L'auteur : cedricchene
La course : Brive Tulle Nature - 35 km - Trail
Date : 8/4/2018
Lieu : Tulle (Corrèze)
Affichage : 2503 vues
Distance : 35km
Objectif : Pas d'objectif
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Courir, de Brive... à Tulle...
1H 2H 3H ET 4H
(ou pas)
PHOTOS?
Voici le profil de la Tulle Brive Nature. 8ème édition. Le 8 avril 2018, 35 kms 1000D+.
Je me suis basé sur 4 heures de course. D'après une grosse division mathématique de savant fou, le résultat me fait croire que je peux le faire. C'est en une heure, que je dois réaliser environ quatre fois 8,5 kilomètres. Lors des entrainements, je peux facilement faire 8 kilomètres en une heure, alors je me dis que ca peut être jouable.
Si en plus, je compare les résultats de mes courses précédentes:
MDBN 2017: 26kms 600D+: 2H39
TLB: 30kms 1000D+: 3h30
MDBN 2018: 26kms 600D+ :2h50
Tout cela me laisse rêveur!!!
Le 8 avril au matin, le réveil sonne à 6 heures. Marion et moi prenons la route de l'aventure en direction de Tulle, à 1h30 de Saint Laurent sur Gorre d'où nous partons. La météo est excellente, loin de la carte abominablement pluvieuse, que nous ont montré plusieurs spots météo quatre jours avant.
Aujourd'hui, Marion aussi a une course à terminer. Un 10 kilomètres, lui aussi bien vallonné.
C'est elle qui me déposera en premier à Dampniat. Pour ensuite aller sur son départ, situé à Laguenne. Mon départ est à 9 heures et celui de Marion à 10h45, ce qui lui laisse le temps de me voir partir, et de reprendre la voiture pour aller sur Laguenne qui est à un quart d'heure plus loin que Dampniat.
On arrive à 8h30. Le temps de retirer le dossard dans la salle des fêtes, et la puce électronique à fixer sur la chaussure. Je ne m'échauffe pas avant le départ car j'ai 35 kms pour cela. Marion veut aller aux toilettes mais il y a la queue, je l'emmène dehors où j'avais repéré un coin tranquille en sortant de la voiture. Elle grimpe en haut du talus, passe la haie de thuyas, et fait son affaire... Entre temps, trois penauds de coureurs s'alignent en bas de ce même talus, et font eux aussi leur affaire.
En haut du talus, fière comme Artaban, Marion sort de sa haie, et tombe pile en face des trois incongrus. La queue en main, cette fois ci, ils se demandent comment faire face à cette situation assez délicate. L'un d'eux range vite le matériel, et l'autre, surement mieux équipé, prend la parole en bombant le torse. Marion lui répond: « je cherche mon mari en fait». Ayant vue la scène à quelques mètres je me dépêche d'arriver pour mettre fin à cette torture morale.
En allant sur la ligne je croise Thierry Breuil qui s'échauffe. Je comprends vite qui sera le vainqueur. Et effectivement il arrivera 1h56 et 11s avant moi, en pôle position. Bravo à lui et respect!!
Arrivés sur la place de la bourgade, nous attendons dix minutes, et c'est parti pour 35 kms.
Pour commencer, une descente de deux kilomètres à fort pourcentage nous attend, et déjà en bas de celle ci tout le monde est arrêté et passe un par un ce premier ruisseau rencontré.
Des coureurs râlent déjà à l'idée de se tremper les pieds au deuxième kilomètre parcouru. Je ne peux donc pas leur conseiller le Forest Trail, pour lequel, chaque année, les participants se voient trempés, juste en sortant de leurs voitures.
La descente a été rapide, mais la suite du parcours va mettre tous le monde d'accord sur le rythme de la course pour les sept prochains kilomètres. A ce moment là, quoi de plus normal de se faire doubler par un fou, qui a décidé de courir l'épreuve avec une simple paire de sandales. Il en faut pour tous les gouts, perso je n'oserais pas.
