Récit de la course : Le Challenge sur Route de France - Marathon 2018, par marathon-Yann

L'auteur : marathon-Yann

La course : Le Challenge sur Route de France - Marathon

Date : 7/1/2018

Lieu : Cernay La Ville (Yvelines)

Affichage : 2127 vues

Distance : 42.195km

Objectif : Pas d'objectif

3 commentaires

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Sortons à Cernay

« Un de plus, un sans raison… » chantait Boris Vian. Pourquoi s’inscrire à un marathon où l’on sait, en raison de son profil et de sa place dans le calendrier, qu’on n’y battra pas son record ? Pour le défi. Pour préparer les courses du printemps. Pour la simplicité d’un marathon pas loin de chez moi, le seul de France qui me permette d’être chez moi pour le repas dominical. Pour la chaleur humaine qui s’en dégage, compensant la météo maussade. Pour le plaisir de courir, bien sûr.

Il fait encore nuit à 8h quand j’arrive au stade de Cernay. Avantage des petites courses (300 participants pour le marathon), je récupère rapidement mon dossard, me réjouit de la paire de gants offerte, me change tranquillement au vestiaire chauffé et retrouve, sans même lui téléphoner, mon frère et notre ami Arnaud qui sont venus pour le semi.  Nous discutons sans doute trop longtemps car en sortant du gymnase, j’entends le speaker annoncer « départ dans 2 min ». Puis presque immédiatement donner le départ (il doit avoir froid), ce qui fait que pour la première fois depuis longtemps je vais prendre le départ en dernière position.


Je remonte rapidement le peloton. Je double un coureur non voyant qui cours avec sa canne, sans guide. J'apprendrai plus tard qu'il s'agit de Monsieur Clément Gass, qui effectuera tout le marathon en s'aidant uniquement la trace GPS du parcours, dans le temps de 4h27 qui lui vaudrait le record du monde de marathon sans assitance pour un non voyant. Je double aussi un coureur en chaise, Monsieur Claude Noirault, dont j'apprendrai qu'il a bouclé son marathon dans son fauteuil en 4h41. Daprès le site de la course, il a fini admirablement, avec persévérance notamment dans la portion non bitumée dans laquelle il avait du mal à avancer. Refusant l’assistance des bénévoles, il est descendu de son siège, s’en est accroché pour le pousser et remonter dessus sur le bitume. Chapeau, messieurs !

Ma position commence à se stabiliser dès la sortie de Cernay. A ma surprise, j’aperçois au loin la tête de la course et peux même compter le nombre de participants qui m’en sépare. Une bonne trentaine. (Alerte Spoil : je finirai 34eme du marathon. Finalement des marathons de 2.195 kms seraient suffisants).

Vous l’avez compris, nous ne sommes pas très nombreux. Plutôt que rester seul, j’accélère un peu pour rejoindre un énorme groupe de 6 coureurs qui avance bien. C’est plus sympa avec eux. Ils avancent à un bon rythme que je suis sans difficulté, même si je suis visiblement moins facile qu’eux. Je respecte mon plan de course : avancer à ma meilleure allure marathon sur le plat, et gérer dans les montées que je sais nombreuses ici pour avoir déjà couru il y a deux ans (350 m de D+). Au gré du profil et des ravitaillements, notre groupe varie, nous nous retrouvons à trois devant, puis je suis seul, puis rattrapé par un autre coureur que je lâche dans la montée, avant qu’il me reprenne et me dépasse… Ce petit jeu nous occupe une quinzaine de kms. Je rattrape un coureur en noir qui me parle, mais il a un buff devant la bouche et j’ai ma casquette sur les oreilles, je ne comprends que quelques mots de ce qu’il dit : « … côte … (incompréhensible) … vent …  (incompréhensible)… faux plat … (incompréhensible)… difficulté ». Je préfère me laisser décrocher légèrement que de continuer à paraitre impoli en ne répondant pas.

Seul, je laisse mes pensées vagabonder. Je pense à Kikourou, à ces récits anciens de coureurs qui ne postent plus depuis des années. Que sont les kikous devenus ? Partis sur d’autres sites ? Un nouveau pseudo ? Ont-ils arrêté de courir ? Leur passion, si semblable à la mienne, s’est-elle brusquement éteinte ?

Et pourquoi je cours ? Je repense à ce beau témoignage d’Anita, publié au courrier des lecteurs du dernier numéro de Zatopek, que j’avais adapté pour mon profil Facebook. « Je cours parce que le golf m'ennuie ; parce que c'est la meilleure manière de me promener en short même quand il pleut ; parce que je ne me pose jamais de question quand on me propose de reprendre du dessert ; parce que si je devais commettre un vol à l'étalage autant être bien préparé ; parce qu'en trois kilomètres je trouve plus de solutions aux problèmes du monde que nos dirigeants en trente ans ; parce que le petit garçon au fond de moi espère toujours être champion olympique ; parce que j'aime me dire que je fais plus de kilomètres à pied qu'en voiture ; parce que je ne suis obligé de parler avec personne ; parce que ça me relie à la nature et aux autres ; parce que ça me déconnecte de tout ; parce qu'un chemin inconnu ne se refuse pas. »

J’essaie aussi de réfléchir au profil de la course. Il y a deux ans, j’avais été marqué par les deux côtes après le 30eme km. Depuis, le parcours a été modifié, nous avons déjà franchi une difficulté, j‘attends la seconde avec appréhension. J’ai pas mal couru en décembre mais finalement fait peu de sorties longues, j’ai l’impression que je commence à le payer. Quelques coureurs me dépassent. Je pense au spectacle de Yoann Métais : « c’est réconfortant, la souffrance des autres », je me dis que je dois être un réconfort pour eux. A mon tour, je rattrape un coureur, Zack, dont c’est le premier marathon. Puis me surprends à marcher sur un faux plat, avant même le 30ème km. Le ravitto me fait du bien, je repars. Nouvelle côte, je marche encore, Zack me rattrape et me donne une tape amicale sur l’épaule. Ce simple geste me redonne de l’énergie, je ne marcherai plus jusqu’à la fin. Autre bonne surprise, je me rends compte que les organisateurs nous ont fait grâce de la seconde difficulté (même si c’est le vent qui nous gênera dans ces derniers kms). L’arrivée n’est plus loin. Bizarrement ces derniers kms passent assez vite, même si mon compagnon d’infortune, Zack, se mets à marcher à son tour.

A mon arrivée, le speaker prend le temps d’annoncer mon nom « Yann, le kikoureur » (il a bien vu mon buff). Je fini en 3h26. A temps pour la galette familiale !

3 commentaires

Commentaire de Arclusaz posté le 10-01-2018 à 16:36:42

Je crois qu'en lisant ce CR on comprend que ....tu aimes vraiment ça ! et en plus, tu avances bien. Bravo !

Commentaire de marathon-Yann posté le 11-01-2018 à 14:17:19

argh, je suis démasqué !
Merci de ton message et bonne année !

Commentaire de Laurent V posté le 12-01-2018 à 13:03:56

Encore un beau récit qui nous emmène, dans les pensées, au-delà de la route décrite. Bravo pout tout.

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