L'auteur : Titus73
La course : Sur les Traces des Ducs de Savoie
Date : 29/8/2018
Lieu : Courmayeur (Italie)
Affichage : 827 vues
Distance : 123km
Matos : Chaussures Asics Fuji Trabuco.
Frontale Petzl Nao+
Batons Black Diamond
Objectif : Terminer
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Prologue:
La météo n’avait cessé de s’améliorer depuis mon arrivée samedi mais les prévisions ne poussaient pas à l’optimisme.
La veille de la course, à la conférence de presse de l’ITRA, les organisateurs annoncaient la couleur à 11h du matin en quittant précipitamment la réunion pour décider des options devant les orages annoncés. Inutile de dire que je n’en sortais pas particulièrement rassuré. Récupérer le dossard a été long et stressant une fois de plus, je me suis fait strapper pour les frottements au Rire Médecin et le temps a passé si vite que je n’ai pas pu faire de sieste cette fois. A 16h le couperet tombe, 2 variantes choisies dont l’évitement du passeur de Pralognan et 2 heures de retard à prévoir au départ. Sentiments mitigés de celui qui va pouvoir dormir un peu plus mais qui risque de gros orages plus vite dans la course. On se couche à 22h en se disant que le sort en est jeté et je trouve le sommeil relativement facilement par rapport à d’habitude sur ce type de courses.
Je me suis préparé un plan de route mais ma préparation a été trop irrégulière voire insuffisante pour pouvoir vraiment jauger de mes capacités et je ne saurais être aussi ambitieux qu’en 2017.
Jour J : le réveil sonne à 5h00. Après un gros snooze, j'avale une banane et quelques biscuits pour assurer une digestion idéale avant course. Les habits rangés la veille sont enfilés, plutôt légers en prévision du début de course avec un coupe-vent qui rejoindra plus tard le sac d'allègement.
Il faut s'extirper de la tente pour rejoindre les communs afin de mettre les lentilles et passer une première fois aux toilettes. Les sacs ont été sortis et je rejoins par la route le point de rendez-vous des navettes pour Courmayeur. En avançant, alors qu'il est 5h50, d'autres coureurs me rejoignent sur la route. Un sourire entendu, une évaluation rapide sur la forme de chacun.
Puis c'est la longue file vers les cars avec double vérification avant de monter. Ceux-ci se mettent en route, en direction du tunnel du Mont-Blanc. J'en profite à nouveau pour manger quelques biscuits et épingle mon dossard, un calme un peu pesant règne et certains coureurs terminent leur nuit.
Arrivée à Courmayeur, il faut se précipiter pour trouver des toilettes car celles-ci sont prises d'assaut, le stress monte de ce fait. Quelques ajustements et un crémage plus tard, je trouve des toilettes turques non indiquées au sous-sol de la patinoire sans file à faire. Ça soulage dans tous les sens du terme (l'an passé, j'ai bien attendu 20 min avant d'y parvenir).
Je rejoins ensuite la zone de dépose des sacs, le mien a commencé à se déchirer, une autre source de stress... Nous sommes 30 minutes à peine avant le départ, je finis de m'habiller mais est-ce le bon choix? 20 minutes encore avant le départ et je rejoins la zone, poussé par la foule et tiré par le son. Il faut enjamber une barrière car je ne veux pas être trop derrière, encore du stress et heureusement la foule n'est pas encore trop dense; 5 minutes plus tard il sera trop tard, les sardines sont dans la boite.
Le briefing prend place puis rapidement comme étonnant le départ est donné.
Courmayeur – Lac Combal : 2h23
Je veux partir prudent, plus que l'an passé où il m'a semblé piocher à partir du Petit Saint Bernard, un peu trop tôt dans cette course. Cela commence par une visite de Courmayeur avec une descente dans les ruelles puis nous attaquons via un parc d'attractions la première montée au Col Checrouit. Rien à dire ici, le peloton s'étire doucement, soulevant la poussière au gré des passages sur la terre trop sèche.
Il n'y a que 3 minutes d'écart avec 2017 quand je parviens au point d'eau (7h05) mais curieusement, je me sens très en retrait. Le jour, lui, est bien plus avancé du fait de ce départ décalé de 2 heures.
Derrière la maison commence le single, un chemin agréable qui monte encore relativement doucement, je m'oblige à ne passer personne : trop d'énergie à perdre pour si peu à gagner. Tout le monde semble progresser au même rythme. L’hélicoptère apparait et vient en vol stationnaire à 30 mètres de nous quelques instants, on distingue nettement l'intérieur et le caméraman dans un boucan indescriptible, quel sentiment formidable, j'en ai la chair de poule. Puis la montée se fait plus sèche et nous passons l'arête du mont Favre. Une bonne chose de faite et je me sens bien aujourd'hui.
Il faut maintenant redescendre dans une autre vallée, rejoindre le lac Combal qui est à 15km, tout ceci n'est qu'un hors d'œuvre et pourtant...Le soleil brille, quel temps magnifique et j'ai peine à croire que la pluie nous attend en France comme Catherine Poletti nous l'a annoncé au départ.