Une montée passant par Aubazine, avec une partie plus plate d'un kilomètre cinq cent par le mythique canal des moines qui court à flanc de rocher depuis sa prise d'eau sur le ruisseau du Coyroux. Il desservait viviers et moulins et apportait l'eau courante au monastère.
Cette partie est magnifique. C'est pour moi le coup de cœur de la course.
photos?
Puis la course rependra de la hauteur pour atteindre le point culminant du parcours. En haut du Puy de Pauliac se trouve une table d'orientation avec une vue magnifique à 360° sur les Monédières, la vallées de la Corrèze et, vers le sud, les Causses. Je suis au kilomètre 9 pour environ 1h15 de course. J'ai donc un petit quart d'heure de retard sur mon objectif premier.
Je savais que je mettrais plus d'une heure dans cette première partie, vu le dénivelé attaqué dès le deuxième kilomètre. Je pense bien me rattraper dans la descente jusqu'à Cornil. Je compte arriver en deux heures au kilomètres 18 du tracé. Cette longue descente est un plaisir pour moi, je suis chaud, en cannes, et motivé. Je suis trois personnes dans la descente qui est à ce moment là assez technique, je regarde où placer mes pieds.
Au moment où je lève la tête pour voir où je vais quand même, j'aperçois la rubalise au fond du virage à gauche alors que les trois fous de la basket ont tracé tout droit.
Je leur cris alors: « C'est par là !»
Tout content de moi d'avoir gagné trois places d'un seul coup au classement général, je continues sur ma lancée.
Je suis à l'aise dans cette descente, je prends vraiment plaisir à courir et c'est rassurant. Tout au long, je double et je rattrape quelques concurrents. Puis, dans un virage, je vois cette ostrogoth de coureur faire un tout droit, sortir du chemin et s'étaler lamentablement au sol dans des fougères inoffensives. Le pauvre se relève et se hâte d'aller dans le bois, tout en nous indiquant le bon chemin à prendre, de peur qu'on le suive.
Analyse faite:
Je ne pense pas à une simple pose pipi... Mais plutôt à une grosse commission, genre...
Un Boeing en bout de piste, voyez vous!! Que grand bien lui fasse!
Le paysage est quasi montagneux depuis le départ avec de nombreux points de vue sur des vallées et des villages. Juste avant le village de Cornil j'utilise des chemins en lacet qui descendent à flanc de collines où coule un ruisseau magnifique, qui j'en suis sûr, fait l'habitat de quelques truites sauvages aux beaux points rouges. La pente est très prononcée je peux à peine courir tellement la prudence me freine et prend le dessus.
Arrivé à Cornil, au kilomètre 13, accueilli par un ensemble de percussionnistes, je pique deux tucs au ravitaillement et trace ma route sans offrir ma plus belle danse à ces musiciens. Désolé et merci à eux, je tiens à conserver mon quart d'heure de retard sans qu'il ne se prolonge.
Je cours facilement jusqu'au kilomètre 18 pour 2h15 de course, et à ce moment là, la course va prendre une toute autre tournure. En effet, une mauvaise alimentation dès le départ me fait penser que la suite de l'aventure s'avère délicate. Étant pourtant équipé de 3 barres de céréales, de 2 jambon beurre, et d'une pleine gourde de boisson sucrée, mon estomac plein de vide commence à crier famine.
Je sors un sandwich et essaie de l'ingurgiter. Pas facile quand on commence à avoir la nausée. Je rage, car je connais cette situation déjà vécue sur le trail du Sancy, et courir en sachant que je peux vomir à tout moment, est très désagréable et handicapant, car je ne peux pas accélérer et forcer la machine de peur qu'elle ne s'enraye. Je me vois contraint de ranger mon sandwich, car je n'arrive pas le manger.
De son coté, Marion a déjà parcouru au moins 5 kilomètres à l'heure qu'il est. Le trail court qu'elle a choisi de courir aujourd'hui empreinte les 10 derniers kilomètres du trail long. Elle avait prédit qu'elle le bouclerait en 1H09... C'est avec exactitude qu'elle plie l'épreuve en 1H09. BRAVO Marion.
