L'auteur : marathon-Yann
La course : San Francisco Marathon
Date : 28/7/2019
Lieu : San Francisco (Etats-Unis)
Affichage : 982 vues
Distance : 42.195km
Objectif : Pas d'objectif
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Ca a dû commencer un soir d’automne. Une véritable offensive familiale. « Tu sais, m’a dit mon épouse, ce serait formidable si l’été prochain nous faisions un grand voyage, pour fêter nos 20 ans de mariage ! ». « Et puis je rêve d’aller sur un autre continent », a poursuivi mon ainé. « Et moi de voir de nouveaux animaux », a conclu ma petite. Devant mon manque d’enthousiasme à l’idée de passer une journée en avion, moi qui ne sais pas voler, mon épouse abat sa dernière carte : « Tokyo, New York, Californie, je te laisse choisir la destination ». Quelques jours plus tard, je reprends la conversation, enthousiaste : « C’est d’accord pour le Grand Voyage. Je vous propose les grands parcs américains ». « Formidable ! » dit mon épouse. « Un nouveau continent ! » se réjouit mon fils. « Il y aura des animaux ? » demande ma fille. « Oui, plein d’animaux, je réponds, avant de poursuivre l’air détaché : Et avant notre retour, le 28, je pourrais en profiter pour courir le marathon de San Francisco ». « Mais, le 28 nous devons rentrer, je dois travailler ! ». J’abats ma dernière carte : « Avec un départ à 5h30 le matin, pas de soucis, je serai rentré avant le petit-déjeuner, largement à temps pour l’avion ».
Dans les pas de Forest Gump
Et voilà comment on se retrouve à 4h30 le matin, dans la voiture de deux inconnus, à traverser une ville déserte vers une destination imprécise. Inconnu 1 a été croisé à l’hôtel 10 min plus tôt. Avec son dossard sur le ventre, il allait visiblement au même endroit que moi. Inconnu 2, son fils, est venu le chercher en voiture. Pour m’éviter 30 min de marche, ils ont proposé de me déposer au départ. Les américains sont cools.
Les américains sont cools, et ils aiment la course à pied. A 5h du matin, nous sommes des milliers à attendre le départ de notre course. Plus de 5200 pour le marathon, une dizaine de millier sur un semi qui part en même temps que nous, et autant pour un autre semi qui doit arriver en même temps que nous. La nuit est belle, la température étonnament agréable, et la journée s’annonce magnifique. Une chanteuse exécute a cappella l’hymne national, écouté dans un silence religieux, et nous nous élançons.
Après deux semaines d’un road trip inoubliable, je n’ai pas d’autre ambition que me faire plaisir. Et me faire plaisir, ce matin, ca veut d’abord dire courir vite. Pas forcément longtemps (les deux semaines écoulées ont été diététiquement difficiles et l’entrainement nul), mais vite. Je me suis retrouvé dans le sas à côté d’un meneur d’allure 3h10 et, galvanisé par l’aspect solennel du départ, décide de partir avec lui. Les premiers kms, ou plutôt miles, nous font visiter le bord de mer. Peu de spectateurs à cette heure mais le lever du jour nous occupe largement l’esprit. Alcatraz se dessine sur notre droite. Sur cette même plage où nous étions hier, nous voyons ce matin le Golden Gate Bridge que nous avions alors cherché en vain la veille, masqué par la brume. Quelques côtes bien raides cassent le rythme et commencent à mettre les organismes à l’épreuve, mais notre meneur d’allure nous encourage de vibrants « Good job ! Well done », impossible de lever le pied. Je prends même le temps de sortir mon téléphone pour faire quelques photos.
Le Golden Gate Bridge constitue évidemment le moment fort de la course. Inconnu 1 m’avait expliqué que notre départ était si matinal pour nous permettre de l’emprunter, c’est possible, mais je suis étonné de nous restions sur la piste cyclable tandis que les voitures roulent normalement. C’est pour ne pas gêner les vélos que nous nous sommes levés aussi tôt ? En tout cas, c’est extraordinaire de courir sur ce pont, au-dessus de Pacifique, voyant sur notre droite la baie de San Francisco et Alcatraz, et sur notre gauche le Pacifique et quelques bateaux, sous les premiers rayons de soleil. Un moment fabuleux. Arrivé au bout, une petite boucle sous le pont, et nous repartons en sens inverse, croisant le reste de notre peloton dont la taille m’impressionne.
Presque un semi. Le public est un peu plus nombreux. Une pancarte m’amuse : « Pain is temporary, Strava is for ever ». Bizarrement, cette pancarte d’encouragements me fait prendre conscience de ma fatigue, et je commence à peu près à ce moment-là à lever le pied.
Il faut dire que nous rejoignons le peloton du deuxième semi, dont je vous parlais plus haut (si si, relisez !). Ce n’est pas une surprise, j’avais trouvé toutes les informations utiles sur le marathon de San Francisco dans l’excellent récit d’El Tocardo, qui s’est révélé aussi exact qu’agréable à lire (aparté : ce récit a dû constituer une telle publicité pour le marathon de San Fancisco que la photo de Denis se retrouvait en couverture du Guide du coureur, lu par tous les participants). Je pensais que ce serait motivant de remonter ce peloton mais j’avoue que rejoindre les derniers concurrents qui, moins d’un miles après leur départ, avançent en discutant tranquillement, parfois avec un chapeau de paille, parfois avec un petit sac, la plupart du temps sans même faire semblant d’adopter une marche sportive, m’a assez décontenancé. Ceci ne m’aide pas, d’autant que je viens de perdre contact avec le groupe de mon meneur d’allure, et qu’il faut maintenant se frayer un passage dans un peloton de plus en plus compact.
Mon allure diminue largement, mais je ne m’en soucie pas, je suis là pour le plaisir. Après quelques miles dans le Golden Gate Park, nous abordons de longues lignes droites en ville, dans des quartiers qui ne me semblent pas spécialement intéressants, sinon par l’ambiance qui y règne parfois. Certains habitants nous proposent des ravitaillements supplémentaires « We offer it to you because we are nice » (des fruits ! enfin du solide ! sur les ravitaillements officiels nous n’avons droit qu’à du liquide). Un autre ravitaillement est tenu par des bénévoles indiens, reconnaissables à leur turban. Ca et là, des pancartes nous encouragent : « Jesus bless you » « You run better than our gouvernment ». On sent l’aspect festif de la course, qui s’est bien fluidifiée maintenant.
La course est plus fluide, et ma course perd en consistance. Sans objectif précis, j’assure maintenant un tempo pour finir en moins de 3h25. Les derniers kms sont difficiles, et je me perds dans les conversions miles/kms. L’arrivée est un peu moins spectaculaire que je ne l’imaginais, mais je l’atteins avec plaisir, en 3:24 :35 (302ème au général, 20ème de ma catégorie). Après avoir récupéré une médaille impressionnante, je rejoins notre hôtel. A temps pour partager le petit-déjeuner avec mon fils, et pour attraper notre avion.
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