Lac Combal – Petit Saint Bernard : 2h59
Je fais vite à ce ravitaillement qui ne présente que peu d'intérêt. On sait que la suite promet d'être rude et il faut reprendre la montée pour atteindre le col de Chavannes, un gros morceau. Il fait chaud et la montée s'effectue à un rythme régulier même si j'enregistre les premiers dépassements, rien encore d'inquiétant. A nouveau la montée se fait plus rude, mais elle est vite avalée et on bascule à nouveau sur l'autre face.
La route vers le ravitaillement du PSB est facile mais sollicite mes gourdes avant de cheminer dans les singles puis de contourner le petit lac dont je sais qu'il annonce le ravitaillement un peu plus haut. Une dernière montée très sèche et voilà le vent, les éclairs et la pluie qui s'invitent.
Petit Saint Bernard – Bourg Saint Maurice : 2h05
Branle-bas de combat au ravitaillement. Tout le monde se change pour enfiler les affaires de pluie, je traine un peu, puis repart dans le brouillard et la pluie sur le faux plat. 5 minutes plus tard, sortie de brouillard, il ne pleut plus mais l'atmosphère est devenue lourde en entamant la descente sur BSM. On se rechange sur le chemin en pestant contre cette météo instable puis je reprends ma descente, sage, très sage par rapport à 2017. J'atteins Seez très à l'aise, bois 2 gorgées de coca et d'eau, et même la dernière portion vers BSM est facile et roulante (le souvenir de 2017 m'en cuit encore)
Bourg Saint Maurice – Cormet de Roselend : 3h48
BSM, Première grosse étape ou j'ai décidé de faire plus court que l'année dernière et je pars dans l'inconnu, cette montée vers Bettex qui est la variante imposée sur celle des forts, du fait des orages annoncés. Pour l'instant il fait lourd mais pas excessivement chaud. Comme l'an passé, cette montée après BSM m'est pénible. Je ressens et vis mal mon statut de piètre grimpeur, je m'arrête souvent, d'épuisement physique ou moral. La plongée de tête dans la fontaine est une salvatrice renaissance.
Enfin nous déboulons sur une route qu'il faut descendre pour rejoindre une vallée magnifique avant de reprendre la montée dans les arbres. La dernière montée sur le faux plat bitumé de Bettex pourrait être anecdotique si ce n'était l'occasion pour moi d'avaler quelques-uns des concurrents qui m'ont humilié précédemment en vrais grimpeurs.
Derrière ce point de contrôle la route continue et j'avance à bon rythme avant d'atteindre les Chapieux ou une petite côte nous attend. Je monte relativement facilement avant de devoir faire les 4 derniers kilomètres sur la route vers Cormet de Roselend. Le temps se dégrade à nouveau mais plus doucement.
Cormet de Roselend – Col du Joly : 4h59
J'arrive au ravitaillement dans les mêmes conditions qu'au PSB, bis repetita, le ciel me tombe sur la tête. Je donne ma montre à charger, ce que j'avais bien apprécié l'an passé et me change. La nuit tombe doucement et je sors la frontale. Je voulais faire vite mais malheureusement, victime du syndrome de Raynaud, je perds la sensibilité dans les doigts : refaire les lacets de mes nouvelles chaussures Gore Tex est un calvaire. Puis je reprends ma montre, trop peu chargée et arrêtée d'autorité par l’équipe de Garmin. Je m'énerve bêtement. Enfin je rends mon sac d'allègement et repars.
Lumière splendide dans cette petite montée sauvage, un régal pour les yeux dans ce crépuscule naissant. Le terrain est humide et augure mal de la descente vers la Gittaz. C'est une belle descente que ce passage du Curé malheureusement cette fois l'obscurité est tombée brisée seulement par le feu de camp allumé par les secouristes. La fin de la descente est un vrai casse pattes, boueux à souhait avant de rejoindre le point d'eau de la Gittaz. De l'autre coté la première guirlande des frontales bouge au gré de cette longue montée qui m'attend.
Pause technique avant de prendre le chemin du Joly, 5 minutes bienvenues dans les orties pour mes douces fesses de bébé ou coup de fouet nécessaire? J'entame la montée et commence à maudire mon camping (l’électricité y est distribuée parcimonieusement) alors que je suis seul responsable pour le chargement : ma frontale donne d'inquiétants signes de fatigue. Le ridicule ne tuant pas, je me dis que je suis une cible moins facile pour les concurrents plus affutés en montée...J'arrive en pleine obscurité au poste d'Entre 2 Nants et à la lueur de leurs projecteurs, je peux changer enfin la batterie qui a tenu en tout et pour tout 3 heures en mode économie.
Et ça repart, encore une fois, je sais qu'il reste une petite montée avant de redescendre en dents de scie sur le col du Joly. C'est là que j'ai connu l'entorse fatale l'an passé, alors fatalement, je redouble de précautions dans ce single à bestiaux.
