L'auteur : Pastisomaitre
La course : Le Grand Raid des Pyrénées
Date : 26/8/2016
Lieu : Vielle Aure (Hautes-Pyrénées)
Affichage : 4450 vues
Distance : 84km
Objectif : Terminer
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Lien vers la vidéo illustrant ce récit, montée à partir de prises de vues faites durant ma course =
Coldplay résonne dans les rues de Vielle Aure, petit village de la vallée de Saint Lary Soulan. Il est quasiment 5h00 ce samedi matin et nous sommes environ 1200 tassés sur la petite place de la mairie, devant un semi-remorque à l’américaine, aménagé en estrade sur laquelle est installé le PC course. Le compte à rebours est lancé, la pression est montée à son maximum et va maintenant ressortir tel un bouchon de champagne.
J’y suis, le GRP va commencer pour moi, maintenant plus que jamais, je ne peux plus reculer, je dois faire face.
Ce GRP, je le prépare depuis des mois, j’y pense depuis des années. La course à pied fait partie de ma vie depuis très longtemps, le trail depuis quelques années mais les courses, elles, font partie de mon quotidien, de ma drogue, depuis à peine deux ans. J’ai depuis ces deux années suivi et admiré les ultras, je trouve cette discipline absolument passionnante car, de mon point de vue d’amateur, elle ressemble à un combat face à l’adversaire le plus difficile à vaincre : soi-même. Je trouve ce combat dur et intense, et totalement addictif.
Je suis également amoureux du milieu montagneux, voire haut-montagneux, de par les paysages exceptionnels qu’il propose, mais également car c’est un lieu hostile, souvent loin de tout et de tout ce que l’on connait, milieu imprévisible, qui ne peut être qu’apprivoisé, mais jamais dominé. Il faut respecter ses sentiers car la montagne gagnera toujours, elle aura d’ailleurs raison de grand nombre de concurrents ce jour J, marqué sur le calendrier par des centaines d’autres junkies d’adrénaline et d’endomorphine.
J’ai commencé à goûter au trail en course par de petites distances, et je n’ai jamais forcé la main à mes capacités en ne brûlant surtout pas les étapes. A me débuts, faire une course de 20 kilomètres était purement et simplement inimaginable, j’en étais incapable. D’ailleurs, je m’étais inscrit aux 21 kilomètres du trail des Côteaux Bellevue début 2015 et considérais cela comme un défi. J’y suis allé, je l’ai fini dans un état déplorable et était pleinement satisfait. J’ai monté peu à peu les distances, rêvant de trail montagneux, et ai participé à quelques courses en 2015 en me fixant comme objectif final le marathon du Montcalm en août 2015. J’ai hésité jusqu’au dernier moment, ne m’en sentant vraiment pas capable, mon premier vrai trail de montagne, en l’occurrence le trail du Mourtis, 35 kilomètres pour 2500 D+ en mai 2015, ayant été terminé plus que jamais au mental, et étant la course, même à ce jour après le GRP, que je considère comme la plus difficile à laquelle j’ai participé, étant donné mon manque d’expérience à ce moment-là.
Je me suis inscrit au Montcalm, 42 kilomètres pour 2600 D+, avec passage à plus de 3100 mètres altitude, j’y suis allé et je l’ai bouclé, toujours à mi-classement environ, comme toujours.
Rêvant d’ultra, admirant certaines épreuves, la plus abordable pour moi était le GRP de par sa proximité et la beauté du lieu, auquel j’ajouterai la difficulté et le dénivelé. Le format 80 kilomètres et 5000 D+ me paraissait idéal pour me lancer le défi de l’ultra, car je le considère comme un ultra, même si je sais que ce n’est que le bas de l’échelle. Je me suis inscrit dès l’ouverture, en décembre 2015, me lançant ce défi avec les 8 mois restant pour la préparation. Il s'avère que, pour couronner cela, le format changera quelque peu pour devenir 84 kilomètres et 5500 D+ , parcours inversé et modifié pour le rendre plus difficile encore.
