L'auteur : redgtux
La course : Be Run - Intégrale
Date : 14/5/2017
Lieu : Duingt (Haute-Savoie)
Affichage : 2166 vues
Distance : 77km
Objectif : Se dépenser
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Et voilà c’est reparti, mon premier trail long de l’année vient de se terminer...
Par rapport aux années précédentes, ma saison trail commence plutôt tard et de manière brutale: avec mon coach j’ai passé le début de l’année à travailler la vitesse pour battre mon record sur 10km route. C’est désormais chose faite mais du coup ce n’est que depuis 1 mois que mon entraînement spécifique “long” a commencé. Et encore, depuis ces deux dernières semaines, j’ai fortement ralenti les entraînements en raison d’une gêne persistante à la cheville gauche.
Le gros objectif de cette année sera de terminer (ce sera déjà pas mal) l’UTMB. Pour le préparer au mieux j’ai intégré deux courses préparatoires à mon entraînement histoire d’augmenter graduellement la difficulté. L’Interlac est la première de ces deux courses.
C’est une course de 80km environ et 3800m de D+ qui relie le lac d’Annecy au lac du Bourget avec “quelques bosses entre les deux” pour citer le roadbook.
Je sais que je vais avoir fort à faire pour aller au bout. L’idée c’est de terminer dans un temps raisonnable (14 heures) sans être trop abîmé...
Nous arrivons sur place deux jours avant, cette fois-ci nous avons troqué la voiture pour le petit avion de l’aéroclub : 2h30 de vol contre 8-9 heures de voiture on y gagne sur les temps de trajet et c’est toujours ça de fatigue en moins ! Sur place il fait un temps… bien pourri : orage, pluie et vent, mieux vaut que ce soit maintenant que pendant la course. Par contre ça veut dire qu’il y aura pas mal de boue.
Je profite de la pluie pour tester ma nouvelle veste de pluie : après deux sessions de 30 minutes sous la pluie battante elle déperle encore parfaitement, cool ! Espérons qu’il en sera de même après deux ou trois lavages…
Concernant l’équipement, je profite justement du Vendredi pour tout préparer. La plupart des trails imposent au coureur d’emporter un équipement obligatoire, ici non on trouve juste une liste d’équipements “recommandés”. De toutes façons je sais à peu près de quoi j’ai besoin, et je vais essayer comme d’habitude de faire le plus léger possible.
La météo n’étant pas annoncée froide ou pluvieuse ce sera tee-shirt + buff + manchons et gore-tex dans le sac (dans un ziplock). On y ajoute la traditionnelle couverture de survie, un peu d’argent, de la NOK dans un bouchon de bouteille, la gopro, le téléphone et un ziplock pour faire “doggy bag” aux ravitos. Je prends une frontale mais légère car on ne devrait pas en avoir besoin longtemps, le jour se lève vers 6h.
J’en profiterai pour tester les nouvelles flasques achetées chez Foulées en espérant qu’elles ne se percent pas au bout de 3 courses comme souvent...
Pas de bâtons cette fois-ci, je sais que ce sera plus dur sans mais c’est fait exprès : c’est une course préparatoire après tout, faut que les jambes bossent.
Reste à ajouter la bouffe dans le sac : Clif bar, pâtes d’amande, de fruits et poudre Aptonia dans des sachets.
Côté chaussures, j’ai apporté 3 paires :
Salomon sense ultra SG (en fin de vie…)
Saucony Xodus
Hoka Speed Instinct
Finalement je choisis les Saucony, plus adaptées aux terrains gras.
J’essaie ensuite d’estimer la quantité de nourriture et d’eau à emporter à partir de mon plan de course mais ce n’est pas simple :
Le premier ravitaillement est au SEMNOZ après plus de 4 heures de course. Il me faudrait donc emporter 2 litres d’eau (je consomme environ 500 ml/heure). Et le ravitaillement solide suivant est à TAISSON après 9 heures 33 de course (en théorie) !! Cela fait un sacré paquet de temps à passer en autonomie.
En regardant plus en détails le roadbook et les cartes IGN je vois qu’il y a pas mal de points d’eau sur le parcours. Je partirai donc avec 1 litre et verrai en route pour refaire le plein aux fontaines ou dans les torrents (j’ai des pastilles de purification si besoin). Au niveau nourriture solide vu que je ne compte pas chasser en route, je remplis le sac pour tenir jusqu’à TAISSON où j’aurai l’assistance de Manue.