Col du Joly – Contamines : 1h25
Enfin voila le Joly, je sais que je ferai mieux qu'en 2017, ca reboost, ne m'attarde pas trop et m'engage dans la descente que je connais mais doucement car ça glisse cette année. Notre Dame de la Gorge est vite arrivée et c'est le faux plat pour les Contamines qui me permet d'avancer plus vite. La plupart des coureurs ont du mal à enchainer ces longues traversées sans s'arrêter et je mange de la frontale avec bon appétit.
Contamines – Les Houches : 5h20
Les Contamines : je voulais y passer de rapides minutes, je vais y rester bien trop, je me refroidis, fais l'erreur de manger un bouillon/pates/fromage indigeste et tente de recharger la batterie morte de la frontale car Petzl est la. Je me sens plutôt bien car c'est ici que j'ai rendu le dossard à 1h30 du matin en 2017. Et pourtant...
Remise en route, je double un coureur qui semble aller très lentement...il me dit qu'il va bien; je ne comprends pas et le double mais pas pour longtemps. La catastrophe arrive 300m plus haut, je commence à avoir des vertiges, l'estomac se rebelle, je ne peux plus avancer. Je me sens terriblement mal, je vomis sur le bas-côté tout ce que j'ai avalé aux contamines. Je vais devoir abandonner et redescendre sur les Contamines.
J'attend bien 10 minutes avant de me remettre en route. Dans le bon sens. Je ne peux rien avaler, je voudrais m'allonger, je dois faire du 1km/h dans cette montée, les coureurs qui me doublent m'interrogent, inquiets.
Finalement je parviens à bout et au bout de cette première montée en sachant que le gros morceau, le plus dur est à venir. Ça secoue à l'intérieur dans la descente mais ça tient! Ah tiens une belle guirlande devant...on tricote ferme dans la montée. Un flou s'impose, le brouillard brouille les pistes et la guirlande, parfois disparait.
Quand tu arrives en haut, tu la trouve beaucoup plus jolie la guirlande des frontales...je ne m'en suis pas si mal sorti compte tenu de mon état maintenant, en route vers le téléphérique de Bellevue. Ça glisse pas mal, ça secoue toujours dedans, ça me parait interminable et dangereux, la nuit très doucement cède le pas au jour. A l'aube je parviens à Bellevue, à court d'eau. Heureusement les toilettes du chalet y pourvoient et je me lance dans le final. La certitude d'arriver me galvanise.
En même temps que la nuit, les maux de ventre ont reflué. J'arrive à courir. Et même pas trop mal (enfin, après 110 bornes on doit bien toucher du doigt les 8km/h en descente...).
Les Houches – Chamonix : 1h00
Les Houches, la dernière touche et une traversée de l'Arve plus tard, il faut trottiner vers Chamonix. Pas le moment de baisser pavillon, tu vois bien le gars de devant qui se retourne, le gars derrière qui t'a en point de mire et tu ne veux plus céder, plus maintenant. Je ne sais même plus quelle heure il est, ma montre a rendu l'âme à Bellevue. J'arrive aux Bossons et rejoins une Italienne, elle est 2eme de sa catégorie V2, je crois. Elle a lâché, je la remonte. Elle court un peu avec moi avant de relâcher. On papote 2 minutes et me montre l'heure, il est 7h40, je lui dis que ce serait beau d'arriver à 24h pile de course, on s'en fout du classement! On recourt mais elle relâche vite, me dit de partir, je finis par céder. Cette barrière de 24h est trop tentante.
J'arrive dans Chamonix, qui s'éveille doucement, il y a quelques encouragements, ça fait plaisir par rapport a ma CCC de 2016 terminée à 2h du matin dans la solitude complète. Je me retourne, mon italienne est là à 15 mètres à peine. Je l’attends. On finit ensemble, main dans la main et on part au tableau. 24h00m14 pour elle, 24h00m16 pour moi. Damned, raté J!!!!! Un beau défi m'attend pour la prochaine.
Passage au ravito, une petite bière puis départ pour le gymnase récupérer mon sac d'allègement, et retour au camping des Arolles. L'excitation est telle qu'il faut que j'attende 10h du matin pour m'endormir. Et 1h30 de sommeil avant de revenir me gorger de cette ambiance si particulière à Chamonix. Je voudrais que ça ne s'arrête jamais!
J+1 : le bonheur d'avoir fini, une nuit de 8h derrière moi et je dois déjà plier la tente. A part d'en sortir la première fois, je ne me ressens pas trop musculairement de la course, mon genou opéré couine à peine mais en revanche la fatigue est bien là. J'ai l'impression de me trainer partout avant de rejoindre le coureur de l'OCC au triangle de l'amitié et boire une bière ensemble, une bien belle façon de clore cette course.
La TDS plus difficile que les autres? Peut-être, mais le Passeur ayant été évité cette année, il reste qu’il me semble que c'est jouable si on arrive à peu près en forme aux Contamines pour le col du Tricot.
Je cours donc je mange ;-)
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