L'auteur : Matt38
La course : Ultra Tour des 4 Massifs - XTrem 160 km
Date : 24/8/2018
Lieu : Grenoble (Isère)
Affichage : 3911 vues
Distance : 160km
Objectif : Terminer
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(Désolé pour le coté égocentrique du récit)
Après un abandon l’an dernier à la morte qui m’avait laissé beaucoup de regret, une semaine après, je m’étais remis au travail avec pour seul objectif : Aller au bout de l’Ut4M Xtrem 2018…
Le fait de finir l’ultra-race d’Annecy au mois de mai dernier m’avait permis de me rassurer sur ma capacité de finir un ultra de plus de 120 km autant physiquement que mentalement.
Une douleur au genou droit est malgré tout venu contrarier ma sérénité et le maratrail de Chamrousse début juillet remettait franchement en doute mon physique. Je finis mais avec une douleur importante au genou type syndrome de la patte d’oie. J’ai donc géré ma fin de préparation pour tenter d’optimiser mes chances.
Me voici donc ce vendredi 24 aout 2018 dans le parc de la mairie de Seyssins avec Marie, Martin et Maëlan pour prendre le départ de ce « 100 miles ». Nous sommes 470 sur la ligne. Je sais qu’un grand nombre abandonnera mais je ne veux pas en être. Ma course doit commencer à la Morte, dans 60 km…avant le maitre mot c’est : Gestion.
Distance (km) Altitude (m) D+ cumulé (m) Lieu Barrière Horaire
0 220 0 Départ Seyssins 24/08/2018 16:00
A 16h, le départ est donné. Nous faisons le tour du parc avant de rejoindre les rues de Seyssins. Nous recevons beaucoup d’encouragement avant de les premiers chemins. 1km après le départ, je vois un coureur percuter du mobilier urbain et tomber à terre : ça commence bien pour lui… Il se relève mais cela me rappel à la prudence. Nous arrivons rapidement sur mes terrains d’entrainement dans le bois des Vouillants. J’ai plaisir à remonter jusqu’au tremplin de Saint NIzier en mode marche rapide (Gestion, je disais…) La température est idéale, bien loin de la fournaise d’il y a un an qui m’avait entamé dès le premier massif. Je remonte le tremplin des Jeu de Grenoble 1968 dans une ambiance digne du tour de France et arrive au premier ravitaillement à 18h. Je croise des têtes connues, venues nous encourager. merci les Muller que je reverais à Lans.
Distance (km) Altitude (m) D+ cumulé (m) Lieu Barrière Horaire
13,2 1240 1030 Saint-Nizier-du-Moucherotte 24/08/2018 20:00
Premier ravitaillement express, je fais le plein et repart en direction du Moucherotte. Chemin que je connais bien et que j’ai fait tant de fois en entrainement. J’ai l’impression d’être chez moi. Je ne me mets jamais dans le rouge et finalement je rejoins le sommet conformément au temps que je m’étais donné. Les jambes vont bien et je me lance vers Lans en Vercors ou je compte bien profiter de la petite famille qui devrait m’y rejoindre. Le soleil est en train de se coucher lentement, les paysages du Vercors sont toujours magiques avec quelques nuages. Je descends en courant avec en tête le souvenir d’il y a un an ou j’étais déjà entamé à ce moment de la course. L’entrainement a été meilleur. Je le ressens.
Distance (km) Altitude (m) D+ cumulé (m) Lieu Barrière Horaire
21,2 1410 1690 Lans-en-Vercors 24/08/2018 23:00
En arrivant vers 19h30, je ne retrouve pas la petite famille. Je les appelle et ils m’indiquent qu’ils sont arrivés, mais qu’ils cherchent le ravito. Le temps de comprendre qu’ils sont partis dans le sens de la course mais après le ravito, je les retrouve sur le chemin ou nous pourrons partager un petit moment avant que je ne reparte en direction du Pic Saint Michel. Ma progression est bonne et je redoute un peu la montée finale au Pic, j’ai en tête d’en avoir bavé l’an dernier ou j’avais eu les jambe lourde et ou les derniers raidillons ont été difficiles. Encore une fois, je me rends compte que je suis en forme. Et tout en gérant mon effort, j’arrive rapidement au Pic ou je trouve Samontetro (Patrick de Kikourou) à qui je n’avais même pas dit bonjour il y a un an. Je prends le temps aujourd’hui de le faire dans le vent fort et froid du soir sur la crête. Quelques secondes pour profiter de la vue et du levé de lune sur Belledonne puis je me lance dans la descente vers le col de l’arc en courant et avec en tête le conseil de Patrick « il faut gérer la descente jusqu’à St Paul de Varces qui est longue et cassante pour les cuisses : ce n’est que le début ».
