L'auteur : Chti42
La course : Grand Trail des Lacs et des Châteaux - 105 km
Date : 27/5/2017
Lieu : Butgenbach (Belgique)
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Distance : 105km
Objectif : Terminer
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Cela fait plus de 10 km que je cours avec un viking venu du froid, du Danemark exactement. Il est venu sur cet ultra car il est qualificatif pour la "Western States Endurance Run/Californie". Nous papotons de nos expériences sur les longues distances, blablabla... et puis d'un seul coup, dans un "mur" avant la remontée sur les hauteurs de Malmedy, plus de jus! Comme un débutant, j'ai oublié de m'alimenter depuis plus d'une heure trente. Pas de panique, je me pose à l'ombre et ingurgite un gel alimentaire avec 200ml d'eau. Je repars après 5 minutes mais il faudra plus de 10 minutes avant que les forces ne reviennent vraiment. Après tout, il ne reste que 55km! Depuis le départ, les sensations sont bonnes. Réveil à 1h30 du mat pour me préparer. 25 minutes de route pour rejoindre le point de ralliement qui est aussi la zone d'arrivée. Récupération du dossard, du T-shirt estampillé GTLC 2017 et de la casquette. Elle est superbe et technique: je décide de la prendre pour la course en remplacement de la mienne. 3h: départ des navettes de bus pour rejoindre la ligne de départ. Les chauffeurs se sont trompés de 800m: on rembarque pour débarquer à nouveau au bon endroit! MDR. Quelques consignes sont données pendant lesquelles certains coureurs parlent au lieu d'écouter, comme d'hab! Vu la canicule annoncée, un ravito en eau a été ajouté sur le tronçon le plus long (27km) au début du plateau du Mont Rigi! Il sera le bien venu...
Le départ est donné à 4h05 à la lampe frontale. Le tour du lac de "Boutchenbache", ou "Butechenbaque", ou "Buteguenbarre" - bref, même les Belges ne le prononcent pas tous de la même façon (Bütgenbach) - est magnifique, les étoiles se reflétant dans l'eau avec les lumières de quelques ruelles éclairées. Premier ravito le long du lac de Robertville (facile à prononcer celui-là) après 18,6 km roulants: 9,8 km/h. Début prudent. Le plein de la poche à eau et d'un bidon et je repars sur le même rythme. Il fait bon mais on sent bien que la journée va être chaude. La frontale est éteinte depuis déjà quelques kilomètres, contrairement à l'année dernière où nous étions dans le brouillard. La première difficulté s'annonce avec la montée vers le signal de Botrange et les premières zones techniques, pleines de racines et de rochers dépassants du sol. Il y en aura plus de 40 km au total d'après mes calculs... faut bien s'occuper l'esprit! Passage au sommet après une belle montée herbue en dessous du tire-fesses: tout au plus une piste bleue!!! Il reste 20 kilomètres avant le passage à Malmedy avec quelques grimpettes et descentes qui vont commencer à faire chauffer les mollets et les quadriceps. Les paysages sont magnifiques avec quelques cascades pour égayer le tout. La traversée de Malmedy se fait sans encombre, mais le soleil tape déjà très fort sur la tête!
C'est après le 2ème ravito (39,4km - 8,5 km/h) que j'ai rattrapé Carsten (le viking) qui faisait une pause "technique".
Nous voilà donc revenus au début de mon récit. C'est un peu moins confiant que j'arrive au 3ème ravito avec les jambes lourdes. Il est 11h35. Carsten est toujours là ce qui signifie que je n'ai pas trop perdu de temps, mais est-ce vraiment important? Les bénévoles sont super sympas, comme d'ailleurs dans tous les ravitos. Merci à eux sans qui ce type d'épreuves ne serait pas possible. Avec les difficultés et le petit coup de "moins bien", la moyenne horaire a baissé (56km - 7,4 km/h) mais plutôt pas mal pour un gars pas assez préparé et en surpoids: Seulement 420km courus depuis le début de l'année et 6 kilos de trop par rapport à mon poids de course. Si j'étais raisonnable, je n'aurais pas pris le départ dans ces conditions, si j'étais raisonnable...
