L'auteur : redgtux
La course : Trail Verbier St Bernard - X-Alpine - 111 km
Date : 6/7/2019
Lieu : Verbier (Suisse)
Affichage : 2547 vues
Distance : 111km
Objectif : Terminer
Partager : Tweet
Ça faisait presque un an que je n'avais pas fait d'Ultra… Hé oui il y a des choses dans la vie qui sont plus importantes que de courir dans les montagnes.
Mais l’envie de dénivelé et de beaux paysages finit toujours par revenir et c’est ainsi que je me suis retrouvé inscrit à une, puis deux, puis 3 ultras en 2019. Ca fait beaucoup surtout quand on a moins de temps pour s’entraîner.
Comme vous l’aurez deviné mon premier ultra de 2019 est donc le Trail Verbier Saint-Bernard (X-Alpine). Cela faisait longtemps que j’avais noté cette course dans mon agenda, réputée technique et très alpine.
J’étais quasiment sûr d’avoir un accompagnant et nous avions prévu d’y aller avec l’avion de l’aéroclub histoire de voir les montagnes d’en haut avant de les gravir. Malheureusement, la semaine précédent la course a été pleine de péripéties : je me retrouve finalement seul pour la course et j’ai réussi à m’enrhumer en pleine canicule (allez comprendre…)
Je me vois donc contraint de changer mes plans, que ce soit pour l’entrainement ou pour me rendre sur place.
Si on résume : peu entraîné, sans assistance, enrhumé… On dirait déjà que je me cherche des excuses ;) Mais ce n’est pas fini.
En effet, j’ai décidé de ne pas prendre de bâtons histoire de me préparer pour la diagonale des fous où ils sont interdits. Je décide aussi de prendre le départ de 5h du matin sur la course, ce qu’il m’enlève deux heures pour terminer mais qui me donne deux heures de sommeil en plus. J’ai longuement hésité, peut-être que si j’avais fait un plan de course (comme je fais d’habitude) j’aurai vu que ce serait juste.
Bref, ça fait pas mal de points qui auraient dû m’alerter : on peut en ajouter un dernier, à savoir l’excès de confiance en mes capacités.
Car oui la X-Alpine ça se mérite et je ne vais pas tarder à le découvrir : des barrières horaires serrées, un parcours très technique, un ratio dénivelé au km aussi élevé, voire même plus, que l'Echappée Belle, ma référence du genre pour le moment.
Je profite de mon arrivée sur place la veille pour faire un peu de repérage. Mon hotel est à quelques minutes du départ, très bon point. Malgré tout je passerai une très mauvaise nuit juste avant la course (comme d’habitude quoi).
Samedi, 4h50 :
L’ambiance au départ est sympa : peu de coureurs mais avec du beau monde devant, un speaker dynamique mais pas trop. Un peu de musique (Europe) et c'est parti. Nous commençons à un bon rythme, même sans plan de course je sais que je dois bien avancer jusqu'à Champex pour rester dans les barrières.
Contrairement à la plupart des courses que j'ai faites jusqu'à présent où on commence avec une montée pour terminer avec une descente, ici le profil de course est plutôt descendant au début et montant à la fin…
Effectivement après une petite montée dans les bois nous attaquons une longue descente vers Sembrancher. C'est pentu mais il n'y a pas de difficulté particulière. Pourtant il faut se rendre à l'évidence : mes jambes ne sont pas là. A Sembrancher j'accuse déjà le coup : tout va encore très bien mais je sens bien que je ne suis pas en forme. Je fais un arrêt express au ravitaillement pour ne pas perdre de temps.
Mais bon, il faut repartir et pour le moment je suis dans les temps pour faire 29h/30h.
L'étape suivante nous emmène jusqu'au sommet de Catogne, soit presque 2000m de montée ! C'est du jamais vu pour moi, sauf sur l'EB…
Ce n'est pas forcément très technique (sauf sur la fin). Nous montons en forêt, puis dans l'alpage et enfin dans les éboulis pour atteindre le sommet.
C'est vraiment magnifique mais je ne prends même pas le temps de m'arrêter car l'heure tourne et je suis rejoindre au plus vite Champex-Lac.
Dans la descente vers Champex je dois m'arrêter à plusieurs reprises pour soulager des crampes… Aussi tôt dans la course c'est mauvais signe. Il faut que je ralentisse pour m'économiser et que je boive plus, il fait déjà chaud et j'ai peut-être un début de déshydratation.
Tout en descendant je tente de faire quelques calculs : avec mon rythme actuel il va être difficile d'arriver à Champex avant la barrière horaire.
En partant à 5h du matin, les deux premières barrières horaires sont différentes. A partir de la Fouly que j’atteindrai cet après-midi, les barrières redeviennent identiques.
