Récit de la course : La Petite Trotte à Léon 2017, par Thibaud GUEYFFIER

L'auteur : Thibaud GUEYFFIER

La course : La Petite Trotte à Léon

Date : 28/8/2017

Lieu : Chamonix Mont Blanc (Haute-Savoie)

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Distance : 290km

Objectif : Pas d'objectif

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Le récit



La voile rouge d’un parapente tombe comme une feuille dérisoire devant le dôme monstrueux du Mont Blanc. Un nuage lenticulaire brouille le sommet, des nappes diaphanes cryptent ses lignes, voilent de pudeur comme de mystère le maître de cérémonie. Ici, sur la place du triangle de l’amitié le monde se concentre sur la folie de ses boxeurs aux pieds creux, de ceux qui préfèrent lui tourner autours plutôt que de l’affronter à la régulière. L’Europe, la Colombie, la Russie, l’Indonésie, la Pologne, la Hongrie, la Chine et j’en passe ont envoyés leurs émissaires comme autant d’offrandes. La conquête de l’inutile peut enfin commencer : 300 km, 3 Everests à faire et à défaire. Où est la limite, à partir de quand un humain admet t-il sa fragilité ? Quand comprends t-il qu’il serait compréhensible de renoncer, que son orgueil le conduira à sa perte ?



Avec François nous sommes de ceux là… Triple récidivistes, duo de camés de l’ultra trail on serre nos bâtons, nos sourires, nos cœurs, notre poitrine encagée par un paquetage pesant. Sourires de circonstance, photos pour témoigner qu’on l’a voulu, pour se rappeler comment on était avant… A peine le temps de se serrer, de se promettre la force, que ça y est les huissiers font péter les scellés ! Les cloches lancent le troupeau, la marée se meut comme une vague à la prudence molle qui lèche déjà les flancs acérés du kilomètre vertical. La montée au Brévent monte une lentille grande angle sur le Mont Blanc et ses lieutenants dont les yeux sont ici captifs. Petite pluie fine, j’émiette une brioche du boulanger aux fruits confits qui glisse comme une caresse parfumée dans la montée. J’observe une concurrente espagnole, cuisse tonique, sac serré à craquer, pas de bâtons, c’est gonflé… Il fait frais, on est relax, on tricote deux trois cols avant de passer à travers le chat étroit en pierre du col des aiguilles crochues à 2700 m. Le soleil déverse son baume, douceur dont il faut se repaître. Allez un sandwich maisons aux oignons du jardins et on fond dans un secteur sauvage de la réserve naturelle des aiguilles rouges.

 

JOUR 1 :



On enjambe, se tord les pieds, contourne et enfin piétine des monceaux de bosquets malaisés chargés de myrtilles et framboises sauvages. Le spot de cueillette est ahurissant ! On arrête régulièrement nos semelles violettes pour s’envoyer des poignées antioxydantes de bonheur dans le gosier. Les traces de cerfs marquent le territoire, on ne doit pas être les seuls à en profiter. Première boulette François claque un de ses bâtons aluminium. Petit coup de fil à notre protecteur et sauveur Antoîne TERRAY dit « TAZ le magnifique » qui se découpe en huit une fois encore et nous promet de nous retrouver et nous dépanner d’ici quelques heures. En attendant on s’accorde une pause fraicheur au pied d’une bergerie et sa fontaine sculptée dans un tronc avant de reprendre de l’altitude et accoster le mont Buet dit « Mont-Blanc des Dames » par son arête câblée. La structure géologique est étonnante un pierrier abrupt parfaitement minéral souligne une ligne de proue épaisse, gonflée, tout en courbe, noire de micaschistes friables et feuilleté. On pose non loin des 3100m avant de lâcher les bêtes dans la descente sur le refuge de Pierre à Bérard.


Une soupe et une inutile gorgée de coca plus loin on profite de la fin du jour pour avancer vers le refuge Skiroc et la promesse d’un vrai repas !