J'arrive alors sur le site de départ de Marion, à Laguenne au kilomètre 25. Une bande de préposés à l'organisation et à la photographie, se met à me crier après, d'un ton crescendos:
« NON A DROITE, A DROITE, A DROITE »
J'ai failli m'embringuer sur le parcours vtt, et il a bien fallu qu'ils me le répètent 3 ou 4 fois pour que je réagisse. Je me traine péniblement jusqu'au ravito, je passe sous l'arche de départ de Marion, et en courant sur les tapis j'entends des bips. La puce électronique de chronométrage fixée sur ma chaussure est en bon état de fonctionnement.... ELLE...
Sous une immense halle, je trouve le ravitaillement animé par une fanfare. J'approche de la table...
Je suis à l'ouest... je ne capte plus trop bien... j'ai envie de vomir... fatigué... je n'ai pas envie de parler aux gens... et pas envie de manger, ce qui me sauverait pourtant de cette situation.
J'oublie même de regarder ma montre pour savoir où j'en suis dans le timing. Je me fais remplir ma gourde d'eau et la fille de l'orga me dit que des infirmières m'attendent dans le bâtiment au pied des halles pour un éventuel massage.
Plusieurs raisons me poussent à refuser cette prestation pourtant bien alléchante. Peur de m'endormir ou de salir une belle blouse blanche en vomissant malencontreusement dessus, puisqu'en voyant les denrées proposées à cette table, cela me laisse croire que ca pourrait bien arriver. Je me tire du chemin pour me remettre dans ma bulle de « gestion de course », ou plutôt... « gestion d'estomac ».
Je continue mon périple et 500 mètres plus loin je profite de la rambarde d'un pont pour m'étirer les jambes. Je ne perds pas trop de temps et m'efforce d'avancer le plus vite possible. La suite du parcours est beaucoup moins jolie, les chemins sont longs et larges, voire carrossables, je peux voir les coureurs au loin. C'est presque ennuyeux. Sur la voie du Poc, avant le village de Poujol, je longe la Saint Bonnette affluant de la Corrèze. Je remarque que toutes les écluses sont équipées de passe à poissons. Ce passage est plat mais j'alterne quand même marche et course.
C'est dur... J'en chie...
En consultant Strava, à l'heure où j'écris ce récit pour mémoire, l'application smart phone dit que je suis à 3H30 de course à ce niveau là. Ce qui n'est pas trop mal pour un coureur 'vomito désorienté'.
J'ai parcouru 27 kilomètres, je m'accroche en continuant et en buvant régulièrement. Bizarrement, je ne fais pas de mal à ma gourde sucrée, je ne sais pas quel phénomène me fait continuer la course dans un tel état de forme, alors que j'ai sur moi, de quoi contribuer à une éventuelle amélioration.
Depuis le début de la course, j'espérais ne pas croiser Marion courant à contre sens. En effet, connaissant ses dernières prouesses d'orientation sur sa dernière course, je dois m'attendre au pire.
Au kilomètre 28 je fais face à une très grosse côte que je grimpe assez bien grâce à ma paire de battons qui me sont d'une grande aide. Je ne souffre pas trop pour marcher, mais courir n'est pas aussi aisé.
Arrivé au sommet, je redescends en trottinant et arrive au ravitaillement de Materre au kilomètre 30 pour 4H08 de course. Toujours dans le même état, je prends un plein verre de coca et m'assoie pour le boire. C'est dur, j'ai envie de me mettre en boule et de m'endormir. Ce verre me fait du bien, je repars vite sans avoir la notion du temps, déboussolé je pense finir en 4h45 à l'arrivée.
