L'auteur : fna007
La course : Eco-Trail de Paris® Ile de France - 80 km
Date : 17/3/2018
Lieu : St Quentin En Yvelines (Yvelines)
Affichage : 3045 vues
Distance : 80km
Objectif : Terminer
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Mais revenons à ce début de journée...
Après une préparation qui me paraît réussie, une dernière semaine très appliquée avec du repos et une alimentation en rapport avec l'objectif, le samedi tant attendu se rapproche dangereusement.
Derniers échanges avec Guillaume et Doume la veille. Pour être tout à fait honnête, sans être hyper stressé, je n'en mène quand même pas large. J'ai beau avoir modélisé la course parfaite dans tous les sens (ingénieur !!), plus la ligne de départ se rapproche plus les courbes, les atténuations, les modèles mathématiques s'éloignent.
Cette dernière semaine a été aussi l'occasion de lire pas mal de posts sur le forum kikourou; faut bien admettre qu'il y a l'air d'avoir quelques spécimens "intéressants" en région parisienne !!. En tout cas que ce soit sur kikourou, sur meteo-paris, sur meteo-france, sur la meteo de google, (chez Madame Hirma ...), j'ai l'impression que personne n'a la moindre idée de la météo pour samedi. En gros, tous les jours ça change : pluie / pas pluie, gel / pas gel, neige / soleil, vent / pas vent ... c'est désespérant car quand tu te fais une joie de sortir la jolie tenue que tu t'es acheté dans l'hivers mais que tu ne sais pas si ca va coller, tu gamberges et du coup tu retournes t'acheter à la va-vite la veille un truc plus chaud, plus long, plus vert, ..
Le vendredi, récupération du dossard à la porte de Versailles, puis on rentre tranquillement, on fait le sac et on essaye d'aller dormir.
La nuit a été plutôt bonne, réveil vers 7h puis petit déjeuner du sportif , comme dirait un ami Pierre C.,
une viande blanche,
des pates,
beaucoup d'eau
et ça devrait aller pour dimanche ...
Puis départ pour Saint Quentin en Yvelines. J'ai opté pour l'option train de banlieue avec une bonne heure de marge afin de ne pas se speeder.
Je ne suis pas le seul dans ce cas, car gares après gares (Courbevoie, La Défense, Puteau, Chaville, Versailles, ...), on récupère de plus en plus de gens "très typés" ; déguisés comme à la Gay Pride (avec les chars et la sono en moins).
Pendant le trajet, la neige fait son apparition (alors que 4 heures avant la météo annonce un samedi gris, froid mais avec une probabilité d'intempérie de moins de 25%...)
Arrivée à la gare de St Quentin, je récupère Doume qui est arrivé par le train d'avant.
Finalement, il est au départ. Chapeau !! car il a encore mal au genou et que on ne peut pas dire que sa préparation soit aboutie.
Puis les navettes nous amènent jusqu'à la base de loisir ou nous faisons la jonction avec Guillaume.
L'équipe est fin prête !!
Nous nous dirigeons vers le départ, une pluie très forte s'invite et en guise d'échauffement nous nous replions vers une tente déjà bien remplie pour attendre les 45 dernières minutes. Notre stratégie de course ne demande pas à partir dans les premiers donc pas de raison d'aller se geler dans les sas du début !!
La pression monte
Comme prévu nous partons dans les derniers.
Le terrain est TRES GRAS avec des flaques d'eau qui en se début de course canalisent le flux des coureurs. (si on savait ce qui nous attend on ne chercherait pas à éviter la boue ...)
Au dernier moment, j'ai opté pour ma paire de chaussettes étanches - c'est une grande première !!
Le début se passe bien comme prévu; pas de difficultés. Le rythme est bon et nous permet d'être dans le ventre mou des coureurs.
Le long du lac, je m'arrête pour refaire mes lacets et je perds mes lunettes (de vue). Je m'en rendrai compte quelques kilomètres plus tard. J'appelle Sandrine en catastrophe pour lui demander d'essayer de retrouver ma vielle paire qui a une branche cassée.
Arrivée sur la passerelle de Saint Quentin : RAS, puis traversée de la ville, puis les premiers chemins.
L'ambiance est bonne, le terrain nous parait gras (si on savait !!) mais cela ne vient pas nous décourager pour autant.
Doume suit sans trop de difficultés même si je pense qu'il commence à avoir mal au genoux.
Arrivée à Buc à peut prêt dans les clous de ce que nous avions prévu. On s'arrête un petit peu pour attendre Doume qui a pris quelques minutes de retard. Il fait très froid et la neige est maintenant bien présente.
On repart pour les premières difficultés de la course.
