite car arrivés au pied de la montée on repasse en marche bâton, et ce pour une bonne heure nécessaire à avaler les 500d+ et aussi les framboises et fraises qui jonchent le chemin et offrent un ravito sauvage. Je me souvenais d’une longue montée sans fin en plein soleil, j’avais oublié sa raideur. Après chaque virage un coup de cul, qui nous laisse à chaque fois espérer un adoucissement de la pente, mais à chaque fois ça repart plus fort. On ne bronche pas pour autant, on est dans le bon tempo, notre tempo, on y reste et continuent sans relâche notre ascension. On croise un pacer qui descend chercher son coureur plus bas, il nous annonce la fin proche de la montée et le débit d’un single TRÈS technique pour nous mener à la 2nde base vie. Tiens...je me souviens d’un single en balcon, mais rien de technique...Le moral est au beau fixe, ce sera la section « blague » de notre épopée, la fatigue facilitant le rire on vous épargnera un replay. C’est donc tout sourire qu’on arrive au refuge de la pierre du carré pour s’engager sur le fameux single. Là, toujours rien de technique, on rigole donc, un brin moqueur sur la description du pacer croisé....ça doit encore être un parisien ça. On rigole, on rigole, mais une fois arrivé (et vite arrivé) au sommet des pistes de supercollet, on rigole moins. J’avais vendu à Gan’ une redescente directe et rapide via les pistes sur la base vie. Il n’en est rien, le tracé est différent des précédentes éditions, on reste sur le single sur une arrête qui se termine qu’au niveau du bas des pistes. Là le terme technique prend tout son sens, des racines, des virages secs, du pentu, du gaz, tout y est pour nous compliquer l’arrivée à Supercollet! Pourtant on s’y régale, ce single colle parfaitement à l’image de l’échappée belle. Avec donc grande satisfaction on arrive à supercollet dernière base vie.
 
Samedi 9h49 – Supercollet - KM 100,2 / +8526m / 27:46 course (prévi 27:15; +31min) 110ème
Pour ne pas perdre de temps on avait récapitulé sur la route tout ce qu’on devait faire sur le ravito : se changer, se faire masser, manger, faire le plein. Pas de massage ici :( ça me laisse le temps de faire la connaissance d’Éric. Je me change, mange....tjr pas de signe de Gan parti se changer en emportant le sac d’allègement... je m’impatiente, râle (comme si ces 30s allait peser lourd sur le résultat final). Bref c’est bon signe ça veut dire que je suis de nouveau dans le mode course pour la section finale. D’ailleurs petit point chrono, on est quasiment revenu dans les temps et je me remet seulement à re-envisager une course en 41h. On a remarqué que chaque descente courue nous faisait gagner du temps sur mes prévisions, c’est sur ce levier que je devrais appuyer si je veux jouer un chrono.
C’est donc en mode course, mais sans emballement qu’on repart à l’attaque des pistes. Pas glamour mais efficace pour vite rallier le col de claran, qui nous recoupe de la civilisation, et nous ramène en terrain « sauvage ». On croise Lionel sur sa 2ème journée d’encouragements, pour lui aussi le week-end est chargé!
 
Au col on bascule, pas grand chose à retenir de ce tronçon de descente si ce n’est le couple qu’on aura toute la descente en ligne de mire sans jamais arriver à les doubler. On est aussi revenu sur David et Cédric, déjà croisés sur le Trail de la Grande Sûre, en ayant déjà partagé un bout de chemin ensemble. C’est déjà dans cette portion que les 1ers du 57km nous déposent. Il recommence à faire très chaud alors que nous sommes encore sur une partie ombragée, je redoute déjà la montée sur arpingon et son exposition... petite pause express à la passserelle du Bens pour se rafraîchir et refaire le plein d’eau, pas trop longue pour rester dans notre -bon- rythme. On repart ainsi à 4 avec Cédric et David, connaissant leur rythme ascensionnel, si j’arrive à rester devant à donner le rythme c’est que je suis bien...je...parce que Ganaël commence à décrocher, il s’accroche pour rester derrière nous. Je continue sans ralentir en me disant qu’il se refera une santé au refuge des ferices, qui n’est alors plus très loin.
 