Je suis accompagné dans cette descente par toute une équipe d’Angevin (ils sont au moins 6 à faire l’Ut4M ensemble) qui n’arrêteront pas de parler. Une fois le col de l’arc passé, le soleil a disparu depuis de longues minutes, maintenant et il est temps de sortie la lampe frontale. Nous arrivons en sous-bois et n’y voyons plus rien. Un petit appel téléphonique me confirme que Marie et les enfants seront présenta St Paul de Varces ainsi que Guillaume qui avait promis de venir m’encourager ce vendredi soir et que je n’attendais qu’a Vif.
J’alterne entre footing et marche rapide sur la descente pour ménager mes quadris. Arrivé au ravito de Saint Paul de Varces. Tout va bien. Pas de douleur au genou, l’essentiel est préservé pour l’instant
Distance (km) Altitude (m) D+ cumulé (m) Lieu Barrière Horaire
31,7 370 2240 Saint-Paul-de-Varces 25/08/2018 02:20
Je retrouve tout le monde sur le bord de la route juste avant le ravito. J’en profite pour boire ma première soupe et me brule la langue, Guillaume me fait le plein des gourdes et après avoir embrassé tout le monde, je leur souhaite une bonne nuit. Je suis en forme. Rien à voir avec l’ambiance d’il y a un an. Le ravito est plus vivant et les coureurs globalement en bien meilleur forme.
Je repars dans le nuit avec les écouteurs sur les oreilles direction la montagne d’Uriole, petit D+ à faire avant d’en finir avec le premier massif. Les coureurs sont déjà bien espacés, on ne se bouscule pas mais on est jamais tout seul. C’est agréable. Je mets environ une heure pour rejoindre Guillaume à Vif, première base de vie.
Distance (km) Altitude (m) D+ cumulé (m) Lieu Barrière Horaire
39,9 310 2670 Vif 25/08/2018 04:30
Je récupère mon sac et profite de ce ravito pour changer mes chaussettes et mon teeshirt. Je bois ma traditionnelle soupe et fait le plein pendant que nous discutons avec Guillaume. Cette pause me fait du bien, j’avais prévu d’y rester une demie heure, j’en repartirais au bout de 34 minutes. A 10 minutes près, je suis en ligne avec mon plan de course.
Je remercie Guillaume et le quitte à 23h55. Direction, le lac de Laffrey. La remonté sur Saint Georges de Commiers se fait en marche rapide et je trottine sur les parties plates. Enfin nous quittons la route pour rejoindre les chemins et j’entame la remonté du col de la chal. Dans cette monté je vais connaitre mon premier et peut être plus difficile moment de la course. Je suis rapidement écœuré par le sucre et notamment le gout de l’eau de mes gourdes. Je suis pris de nausées et dans la monté au col, je ne suis tellement pas bien, que je me pause sur une pierre pour récupérer un peu. Je tente de boire une gorgé qui déclenchera quelques vomissements (désolé, c’est pas très gloups). Cela me libère d’un poids et je vais tout de suite mieux. Je reprends ma route et je constate que ce moment difficile est passé. J’arrive au col et me rafraichie à un abreuvoir j’en profite pour me mouiller la tête et la nuque avec mon éponge magique (En même temps cela retire le sel qui s’accumule avec la sueur. Cela me fait un bien fou). Je poursuis ma route et rejoint le ravitaillement de Laffrey vers 2h50 du matin, toujours en délicatesse avec le sucre qui me dégoute.
