L'auteur : joetheone
La course : Embrunman
Date : 15/8/2019
Lieu : Embrun (Hautes-Alpes)
Affichage : 1824 vues
Distance : 233km
Objectif : Faire un temps
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A mon tour de partager mon expérience sur cette épreuve, de contribuer à cet espace qui m'a bien servi pour préparer cette course, mais aussi à rassurer ceux qui partent sur l'aventure 2020!
Préparation
Je m’étais promis une distance IronMan voilà 5 ans, ce sera l’EmbrunMan inscription le 15 décembre.
Maintenant il va falloir s’entraîner pour et sérieusement ; ce sera 24 semaines d’entraînement à compter du 1er Mars, avec comme challenge de faire tenir un plan d’entraînement dans 7-9h par semaine en misant donc sur du qualitatif ; pas de place pour une seule séance ‘souple’ dans ces 6 mois !
En effet comme tout le monde j’ai un planning chargé mais je ne veux ni sacrifier une seule soirée en semaine, ni les week ends ni un seul barbecue/bière !
Au global je totalise ainsi 194h d’entraînement réparties en
- 72 km de nage en 22h (une séance par semaine, le lundi midi)
- 2 700 km de vélo en 120h (j’inclus ici 400 km de VTT)
- 550 km de course à pied en 52h (deux séances par semaine, entre midi et deux ou le matin très tôt quand je suis en déplacement)
Ça paraît énorme puisque ça correspond à mon volume de séances annuel concentré en 6 mois, mais c’est juste ridicule à côté de programmes à 15-20h par semaine présentés et appliqués pour juste pouvoir finir un IronMan – or non seulement je veux faire EmbrunMan comme premier triathlon en distance IronMan, mais j’ai l’ambition de le finir sous les 13h !
Fin Juillet je peaufine d’ailleurs mes temps prévisionnels (merci le site kikourou et notamment patoche) tout comme de bonnes transitions de 10 minutes qui me ménagent un peu de marge avec :
- 1h10 de nage pour les 3 800m dans le lac de Serre Ponçon (temps moyen mais ce n’est pas mon fort, j’ai commencé à nager il y a juste 7 ans et le résultat est pas fameux)
- 7h10 de vélo pour boucler les 188 bornes et 3 800m D+ (EmbrunMan a fait sa réputation pour ce circuit dur qui inclut le Col de l’Izoard mais pas que - c’est le plat de résistance et là où je dois être bien à mon aise)
- 4h10 sur le marathon et 600m D+ en 3 boucles (je cours moyen mais ce ne sont pas forcément des qualités de coureur qui seront requises ici)
Pour finir sur cette préparation ce qui m’a beaucoup plu c’est d’avoir pu y caler des compétitions, étapes intermédiaires pour lesquelles je n’avais pas d’objectif de temps ou de classement – elles se sont toutes bien déroulées alors que j’étais entamé physiquement avec souvent une séance de puissance 2 jours avant :
- Semi-marathon de Nice le 5 Mai
- Cyclosportive de la Teyrannaise le 30 Mai
- Cross triathlon de Bouzigues le 9 juin
- 100 miles de Lozère VTT le 22 Juin
- Trail du Bout du Monde le 7 Juillet (dédicace spéciale à tous les lapins runners)
En somme ces bonnes étapes ont fait en sorte que tout n’était pas réduit à une course dans la saison, en principal objectif l’EmbrunMan s’est ainsi transformé en cerise sur le gâteau
Avant-Course
Arrivés en famille dès le samedi sur Embrun ça fait tôt car pendant 5 jours précédant la course on ne verra que des triathlètes plus affûtés les uns que les autres, tous laqués comme des canards même pour le retrait des dossards, des vélos de malades bref l’ambiance est particulière ça se regarde beaucoup – on se demande un peu ce qu’on fout là ; difficile de voir dedans un seul gars qu’on pourrait taper dans cette course !
Les banderoles annonçant l’EmbrunMan comme ‘triathlon le plus difficile du monde’ n’arrange évidemment rien, même si on sait que c’est passablement exagéré (tout comme les 5 000m D+ du vélo ou les 900m D+ du marathon annoncés).
J’ajoute que notre gîte est situé au-dessus d’Embrun après Salines et qu’à chaque fois qu’on passe en voiture je me décompose en voyant ces pentes qui correspondent aux portions ‘faciles’ du profil ci-dessus.