On lache Doume dans la montée peu après la sortie du ravito. Les conditions sont de plus en plus rudes. Ce qui jusqu'à présent était un chemin facile avec quelques flaques est devenu un ruban de boue plus ou moins collante avec de temps en temps une petite mare d'eau.
Cela fait maintenant longtemps que les coureurs ne font plus d'efforts pour ne pas marcher dans l'eau.
De mon coté, les chaussettes étanches se comportent à merveille. L'eau ne rentre pas !!
On a juste une impression de froid lorsque l'eau pénètre dans les chaussures mais rien à voir avec la macération subie dans ce genre de situation.
La course continue, on rattrape les dernières joëlettes qui, bien que conduites par des mecs (et des filles) qui on l'air d'être des avions de chasse, galèrent énormément dans la boue. Je n'imagine pas la débauche d'énergie pour arriver à déplacer ces objets dans ces conditions !!! (et encore ce n'est rien à coté des escaliers de la Tour Eiffel !!)
J'ai un petit coup de moins bien vers le 35eme Km et Guillaume me lache petit à petit. Je ne le reverrai plus.
Passage du 42eme km autour des 6 heures, ce n'est pas très rapide mais on reste dans les clous et en plus, je n'ai pas l'impression d'avoir puisé dans mes réserves.
A partir du haut de Vélizy, les conditions se dégradent encore !! Le chemin est maintenant une horrible coulée de boue dans laquelle on s'enlise jusque bien au dessus des chevilles.
Par moment, il n'est plus possible de courir.
La moyenne s'en ressent et petit à petit les barrières horaires qui jusque la étaient "larges" se rapprochent !!
En revanche, on est en terrain connu et le morale est bon. J'ai juste une petite douleur sur l'extérieur du genoux gauche qui se rappelle à moi dans les descentes mais rien d'alarmant.
On a fini par arriver à Meudon ou Sandrine et les enfants m'attendent. Ils ont du courage car il fait vraiment un froid de canard avec un petit vent sur la neige qui ne laisse pas indifférent.
J'en profile pour me changer intégralement (le haut), ce qui n'est pas un luxe !!
Puis un peu de thé chaud sans sucre qui fait beaucoup de bien.
Il neige toujours, la nuit est entrain de tomber, mais je suis plutôt de bonne humeur, persuadé que le plus dur est derrière nous ...
Rétrospectivement, si j'avais su ce qui nous attendait, je ne suis pas sur que je serai reparti
Une petite photo avant la nuit
Montée vers l'observatoire, on allume la frontale.
Avec la neige qui tombe à gros flocons, le froid et la vapeurs d'eau liée à la respiration, le champ de vision est limité aux quelques mètres juste devant nos pieds.
En passant l'observatoire, on voit au loin la tour Eiffel et on se dit que ce n'est pas ces 30 derniers Km qui vont nous faire peur !!!
Il fallait bien que ça arrive, juste après l'observatoire et son long mur, on passe un niveau de plus dans les conditions !!
Maintenant c'est franchement l'enfer.
La nuit est complètement tombée.
Le chemin est affreux; il faut dire qu'il a vu passer les gars du 45, les gars du 30 et la moitié de ceux du 80; c'en est trop pour lui !!
Heureusement, il neige tellement et le hallo de "fumée de respiration" vient tellement masquer la vue que par moment, on ne voit plus à 1 mètre devant.
C'est donc à l'oreille que se parcourent ces kilomètres. Je me prends à fermer les yeux de temps en temps et à me guider exclusivement au bruit des flocs-flocs qui maintenant nous suivent sans arrêt. Heureusement que je connais le chemin par coeur !!
En revanche, on se déplace vraiment pas vite et je commence à m'inquiéter sérieusement sur ma capacité à rentrer dans le parc de Saint Cloud avant 23h.
J'apprends que Doume s'est arrêté à Meudon car il était à bout. C'est déjà un bel exploit d'être arrivé là !!!. Rétrospectivement, j'espère qu'il ne le regrettera pas car aujourd'hui, 1 mois après, il a toujours du mal à marcher !!
Je passe un coup de fil à Guillaume qui de son coté à retrouvé Jérome. Ils sont plus de 35 minutes devant moi et ils en chient autant !!
On est autour du 52km, je sens bien que ça ne va pas le faire car plus personne n'avance et que il n'y a aucuns éléments qui laissent présager que ça va s'arranger.
Je suis fatigué mais pas plus que ça, et soudain juste après la descente du coté des terrasses de Meudon, j'ai un premier déclic !!
Ca se passe en quelques minutes. Je me dis que ce serait trop con de se ramasser au prochain ravito, que je suis largement capable d'aller plus vite, et je me suis mis à courir alors que tous les autres marchaient.
En gros j'ai couru tout le temps.