Distance (km) Altitude (m) D+ cumulé (m) Lieu Barrière Horaire
53,5 900 3660 Laffrey 25/08/2018 08:30
A Laffrey, je ne profite pas du ravitaillement. Mes problèmes gastriques ne sont pas loin et je prends tout de même une petite soupe. Je tente de manger un morceau de chippo, mais impossible. J’en reste là et je reprends la route rapidement. Il ne me faut pas d’idées négatives. J’ai dans ma tête que ma course commence à la Morte, c’est la prochaine étape. Je sais que c’est sur le tronçon qui m’attend que l’an dernier je m’étais résolu à arrêter ma course. Cette année, il n’en est pas question. Il fait nuit, je mets la musique pour rentrer dans ma bulle et ne pas gamberger. J’appréhende, malgré tout, la montée vers l’Alpes du Grand Serre. Finalement, à mon rythme, je rejoins La Morte avant l’aube, vers 5h30.
Chouette la course va pouvoir commencer…
Distance (km) Altitude (m) D+ cumulé (m) Lieu Barrière Horaire
65,2 1370 4470 La Morte 25/08/2018 11:40
Ça va mieux, je peux me réalimenter, mais que du salé. La traditionnelle soupe, et je fais le plein de mes gourdes. Toujours une avec de l’eau et l’autre avec du coca cola. J’arrête d’utiliser ma troisième gourde car l’odeur de l’eau ne me va pas et impossible d’y faire quoi que ce soit. Je décide donc de n’utiliser qu’un litre de liquide disponible entre chaque ravito. Heureusement il ne fait pas chaud et les ravitaillements se succèdent rapidement.
Je repars de La Morte de nuit pour m’attaquer au pas de la vache dont je suis allé faire la reconnaissance il y a un mois. Cette montée de 1000mD+ m’avait laissé un bon souvenir, mais je n’avais pas 60 kilomètres dans les jambes et 4470 m de D+. Et sur, cela fait une différence. Je repars donc de nuit, confiant. La fatigue me tombe dessus quelques virages après avoir quitté le village. Je décide donc de me poser sur le bord du chemin pour tenter de dormir un peu. Je m’alonge, me couvre et mets mon alarme pour dans 15 minutes. Je m’assoupi 5 minutes et me réveille. Bon, je n’en ferais pas plus, je me relève et repars, pas certains que cela ait été efficace. Le jour se lève et je range ma lampe frontale. J’avais le souvenir d’un chemin montant progressivement. Mais je n’avais pas le souvenir que ce fût si raide la première fois. On voit les coureurs qui nous précèdes au-dessus de nous. Ils semblent tellement haut et tellement près à la fois. C’est perturbant pour celui qui regarde en haut. Je décide donc de ne regarder qu’en bas. Désolé les gars, mais oui vous avez encore tout ça à monter avant de me rejoindre ! ça vaut mieux que oh merde encore tout ça pour aller là-haut !
Finalement, à mon rythme j’atteins le Pas de la Vache au bout 2 grosses heures de montée. On y retrouve des bénévoles ici dans le vent et le froid qui nous encouragent. La vue est superbe et je fais quelques photos avant de me lancer dans la descente vers le lac du brouffier dans l’espace natura 2000.
Nous traversons une bergerie. Le troupeau a été emmené plus loin avec les patous pour permettre aux coureurs de passer sans les déranger, merci au berger.
Je retrouve rapidement les crête du brouffier, puis la descente de la combe d’oursière pour rejoindre le ravitaillement du lac du Poursollet sur une section pas vraiment roulante, voir pénible. Je suis accueilli par un sorcier et j’espère bien qu’il aura une potion magique pour m’envoyer jusqu’au lac fourchu. Il est 9h20. Le corps et la tête vont bien.
Distance (km) Altitude (m) D+ cumulé (m) Lieu Barrière Horaire
76,2 1650 5550 Lac du Poursollet 25/08/2018 15:30
Je repars et passe un petit coup de téléphone à Marie. C’est un peu compliqué car je ne capte pas très bien, mais j’arrive a lui dire que tout va bien, j’avance bien, je suis un peu en retard sur mon plan de marche maintenant, mais que je progresse en assez bonne forme.