Côté météo pas d’orages en vue même si en montagne le temps peut changer très rapidement – il fait cependant très chaud (32°C – 34°C) et un vent thermique se lève très tôt vers les hauteurs (j’y reviendrai)
La Course
Réveil à 3h du mat’ j’ai bien dormi depuis le feu d’artifice des Orres tiré à 23h, petit déj bien copieux (double banane à l’huile) et on se retrouve dans le parc à vélo dans la nuit noire au coucher de lune – l’ambiance est sereine tout le monde est bien calme et concentré.
Je m’étais promis de pas toucher au vélo de la semaine mais c’est plus fort que moi je demande à un voisin de me prêter sa pompe juste pour vérifier la pression : 3 bars ! Petit coup de flip allez je regonfle à 6 bars mes peuneux tubeless et ça ira bien.
Je suis encore à chercher le meilleur rangement de mes affaires dans la caisse tout en sirotant mon jus de betterave (les serviettes, chaussures, chaussettes les gels les barres dans le bon ordre et rien ne doit dépasser) quand le coup de feu retentit !! Deuxième coup de flip c’est le départ des filles à 5h50, bref je n’ai pas encore enfilé ma combi 10 minutes avant le départ de 6h – comment je me suis débrouillé pour être à la bourre encore ???
Je prends mes lunettes mon bonnet de la crème NOK anti frottement autour du cou et sors du parc où ça bouchonne bien – je suis tout derrière les 1200 participants et trouve quelqu’un qui veut bien m’aider à fermer la combi. Pour un début de course c’est bof bof.
La nage
Pas le temps de prendre une respiration ou de bouger un peu les bras le départ est donné ; je vois les premiers filer dans l’eau noire, on marche un moment avant de mettre les pieds dans l’eau. Je plonge à mi-cuisse et là c’est le drame ça tape dans tous les sens ça je connais mais impossible de mettre la tête sous l’eau, j’arrive juste pas à respirer on ne voit vraiment rien bref je panique complet à nager la brasse la tête hors de l’eau – je me surprends même à regarder la rive et penser à arrêter tout ça !!
Ça va durer une éternité je me gueule dessus et me fais violence pour juste tenter 3 bras de crawl, on passe d’un début bof bof à un départ calamiteux.
Il faudra bien attendre 400m avant de pouvoir nager un crawl à deux temps un peu saccadé, puis allonger un peu et enfin poser ma nage à peu près convenablement – ouf c’est passé je nage. Je remonte des nageurs (encore) plus mauvais que moi et me retrouve dans les paquets denses aux abords des bouées, ça tabasse pas mal et je m’écarte pour être tranquille et essayer de m’orienter.
Un premier tour en 38 minutes et je commence à trouver le temps long au bout de 3km, allez encore 800m que j’essaie d’appuyer en remuant un peu les jambes.
Enfin je sors de l’eau et j’entends ‘Joël Joël’ si tôt et déjà des encouragements de la famille ! Je regarde alors ma montre : 56 minutes wahou un super record et en regardant le parc à vélo je trouve qu’il y a encore pas mal de vélos accrochés comment c’est possible encore un gap dans l’espace-temps ?? Un bref moment d’euphorie car en regardant mieux ma montre elle est arrêtée ; un gars a dû taper la montre et appuyer sur la touche stop.
Pas grave je la relance mais du coup je ne sais pas du tout où j’en suis.
Transition 1
Je me débarrasse de la combi pour débuter une transition lamentable de 6 minutes mais je ne veux rien oublier, me sèche bien, mange une barre PowerBar, avale une compote pour se remettre de ces émotions, NOK sur les pieds, les chaussettes les chaussures le maillot, les manchettes bien enfilées jusqu’aux épaules, les lunettes, le casque – euh le casque puis les lunettes, le camel back et c’est parti.
Vélo
https://www.strava.com/activities/2664465765
Il fait froid à démarrer trempé mais l’organisateur a bien prévu les choses car après 50m de plat on attaque la première bosse de 7km à 6%.
Je suis remonté comme une pendule mais veille à ne pas m’enflammer car dans ce premier tronçon je remonte des gars par grappes.
Je m’applique donc à rester sur le petit plateau et à bien mouliner sur ma transmission d’asthmatique (50/34 avec une cassette de 11/32).
Après une descente bien technique on passe Savines le public est nombreux et même une ambiance de tour de France au rond-point des Orres avec juste 1m de large pour passer !
La première boucle de 40 km autour d’Embrun est roulée en 1h29 je suis dans les temps que je m’étais donné tout nickel.
Je retrouve tout mon monde sur le bas-côté quelques instants après, la famille au complet ça fait chaud au cœur mais aussi des frissons des orteils au casque je me félicite d’avoir pris les manchettes car je les remonte juste après !