Le samedi, nous récupérons le dossard ainsi qu’un bandeau Hoka (le sponsor…). Les bénévoles sont très sympas. Par contre on s’y perd un peu : la course se nommait Interlac (un nom logique vu qu’on va d’un lac à un autre) mais elle a été renommée en “Be Run intégrale”, je préférais l’ancien nom et visiblement je ne suis pas le seul car il y a encore des logos Interlac partout.
Ensuite je flâne et bouquine (une intégrale de Spirou des années 70 trouvée à l’appart avec plein de BD) sur les bords du lac pendant que Manue fait son footing. De retour à l’appartement, repas à base de pâtes-jambon et préparation de la journée du lendemain.
Je pars me coucher vers 22:00 mais difficile de trouver le sommeil, je finis par m’endormir après minuit, ce qui ne me laisse que 2h de sommeil avant le réveil. Car oui il faut se lever à 2h du mat, pour aller prendre la navette qui nous emmène au départ de la course à Duingt au bord du lac d’Annecy, le départ “réel” de la course étant à 5h du matin !
Le réveil est difficile. Je pars, un peu en retard de l’appartement pour rejoindre la navette : 10 minutes de marche rapide puis quelques foulées rapidement interrompues car la gêne à la cheville gauche apparaît instantanément… Super ça commence bien. En plus ce n’était pas la peine de se presser, le bus n’est pas parti avant 3h15. Je profite du trajet pour tenter, sans grand succès, de terminer ma nuit…
Une petite heure après nous arrivons sur le site de départ. Il n’y a pas beaucoup de coureurs (on doit être moins de 300 au départ), l’ambiance est assez intimiste mais sympa encore une fois grâce aux bénévoles.
Le départ est donné à l’heure prévue sans grandes fioritures, un discours un peu de musique et c’est parti !
Je suis plutôt en fin de peloton, nous démarrons par un échauffem… Ha ben non on part directement dans le vif du sujet avec une montée en lacets sur une petite route. J’ai la pêche et commence à remonter le peloton tout en papotant avec un coureur du coin. Aucun signe de surrégime en vue, pourtant dès le début je sais que je suis parti plus vite que prévu, mais comme tout va bien je poursuis.
Après quelques kilomètres de route, nous entamons le vif du sujet avec la montée vers le col de la Cochette sur un single en forêt. De temps en temps on peut apercevoir le lac d’Annecy en se retournant.
Après le col, nous redescendons vers St-Eustache. Comme je le pensais c’est la gadoue et je ne regrette pas d’avoir pris des chaussures à gros crampons. Ca n’empêche pas quelques glissades dans les descentes… Nous traversons également quelques chemins à vaches où nous manquons tous de laisser nos chaussures.
Arrivé à St-Eustache je fais le plein d’eau à une fontaine repérée sur la carte IGN puis c’est reparti pour la montée au Semnoz à 1640m. La montée se passe bien, je connais le parcours vu que pour le moment c’est presque la même chose que la Maxi-Race mais à l’envers. Par contre je sens déjà que mes jambes ne répondent plus normalement, je ne suis plus habitué à des efforts longs et cela fait déjà 2h30 que nous sommes partis, une éternité comparé aux temps de courses que je fais depuis le début de l’année. Qu’importe, pour le moment il faut poursuivre, on fera un point au Semnoz.
Arrivé au Semnoz, j’ai faim et engloutis tout ce que le ravito propose. C’est assez varié : fromage de pays (très bon), jambon, pain et même bonbons haribo… Mon erreur à ce moment là a été de ne pas penser au temps avant le prochain ravito solide, j’aurai dû emmener plus de nourriture salée avec moi. Je repars avec un bout de fromage et du pain qui sera avalé dans l’heure suivante. J’ai presque 1 heure d’avance sur mon plan de marche, je vais le payer par la suite… Il fait beau, sauf sur le sommet qui est pris dans la brume.
Après le Semnoz nous poursuivons par une longue descente vers le pont de l’abîme. On commence en balcon avec notre première vue sur le lac du Bourget (il est encore loin) et on poursuit par des lacets en forêt. C’est là que je comprends qu’il va falloir lever le pied car mes vieilles amies refont leur apparition : les crampes. Heureusement j’en prend conscience à temps et elles resteront à l’état d’alerte. le problème est classique : les descentes sont glissantes, je dérape, me crispe et hop une crampe en bonus. Je descend donc plus doucement et le problème se règle de lui même, enfin il y aura bien une chute quand même mais pas très méchante.
Le soucis c’est que d’habitude j’ai ce genre de problème après 40 ou 50km, là il y en a à peine plus de 20 de faits… Peu avant l’arrivée au pont, nous passons devant une fromagerie où je me serai bien arrêté si j’avais le temps. Nous terminons la descente par un peu de route.
