L'auteur : poildepoilly
La course : Ultra-Trail du Puy Mary Aurillac - 105 km
Date : 16/6/2018
Lieu : Aurillac (Cantal)
Affichage : 2405 vues
Distance : 105km
Objectif : Pas d'objectif
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Pour ne rien vous cacher, les choses ne s'engageaient pas bien dès le début : ce vendredi 15 juin, je termine le travail à 16h30 mais je finis in extremis par négocier un départ à 15h30. Une heure de trajet pour rentrer à la maison, chargement de la voiture et départ à 17h. 4H30 de route plus tard, dépotage des enfants chez mes parents en coup de vent et j'en profite pour récupérer un gâteau de riz comme repas du soir. Il ne me reste plus que 45 minutes de voiture pour rallier Aurillac. L'heure limite pour déposer son sac pour la base vie du Lioran était de 22h30, je déposerai mon sac à 22h21 !!!
La course aura débuté bien avant l'heure !
Au final, un seul oubli : le câble pour recharger ma montre (elle tiendra tout de même 17h, ce qui est bien mais pas suffisant pour un lambin comme moi).
Bref, je me change, je jette mes affaires dans la voiture, une bise à madame qui a hâte de retourner chez mes parents pour dormir un peu.
Pour la première fois de la journée, je n'ai plus besoin de me dépêcher, le départ n'est que dans une heure... Du coup, je me pose dans le sas de départ et la machine à gamberger se met en marche, je dois bien avouer que je ne suis pas super confiant. Les regards que je croise sont déterminés, les jambes paraissent bien affutées et je me demande un peu ce que je fais là...
Un feu d'artifice et un coup de pistolet plus tard, la cohue s'élance dans la nuit, c'en est fini du bruit et de la fureur...
Sauf que je suis parti avec quelques compagnons un peu encombrants : un mal de tête, un mal de dents, un mal de gorge et surtout je me rends vite compte que l'envie de courir, elle, est restée quelque part en chemin...
Heureusement, la nuit est douce et bon an mal an, je range ma fierté dans une poche du sac à dos acceptant de me faire doubler à tour de bras.
Quelques longs faux plats montants et deux descentes plus tard, les premières lueurs d'espoir apparaissent au premier ravito : beaucoup de monde semble profiter d'une pause version longue au bout de « seulement » 17 km et 2h20 de course, je me console donc en faisant un arrêt éclair qui ne durera pas 2 minutes).
Les choses sérieuses commencent avec la montée au col d'Elancèze et ses 900 m de dénivelé. Les premières lueurs du jour se devinent, laissant apparaître peu à peu le panorama. Je peine à m'habituer au mal de crâne qui persiste et je commence à me dire qu'atteindre la base vie du Lioran sera déjà un petit exploit. Les kilomètres n'avancent pas, le chemin sur les crêtes est difficile, racines, boue, pierres et végétation ralentissent sérieusement la progression (un compagnon d'infortune annonce même que ce chemin lui rappelle férocement la Diagonale des Fous). Le brouillard se lève avec le jour et il fait vite froid. Vous aurez compris, je passe un super moment...
6h pour atteindre le deuxième ravito au col du Perthus et 34 km au compteur... Je m'étais préparé à passer un peu de temps pour récupérer et refaire le plein puisque le prochain ravito au Lioran est dans 20 km mais à l'arrivée sous la tente, c'est le choc ! Je ne me savais pas en forme mais visiblement je ne suis pas le seul et je ne suis pas le plus mal en point. Un véritable hôpital de campagne ! De peur d'être contaminé par la sinistrose ambiante, je me contente de faire rapidement le plein de mes deux gourdes pour fuir ce mouroir le plus vite possible.
Prochaine étape : le Lioran, seul petit détail, il y a le Plomb du Cantal entre nous deux et ses 800 m de grimpette droit dans la pente. Petite nouveauté de l'année, il va falloir se cogner la montée sans bâton... C'est dans ces moments là que l'on se rend bien compte que les bâtons sont loin d'être inutiles. C'est long, c'est dur, j'ai les cuisses en feu, je baisse la tête et je suis tellement crevé que j'avance en automatique à la limite de l'endormissement. En plus, il faut jouer à cache-cache avec le sommet derrière chaque nouvelle crête...
La descente se déroule finalement sans trop d'encombre et le Lioran est enfin atteint sur les coups de 10h. Il ne reste plus beaucoup de jus dans la machine et encore 60 bornes à parcourir. Seule éclaircie au tableau, je repars avec des chaussettes propres avec des pieds sales dedans. Je me raccroche à l'idée que 11 bornes plus tard, au Puy Mary, je vais retrouver toute la petite famille et que si ça ne va toujours pas, je n'aurai qu'à monter dans la voiture pour plonger dans une baignoire dans l'heure qui suit !