La petite larme passée je me dis qu’il est temps de s’y mettre, je suis dans la course posé sur les prolongateurs, je bois toutes les 10 minutes en alternant Camelback et bidon d’eau et mange toutes les 30 minutes un 1/3 de barre énergétique Powerbar.
Je continue à remonter des coureurs mais à présent un par un, le niveau est bon et je fais bien attention à m’écarter à gauche 15m avant car le drafting est interdit – ce sera le cas pendant tout le parcours vélo, où je passe 260 coureurs au total.
Les gorges du Guil sont juste magnifiques mais un vent de face fait son apparition mince c’était pas prévu – j’ai hâte d’attaquer le fameux col de l’Izoard au km83 et il met son temps à venir.
De fait je démarre les 14km de cette grimpette 8 minutes après le temps que j’avais prévu – soit 3h08 pour autant je ne cherche pas à appuyer pour combler ce retard, le but du jeu est de ne pas faire chauffer les cuisses, je me fie à mon souffle plutôt qu’au cardio, je ne sais pas ici si un compteur de watts me serait plus utile ?
Je me rends compte que je suis encore sur la plaque et bing je déraille en voulant passer sur le petit plateau (remontée de chaîne, elle a bien 5 ans) je force pas et m’arrête de suite pour la mettre au bon endroit – ça repart avec les mains pleine de cambouis.
Je remonte en moulinant donc en 34/30, 34/32 il commence à faire très chaud sur des portions où on descend sous les 12km/h – on apprécie moyennement les voitures suiveuses avec leur bonne fumée de gazoil et leur odeur d’embrayage.
Au bout d’1h10 je suis en haut du col – le paysage est grandiose - et donne au stand ravito mon numéro de dossard afin de récupérer mon sac ravito qui contient non seulement 1,5L de mélange pour remplir mon Camel back (l’opération n’est pas longue mais surtout elle m’a forcé à avoir bu déjà 1,5L pour vider ma poche à eau, je suis content de cette stratégie ; en buvant au total 3L de mélange plus 1L d’eau sur le parcours cela devrait m’éviter le risque d’hypoglycémie comme de déshydratation) mais aussi un sandwich pain au lait – kiri – blanc de poulet dont je me délecte littéralement :)
Il doit être 11h30 une pause pipi et je passe en mode descente alpine jusque Briançon (km115).
J’ai l’impression de descendre proprement et seulement 2-3 gars me passent jusque Briançon ouf c’est fait et je calcule qu’il me reste 70 bornes à parcourir en comptant deux difficultés à venir : le mur de Pallon et la côte de Chalvet.
Je réalise alors une grosse erreur d’appréciation : la troisième difficulté est celle qui fait que la course commence vraiment ici et elle est de taille : gros vent de face qui nous scotche à moins de 25 km/h sur du plat !!! Oui c’est bien le vent thermique évoqué plus haut, seulement il est fort et a débuté tôt dans la journée.
Je suis bien sur le vélo et j’ai la banane depuis 5h, ça me plaît beaucoup cette épreuve.
La suite à vélo est cependant longuette, tout le temps en prise avec ce vent de face qui lamine, même en descente et des bourrasques latérales font même bouger le vélo d’un mètre dans les virages.
Le mur de Pallon est une ligne droite de 1,5km à 12%, le public est présent tout du long c’est trop bon – je reste appliqué à ne pas forcer et bien mouliner même si j’accuse maintenant 24 minutes de retard sur mon plan, peut-être par excès de prudence ?
J’y croise un coureur qui porte un maillot estampillé Düvel, ma bière préférée – c’est mon idole (s'il se reconnait?) on se promet d’en boire une bonne chope le soir venu
Je continue à faire des calculs sur les km restants ; en comptant 40 minutes pour monter et descendre Chalvet, une arrivée au km170 au bout de 6h50 ouaip ça fera un vélo dans les 7h35 – les jambes vont toujours bien aucun signal d’alerte et côté digestion tout passe nickel, je fais des grands sourires aux spectateurs, chaque applaudissement et bravo me remonte merci merci et tape les mains de gars déguisés en bouteille d’Orangina géantes sur le côté de la route « secouez-vous ! »
Transition 2
Je passe l’arche d’arrivée à 14h54 en trottinant à côté du vélo pour entrer dans l’aire de transition et calcule que pour boucler l’EmbrunMan en moins de 13h je suis confiné à l’exploit : courir ce marathon en moins de 4h.