Finalement ça passe : je n'ai que quelques minutes pour m'arrêter à Champex et je repars pour monter à la cabane d'Orny le point culminant de la course. Là encore c'est une grosse montée qui démarre le long d'un torrent avant de passer à côté du relais d'Arpette où nous nous étions arrêtés lors du TMB.
Comme toujours en montée j’ai l’impression de galérer, en plus il fait chaud surtout quand il n'y a plus rien pour nous protéger du soleil.
Je me rends compte que j'ai épuisé presque toute mon eau, et je ne suis pas sûr qu'il y en aie à Orny. Je prends conscience à ce moment là que cette course n'est pas une course normale et qu'il va falloir prendre des décisions. J'ai besoin d'eau : je vais me servir dans le prochain bloc de neige que je trouve. Après avoir enlevé la neige pas très propre je remplis au maximum une flasque en me disant que ça finira bien par fondre (en fait non…). La deuxième flasque sera remplie au prochain torrent sur ma route, normalement les chances que l’eau soit polluée à cette altitude sont faibles. J’ai bien des pastilles de désinfection dans mon sac mais je ne perds même pas de temps à les chercher.
Je pense à la barrière horaire de la Fouly en voyant les heures défiler sur ma montre, ça va être très chaud d'y arriver.
La fin de la montée à la cabane se fait sur une moraine, avec quelques névés à passer où des bâtons seraient les bienvenus.
Arrivé à la cabane je discute avec un bénévole tout en mangeant quelques carrés de chocolat (normal on est en Suisse) : il ne faut pas trainer pour rejoindre la Fouly. Encore un arrêt express et je repars en essayant de faire au plus vite tout en ménageant mes jambes. Il y a encore des coureurs qui montent jusqu’à la cabane, comment vont-ils faire pour continuer ?
Je n’ai pas beaucoup de souvenirs de ma descente à la Fouly, si ce n’est qu’une fois arrivés dans la vallée le chemin est trèèèèès long. C’est du plat ou du faux-plat montant,je cours un peu mais sans conviction. En fait je n’ai que très peu couru pour le moment, c’est un peu comme sur l’Echappée Belle : on passe beaucoup de temps à marcher. Je suis bien conscient d’être proche de la barrière mais pourtant je n’ai aucune envie d’abandonner. C’est là que je trouverai mon “mantra” pour cette X-Alpine : “seule la barrière horaire m’arrêtera”.
Je finis par reconnaître le chemin, la barrière horaire est dans 15 minutes… Je vais finalement arriver à la Fouly avec un petit quart d’heure d’avance, juste le temps de manger un peu et de fermer les yeux quelques secondes. Autour de moi, ça parle beaucoup d’abandon, il faut partir avant de se laisser tenter. D’une certaine façon je suis soulagé de repartir. on est encore en milieu d’après-midi et je n’ai pas prévu d’hébergement pour ce soir, autant continuer la course autant que possible.
Me voici donc de nouveau sur le chemin : il est 17h30 et j’ai jusqu’à 21h45 pour aller jusqu’au grand col St-Bernard en passant par le col Fenêtre. C’est une jolie montée dans la vallée sans difficulté technique particulière : ça change un peu. Ensuite nous attaquons une montée un peu plus rude vers les lacs Fenêtre.
Comme je n’ai pas beaucoup mangé à la Fouly, je prends un gel "coup de fouet" : ça marche j'ai immédiatement envie de vomir et cela ne va plus me quitter jusqu'à la fin de la course, merci les remontées acides qui viennent s’ajouter aux jambes douloureuses. A retenir : ne plus utiliser cette marque de gels…
Je m’en veux d’aller aussi lentement et d’être parti à 5h du matin au lieu de 3h. Je m’en veux aussi de ne pas m’être assez entraîné. En plus, le GPS de ma montre déconne complètement, impossible de m’y fier que ce soit pour le kilométrage ou le dénivelé. En bref je subis ma course au lieu de la gérer et ce presque depuis le début. En bout de vallée nous obliquons à gauche. Sur ma droite j’aperçois le refuge de la Peule et le chemin qui mène au grand col Ferret, j’y passerai dans moins de deux mois mais d’ici là il va falloir que je me remette sacrément en cause.
La montée s’accentue jusqu’aux magnifiques lacs Fenêtre, encore un peu gelés. Après quelques passages sur des névés faciles me voici au col fenêtre, mais aussi en Italie. Il me reste une descente abrupte puis une petite remontée vers le col du Grand St Bernard. Au niveau timing je suis plus que juste, en fait je suis à peu près sûr de me faire arrêter par la barrière au grand St Bernard. Cela se confirme au bas de la descente : je suis trop lent et il me semble impossible de remonter au col dans le temps imparti.