Bon a vrai dire, je suis un peu dans le dur. La remonté vers le lac fourchu est un peu poussive. Je n’ai pas les meilleures sensations, mais je sais que ce sont les derniers 400mD+ avant la longue descente vers Rioupéroux. Je m’accroche et je débouche enfin sur le plateau où je suis persuadé de rapidement redescendre vers le chalet Barrière. Mauvaise lecture du road book !! Nous faisons un grand tour sur le plateau pour rejoindre le pas de l’Envious. Les nuages se déchirent pour m’offrir une belle vue sur les lacs et le Taillfer au-dessus. Malgré cela je n’en profite pas car je suis contrarié par la longueur de ce passage.
J’aurais là le seul moment de la course ou la lassitude sera telle que des idées négatives me viendront. Pas celles qui font abandonner, mais celles qui te font te demander mais pourquoi tu t’infliges tout ça ? pourquoi tant d’effort ? et si cet Ut4M était mon premier et mon dernier 160 kilomètres ? ai-je vraiment envie de ça ?
Je me pose sur une pierre, après un passage sécurisé par des militaires avant de rejoindre le chalet. Il commence à pleuvoir quelques gouttes je me couvre, il fait froid, je sors les gants et je prends le temps de manger et boire un peu.
Je rejoins le chalet barrière. Il est 11h30. Les idées négatives sont déjà parties. Je fais un arrêt express, le plein des gourdes, je mange du jambon fumé et c’est repartie.
Distance (km) Altitude (m) D+ cumulé (m) Lieu Barrière Horaire
82,8 1870 6020 Les Chalets de la Barrière 25/08/2018 17:40
Tout le monde m’a prévenu, cette descente est longue raide et cassante. Je vais donc gérer en marchant. J’appel au tout début Marie pour savoir quelle est la suite de leur journée. Elle me dit qu’elle souhaite monter avec les enfants à Chamrousse. Je lui déconseille car non seulement il y a une course de côte mais en plus il y a énormément de vent et il y fait très froid. Ce sera une vraie galère. Je lui dis qu’il sera plus simple de se retrouver à Saint Nazaire les Eymes, la dernière base de vie.
Finalement la descente se passera bien, les jambes ont soufferts, je serais à l’écoute de mon genou droit en espérant ne pas ressentir les douleurs d’il y a deux mois et en effet rien à signaler de ce côté. J’entre-aperçois le fond de la vallée et arrive à Rioupéroux heureux de cette première moitié accomplie. Pour moi, c’est le massif le plus difficile des 4.
Je rencontrerais avant la base de vie, le directeur de l’école de mes garçons, surpris de se croiser-là.
Distance (km) Altitude (m) D+ cumulé (m) Lieu Barrière Horaire
88,2 540 6040 Riouperoux 25/08/2018 18:40
Base de vie de Rioupéroux, 11h45. J’ai prévu de prendre une douche ici. Je récupère mon sac et j’ai du mal à définir ce que je veux faire. Je n’ai pas les idées claires et je suis confus. La douche est froide, tant pis, cela me fait du bien, je me change donc complètement en oubliant de remettre de la crème anti-frottement partout. Je mange du salé et bois ma soupe. J’ai l’impression d’être un peu perdu dans cette base de vie. Il y a du monde et c’est petit. Je comptais y rester une bonne heure pour me reposer et éventuellement dormir un peu, mais le lieu ne me donne pas envie. Je repars donc ou bout d’une demie heure, prêt à attaquer le désormais mythique kilomètre verticale de Rioupéroux. 1000mD+ en 2.7 kilomètres. Je ne l’ai jamais fait et j’appréhende un peu. Mais je sais qu’une fois ce gros morceau passé, on bascule définitivement dans le camp du : « il en reste moins à faire que ce qui a déjà été fait !! »
C’est raide, et j’avance comme un escargot. J’essaye de gérer l’effort pour ne pas exploser. Les jambes suivent mais sur un faible rythme. Tant pis, deux heures pour rejoindre le haut avec deux arrêts pour reprendre mon souffle. Les collègues sont dans le même état. Cela me rassure car je n’ai à aucun moment le sentiment de connaitre une défaillance où je me fais doubler de tous les côtés.