- En montée,
- En descente,
- Sur le plat,
- Dans la boue, ...
........ j'ai couru "pas vite" mais tout le temps.
Le calcul est simple : en gros au rythme ou je me déplace à ce moment de la course, il me manquera 30 minutes pour passer le portail du parc de Saint Cloud. Du coup, comme tout ingénieur qui se respecte, je découpe le reste à faire en minutes par rapport à la barre fatidique des 23h en ajoutant un peu de rab pour le confort. Et à chaque 500m, je compte si je suis mieux ou moins bien que ce qu'il faudrait. Si je suis moins bien, les 500 mètres d'après je me fais violence et je relance avec comme seul objectif de récupérer les quelques secondes perdues les 500 mètres d'avant quitte à s'arrêter au circuit d'après si je suis cuit !! Du coup, si c'est une montée : j'en chie !!!
Cette période est assez éprouvante physiquement car j'avais vraiment l'impression que je me grillai et que je ne pourrai pas finir.
C'est aussi une période ou je double énormément de concurrents. La procession des galériens avec leurs petites lumières qui cheminent bien sagement en silence dans un sous-bois à 20Km du centre de Paris, de nuit, sous la neige avec comme seule ambition de continuer à se faire chier pendant encore 4 ou 5 heures pour une photo rapidement prise au premier étage de la tour Eiffel, a quelques chose d'absurde et de risible; c'est la qu'on se demande pourquoi on fait ça !
Je m'arrête 1 ou 2 minutes à Chaville pour prendre des abricots, bananes et une soupe que je commence à boire en repartant (sauf qu'avec la nuit et les glissades de la boue je m'en mets partout).
La zône de ravitaillement a des airs de cours des miracles. La boue y est omniprésentes, des mecs sont dans leurs couvertures de survie l'air hagard, il y a un bus juste avant qui attend ceux qui arrête.
Je n'ai pas trop calculé le ravito car mon seul objectif est l'entrée du parc de Saint Cloud mais à cette heure, j'ai encore au moins 20 minutes de retard par rapport à mon planning pessimiste.
Et ça repart. Traversée de Chaville et ses escaliers qui remontent vers le Ville d'Avray et ses étangs. Je suis au max de mes capacités, dès qu'il y a un faux plat j'accélère sur quelques mètres. Et puis secondes après secondes, ce qui paraissait difficile redevient jouable.
En revanche, je commence sérieusement a être fatigué. Les jambes sont de plus en plus lourdes et cette boue qui rend tout appui glissant commence à peser dans l'équation.
Au prix d'un effort certain, je suis rentré dans le parc avant que la grille ne se ferme.
Il est 22h30, j'ai plus de 30 minutes d'avance !! Concrètement par rapport aux perspective de l'après observatoire, j'ai regagné 1 heure.
Je ne le sais pas à ce moment de la course mais Guillaume et Jérome sont à moins de 10 minutes devant.
Un rapide calcul , il reste 2h30 pour faire 15 bornes. Sur le papier c'est jouable mais à ce moment de la course les conditions sont toujours exécrables, neige, boue, froid plus la fatigue qui maintenant est franchement présente.
C'est donc avec un regain de motivation, tempéré par les signaux renvoyés par mes jambes, que je repars dans ma technique des 500 mètres.
Sauf qu'à partir du milieu du parc, les épisodes "moins bons" se font de plus en plus fréquents. Il faut alors se faire violence à chaque fois pour rattraper les secondes au cycle d'après.
Dans le bas du parc, le terrain est apocalyptique, la boue coule sur les pavés !!. C'est un miracle que je ne me torde pas une cheville ! On traverse des marres de plusieurs centaines de mètres de long! ça colle ! c'est lourd ! vivement que ça se termine !!
Puis arrive enfin la dernière petite montée avant le ravito. Je la connais bien et je sais que c'est la dernière alors pour ne pas modifier ma tactique de course, je continue de courir (enfin vue la vitesse, c'est peut être un peu présomptueux de parler de course, mais moi, je suis au max !!).
C'est à ce moment de l'aventure que en quelques mètres, je me retrouve avec 2 crampes (une sur chaque cuisse !!). Vu le planning, je n'ai pas le luxe de m'arrêter et, en pensant aux années rugby ou la moindre crampe voyait se précipiter sur toi une horde de soigneurs pour t'étirer, te donner de l'eau, voir te sortir du terrain, mais la je sers les dents et je continue.
Dernier ravito pris en quatrième vitesse, juste le temps de recharger l'eau et quelques sucreries. Il reste moins de 2h pour faire un peu plus de 10 bornes.
Au moment ou je repars dans les lacets de la descente vers la Seine, Jérome et Guillaume sont quelques dizaines de mètres en dessous de moi.