Pourtant et contre toute attente j’arrive au ravitaillement un peu avant l’heure prévue. Que faire ? Abandonner maintenant et profiter de la navette pour rentrer sans risquer de me blesser pour la suite de la saison ou bien poursuivre sans prendre le temps de faire une vraie pause ? Depuis le départ je ne me suis jamais arrêté plus de 5 minutes et cela commence à me peser, et je n’ai clairement pas la forme… Je discute avec un bénévole qui m’incite plutôt à être raisonnable et à stopper ici car l’étape suivante est longue, technique et ne croise aucune route, donc si j’y vais pas question d’arrêter avant le prochain ravitaillement. Qui plus est on passe en mode “nuit”.
Le truc c’est que, contrairement à d’habitude, je suis seul. Il n’y aura personne, mis à part les navettes de l’organisation, pour me ramener à Verbier. En plus je n’ai pas d’hébergement pour cette nuit et pas non plus de plan B.
Ma décision est prise : je continue ! Je n’ai pas la forme mais je peux bien poursuivre encore un peu. Le prochain ravitaillement sera une base vie où je pourrai récupérer mon sac d’allègement et il y a une navette pour les abandons si besoin. par contre elle part 15 minutes après la barrière horaire donc mieux vaut se presser quoi qu’il arrive.
Effectivement, le chemin se corse très vite juste après les quelques centaines de mètres de bitume du col. Déjà ça monte alors qu’en théorie ça devrait descendre. Le bénévole m’avait prévenu mais ça pique quand même et j’entends les coureurs râler dans la montagne.
Dans la montée je suis plutôt dans le rythme des autres coureurs. Elle est effectivement assez technique, surtout de nuit. Il y a notamment quelques névés en dévers peu sécurisés qui ne sont pas du tout agréables à passer sans bâtons ! Depuis le départ nous en avons passé un nombre incalculable et certains, en descente ou en dévers, sont très casse-gueule.
Nous remontons jusqu’à un col avant de redescendre par un chemin d’abord abrupt avant une longue descente facile mais interminable vers bourg St Pierre. La météo n’est plus aussi bonne, il y a un petit crachin plutôt frais. Il faudrait courir mais je n’y arrive pas. Dès que j’essaie j’ai envie de vomir tellement mon estomac reflue. Bilan je n’avance pas et je vais même devoir m’arrêter à plusieurs reprises. Pourtant le chemin est facile et je devrais être capable de gagner du temps pour la suite. Cela fait presque 20 heures que j’avance sans presque aucune pause et je commence à saturer.
Malgré tout j’arrive à bourg St Pierre un peu avant la barrière, 3 minutes pour être précis. A ce moment je suis le dernier concurrent. Je peux encore repartir tout de suite si je ne m’arrête pas au ravito. Pourtant je vais me laisser stopper par la barrière. En effet, j’ai besoin de recharger ma frontale, ma montre, de manger un peu et impossible de faire tout cela en moins de 20 minutes. En plus, je sais qu’ici un bus pourra me ramener à Verbier alors qu’au ravitaillement suivant ce n’est pas garanti (en fait si il y avait un bus).
Un peu dépité, je monte donc dans le bus pour Verbier. J’ai pourtant fait une bonne partie du parcours et des difficultés mais ce n’était pas mon jour. J’ai mal préparé ma course, mal estimé sa difficulté et je me suis mal préparé.
Une fois de retour à Verbier, il me reste encore à trouver un endroit où dormir. Mon hotel est fermé mais par chance je finis par trouver le dortoir mis à disposition par l’organisation. Encore une chose que je n’ai pas préparé.
Que dire en conclusion : la X-Alpine est une très belle course (en tout cas pour ce que j’en ai vu), plutôt alpine avec peu de portions roulantes. Elle m’a beaucoup fait penser à l’Echappée Belle. Il est clair que je reviendrai y goûter cette fois-ci en connaissance de cause !
2 commentaires
Commentaire de Spir posté le 21-07-2019 à 22:49:36
Même course mais vécus très différents ! Tu as bien fait d'arrêter à BSP si ça n'allait pas. Il n'y avait pas de bus au prochain ravito vu que c'était la Cabane de Mille, perdue dans la pampa, donc ça aurait été un plan très galère jusqu'à Lourtier. Bonne récupération et bonne prépa pour les prochains ultras !
Commentaire de Fox-Trot posté le 12-08-2019 à 23:43:13
Prendre le départ c’était déjà bien ! C’était sage de t’arrêter a Bsp. Merci pour le récit Ps : Je t’ai vu quand je descendais à rebours de la course entre Orny et l’Alpette Bonne préparations pour tes prochains Ultra. Je partage l’EB ! C’est pour moi une magnifique course que j.ai plaisir à suivre
Il faut être connecté pour pouvoir poster un message.