On croise un vieux bouquetin à la robe noire de taille impressionnante. Ses sabres se découpent dans la lumière crépusculaire. Première frontale allumée on touche le km 59 ? Skiroc, sa chaleur et les bâtons carbones d’Antoine. Ce dernier nous galvanise, nous photographie et on trace encore plein d’adrénaline dans la nuit. La journée de demain est annoncée très chaude et on en profite pour faire au frais des ascensions, col de la Balme, fenêtre d’Arpette. La descente à vue dans des blocs démesurés se fait à coup de sauts concentrés, d’adroits contournements. Un guide au milieu de cette vomissure de titan nous annonce un parcours de repli. Une zone un peu aérienne qui promettait ses chutes de pierres et nous contraignait au port de casque est contournée. On râle pour la forme (ça avait l’air amusant) puis épuisé on s’accorde une généreuse nuit de vingt minutes dans notre sac de couchage de survie avant le lever du jour.


JOUR 2




Des équipes de jour nous rejoignent, décidemment cette usine ne s’arrête jamais. On gravit la brèche des Chamois sous une chaleur déjà accablante. On rejoint la cabane d’Orny 2831m, très beau spot dans le canton du Valais Suisse perchée au pied du glacier d’Orny si plat, si droit, si sage, même ses rides et fissures sur sa face de grisaille semblent prévisibles. Mais la fraîcheur qu’il exhale apaise le feu de nos efforts et ses aiguilles au rocher pourri se mettent à improviser la danse de la peur. Un décrochement de blocs du sommet fracasse le silence glaciaire, des blocs de la taille d’une voiture se pulvérisent sur les pentes, un nuage de poussière se gonfle traverse le glacier et monte sur nous. L’odeur du fracas, du fer et de l’impermanence nous pénètre. Fallait pas qu’on oublie aujourd’hui que le destin de tout ça sera tôt ou tard de se casser la gueule !



On est un peu K.O. le nez affleurant notre soupe dans ce nid d’aigle, tout le monde à l’air bien et détendu mais chez nous la fatigue prend ses aises. On repart mais très vite on se fait une micro sieste en plein soleil.

 

On repart bon an mal an, on longe une cascade démentielle de puissance sur un chemin piégés de gros cailloux instables. La chaleur monte, on se fatigue et surtout nos réserves s’amenuisent dangereusement et on ne pourra les renouveler qu’en touchant notre sac de drop au km 115. Mais c’est la magie Suisse on croise un couple quinqua trop sympa en pleine cueillette de champignons qui nous balancent un snickers et des pommes.


Plus bas des trailers nous font profiter de leur assistance présente au bord d’une route et nous charge en pâtes de fruits et chocolat. On part sur notre dernière ascension chaude de la journée rasséréné : La Téjère. Bon dieu que c’est long tout de même. Allez une micro sieste dans l’herbe grasse. La brave équipe jurassienne passe à côté de nous rote s’exclame. J’enrage, pas moyen de dormir vingt minutes tranquilles au milieu de rien. On repart et on leur emboîte le pas, commence une interminable traversée dans les bosquets airelles, les fleurs de génépis et des champs de genévriers. IL y a de quoi se saouler avec des hectolitres de Gins avec un peu d’efforts par ici. Mais bon ce n’est pas vraiment le moment, on navigue à tour de rôle et on se retrouve dans le petit village de Bourg Saint Pierre ! On se douche enfin, on achalande, on engloutit du chaud et deux heures de sommeils vite passées on est de nouveau lâché Into the wild. Ça démarre très fort dès le début la trace sur le GPS cartographique est flippante. On doit partir droit dans une forêt dense et des massifs d’orties accueillantes avant de retrouver par hasard une piste. Et puis voilà que ça monte, la raideur est même d’une rare générosité. Je recroise notre copine espagnole qui a l’air complétement flinguée par le sommeil. On finit avec les Jurassiens par se trouver sous la cabane du Valsorey coincée entre le Mont-Blanc, le Grand Paradis et le Mont Rose. Le jour se lève on est tous ensemble et c’est beau à en pleurer. Petite sieste sur un bloc en gneiss arrondi comme un berceau suspendu face au glacier. C’est tellement magique que la coureuse espagnole enfin arrivée bavasse avec une voix sonnante à deux pas de nos sacs où l’on dort paisiblement et évidemment sans aucune gêne.