Samedi 13h18 – Refuge des Férices - KM 109,97 / +9541m / 31:15 course (prévi 30:30; -20min)
Ma petite avance au refuge me laisse le temps de bien de réhydrater, mouiller pour baisser ma température car on est désormais en pleine chaleur sans un poil d’ombre. Gan’ arrive bien essoufflé ça devient dur pour lui alors que moi je retrouve un second souffle, bien dans mon rythme et avec l’envie de finir aussi vite que possible. C’est là toute la difficulté du duo pacer/coureur : savoir gérer le décalage des temps forts et faibles de chacun. Je prends la décision de repartir seul pour ne pas perdre de temps tant que je suis bien, en pensant que Gan me rattrapera sur Val pelouse après une bonne sieste au refuge...Le flot de coureur du 57 nous a rattrapé dans cette montée et on est désormais noyé dans leur course. Je repars au milieu de ce flot, tentant de conserver mon rythme de confort, mais ils sont frais et surtout plus rapides que moi. Ça m’oblige à m’arrêter régulièrement pour les laisser passer, ça casse mon rythme et ça m’énerve...alors j’éteins le cerveau et accélère pour monter à leur vitesse. J’arrive très vite à Arpingon, le moral est au top, je sais que j’ai passé la dernière longue difficulté du parcours.
 
Samedi 14:28 – Col d’Arpingon - KM 112,7 / +9976m / 32:25 course (prévi 32:00; +25min) 99ème
On bascule, je redéroule progressivement la foulée. En mode course je rentre dans le jeu des places et reprend petit à petit des 57 qui m’ont passé dans la montée. Je reviens aussi sur des solos reparti bien avant moi de supercollet.
Pour surenchérir sur cette spirale positive l’approche du ravito se fait sentir car le public est de plus en plus présent au bord du chemin avec toujours des encouragements.
 
Samedi 15h27 – Val Pelouse - KM 117,7 / +10067m / 33:24 course (prévi 33:30; -6min) 93ème
J’arrive sur mon nuage porté par l’ambiance mise par la foule tout autour de la tente du ravito. J’essaie de ne pas me laisser emporter par l’euphorie : je fais un point au calme : jambes ok; moral au top; matériel : largement tout ce dont j’ai besoin pour m’alimenter sereinement jusqu’à l’arrivée; mes besoins sur ravito : un verre de coca et une bonne soupe; Gan’ : pas de sms, un appel pour savoir où il en est...pas de réponse..aïe je suppose que ça ne sent pas bon et que ça veut sûrement dire qu’il est toujours au refuge.
Contraste total avec mon état, c’est la libération mentale pour moi : j’ai la certitude que je serais désormais Finisher de cette échappée belle, la seule incertitude sera le chrono... Pour m’éclairer je demande à un bénévole à combien il estime le temps nécessaire pour finir « t’as l’air bien en forme, à la vitesse où tu es arrivé, je dirais 6h » « et si je vais encore plus vite ? » « si tu pousses vraiment ça peut passer en 5h » ... Challenge accepted : objectif finir en 5h. Je réalise donc que je peux exploser mon objectif chrono de 41h, chaque minute gagnée sera du bonus.
Wouaw si on m’avait dit ça quand j’étais couché à l’aigleton...ou même en repartant du Pleynet. Je découvre ces rebondissements que seul un ultra peut faire vivre..
C’est donc tout euphorique que je repars de Val pelouse, de nouveau portée par la foule....tellement euphorique que j’ai oublié de remplir mes flasks... demi-tour dans la foule « oooh non....» le plein des flasks vitesse éclair et zéé reparti, la foule « oééé il est reparti 😅 ».
Cet ascenseur émotionnel me transporte au sommet, je profite de cette montée pour appeler Morgane pour qu’elle appelle Gan, le récupère à val pelouse et l’emmène à l’arrivée. Elle répond, top! Je lui annonce également mes nouvelles prévisions à la baisse : objectif arriver avant la nuit : 21h soit 39h de course.
Maintenant chaque montée sera un challenge pour tenir mes temps de passage, et chaque descente sera appuyée pour gagner de précieuses minutes sur le chrono final. C’est une course dans la course qui commence.
Je repars avec un 57 pour la montée mais dès l’arrivée sur les crêtes j’enclenche la seconde et enchaine fort sur la redescente. Je rattrape un groupe dans la montée après le gargotton, chose étonnante il y a plus de solos que de 57 dans ce groupe. Je prends alors les devant et donne le rythme mais une 57 n’a pas l’air d’apprécier qu’on aille aussi vite qu’elle...elle accélère et tente de s’échapper, j’accroche son rythme et on se détache du reste. Reste plus qu’une montée assez roulante pour atteindre le mont du chat. Cette portion a fait éclater le groupe derrière, d’autres coureurs reviennent sur nous, ça accélère, ça court alors même en montée. Je creuse l’écart dès que c’est plus roulant en relançant et atteins seul le sommet. Je me régale c’est une des rares portions que je ne connaissais pas, je profite de la vue sur tout le versant savoyard, accueilli comme à domicile avec mon dossard 73.
 
