L'auteur : Seabiscuit
La course : Run in Lyon - Marathon de Lyon
Date : 1/10/2017
Lieu : Lyon 01 (Rhône)
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Distance : 42.195km
Objectif : Pas d'objectif
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En ce dimanche 1er octobre, c’est le « Run in Lyon ». Trois parcours au choix : 10 km, semi ou marathon. Semi ou marathon ? le choix s’est porté finalement sur la distance reine pour des raisons de calendrier. Il a donc fallu commencer la préparation spécifique en juillet ce qui n’a pas été facile avec les chaudes températures de cet été. Mais le plan d’entraînement a grosso modo été respecté moyennant quelques aménagements pour tenir compte des contraintes d’emploi du temps et des petits bobos qui sont apparus au fil des séances.
Une petite frayeur à l’issue de la dernière sortie, pourtant courue à un rythme lent, liée à une douleur sous l’articulation du gros orteil, va me perturber toute la semaine précédant la course. Ma confiance est entamée et c’est dans l’inconnu que j’accroche le dossard sur le maillot. On a beau s’être entraîné pendant des mois, le jour J c’est toujours l’interrogation sur son véritable état de forme. J’espère que le repos que je me suis imposé ces derniers jours aura suffi pour permettre au corps de se régénérer.
La météo est clémente, voire idéale. Le ciel a déversé son trop plein d’eau la veille, les gros nuages sont allés voir ailleurs et la température avoisine les 10°C. Il ne faut pas se plaindre, ça pourrait être pire !
Le départ est prévu à 8h30 pour les « élites », il est temps de regagner le sas des « 3h30 ». On sent la tension parmi les concurrents, beaucoup de visages sont fermés, certains sautillent pour tromper l’ennui, d’autres s’étirent, enfin il y a ceux qui ont besoin de vidanger et là c’est le folklore !! La pression hydraulique dans la vessie nécessite d’expulser le trop plein sur le champ. Il y en a un qui ose se coller à la clôture délimitant le sas pour se soulager, il est rapidement suivi d’un deuxième puis c’est un véritable défilé … Seulement on est en pleine ville, dans une rue étroite bordée d’immeubles. Les habitants sont aux balcons et certains n’apprécient pas, à juste titre. Une dame hurle « eh bande de gros dégueul…. Vous pouvez pas faire ça ailleurs ». Cette interjection en fait sursauter plus d’un parce qu’ils ne l’avaient pas vue venir. J’imagine qu’ils ont du s’en mettre partout, je m’en amuse.
On entend le coup de feu libérant les cadors qui piaffaient d’impatience derrière la ligne. On sent un frémissement dans notre sas, notre tour ne va pas tarder.
On s’élance 10 mn plus tard. On part avec les concurrents du semi et donc c’est une belle pagaille dans les premiers hectomètres. Il faut rester concentré et faire attention de ne pas tomber, c’est piégeux. Il ne faut pas non plus se laisser gagner par l’euphorie. Le premier kilomètre est parcouru en 4’55. Nickel ! Garder le rythme, être constant et régulier. Pas aisé avec tout ce monde ! Il est facile d’être influencé par un coureur plus rapide. Je consulte très régulièrement l’allure du GPS mais je me rends compte qu’il me délivre des infos erronées. En ville, les connexions avec les satellites sont plus difficiles, la technologie a ses limites. Je vérifie mes temps de passage à chaque borne kilométrique. La cadence est bonne.
Cette année encore je cours sous les couleurs de la SNCF, maillot blanc avec le logo dans le dos. Je repère les collègues de loin, surtout quand ils ont la taille de Bruno. Je le rattrape, lui qui s’est élancé sur le semi. Je l’encourage et m’avoue en retour qu’il a présumé de ses capacités, il est parti en sur-régime. Savoir gérer, là est le secret ; surtout sur marathon. Ne dit-on pas que c’est 30 km d’attente et 12 km 195 de course ? On s’approche du pont Paul Bocuse, point le plus septentrional du parcours. Quasi un quart de la course déjà parcouru et les sensations ne sont pas exceptionnelles … j’ai déjà les jambes un peu dures. Il faut que je pense à les ménager en adaptant la foulée.