 

 

JOUR 3:


En maudissant toute sa lignée sur trois génération on redécolle pour aller se faire un petit déj à la cabane Vélan. Design futuriste, sorte de proue de navire en métal fendant la rétine. On accoste et on enquille soupe et omelette baveuse de fromages en regardant claquer les drapeaux de prières face aux montagnes débordées par un soleil digne d’un premier matin du monde. Les Jurassiens nous ont lâché, une équipe italienne aussi. J’essaie de mettre des grands coups de pieds dans mes réflexes de compétiteur, il faut qu’on s’écoute et qu’on prenne soin de nous avant toutes choses et on accélérera dans les dix derniers kilomètres comme dirait François. On dégringole sur la cabane du plan du jeu où l’on se fait escroquer d’une soupe très légère à sept euros. On avance plus si bien ; sieste au bord d’une route, une équipe française nous passe, on n’arrive pas à dormir de toutes les façons. On part sur le col du Bastillon la fin est archi minérale, les rochers sont magnifiques ils sont parfois irisés, traversés de couleurs comme autant de minerais fondus, les arêtes tranchent le regard. C’est étrange je suis plongé avec béatitude dans ce musée à ciel ouvert.

 

En haut théoriquement il y a un passage très aérien sur câble. Mais un guide de l’organisation nous arrête et nous indique du bout du doigt un parcours improvisé de repli car un orage est imminent et tenir ce câble en métal peut alors s’avérer fatal. On maugrée largement mais on obtempère, on navigue à vue pour enfin rejoindre un bout de via Romana à la blancheur défaite. Ça reste impressionnant même démoli ce qu’ils ont osés faire dans un milieu si hostile. S’en suit une interminable traversée à flanc de paroi, on est complètement seul depuis de heures et on trouve ça étrange. On sera diverti par un somptueux bouquetin.



Le ciel se charge et vers vingt heure et la pluie comme une surprise malgré tout nous réveille. On court s’abriter dans le magnifique refuge Frassatti (2542m et 165ème km). Ce dernier a été monté à dos d’homme dans sa totalité à l’exclusion de son poêle à bois. Nos bénévoles adorés sont là on rigole bien on mange pendant une heure trente détendu et on repart sous mon insistance sans dormir… Nous allons avoir la nuit pour le regretter. Planqués sous nos ponchos il nous reste des lambeaux de jours pour atteindre le col de la Malatra (2928 m).


En montant le tonnerre rentre en scène mais l’écart avec les éclairs est rassurant, plus on monte moins c’est le cas. On accélére, les intervalles raccourcissent, on se retrouve sur le ressaut final et il n’y a plus d’écart ! Ça claque très près on passe le col et on dégage en courant dans la nuit à priori maintenant c’est simple il faut toper le point de départ pour la bavante montant au Bataillon d’Aoste puis une descente de 1700m sur Morgex et là on pourra dormir se laver etc… Mais ce soir tout va mal, j’ai avalé un truc bizarre au refuge et je me sens mal mon estomac est retourné et puis on s’endort sur nos bâtons on se perd, on remonte, on ne trouve pas le départ de la montée. On tente une micro sieste dans l’herbe détrempée c’est un fiasco et je suis désormais gelé. Des frontales nous passent, on part dans le sillon on finit par trouver le début mais dans la montée on s’endort de nouveau nouvelle sieste, je ne sais plus imaginer ce que ça veut dire être bien. On arrache la fin de l’ascension à l’instinct. Là-haut le brouillard et le vent nous obligent à déguerpir et nous empêchent de voir à plus deux mètres ! La ligne GPS est parfois incompréhensible sur le terrain. C’est interminable, on doit dormir, on touche enfin Morges et pas Morgex qui est 700 m plus bas§ L’énervement pointe son nez François commence à péter les plombs et moi je suis amorphe, les cartes Suisses sont incomplètes le road book silencieux, on est perdu…