Samedi 17h42 – Sommet du Grand Chat - KM 125,5 / +10843m / 35:39 course (prévi 36:30; -20min)
Maintenant c’est mon terrain, de la descente pure quasiment jusqu’au pontet. Il n’y a plus de gestion juste du plaisir d’envoyer en descente. Je repense aux paroles de Fix qui s’avèrent vrai, « si t’arrives à courir toute la descente tu ramasseras les morts ». Ce sera une bonne quinzaine de places gagnées dans cette descente.
L’arrivée au dernier ravito se mérite avec des petits coups de cul entre 2 relances roulantes, je m’efforce de tout courir. J’en profite pour me projeter sur la fin de course, d’après ma montre, au pontet il devrait me rester 10km 500d+, si j’arrive à les boucler en moins d’une h je peux faire moins de 38h ! Ce serait exceptionnel mais pas impossible alors je remets un coup jusqu’au ravito.
 
Samedi 18h43 – Le Pontet - KM 134,8 / +10902m / 36:40 course (prévi 38:10; -1h30min) 70ème
Arrivé au Pontet c’est la douche froide, on m’annonce 14km 500d+ jusqu’à l’arrivée...ma montre jamais coupée, mais bien baladée sur tous les ravitos, donne plus de km que le profil…. Autant faire 10km 500d+ en 1h était ambitieux mais possible, autant finir à 14km/h avec 500d+ je peux oublier. Bref je me surprends à être déçu de ne pas pouvoir jouer le sub38h alors qu’il y a quelques heures j’avais abandonné les 41h initialement planifiés. Il y a quand même quelque chose de beau à faire avec un sub39h. Je ne traîne pas au ravito, service minimum pour faire le plein des flasques, et je repars vite manger cette dernière bosse de 500d+.
Dans l’esprit et le cadre offert jusqu’ici, pour moi l’EB s’arrête au Pontet, aucun plaisir dans cette dernière montée, fade, débouchant sur une longue piste forestière pas plus séduisante...Ce petit décrochage psychologique me vaudra d’ailleurs une belle hallucination : j’aperçois une branche plus basse que les autres au loin...elle m’interpelle...je semble deviner une forme...un animal...un singe ?! Plus je me rapproche plus je le distingue, je sais pourtant qu’il est improbable que je croise un singe ici...je suis maintenant sous cette branche et même en m’efforçant de chercher, des feuilles, de la mousse, des branches je ne vois rien d’autre que le singe. Je suis planté au milieu du chemin à regarder une branche. Un groupe me rattrape et me sort de mes songes, juste ce qu’il me fallait pour me remettre dans la course et en finir définitivement avec la montée.
 
Samedi 19h47 – Fort de Mongilbert - KM 139,4 / +11367m / 37:44 course (prévi 39:20; -20min)
Le reste sera une descente "en chasse", en chasse derrière le chrono, et en chasse derrière tous les concurrents en vue, plus de calcul, plus d'économie, je laisse les jambes donner toutes les forces qu'il leur reste. Le plus dur est de maintenir ma vigilance, et rester lucide pour anticiper chaque appui et les éventuels obstacles.
Je commence à réaliser que je vais sonner LA cloche, j'en ai rêvé de ce moment, il va enfin prendre forme.
A 2km de l'arrivée je retrouve Morgane qui est remontée me chercher pour finir avec moi. Elle m'informe que Gan est en train d’être ramené à l’arrivée, il ne sera pas là à temps pour finir avec nous....Je suis tellement dans mon mode course que je lui indique juste de courir le plus vite possible jusqu'à l'arrivée...pensant arriver une vitesse de folie intenable...mais en fait elle me dépose et court largement devant moi. Bon ok, j'ai quand même 150 bornes dans les jambes, elle me donne le rythme et me force même à accélérer sur le sprint final à plat pour rejoindre la ligne d'arrivée : sprint à 12km/h je vole, j'entre dans le parc ambiancé par les spectateurs présents qui tapent sur les barrières, ça y est cloche en vue !
 
Un dernier effort, un dernier pas.....je coupe la montre : 152,9 km / 11 337 d+ / 38h38
 
Samedi 20h41 – Arrivée Aiguebelle - KM 148,9 / +11395m / 38:38 course (prévi 41:00; -2h22min) 49ème / 276 arrivants (550 partants)
C'est fait : JE SUIS FINISHER DE L'ECHAPPEE BELLE
Vient alors la plus belle des récompenses, celle qui honore la tradition, celle qui fait vibrer, rêver,...
Sonner la cloche !
 