Demi-tour droite pour regagner les berges de la Saône en rive gauche. Vers le km 14, un coureur me dépasse et m’adresse « alors on ne fait pas grève aujourd’hui ? ». Tiens, un farceur. Il faut reconnaître que je m’attendais à ce type de remarque mais ce sera la seule. Je le laisse prendre ses distances, nous nous reverrons …
J’ai hâte d’atteindre le tube « modes doux » de la Croix-Rousse, point de séparation entre le semi et le marathon car il y aura ensuite moins de monde et il me semble que le rythme des participants sera plus homogène.
Après 2 km en souterrain, c’est la sortie. Il y a foule pour nous encourager à poursuivre. J’ai des frissons, non pas liés à l’émotion mais en raison de la fraîcheur de l’air. Il faisait bien plus chaud à l’intérieur.
Je passe la borne du km 18 en franchissant le pont De Lattre De Tassigny qui enjambe le Rhône. Les espaces entre nous sont maintenant plus importants et je préfère.
Je croise les coureurs qui visent 3h15, ils sont déjà sur le chemin du retour, 7 km devant. Ça ne rigole pas !
J’entre dans le parc de la Tête d’Or peu après le km 20 suivi comme mon ombre par un type assez bruyant. Ses pieds claquent le bitume à chaque foulée, sa respiration me donne l’impression d’accompagner une locomotive à vapeur et pas une petite comme celle qui a été construite pour tirer les wagonnets dans les mines, non ce serait plutôt une 241P17 ou à la limite une 141R. Une de ces machines qu’on entend avant de voir. Ça me gêne et puis ça finit même par m’énerver. J’essaye d’accélérer sensiblement mais il reste accroché à mes basques. Je veille à ne pas me mettre dans le rouge surtout que j’ai un coup de mou. Je sens que j’ai un peu plus de mal à tenir l’allure. Je passe le semi en 1h45’40’’, c’est-à-dire avec un retard de 40 secondes. Je crains pour la suite. Je ne vais pas réitérer l’erreur faite à Annecy, de vouloir tenir la cadence coûte que coûte au risque de m’écrouler sur la fin. Je laisse donc le chrono de côté et décide de courir davantage aux sensations.
Je mange un bout de pâte d’amande et prend un doliprane pour atténuer la douleur aux quadriceps.
Le tour du parc est agréable en ce début d’automne. Bien que son nom n’a rien à voir avec le feuillage actuel (il serait dû à un trésor avec une tête de Christ en or faisant partie d'un butin qui aurait été enfoui à cet endroit par des barbares ou des croisés) la sénescence des feuilles rappelle le métal précieux. La végétation s’est parée d’une palette de couleurs allant du jaune au rouge en passant par l’orange, le brun ou encore l’ocre. Ça met de la gaieté dans ce cadre nature posé en pleine ville.
Les Lyonnais sont de sortie, on emprunte les itinéraires de leur footing dominical. Les coureurs du dimanche se mêlent le temps de quelques foulées aux prétendants marathoniens.
Je sors du parc et rejoins la piste cyclable en rive gauche du Rhône. Nous croisons les coureurs accompagnant le meneur d’allure des 4h00. Cette fois, c’est moi qui suis en avance et c’est bon pour le moral.
Au fait, je m’aperçois qu’il y a eu rupture d’attelage, la loco a quitté le convoi. L’activité sonore s’en trouve diminuée !
Depuis peu j’ai des crampes d’estomac. Je n’ai pas mangé grand-chose mais ça a suffi à m’indisposer. J’ai beau tout tenter, j’en arrive à la conclusion qu’il m’est impossible de m’alimenter en solide au cours des efforts prolongés. J’espère que les douleurs vont s’estomper car ce n’est pas agréable du tout.
Je me rapproche petit à petit du mur. Quelle va être la réaction de mon corps ? Vouloir, ce n’est pas toujours pouvoir ; parfois on subit.
Je rejoins Superman, preuve que j’ai encore quelques ressources. Je l’accompagne un moment et je mesure l’ampleur de sa popularité. Bon nombre de spectateurs l’encourage. Je luis dis, sur le ton de l’humour, que je suis jaloux et que pour la prochaine course j’arborerais également un S sur la poitrine. Il m’avoue que pour lui c’est l’effet escompté et que ça lui fait un bien fou. Je comprends !