 

On trouve une propriété privée non occupée on pousse le petit portail en bois et on dort trente minutes sur un bout de terrasse en béton épargné par la pluie incessante. Au réveil l’instinct d’orienteur de François nous remet sur la bonne route. On termine à l’agonie en marchant en descente sur Morgex (18ème km) avec le jour qui se lève. Mon appareil digestif est complétement déglingué et je vais partir pour 24h de diarrhées. On s’effondre de fatigue, on a perdu plus de deux heures à jardiner et autant désormais à dormir…Le jour 3 c’était le jour de la punition…


JOUR 4


On est désormais mal placé mais beaucoup plus lucide, on part pour une superbe échappée en balcon tournant autour de trois cols Ameran, Crosatie et Planaval. Le vent et la pluie jouent au violent mais en fait on est plutôt en forme et après le cauchemar de la veille et sorti du brouillard tout paraît mieux. On enchaîne une belle journée le spectacle du glacier du Ruitor au loin est magique on termine au refugio Deffeyes. Le repas essaie d’être aussi excellent que l’ambiance mais il a du mal. On dort une heure et on repart relier le refuge du Ruitor qui n’est qu’à cinq heures. Une équipe devant nous Néerlandaise avance tranquillement on hésite à les passer mais la nuit peut être longue et on bavarde avec eux. On ramasse une équipe Italienne un peu en déroute sur le chemin. Deux rustres parfaitement opportunistes faisant cavalier seul et s’invectivant l’un l’autre avec régularité (la pire équipe que j’ai pu approcher en trois édition). Et bientôt surprise la trace GPS s’arrête à huit kilomètres du but ! On recharge la trace, on redémarre les GPS non rien n’y fait c’est le vide sidéral sur les écrans ! Le brouillard et le vent commencent à monter la nuit est noire et il est urgent de rester calme. On sort les cartes, on part à la boussole et on cherche des cairns pouvant nous aider évidemment les italiens proposent la direction opposer et grognent. Je me souviens brusquement avoir ce tronçon sur ma montre et je le charge à tout hasard. Bingo ça fonctionne !

 

Alors commence un beau travail d’équipe le leader Néerlandais essaie de retrouver le parcours à l’instinct (il l’avait repéré de jour en sens inverse) pendant que son équipier et François cherchent les Cairns. Quant à moi je valide ou corrige les orientations en suivant le fléchage indiqué par ma montre. Quatre heures plus tard on trouve le refuge de Ruitor comme un fantôme mouillé dans la lumière de nos frontales. On se tope la main, on a fait du bon boulot, le cerveau collectif à eu raison des imprévus. On part pour une heure de sommeil mais je ne me réveille pas et ce sera deux heures. Tout le monde a quitté le refuge mais peu importe on retrouve notre chemin et on parvient à atteindre l’Hospice du Petit Saint Bernard (232ème km). Immense bâtisse du XI -ème siècle construite sur la voie de passage entre la Savoie et le Val d’Aoste, ce lieu accueillait jadis les voyageurs et les démunis…

 

“tout est beau” dixit Thibaud !


JOUR 5


Spot pour fondeur le lieu austère est équipé d’un sèche-chaussures ! On se retape, petite sieste et on se jette dehors dans des baskets enfin sèches et tièdes. Une longue traversée spectaculaire nous amène en droite ligne vers Bassa Serra et le Mont Blanc, les pierriers de schistes en assiettes brillent comme des écailles de serpent sous le soleil qui retraverse. Des vautours Gypaètes à l’envergure impressionnante croisent au-dessus de nos lignes terrestres avec une sublime et gracieuse indifférence. Des jeunes bouquetins se détachent sur la ligne d’horizon avec le puissant pilier Bonnati en arrière-plan. Les marmottes grasses ondulent vers leur salut. Un troupeau de Vététistes couverts de protections vestes fluos glandent la nuque dans l’herbe terrassés par trop de beauté sans doute.
Au milieu de tout ce beau monde on s’envoie quelques belles lignes câblées histoire de ne pas faire baisser notre niveau d’ivresse et de défonce. Bon et bien voilà de nouveaux les guides il y a de la glace sur les rochers après le refuge Robert Blanc et on attend un grand coup de froid pour cette nuit donc nous sommes sommés d’emprunter un parcours de repli. (Ils attendent -4° à 2000m et on doit monter à 2700m).