 
Quelle aventure, c’est le mot, l’impression d’avoir vécu 10 courses en 1, un résultat bien au-delà de mes espérances les plus folles, et des souvenirs pleins la tête ! Un moment hors du temps, prolongé par un lent retour à la réalité, perché sur mon nuage, bien alimenté en endorphine.
Un grand MERCI :
- à Adeline, Fix qui m'ont fait rêver, découvrir cet univers, et ouvert la voie au reco plaisir dans Belledonne
- à Gan qui m'a accompagné toute la nuit et remis dans la course...sans toi j’aurais sûrement décroché pour « juste » finir, et en prime c’était un chouette moment de partage que je suis pas prêt d’oublier.
- à tous ceux qui m'ont soutenu, par une pensée, un message,… on pense vraiment à la moindre chose positive, aussi insignifiante pour vous soit-elle, quand on est dans le dur... mention spéciale à Sam pour sa présence surprise au Pleynet !
 
Un paragraphe juste pour les bénévoles, je n'en ai volontairement pas parlé dans le récit, car ils méritent plus que quelques lignes noyées dans un récit égocentré. C'est simple c'est l'esprit et le cœur de la course. Je ne saurais me rappeler, tellement il y en a eu, du nombre de signaleurs placés sur le parcours, à nous pointer, et s’assurer de notre état, toujours attentif, bienveillant, encourageant. On a beau être isolé, parfois seul, et en pleine montagne, je me suis toujours senti en sécurité. Des bénévoles dévoués sur tous les ravitos, toujours le sourire, le plaisir de partager la course, et toujours là pour nous faciliter la moindre tâche. Des kinés surmotivés qui ambiancent et massent jusqu’au bout de la nuit. Le staff met vraiment tout en place pour nous accompagner jusqu’au bout dans les meilleurs conditions. Un tracé idéal, et joueur jusqu’au bout mis en valeur par un balisage irréprochable. Pour tout ça un immense MERCI à toute l’équipe Echappée Belle.

8 commentaires

Commentaire de jano posté le 07-08-2020 à 14:45:04

j'ai survolé, je lirai plus tard.
On s'est croisés plusieurs fois l'année dernière. Je t'ai doublé sur le replat du col de la vache avant d'attaquer la caillasse et tu étais effectivement très mal !!
On a dû chasser-croiser 2 ou 3 fois et tu m'a doublé comme une fusée dans la descente des férices, je suis d'ailleurs 2 places derrière toi sur la photo officielle de ton récit.
Et tu fais une fin de course super rapide car même si j'étais blessé, tu me mets 1h20 à partir de là...
Nostalgie aussi pour moi, je vais bénévoler cette année, ça va être sympa d'y être quand même

Commentaire de IziiJon posté le 10-08-2020 à 10:11:36

Oui Oui ! je me souviens très bien de toi, on a effectivement pas mal fait le yo-yo.
Cool t'es sur quel poste ? J'y serai aussi, on se croisera sûrement :)

Commentaire de jano posté le 17-08-2020 à 09:49:39

Salut, je suis sur le PM33 au col de la perche puis serre file. Et toi ?

Commentaire de IziiJon posté le 17-08-2020 à 10:54:34

Ouvreur vendredi Collet > Col de la Perche par le parcours des crêtes, ça me fera découvrir ce côté :) Puis je rejoins Le Pleynet jusqu'à la BH.
Samedi J'irai me balader sur le parcours, je te croiserai peut-être.

Commentaire de bubulle posté le 10-08-2020 à 11:15:51

Un récit de l'EB, ça ne se manque pas. Surtout un récit de qualité, qui donne bien une bonne idée des hauts et des bas par lesquels on passe sur cette course (imagine quand on y passe 2 nuits entières!). Et même si on ne joue pas dans la même cour, j'y retrouve beaucoup de ma propre course en 2015 où mon expérience de l'ultra était à peu près la tienne. A un de ces jours, peut-être, sur une course!

Commentaire de IziiJon posté le 11-08-2020 à 16:06:33

Merci pour le retour :) Je n'ose même pas imaginer (j'ai tout fait pour l'éviter^^)... On finira bien par avoir l'occasion de se croiser et de pronostiquer en live en vrai haha !

Commentaire de Spir posté le 13-08-2020 à 22:20:09

L'échappée Belle est une drogue dure, et il ne faut pas louper une occasion d'en reprendre une dose. Belle gestion des moments sans et quelle fin de course ! Bravo, et merci pour ce chouette récit bien vivant

Commentaire de IziiJon posté le 14-08-2020 à 09:17:49

C'est certain qu'on devient vite addict à Belledonne mais c'est tellement bon :D !
Merci :)

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