Je descends mécaniquement jusqu'à la sortie du parc, accompagné de mes 2 crampes que je traite par le mépris.
Puis sortie du parc avec une énorme satisfaction :
je vais le faire !!
J'appelle Sandrine et mes parents, puis trottine tranquillement le long de la seine : plus de boue !! Vive le Trail urbain !!
Comme je n'ai plus trop de pression, je vais un peu moins vite; j'ai arrêté de calculer tous les 500 mètres. Je discute avec des passants, je me fais doubler, je redouble.
On chemine tranquillement jusqu'au passage du périph; la route est bien connue et je la fais quasiment par réflexe. On se prend quand même quelques hectolitres de boue dans les quelques parcs que nous traversons (notamment dans le Parc André Citroen, ré-ouvert pour l'occasion et qui ne veut pas être en reste par rapport à ces prestigieux confrères et qui donc nous gratifie d'une flaque de toute beauté sur la moitié des 300 mètres de sa superficie)
Ca y est, nous voyons enfin la tour Eiffel. Elle est la, à quelques centaines de mètres. Alors on ré-accélère un peu mais il n'y a vraiment plus d'essence dans le moteur.
Au 78eme Km après 12h22 de mesure ma montre s'arrête. J'ai tous le matériel pour la mettre en charge, mais je n'ai plus le courage et accessoirement le temps:
Ca va être tendu jusqu'au bout !!!
Puis viennent les dernières marches. J'aide un pauvre gars qui est entrain de faire un malaise vagal (j'espère qu'il aura trouvé la force de franchir les derniers hectomètres).
En haut de marche, au pied de la tour Eiffel, j'entends les bénévoles qui nous exhortent à se dépêcher, il est 0h50 - je vais passer à 10 minutes !!
Du coup, je me remets à courir le plus vite que mes jambes le permettent, dernière flaque d'eau, dernier virage
Et puis enfin, on me donne le ticket pour monter par l'escalier !!!
La montée se passe comme dans un rêve. Le temps est arrêté et pourtant il passe à une vitesse folle.
J'ai assez peu de souvenirs de la montée mis à part l'ambiance générale. La procession des galériens a la banane !!
Dernières marches, on fait une petite queue de 1 ou 2 minutes et enfin je passe la ligne !!!
Il est 0h57, la journée se termine !!
Je retrouve Guillaume et Jérome qui m'accueille avec une petite bière. Je récupère la médaille et le teeshirt puis on redescend car il fait quand même très froid.
On récupère les sacs, une petite douche dans la gymnase à coté de la Tour Eiffel et puis je rentre à la maison en AutoLib.
Il faudra plusieurs heures pour que mon corps se réchauffe. J'ai greloté une partie de la nuit qui n'a pas été très bonne.
Il me faudra 3 ou 4 jours pour que les courbatures se résorbent.
Dès le week-end suivant, une petite sortie pour vérifier que ça marche encore ? Miracle tout fonctionne bien !!
Il y a aussi une petite déception pour Doume mais avec le recul, vu les conditions, c'est déjà une performance extraordinaire d'avoir rejoint Meudon. Aujourd'hui il se remet doucement et les prochaines échéances risquent d'être un peu aléatoires.
Contrairement à l'année dernière ou j'avais vraiment été dans le dur sur la fin, cette édition, bien que très éprouvante, restera comme un grand moment avec très peu de périodes "à oublier".
Cette année, il n'y aura pas d'UTPMA pour cause de communion, mais nous l'avons remplacé par le Raid du Morbilhan
C'est une course de 87km sans dénivelé et avec des barrières horaires "larges"
C'est l'occasion de continuer à progresser et à mieux se connaitre avec comme particularité une nuit et une gestion de l'effort non régulée par les contraintes du terrain (pas de dénivelé, pas de boue ?). Il ne faudra pas sous estimer l'épreuve. Nous y allons avec Guillaume (et peut être Doume) avec l'ambition de consolider les acquis de l'Ecotrail.
Depuis Guillaume s'est aussi laissé séduire.
il va falloir s'accrocher mais on devrait bien rigoler.
... L'été s'annonce studieux, (la Réunion se rapproche un peu)
En bonus le suivi Strava de Guillaume et moi
https://labs.strava.com/flyby/viewer/#1458361746?c=u09mx1zu&z=C&t=1QhIMZ&a=ktXsVv5O7FY
1 commentaire
Commentaire de Bérénice posté le 15-04-2018 à 15:20:59
Bravo pour la course et le récit ! J’ai aussi un immense respect pour toute la préparation en amont qui permet de faire ce type de course le jour J. Bonne continuation pour 2018 même si ça semble bien parti !
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