Même si j’ai déjà couru cette distance je suis quand même dans l’inconnu : il est 15h le thermomètre affiche 32°C, j’ai 9h de course dans les pattes et suis inquiet car ma cheville droite me tire avec cette foutue tendinite que je traîne depuis mi Mai.
On me propose dans les allées du parc un massage je dis non merci et à la seconde proposition je dis oui !! Ils sont deux à me masser les mollets en mode bien énergique pendant que je me masse les cuisses à l’huile de Gaulthérie – c’est sans doute du luxe mais j’ai comme des jambes toutes neuves après :)
Rebelote je remets du NOK sur les pieds, nouvelles chaussettes, chausse mes Hoka One One Vanquish de 2014, mets ma casquette, engloutis une compote et repars après une seconde transition lamentable de 6 grosses minutes (j'aurais aussi pu lancer un barbecue)
Course à pied
https://www.strava.com/activities/2664481340/overview
Je prends un bidon d’eau au sortir du parc à vélo et trottine en petites foulées, les deux premiers kilos à 12 km/h tout va bien je ne force pas, je m’arrêterai ensuite aux ravitos et prendrais un verre d’eau (plate/St Yorre) et un verre de Coca à chaque fois – il fait vraiment chaud et le vent est sec je ne veux pas prendre de risque en m’octroyant ainsi de bonnes pauses à chaque ravito.
Dans la fameuse montée sur le village je passe en marche forcée 2 fois 10 mètres comme en trail mais pas question de marcher ailleurs, c’est un marathon et un marathon ça se court.
Dans les ruelles commerçantes du village l’ambiance est fantastique – ne pas regarder ces bières fraîches et ces glaces – la foule acclame tous les coureurs par leur prénom et ce sera le cas tout le long du parcours!
Le premier tour est bouclé 1h18 et je cours sur bien 10km avec un gars qui en est lui à son second tour, il flanche et s’accroche à mes baskets en me demandant quelle allure je tiens « je sais pas dans les 11km/h ? » il m’enjoint à boire davantage. Sa compagne lui annonce alors qu’il est 46ème scratch et ça le booste il repart devant au mental je suis impressionné !
Les coureurs que je reprends tout du long du marathon (60 en tout) titubent, marchent ou sont complètement à l’arrêt voire en civière – autant de signaux d’avertissement, je ne louperai aucun ravito.
Le second tour est finalisé en 1h25, preuve que la fatigue s’installe même si je ne la ressens pas – avant d’attaquer le troisième et dernier tour je prends donc le temps de récupérer mon sac ravito et m’envoie une compote, reprends deux gels au cas où, que je range dans ma tri fonction.
La suite se déroule comme dans de la ouate, il doit rester un peu de carburant, quelques cartouches mais je n’appuie pas sur l’accélérateur ni ne prends un seul gel de peur d’exploser en vol – excès de prudence et/ou manque de lucidité sur la course impossible à dire, je me contente de compter les km qui restent.
Km 37, 38, 39 et je passe à une allure poussive à 5’30’’ puis le dernier virage et le tapis bleu, la fameuse arche en vue et j’entends le speaker donner mon nom – un grand ouf après autant d’intensité – je frissonne encore d’émotion toute la famille est là derrière les barrières, toute proche encore.
En conclusion eh bien un grand merci à tous ceux qui m’ont supporté dans tous les sens du terme, vous êtes incroyables !
Une mention spéciale à toute l’organisation de cette 36ème édition de l’EmbrunMan, au top rien à redire – merci à tous ces bénévoles et cette ambiance de feu du début à la fin !
Côté performance ben je suis pas bien fier de ma nage mais c’est toujours le scenario qui se produit ; je fais la remontada sur le vélo mais ne suis jamais dans les bons groupes. Plus de 12 minutes au total de transitions c’est carrément abusé et aussi un gros point faible chez moi.
J’avais les bonnes jambes ce jour-là et j’aurais peut-être pu appuyer pour m’approcher des 7h sur le vélo – et passer sous les 13h - seulement couplé avec ce vent de face sur 60 bornes qui a mangé tant d’énergie cela aurait pu me coûter une bonne heure sur le marathon voire plus ?
1 commentaire
Commentaire de Arclz73 posté le 23-01-2020 à 10:09:53
Merci pour ce récit, et bravo pour ta course ! Un ami l'a fait aussi c'est un sacré morceau cette épreuve (de malade).
Je n'imaginais pas le départ de natation aussi chaotique, y'a de quoi paniquer la dedans...
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