Le Puy Bataillouse se monte doucement mais surement et une fois les crêtes atteintes, le Puy Mary est en vue... Qu'il est loin !!!... ça monte, ça descend... et enfin la Brèche de Rolland, depuis le temps que je l'attendais ! Reste le Puy Mary avec sa tête dans les nuages... là aussi, sans bâton... Je remets le nez dans les godasses et finis par atteindre le sommet à la vitesse d'un escargot neurasthénique. La décision est prise, ce sera mon premier abandon ! Il est bientôt 13 h et je ne me vois pas continuer à souffrir comme ça jusqu'à plus de 22h. La descente est à l'image de la montée : affreuse avec ses escaliers bétonnés ! Heureusement, à mi pente, voici des têtes familières. Je raconte mes malheurs en finissant cette descente, j'ai froid, j'ai faim, je lis dans les yeux de ma femme que je fais peine à voir. Je me pose sur un banc. Un doliprane pour ce foutu mal de crane et un sandwich plus tard, je reprends des couleurs et commence à évoquer l'éventualité de repousser mon abandon à Mandailles. Je me relève, passe devant la voiture (celle qui est à une heure d'un bain chaud!). La tentation sera grande... mais je me tiens à mon envie de Mandailles.
Le Puy Chavaroche n'a qu'à bien se tenir. Et c'est là, sur un chemin de merde, avec des racines partout, de la caillasse branlante et de la boue jusqu'aux oreilles que la renaissance opère... Chaque pas est un pas vers le mieux. Le Puy Chavaroche est une formalité, j'ai la pêche, discute avec tout le monde et la descente vers Mandailles se fait à tombeau ouvert (du moins plus vite qu'avant). Je double, je souris, il fait chaud... Un régal.
Au ravito, je prépare ma plus belle mine pour annoncer à ma chérie que je vais au bout... Personne... Je suis arrivé avant eux ! Tant pis, je repars aussi sec pour le Col de Cabrespine. A ce moment là, je fais route avec un gars du coin qui m'annonce que c'est le dernier gros col mais pas le moindre ! Le fait est, nous monterons ces 600 m de dénivelé sans faiblir mais ce fut une rude bataille !
La descente vers Lascelle et l'avant dernier ravito est longue, boueuse mais tout va bien, je suis certain d'aller au bout. Secrètement, j'avais l'objectif non avoué de finir avant la nuit, je sens que ce sera difficile mais peu importe, je suis passé trop près de l'abandon pour m'en soucier. C'est le moment que choisit ma montre pour décèder en un petit cri d'agonie, je suis plus endurant qu'elle !!
Les gorges de la Jordanne sont toujours aussi belles avec ses enfilades de pont en bois. Je connais bien la fin de parcours pour avoir participé plusieurs fois au Marathon de la Jordanne.
Au ravito de Lascelle, je retrouve une famille toute inquiète de m'avoir loupé à Mandailles, je rassure tout le monde, je sais qu'il restera quelques montées sèches mais pas trop longues. Seul souci : mes pieds. Je n'ose imaginer leur état, ça sent les crevasses et les ampoules à plein nez au point que physiquement je me sens capable de relancer sur le plat et en descente mais les chocs sous les pieds sont devenus insupportables. Je prends donc l'option marche rapide que j'ai pas mal travaillée à l'entrainement et ça paye. J'estime ma vitesse proche des 7 km/h et je ne peine pasle moins du monde, un régal. Il reste 20 km dont 13 jusqu'à Saint Simon. En 2 heures, la messe est dite et c'est l'arrivée au dernier ravito ! Plus que 6 km...
Et puis c'est enfin Aurillac, du monde partout aux terrasses qui applaudissent, qui chantent... Pour la première fois, en fin de course, je ralentis, je profite... La ligne d'arrivée est bientôt là, les enfants aussi alors, pour la forme, je cours un peu... J'ai même droit à une petite interview à l'arrivée comme un champion (295ème sur 700 en 22h55, le podium est pourtant assez loin...)
Puis c'est le retour en voiture où je m'endors comme une souche mais le sourire aux lèvres. Allez pour un peu, je serai presque impatient d'en découdre sur les chemins de l'ultra tour du GRP...
6 commentaires
Commentaire de boire ou courir posté le 20-06-2018 à 16:41:25
Félicitation pour ta course, c'est toujours plus agréable de pouvoir finir fort que de bloquer à mi parcours. Par contre l'élément que je trouve le plus important à l'utpma au vue de l'heure de départ c'est la sieste dans l'après-midi (2-3heures ça change toute la course...)
Commentaire de poildepoilly posté le 21-06-2018 à 18:15:31
Merci, bravo pour ta course aussi!
Commentaire de tricky posté le 20-06-2018 à 17:34:30
Bravo pour ta course ! Tu as su te relever et ne pas abandonner ! (ce qui n'est pas été mon cas et je le regrette à présent...)
Il fallait être fort physiquement et mentalement pour finir, chapeau !
Commentaire de poildepoilly posté le 21-06-2018 à 18:19:15
Merci, ça s’est vraiment joué à pas grand chose... et c’est vrai qu’il aurait été dommage d’abandonner, mes meilleurs sensations sont venus après cet énorme coup de mou!
Commentaire de c2 posté le 20-06-2018 à 19:31:06
Quel retour de flamme si proche de la correctionnelle. Comme quoi rien n'est jamais totalement écrit. C'est aussi çà l'Ultra. Bravo. Il y avait quoi dans le sandwich au Pas de Peyrol ???? !!!!
Commentaire de poildepoilly posté le 21-06-2018 à 18:21:56
Il faut se faire confiance, tout finit par sourire... Pour le sandwich, c’etait un grand traditionnel : le jambon beurre gruyère ( mais avec de la salade! Et je crois que tout vient de là 😁)
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