Distance (km) Altitude (m) D+ cumulé (m) Lieu Barrière Horaire
92,3 1630 7130 Arselle 25/08/2018 21:40
Je reçois des encouragements par sms, réseaux sociaux, autres... autant de surprises qui réchauffent le cœur et gonfle le moral…(Merci Papa). A l’Arselle je fais une bonne pause pour profiter. Puis je repars, gonflé a block vers la croix de Chamrousse. Les nuages sont très présents. Le vent s’en mêle également. Je connais ces chemins de Belledonne pas très roulant mais de toute façon je n’arrive pas à courir. Donc je marche. Tantôt je mets ma veste tantôt je la retire… le temps se complique et c’est dans un vent très froid et violent que j’arrive à la tente du ravito de la croix de Chamrousse.
Distance (km) Altitude (m) D+ cumulé (m) Lieu Barrière Horaire
97,5 2240 7740 Croix de Chamrousse 25/08/2018 23:45
L’ambiance y est tout autre que ce que j’avais imaginé. Le bar/restaurant est fermé, le téléphérique est arrêté, tout le monde est agglutiné dans les deux tentes de l’armée. C’est surpeuplé. Je prends tout de même deux soupes puis je m’habille complétement avec le teeshirt manche longue ainsi que le surpantalon. Je décide de ne pas rester trop longtemps ici, il y règne une odeur d’abandon que je ne veux surtout pas respirer.
Un bénévole nous dit que le vent est moins fort dans le vallon de la Pra et qu’il est possible que la monté au Grand Colon soit shunté en raison des nuages, du vent et du froid (question de sécurité).
Je traverse donc le vallon ou il fait en effet meilleur. J’appelle Marie pour lui dire que tout va bien et nous convenons que nous ne nous verrons pas à Saint Nazaire car je vais y arriver très tard et avec les enfants c’est un peu compliqué. Le rendez-vous est donc pris pour demain matin, sous l’arche d’arrivée.
Avant ça il y a encore pas mal de boulot. J’arrive enfin au refuge de la Pra ou le bénévole nous confirme que le Grand Colon est shunté et qu’il en sera de même pour Chamechaude cette nuit.
Distance (km) Altitude (m) D+ cumulé (m) Lieu Barrière Horaire
103,6 2100 8000 Refuge de la Pra 26/08/2018 01:30
Nous prenons donc la direction du lac du crozet pour rejoindre Freydière futur ravitaillement. Cette descente m’inquiète également car de tous les récits lus, sur cette course, elle est interminable. En effet, 25 km nous attendent ! Au loin je vois la Chartreuse et déjà dans ma tête je sais que j’irais au bout. Je fais la descente principalement en marche rapide. Je connais bien ces chemins. J’y suis passé encore trois fois au mois de juillet lors de dernières rando/course d’entrainement. La nuit me rattrape en arrivant sur Freydière. Je ressors la lampe frontale du sac ainsi que la veste de pluie car quelques gouttes tombent et je crains une averse plus conséquente. J’arrive à Freydière par la route il est 21h20.
Distance (km) Altitude (m) D+ cumulé (m) Lieu Barrière Horaire
113,8 1120 8330 Freydières 26/08/2018 04:00
Au ravitaillement, je prends juste le temps de remplir une nouvelle fois mes gourdes, de manger une soupe et du salé. J’ai maintenant mes habitudes et mes soucis gastriques sont maintenant loin derrière moi. Je n’y reste pas trop longtemps car je sais que cela va être long pour rejoindre Saint Nazaire les Eymes. Sur mon road Book j’avais prévu 2h pour cette partie. Il me faudra 3 heure pour arriver à la base de vie.