Arrivé au pont de l’abîme j’ai malgré tout encore gagné du temps, j’ai maintenant 1h10 d’avance sur mes prévisions, par contre j’ai perdu des places au classement ce qui m’a probablement fait croire que j’avais ralenti. Du coup, Manue n’est pas là. Tant pis on se verra au Revard au km 48. Le passage sur le pont est assez impressionnant, il mérite bien son nom !
La montée qui suit, vers le refuge de la Plate est à mon avis la plus difficile du parcours : 10km de montée avec deux petites bosses à la fin qui cassent bien le moral. Pour le moral j’ai une solution : un peu de musique, ça aide à grimper. Mais il n’y a pas que le moral qui flanche : j’ai faim et j’ai beau manger toutes mes réserves, la sensation ne passe pas. Le soucis c’est qu’en plus mes réserves ne sont pas illimitées, si ça continue je vais être à court et ce n’est pas une situation d’avenir. Pour ne rien arranger, mes jambes sont dans le même état qu’à la fin de mes ultras d’habitude alors que là on est à peine à la moitié.
Au fur et à mesure de la montée, le paysage change : de la forêt nous passons aux alpages. Je profite, depuis le début de la course, de chaque changement de paysage pour faire un petit plan vidéo : j’ai apporté la GoPro mais sans le boitier étanche ni la perche pour gagner en poids, en plus ça me permet de d’ajouter quelques commentaires car le micro ne fonctionne pas avec le boitier. Malheureusement l’absence de ce boitier ne semble pas convenir à la caméra car à partir de ce moment de la course elle refuse de s’allumer… Tant pis, je la range dans une poche du sac mais CRAC voilà aussi le sac à dos qui lâche. Bon de toutes façons il commençait à donner des signes de faiblesse et puis il a déjà 4 ans ce qui est pas mal pour ce type de matériel. Par contre il faudra qu’il tienne jusqu’à la fin de la course quand même...
Bref, entre temps nous approchons du refuge de la Plate. Le point positif c’est qu’une fois arrivé au refuge il ne reste plus qu’une seule grosse montée, ensuite ce ne sera grosso modo que de la descente vers Aix. Et pour une dernière grosse montée, elle se mérite ! Je dois même m’arrêter pour m’assoir à un moment car je n’ai plus de forces, pourtant je grimpe comme un escargot… Je reste quelques minutes assis sur un caillou à admirer le paysage, c’est vrai aussi on passe son temps à foncer droit devant en trail sans jamais prendre le temps de regarder ce qu’il y a de beau autour de nous...
J’arrive au Revard (enfin à Taisson plutôt) au km 48 dans un état de délabrement assez avancé : il m’est presque impossible de courir et je marche difficilement dans les descentes. Heureusement Manue est là pour s’occuper de moi. Je mange et me pose un peu : jambon, soupe, pain et fromage… Tout est bon. Au moins j’ai de l’appétit, le pire dans cette situation serait de ne pas pouvoir s’alimenter. Par contre, j’ai rapidement froid du fait de ne plus être en mouvement, pas de problème : Manue me dégaine illico un tee-shirt propre et sec.
La suite du programme c’est une boucle de 10km relativement plate avant de repasser par le même ravitaillement et d’attaquer la longue descente finale de 1500 de D- et environ 20 km.
Une fois bien ravitaillé, j’attaque la boucle d’abord en marchant puis petit à petit je retrouve la forme et cours à petites foulées dès que le terrain est plat ou descendant. Je ne comprends pas bien l’intérêt de cette boucle : en effet les premiers km se font sur des chemins forestiers et des pistes de ski, c’est pas ce qu’on a fait de mieux comme paysage. Si vous ajoutez la musique (ou plutôt le bruit) dont le propriétaire d’une voiture “tuning” garée à proximité nous fait profiter ça complète le tableau.
Mais je vais finir par comprendre l’intérêt de cette boucle car après la forêt nous débouchons sur une crête d’où l’on peut admirer le lac du Bourget dans toute sa splendeur. Entre temps, j’ai rejoint un petit groupe de coureurs dont Alain qui habite à Vannes, il est fan de mon dossard 56. Il semble surpris que je n’aie pas de bâtons, à vrai dire moi aussi… Nous avons un bon petit rythme et profitons des panoramas sur le lac pour prendre quelques photos.
Avant de retourner pour la deuxième fois au ravitaillement de Taisson nous passons par le Belvédère où il y des promontoires qui permettent de s’avancer un peu pour avoir une meilleure vue sur le lac. Je m’accorde quelques secondes de pause ainsi qu’un petit détour pour profiter de la vue. Les touristes nous regardent comme des extra-terrestres ! Ensuite il ne reste que quelques minutes avant de revenir au ravitaillement.