Bref, je repars quelques minutes après Carsten prêt à affronter les interminables lignes droites et faux-plats montant qui vont nous mener au sommet du Mont Rigi sous un soleil de plomb et très peu d'ombre. Les chemins sont pour la plupart en terre blanche ou sur les fameux caillebotis. Heureusement qu'il y avait le ravito supplémentaire pour refaire le plein d'eau car mes réserves auraient été insuffisantes pour parcourir ce tronçon dans ces conditions. Je jette un coup d'œil à mon Gsm (smartphone pour les Français!): 32°C! Mont Rigi (prononcez "Rigui") 70km: sommet franchi, situé seulement à environ 1,5km du signal de Botrange où nous sommes déjà passés quelques heures plus tôt! La plante des pieds commence à souffrir: j'ai la même sensation que lorsqu'on marche "à pieds nus" ("pieds nus" pour les Français!) sur le sable brulant à la plage. Ce n'est que le début, le phénomène va s'amplifier et me suivre jusqu'à l'arrivée. Il reste environ 12 km de sentiers au milieu des Fagnes et sous bois jusqu'au 4ème ravito. Les passages dans les pierriers et au milieu des racines sont de plus en plus douloureux. Je trébuche sans cesse et vais me casser la figure 3 fois heureusement sans trop de mal mis à part un choc assez violent au mollet qui aura pour conséquence de me faire souffrir plus mentalement que physiquement. Le mental, parlons-en: il sera au rendez-vous.
J'arrive au 4ème ravito en marchant (83,4 km - 6,6km/h). Il reste 23km (500m D+ pour les connaisseurs) et "seulement" 5h20 pour terminer dans les délais. En temps normal, ça serait plus que confortable, mais en marchant avec les pieds en feu et ne pouvant plus manger va falloir s'accrocher car impossible de courir plus de 100m, chaque choc étant très très douloureux. Au 5ème ravito, je mélange un gel énergétique avec un peu d'eau et réussi à garder le mélange dans mon estomac en espérant que cela suffise pour terminer. Le plus gros du dénivelé est passé mais il ne me reste plus que 2 heures pour effectuer les 9 derniers kilomètres. Ça peut le faire! Mon GPS s'arrêtera 5km avant la ligne d'arrivée située sur le site du gite "Le Petit Fagnard" à Surister. Les encouragements des quelques spectateurs présents dans les derniers hectomètres me feront le plus grand bien. Je franchis la ligne d'arrivée dans le doute alors que la nuit tombe déjà. Le chronométreur me rassure de suite en me donnant mon temps: 17h38. Je suis dans les délais pour 22 minutes! Yes!
L'euphorie ne va pas durer longtemps: alors que Carsten, qui a terminé 1h20 avant moi, est en train de me féliciter, tout se met à tourner autours de moi. Je demande à la bénévole qui me remet mon T-shirt de "finisher" où se trouve l'infirmerie. Vu ma tête, elle m'y conduira directement sans poser de question. Les secouristes m’allongeront sur un brancard avec les jambes en l'air puis le diagnostique tombe: coup de chaleur et hypoglycémie. Un verre de coca puis un morceau de chocolat me feront le plus grand bien malgré les tremblements répétitifs qui dureront une bonne demi-heure. Merci aux secouristes qui ont été supers! Ma chérie viendra me rechercher car il n'aurait pas été prudent de conduire. Un gars me dira que j’avais l’air d’un zombie lorsqu’il m’a doublé dans les derniers kilomètres !
Cet ultra est vraiment extraordinaire à tout point de vue: l'organisation, les paysages, les ravitaillements, les difficultés et le plaisir qu'il procure aux "finishers"!
Vive le trail!!!
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