Ce dernier implique un long détour en partie sur le parcours de l’ultra tour de Mont Blanc. On obtempère mais ça ne sera pas une partie de plaisir : mes pieds cernés par des ampoules contractées en milieu humide me mettent au supplice dans les descentes et la montée sèche dans les pentes boueuse et bouseuses du col des Fours est loin d’être une partie de plaisir. Le froid le vent le brouillard, le grésil fouettent nos ombres qui flottent sous des ponchos claquants. Un duo de randonneur nous harponne ils sont perdus, n’écoutent rien, n’ont pas de cartes et évidemment ne nous remercient pas quand on leur indique leur route… Sans commentaires. La nuit s’installe on se retrouve au Col du Bonhomme la machine UTMB passe par là et le balisage est impressionnant, c’est une véritable piste d’atterrissage ! Le temps est salement dégradé et une équipe du PGHM monte sécuriser la course qui va bientôt passer par là avec des équipements dignes d’un film de sciences fictions. Les tentes des sponsors, les teams et les passionnés d’ultras sont en place pour croiser les idoles de cette nouvelle religion en tous les cas… Et voilà qu’on recroise les italiens, on se perd un peu, ils ne nous aident pas et attendent qu’on débrouille la situation en restant à proximité. On finira par les décoller au milieu de cette nuit glaciale venteuse et humide et eux par se perdre avant de recroiser une équipe qui les tirera de là).


Enfin le col du Mont Joly : oasis faite de quatre tentes collées au milieu de cette nuit chaotique. Les bénévoles font un travail remarquable, ils mettent nos affaires sous le chauffage soufflant, nous perfusent à coup de bouillon aux vermicelles. On rigole on se renseigne et surtout on dort une heure trente ! Juste énorme si vous saviez !


On repart complètement changé on discute en route et on conclut que ce sera notre dernière PTL parce qu’il est temps de rêver d’autre chose. Avec François on s’est croisé il y a sept ans sur l’arête du Mont Joly où l’on se trouve actuellement sur une course s’appelant la Montagn’hard (d’où le nom de notre équipe). Et alors que le brouillard contrarie notre progression en nous opposant un inépuisable mur blanc face à la lumière de nos frontales, on déchiffre sur un rocher une marque faite à la peinture photosensible sur un rocher « M’Hard ». On se regarde, on est ému, il faut savoir lire un GPS mais aussi les signes parfois…


Mes pieds meurtris subissent une descente de 1700m sur l’herbe glissante, je n’en peux plus d’avoir mal. On touche le dernier point bas avant Chamonix : Saint Nicolas de Veroce.

 


JOUR 6


Près de 2000m de grimpette la dernière montée ! Pause au Champel où l’orga propose une petite collation. Du col Joly jusqu’ici on a fait 45’ de mieux que l’équipe une et c’est très bon signe). On se fait un petit déjeuner d’ogre, je dors 15’ et j’entends qu’une équipe va bientôt nous rejoindre on est 3ème et ça sonne comme un coup de fouet. La montée se fait sur un rythme militaire (même si François se débrouille pour cueillir un Cèpe à offrir à nos hôtes à l’arrivée), on passe la superbe passerelle Bionassay, au-dessus des eaux de fontes du glaciers,folles comme notre joie d’arriver.