Le début de la descente commence par une remonté que je n’avais pas du tout repérée sur le tracé. Je peste. Mais quelle idée de nous faire remonter ! En fait, nous n’avons pas trop le choix. J’effectue cette descente seul jusqu’à Villard Bonnot ou un petit ravitaillement nous permettra de faire le plein une nouvelle fois. J’en repart avec un Normand avec qui nous discuterons sur les routes de la vallée. Le temps passe plus vite ainsi. Nous passons le long du Bois Français. Les chemins sont sec et plein de poussières. Il fait nuit. Je marche rapidement et mon collègue fini par ralentir car il ne peut tenir le rythme.
J’entre dans Saint Nazaire, sous les encouragements des bénévoles postés au pont qui traverse l’autoroute. Il est 00h00. Je rentre dans la base de vie 20 minutes après. Je décide d’y faire un arrêt prolonger pour me reposer avant d’attaquer le dernier massif et la dernière nuit. (C’est anecdotique, mais je viens de dépasser la plus longue distance que je n’ai jamais parcouru. 127km fait, il en reste 40)
Distance (km) Altitude (m) D+ cumulé (m) Lieu Barrière Horaire
127,3 290 8460 Saint-Nazaire-les-Eymes 26/08/2018 08:00
Je récupère mon sac. La fatigue est bien présente et je ne sais pas trop comment m’organiser. Finalement je ne prendrais pas de douche. Je mange d’abord une soupe puis décide pour la première fois d’utiliser le service des Kinés pour me faire masser les cuisses. Elles sont bien tendues par les 25 km de descente et sont douloureuses. Je réussi à ne pas dormir pendant le massage. Ensuite je me pose sur un matelas pour tenter de dormir 20 minutes. Je m’installe au milieu des autre coureur certain dorment bruyamment d’autre ont du mal à trouver le sommeil. Moi, je n’y arrive pas. J’ai la sensation de m’endormir 5 minutes seulement. Finalement je range mes affaires, refait mon sac mange une dernière fois du salé. J’avais prévu de changer de chaussures mais comme je n’ai aucune douleur au genou j’hésite. Finalement je décide de garder la paire qui me porte depuis le départ. J’ai peur qu’en changeant je perturbe l’équilibre de ma foulée et que cela relance l’inflammation au genou que j’avais connu deux mois plus tôt. Je sors du bâtiment (J’y serais resté 1h05) bien décidé à monter ce col de la Faïta qui dans mes souvenirs n’est pas très pentu et plutôt progressif. Le temps en doux dans la vallée. Et j’ai du mal à imaginer que plus haut les conditions nous empêchent de monter au sommet de Chamechaude.
Nous remontons les rues du village avant de rejoindre les champs au-dessus puis les bois. La nuit est calme. J’aperçois quelques coureurs au loin. J’en rattrape un et nous commençons la monté vers le col. Je suis confiant. Rapidement je me rends compte que mes souvenirs m’ont trahi ! c’est bien plus raide que ce que je pensais. C’est un vrai combat qui commence. La nuit est profonde, noir, et le halo de ma lampe n’éclaire pas bien loin. La première partie est longue et j’ai hâte de rejoindre la seconde où les pentes sont bien moins raides. Bon an, mal an, sur un rythme régulier j’avance. Mes jambes vont bien, pas de défaillance de ce côté. La fatigue est bien là mais je ne me sens pas épuisé. Le vent se fait plus présent au fur et à mesure de la montée. Il fait plus frais également.
D’un coup, ma lampe frontale me signale que j’arrive à la fin de la charge de la batterie. Je vais bientôt ne plus avoir d’éclairage. Je décide donc de me poser sur le côté pour remplacer les piles. J’allume ma lampe de secours (mince elle n’éclaire pas grand-chose) je mets les nouvelles piles…. Rien…. Non quelle erreur de débutant je n’ai pas vérifier l’état des piles avant le départ. Et je me retrouve comme un idiot à 2h du matin dans la nuit, sans éclairage digne de ce nom. De plus la batterie qui me permet de recharger le téléphone est déjà a moitié vide. Je vais tout de même recharger ma lampe avec cette batterie et je vais avancer avec la lampe de secours même si je ne vois pas grand-chose. C’est toujours mieux que rien. Je vois au loin qu’il y a un groupe de coureur qui me rattrape. Je me dis que je vais profiter de leur éclairage et vais les suivre tant que c’est possible. Je parle de mon problème au gars qui me rejoins et gentiment il accepte que je me mette dans ses pas pour bénéficier de sa lampe. Le petit groupe qu’il forme avec un couple marche bon train, j’accélère donc le pas pour rester au contact. Ils me sauver la vie ! je ne voyais pas attendre le levé du jour pour repartir !