Je grimpe la portion de route qui passe dans un gros tunnel en taule galvanisée où la prise au vent est phénoménal, à décorner les bœufs. Je pique à gauche sur le sentier qui redescend, et j'aperçois Marion et Jo, venus à ma rencontre. Après coup, Marion m'a dit que je n'ai même pas réagi au fait d'être tombé nez à nez avec eux. Mon état fatigué et nauséeux en est incontestablement la cause. Mais cela fait plaisir de voir quelqu'un que l'on connait. Je leur dis que je suis mort, je parle aussi de douleurs lombaires malgré des battons qui limitent la casse.
Je continues en oubliant de demander à Marion comment s'est passée sa course! Ils me posent des questions mais les réponses que je dois sortir de ma bouche pour leur répondre, relève d'un extrême effort.
Malgré tout j'arrive à échanger. Ils m'accompagnent en me courant après, me prenant en photos, comme, gravissant un col du Tour de France. C'est 800 mètres plus loin qu'ils reprennent la voiture, me laissant seul, pour me rejoindre à l'arrivée. C'est Jo qui a récupéré Marion à son arrivée à Tulle, et qui nous ramènera à Laguenne jusqu'à notre voiture.
Plus loin, j'arrive à hauteur d'un panneau d'encouragement:
« ouf ! dernière bosse »
Je sais qu'il ne faut pas s'emballer à la vue de ce genre de signalétique, (parfois mensongère, dernière bosse mon c..l oui!!) vous indiquant que la « fin est proche », car les derniers kilomètres sont les plus longs. Je continues sans perdre de vue les 3 personnes que je suis depuis longtemps et qui sont, eux aussi à bout, la nausée en moins. Ce sont eux même qui me l'ont dit, ils sont cuits et je compte bien gagner ces 3 places avant le final.
Dans un faut plat en sous bois je colle au premier faignant qui n'avance pas, mais je ne peux pas le doubler. Je veux courir!!!
A force, il me demande: « Si tu veux passer vas y »
Tac O tac je dis: « oui je veux bien »,
je remercies et double, deux de ces malheureux, qui ralentissent mon excellent rythme que je me surprends d'avoir retrouvé. Je trottine pour conserver le tempo, et aussi les places gagnées, puis j'arrive à distancer mes adversaires.
J'arrive enfin sur le beau site d'arrivée au Parc de l'Auzelou à Tulle. Arrivée commune à toutes les disciplines, à savoir, trail, rando, vtt, cyclo. (2900 participants cette année)
Je vois l'arche d'arrivée sur la rive opposée de la Corrèze, j'aperçois aussi Marion et Jojo qui m'attendent pour m'acclamer, où me ramasser à la petite cuillère, à voir. A la vue de mes supporters, j'accélère pour gratter une poignée de secondes, secondes qui se transforment aussitôt en vomis, puisqu'une envie bien plus généreuse que celle supportée depuis 2 heures me stoppe en un rien de temps.
Je marche... Un de ceux que j'ai doublé me repasse devant en me glissant: « aller, c'est la fin !»
Plus de peur que de mal, le fait d'avoir le ventre vide m'arrange, (ou pas), je reprends mes esprits sur quelques mètres, et reprends un trot raisonnable jusqu'au pont, qui me fera basculé rive gauche de la Corrèze pour franchir l'arche d'arrivée et me faire un bouquet, avec les fleurs de Marion et Jojo qu'ils ne cessent de me lancer. MERCI les amis.
Je m'affale au sol en demandant à Marion d'arrêter mon téléphone dans mon sac.
Elle m'annonce avec joie que je termine en 4h35.
Temps confirmé par l'orga: 191/ 278 pour 4h35m 46s. Soit 7,62 KM/H de moyenne.
Avec 35 minutes de plus que mon temps de prédiction, me voila agréablement surpris du résultat que je n'avais cessé d'estimer, depuis une bonne heure.
En buvant ma gourde sucrée d'une traite (sans la paille), je vis un moment de résurrection. Je profite de ce moment en me forçant à terminer mon jambon beurre entamé, et me voilà requinquer en 30 petites minutes.
Ces erreurs feront ma force sur la prochaine course, que nous avons déjà programmée, ce lundi 9 avril, Marion, mes courbatures et moi.
MERCI A JO.
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