J’arrive au ravitaillement en courant et en bien meilleure forme qu’avant la boucle. C’est bon pour le moral, et aussi pour la moyenne. Manue m’a attendu et nous prenons le temps d’une petite pause ensemble. Reste enfin à se lancer sur la dernière étape. On commence par une longue descente sur une ancienne voie de chemin de fer à crémaillère. C’est pentu et avec pas mal de cailloux mais je trouve que je m’en sors pas si mal vu mon état. Il y a quelques passages dans des tunnels sombres. Des lumières ont visiblement été prévues mais elles sont éteintes. J’ai rejoint (ou été rejoint je ne sais plus) par Alain et on se motive l’un l’autre : il a des ampoules, et moi les jambes en feu mais on descend à un bon petit rythme en étant chacun son tour devant.
Le dernier point d’eau se trouve dans ce qui doit être une ancienne gare, il y a même une vieille locomotive exposée. J’ai de l’eau et pas faim (pour une fois) donc je ne m’arrête même pas (enfin si juste une “pause technique”).
Normalement il ne reste plus à ce moment que 5-6km à peu près plat et un passage “Koh Lanta” dixit le roadbook. En pratique il faut serpenter dans les rues d’Aix, on descend vers le lac, puis on remonte dans la direction opposée, on va à gauche, à droite. C’est à n’y rien comprendre et surtout on en voit pas la fin. Nous passons dans un chemin un peu boueux, Alain me signale que ça doit être le fameux passage “Koh Lanta”. Vu ce qu’on a subi avant ça n’est pas très impressionnant…
Je finis par distancer, un peu involontairement, Alain et me retrouve une centaine de mètres devant. Quand je me retourne, il est accompagné par un vélo. Bon je ne vais pas le déranger alors, j’essaie de relancer et vu le nombre de kilomètres qu’il reste je décide de courir jusqu’à l’arrivée y compris dans les faux plats. J’entends au loin le speaker, elle ne doit plus être très loin cette arrivée ! Même avec mon petit rythme je double quelques coureurs, mais je ne vois tellement pas la fin arriver que je finis par me remettre à marcher alors qu’il me reste 3-400m à parcourir pour terminer…
Une fois que je comprends où je suis, je repars en petites foulées; pas question de terminer en marchant ! Je passe sous l’arche en 12h42 à la 73è place, pour une reprise ça me convient.
A l’arrivée il y a tout ce qu’il faut, même des croissants ! Une fois repu, je récupère un tee-shirt finisher, un Opinel et une mini-torche LEDSenser (normalement il faut choisir mais chut, la bénévole doit m’avoir à la bonne). Plutôt original comme dotations, et local en tout cas pour l’opinel.
Manue m’a sagement attendu, du coup je lui garde un peu de ravito et nous allons faire une sieste dans l’herbe au bord du lac. Il reste 15 minutes de marche pour rejoindre l’appartement et nous passons une soirée tranquille.
Le sac à dos a tenu le choc jusqu’à la fin, mais à moins que la maman de Manue ne fasse encore des miracles je pense qu’il va falloir que je passe chez Foulées pour ré-investir. Quand à la GoPro, un séjour de quelques heures dans un saladier de riz et elle marche de nouveau...
Demain il restera à rentrer à la maison avec une inconnue : peut-on piloter un avion léger le lendemain d’un trail ? Je vous rassure la réponse est oui, mais c’est une autre histoire ! De toutes façon au pire on était pas pressés de rentrer… On a même pris le temps de survoler un peu le coin.
Que retenir de cette course : d’un point vue personnel, il me reste beaucoup de points à travailler pendant le mois qui vient, comme quoi rien n’est jamais acquis.
la course en elle même mérite le détour : les paysages sont sympas, les bénévoles super. Par contre il faut bien intégrer le TRES petit nombre de ravitaillements solides. La technicité des sentiers est très variée, les paysages aussi. La course ne fait pas vraiment 80km (selon mon GPS) mais plutôt 76, par contre les 3800m de D+ sont largement présents.
Prochain objectif dans un mois : ce sera le Lavaredo Ultra Trail dans les Dolomites en Italie; une course de 120km et 5800m de D+ comptant pour l’Ultra Trail World Tour.
Encore un grand Merci à tous ceux qui m’ont suivi et encouragé, et tous ceux sans qui je n’en serai pas là !
1 commentaire
Commentaire de triattitude74 posté le 02-06-2017 à 17:04:13
Beau récit et jolie performance .J'etais aussi de la partie...:-)
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