Encore quelques virages et nous arrivons au col où le vent est plus fort, il fait froid et nous nous retrouvons dans les nuages qui limitent la visibilité. Toujours caller dans leur pas nous longeons les crêtes pour rejoindre l’Eymandra. La visibilité est mauvaise et heureusement l’organisation a positionné des balises à LED rouge pour nous permettre de trouver notre chemin. Le brouillard ne nous aide pas. Et il faut être énormément vigilant. Sans mes compagnons de route, je n’aurais jamais réussi à trouver mon chemin avec ma pauvre lampe. C’est aussi cela ce que j’aime dans le trail, on est tous dans la même galère et la compétions, elle est contre soi et pas contre les autres. Il y a une bienveillance entre les traileur qui fait plaisir à voir.
Nous finissons par arriver sur la dernière montée avant de rejoindre le Habert de Chamechaude. Cette monté est raide mais pas très longue. Et je reconnais la fin du chemin qui nous permet de redescendre sur la cabane refuge ou l’ambiance et l’hospitalité des bénévoles y est réputé.
Il est 5h11. Je bip mon dossard et rentre vite dans la cabane.
Distance (km) Altitude (m) D+ cumulé (m) Lieu Barrière Horaire
139,3 1570 9910 Habert de Chamechaude 26/08/2018 11:30
Il y fait chaud grâce au feu dans la cheminé. Les bénévoles sont aux petits soins pour nous, certains coureurs dorment à l’étage. Je demande si quelqu’un a de la crème anti frottement car j’ai quelques irritations. Un gars prêt à repartir prends le temps de me prêter sa crème. Sympa. Je bois deux soupes et refait le plein des gourdes. Je profite de l’abris pour faire le point de ma lampe frontale. La batterie est rechargée, pas complètement, mais cela devrait suffire pour finir la nuit. Super ! On nous confirme que nous ne monterons pas au sommet de Chamechaude. Cela ne me dérange pas plus que ça à vrai dire. Je prends congés des bénévoles après les avoir remerciés. Je repars direction la cabanes de bachasson sur une section relativement plate. Mon éclairage est parfait. Je ne dépends plus de quelqu’un pour avancer. Encore un grand merci à mes guides…
J’arrive à la cabane au bout d’une quarantaine de minutes. Le bénévole nous bip et nous envois dans la descente, direction le col de porte et enfin le Sappey. La descente se fait à un bon rythme. Toujours pas de douleurs dans le genou c’est incroyable et inespéré. Le jour a fait son apparition. J’ai le souvenir des deux remontés imposées par le parcours avant d’arriver sur le Sappey, Je suis rejoint par deux gars avec qui nous discuterons de nos hallucinations pendant cette fin de nuit. (J’avoue avoir vu des choses bizarres. Je sais que ce n’est pas réel mais mon cerveau interprète ce que mes yeux voient à sa manière. Tantôt un Grimlins alors que ce n’est qu’une fougère, tantôt une maison dans un arbre alors que ce ne sont que des braches ou encore des enfants sur le bord du chemin alors que ce ne sont que des pierres.)
J’arrive enfin au Sappey. Il est 7h30 et la batterie de mon téléphone est au plus bas. Je l’éteins pour éviter de ne pas pouvoir appeler Marie et lui envoie, avant, un sms pour la tenir informée.