 


La neige apparaît, s’épaissit, crisse, amortit tout. Une ambiance très haute montagne s’installe et impose son silence, je reconnais que c’est impressionnant nous sommes complètement seuls là-dedans et le brouillard comme un couvercle masque la fin de l’ascension. On croise la deuxième équipe qui avait plus d’une heure trente d’avance il y a peu ! Ils ont peur de ce nouvel environnement se demandent si l’organisation va nous dévier (on imagine la même chose). On s’équipe plus chaudement et avec des crampons arrivés dans la cabane. On n’attend pas mal d’avoir un peu de réseau pour avoir un feu vert.

 

On finit par l’avoir et nous voilà parti jusqu’au col (nous avions reconnu avec mon ami Didier ce tronçon ce qui nous a donné confiance). Et là c’est le grand spectacle quinze centimètre s de poudreuses aucune trace, les aiguilles de Chamonix comme un écrin serti, une échelle glacée qui tombe dans le vide, des câbles et l’euphorie commence à vouloir damer le pion à la prudence. On s’assure que l’équipe qui nous suit s’en sort, enfin le soleil sort après une longue absence il glisse sur ce tableau et l’éclaire pour qu’on ne l’oublie jamais.  Ce sont les plus belles images de ces trois éditions, quelque chose comme une apothéose, comme quelque chose qu’on ne peut vivre qu’une fois.


 

Et on pense à Jean-Claude Marmier (créateur de l’épreuve et décédé il y a quelques années) très fort et on sait qu’il serait fier, fier de nous, fier que son rêve taillé dans l’absolu existe encore…


L’équipe quatre plus aguerrie à ces conditions nous doublent tous en baskets, on blague mais dès que la zone dangereuse est passée on vire les crampons et commence une folle course poursuite sur Chamonix. On les rattrape rapidement, complètement sous endomorphines mes pieds sont complètements insensibles, et à tombeau ouvert on rejoindra les rues de Chamonix. On est extasiés on en revient en fait pas, on arrive triomphant deuxième après tant de revers et d’épreuves.
On s’apprête à tourner pour passer sous l’arche et les surprises pleuvent comme des hallebardes : ma sœur Isabelle et mon beau Frère Jean-François m’ont fait l’honneur et le plus incroyable bonheur de venir nous voir de Marseille !! Et enfin JPI mon ami de lycée est là il a tout suivi et viens lui aussi me faire la surprise ! Je suis abasourdi ! On prend notre élan 1,2,3,4 c’est l’entrechat parfaitement coordonné sur la ligne de l’amitié et de son triangle.

Merci pour avoir eu le courage de plonger dans cette aventure
Merci à Antoine d’être celui qui n’est jamais pas là quand il le faut.
Merci à Elise de ne pas nous avoir applaudi mais de nous avoir soutenu avec bienveillance et fait réfléchir au sens réel de ce que nous faisions.
Merci à Isabelle Juchat pour son efficacité, sa lucidité et son omniprésence.
Merci à Lucio et son équipe d’avoir été le guide le plus responsable et irrésistiblement italien des Alpes.
Merci à la PTL de transformer les copains en amis et les montagnes en murs de maisons.
Merci à Carole Pipolo de nous avoir protégé avec ses Chabbi Chans magiques des esprits et des ombres.
Merci à mes enfants d’amour et à ma femme Carole qui me préviens malgré tout que je ne prends pas le chemin quand je suis sur un parcours de repli
Merci à mes amis d’être toujours là au bon moment par tous les temps, derrière un écran silencieux où un texto qui amuse relativise ou encourage.
Merci à ma mère et mes soeurs qui m’ont toujours poussé sans me pousser.
Merci à Emmanuelle pour ses vidéos craquantes qui nous rappelle qu’il y a des enfants derrières leurs pères.
Merci à l’ensemble des bénévoles pour la métamorphose qu’ils arrivent parfois à opérer sur nous et pour être si beaux qu’ils nous donnent envie d’être bénévoles à notre tour.
Merci à la montagne de nous rappeler de ne jamais nous départir de notre insignifiance prudente pour atteindre ce qu’on ose à peine imaginer en faisant le premier pas…

 

 

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