On rentre dans le dur et même Superman connaît des passages difficiles. Je le distance et poursuit ma route à la rencontre du mur.
Sur ma gauche, un encouragement qui m’est destiné. C’est Marie, une collègue qui est venue nous supporter. Je lui demande de me prêter ses jambes car je n’en ai plus, elle me répond qu’elles ne me seraient d’aucune utilité. Pas si sûr …
Le fameux km 30 que je visualise comme un mur, qui fait si peur, que j’appréhendais est maintenant là. Et finalement je vais le transpercer, l’exploser car je ressens comme une renaissance. C’est une petite euphorie qui est confirmée par ma remontée progressive des concurrents. Bizarement, je suis à ce moment-là en pleine confiance, j’ai la certitude que je ne peux plus m’écrouler, ça va être dur mais ça va le faire. Je passe en 2h30’52’’. Il reste 12 km, soit une heure de course.
J’emprunte une partie des berges que je connais bien pour m’y être entrainé souvent la semaine. Le prochain objectif est le parc de Gerland, point le plus méridional du parcours.
J’encourage, quand j’arrive à sa hauteur, un chasseur alpin arborant dans son dos le choucas, insigne du brevet d’alpiniste et de skieur militaire. Il est vrai qu’il n’est pas dans son élément car le profil est totalement plat. Un autre concurrent a l’air surpris de se voir dépasser, il me dit « tu n’es pas fatigué ? ». Si, mais comme tout le monde. Et d’ailleurs ça fait un bout de temps que je compose avec mes quadris douloureux. Cependant, je retiens cette phrase "la douleur est inévitable mais la souffrance est facultative".
Peu après le km 33, dans la rue Jean Bouin, j’en vois un qui prend l’eau. Il marche sur le bord, seul avec sa peine. Sa silhouette ne m’est pas inconnue, c’est une fois proche de lui que je reconnais le farceur de tout à l’heure. Je me tourne vers lui et lui fais signe de mon incompréhension, il me répond d’un geste qui ne trompe pas, il n’en peut plus. Morale de cette histoire : ne jamais faire le malin en début de course !
Je double en quelques foulées deux collègues, j’essaye de les encourager mais pas sûr qu’à cette heure de la course les paroles puissent faire grand-chose. Je traverse peu après le stade rouge et noir de Gerland, occupé cette saison par le LOU (Lyon Olympique Universitaire) en TOP 14. Belle enceinte mais ça fait bizarre de la voir vide.
Km 35, on remonte l’avenue Tony Garnier, tiens tiens c’est donc là qu’il faudra venir retirer son dossard pour la SaintéLyon dans 2 mois.
Je poursuis en gardant une allure que je pense régulière mais ça fait belle lurette que je ne regarde plus le GPS. Se profile le pont Raymond Barre qu’il va falloir escalader. Pas facile après plus de 36 km. A sa sortie, virage à gauche toute pour contourner le musée des confluences puis se présente un raidard, une bosse hallucinante de 2 m de haut sur 10 de long qui achève mes pauvres muscles endoloris. Passée cette ultime difficulté, je me dis que ça sent bon l’écurie (le dépôt pour un cheminot). J’attends le km 38 mais qu’il est long, il me semble interminable et pour cause … je ne le verrais jamais. Je tombe sur le km 39. Plus très lucide, je n’ose pas tout donner, je mets en cause le bon bornage de l’organisation. Ce n’est qu’en passant le km 40 que j’allonge (très sensiblement) les foulées. C’est le final, les spectateurs se font plus nombreux, on est acclamés. J’approche de la place Bellecour, les concurrents du 10 km nous encouragent, j’en ai les poils qui se dressent. Enfin l’arche, je donne tout, je ne sens plus les jambes, je vole …
Je déclenche le chrono : 3h33’38’’. .NEW PERSONNEL RECORD
Je suis satisfait d’avoir une fois de plus amélioré mon record sur marathon et très content de la manière dont j’ai géré la course. Je n’étais pas dans une forme olympique, cependant j’ai atteint l’objectif que je m’étais fixé, de quoi en tirer une grande fierté. Il faudra pour le prochain trouver tout de même une solution à mes problèmes musculaires. J’ai quelques mois devant moi pour explorer les pistes …
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