Distance (km) Altitude (m) D+ cumulé (m) Lieu Barrière Horaire
151,7 990 10460 Le Sappey-en-Chartreuse 26/08/2018 15:00
Je prends un bon café et ne reste que 8 minutes dans ce ravito. Je repars hyper motivé. Direction le dernier « gros dénivelé » de la courses, 400mD+, pour rejoindre le fort Saint Eynard. Je suis bien dans cette monté. Je commence à réaliser que je vais aller au bout de cette aventure, je réalise que je vais finir l’Ut4M. cette course, mon premier 160 km qui m’a tant fait rêver. En étais-je capable ? Ben faut pas seulement croire que oui. C’est certain que j’en suis capable. Je le fais ! Je débouche en haut de la pente sur les crêtes qui surplombent Grenoble. J’appelle Marie pour lui dire ou j’en suis. Il est environ 8h50 et lui dis que je devrais terminer ma course vers 10h30. Cela leur laisse le temps d’arriver tranquillement sur la ligne d’arrivée.
Enfin après avoir fait le tour du fort par le bas, je remonte les dernières marches ou nous attendent des bénévoles qui nous indiquent la direction du col de Vence.
Je sais cette descente « roulante ». Après un petit contrôle des muscles et des articulations, je me dis que ce serais bien de trottiner. Je me lance et je dois avouer que je dois être dans l’euphorie de la fin de course car finalement je ferais toute la descente en courant à ma grande surprise et sous les encouragements des randonneurs ou traileurs de ce dimanche matin, rencontrés.
J’arrive au col en 30 minutes. Pas si mal après 159 kilomètres !
Distance (km) Altitude (m) D+ cumulé (m) Lieu Barrière Horaire
158,7 760 10860 Col de Vence 26/08/2018 17:00
Au col, je fais un ravitaillement express. Je rempli mes gourdes et repart presque aussitôt. Je sais qu’il reste une petite remonté vers le Rachais. Je la fais en marche rapide grâce à mes bâtons, fidèles compagnons de route. Je croise de plus en plus de monde. J’ai de temps en temps les yeux humides et la gorge serrée par l’émotion en pensant à la ligne d’arrivée. Je ne cache pas que je suis fière de moi.
Dans la petite monté je double des concurrents inscrits sur le master (ceux qui font deux massifs : Belledonne et Chartreuse, et parties la veille). Je me sens bien et court toute la descente sur la bastille que je rejoins rapidement.
Un dernier coup de fils à Marie pour dire ou j’en suis et je traverse la bastille descente des marches en courant toujours au milieu des promeneurs et runneurs de ce dimanche matin sous le soleil. Je reçois plein de félicitation et ferais la fin de la descente en discutant de ma course avec deux d’entre eux.
Enfin, j’arrive en bas. Je suis sur le plat. Il ne me reste plus que deux kilomètres dans les rues de Grenoble avant de passer la ligne d’arrivée. Je quitte la porte Saint Laurent et tombe nez à nez avec Martial qui m’a suivi sur internet tout le week-end et qui a mis son réveil à 6h30 pour être certain de ne pas rater mon arrivée. Cela me fait tellement plaisir. Il est venu en vélo et me dit qu’il m’attend à l’arrivée. Je continu en courant les yeux encore humides. Je suis les quais, traverse l’Isère, passe par la place Grenette. Je double quelques traileurs en les félicitant pour leur course. Il n’y pas grand monde dans les rues, mais l’ambiance est sympa et j’arrive enfin a proximité du musée. Je cherche du regard Marie et les enfants, la gorge serrée.
Je traverse la dernière rue et les vois enfin. Quel bonheur de pouvoir finir en courant, en forme, sans souffrance excessive et avec le sentiment d’en avoir bien profité. Je suis sur un nuage.
Je prends mes deux garçons par la main et finissons ensemble les 200 derniers mètres en courant tous les trois. Je passe la ligne d’arrivée heureux et fier.
Il est 10h 54, je suis parti il y a 42 heures et 50 minutes.
3 commentaires
Commentaire de SupermanEnTrail posté le 11-09-2018 à 16:07:39
Toppissime... Merci pour ce CR.
Commentaire de Matt38 posté le 11-09-2018 à 21:01:09
merci
Commentaire de tidgi posté le 11-09-2018 à 21:46:05
Bravo pour la balade rondement menée !
Nous avons des temps de passage similaires, tu as été plus rapide sur la fin...
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