Je me suis planifié quelques courses dans l’année pour monter le niveau crescendo : Forest Trail en février (42kms, 1000 D+), Black Mountain Trail début mars (56 kms, 3500 D+), Citadelles fin mars (40 kms, 2200 D+), Verticausse en mai (42 kms, 2300 D+), Crêtes en juin (52 kms, 3500 D+), auxquelles se sont ajoutées 2 petites distances courues avec mon père. Toutes les épreuves ont été brillamment bouclées, me rodant au passage à la gestion de course et l’optimisation de l’effort pour tenir la distance demandée. Quelques bobos par-ci par-là m’ont handicapé durant l’année, m’obligeant à couper 2 semaines début juillet, ce qui m’a d’ailleurs fait fortement douter sur ma prépa GRP, et m’ poussé à annuler une des courses planifiées, en l’occurrence le trail des 3 Pics en juillet (52 kms, 3500 D+) pour éviter de mettre en péril mon objectif tant désiré.
Je me suis durement entrainé. Je garde en général un entrainement basique chaque semaine, mais j’ai durci ce dernier 1 mois et demi avant la course pour forger muscles et mental. Je m’entraîne de plus exclusivement le matin très tôt avant d’aller travailler, ce qui active encore plus ce second critère, car la motivation doit être conséquente pour se tirer du lit à 5h le matin pour aller galoper, voire à 4h certains jours pour me laisser 3h ou plus d’entrainement. Je cours environ 80 kilomètres chaque semaine, et une cinquantaine de kilomètres de vélo en plus, le tout sur un maximum de dénivelé et avec une séance spécifique d’ascension sur terrain bien raide (environ 20% de pente). Le fait de courir tôt me forge également à la course nocturne, la frontale étant un joujou familier pour moi, chose importante en ultra.
Je me cale avec mon père, que je remercie de tout cœur de me suivre de temps à autre dans mes périples, pour partir avec lui sur les terres tant désirées du GRP. Nous partons par obligation le vendredi en début d’après-midi, juste après un autre rendez-vous tant attendu, mais dans un contexte totalement autre, dont l’issue a été de trancher sur le sexe du petit être qui sera parmi nous en janvier prochain. Ce dernier sera un petit homme ! J’en suis ravi, j’ai déjà une magnifique petite fille, la famille est également très importante pour alimenter les pensées positive durant les longues heures de course.
Nous faisons les 2 petites heures de route avec mon père et arrivons sur place en milieu d’après-midi, après quelques galères liées aux déviations pour accéder au village. Nous allons finalement directement au camping, réservé auparavant, et allons planter la tente sur ce qui ressemble à un emplacement dédié au GRP. Effectivement, tous les voisins campeurs sont clairement des coureurs, pas trop de doute à ce sujet. Ambiance bonne enfant donc.
On file au village après avoir failli s’endormir tant le gonflage du matelas a été long et fastidieux.
La première étape est le passage aux grandes tentes, montées sur un terrain de rugby dont la pelouse ressemble à un parcours de golf, pour retirer le dossard. Je fais rapidement la queue, surpris par le peu de monde, devant la file correspondant à mon numéro de dossard. Ce dernier, sésame tant désiré, se trouve enfin sous mes yeux et ne demande que la vérification du matériel obligatoire avant de pouvoir être touché. Rapide vérification, bien que sérieuse, suivi d’une signature, telle la validation de mes souffrances futures, et je récupère ce petit bout de papier.
Je fais un saut au PC course d’à côté pour contrôler que la puce porte bien mon nom informatiquement, puis je récupère le cadeau de course. Comme souvent en trail, ce dernier, même dans une course aussi importante que le GRP, est très terroir, ce qui fait le charme de cette ambiance que j’apprécie particulièrement. Je trouve donc un pâté local, un saucisson, une bouteille de rosé etc… Cela nous fait sourire. Que désirer de mieux ?
On file au centre du village, lieu de départ et d’arrivée, le PC course du camion y est présent jour et nuit durant 72 heures pour commenter les courses et accueillir les coureurs, organisation démentielle et toujours dans la bonne humeur. Il y a donc un écran avec les temps en course des longues distances, 160 et 120 kilomètres, et le compte à rebours de ma « petite » distance, on passerait limite pour des petits joueurs.
On boit un coup en attendant le briefing d’avant course, prévu à 18h. Je bois plutôt un coca en regardant avec envie la bière de mon père. Je me retiens de boire cette dernière, car cela me rendrait l’estomac lourd et acide pendant la course. On va s’éviter tout problème gastrique, j’aurai d’autres chats à fouetter.
Le briefing est fait par un gars de l’orga et un pompier. Le premier aborde ce qui touche à la course, le second au risque à ne pas prendre. En gros, on est mis en garde sur la difficulté de la course et sur la forte chaleur. Le mot d’ordre, que je connaissais déjà, et que nous avons entendu à peu près mille fois ce vendredi est : HYDRATATION !!
Mais cela, je le savais déjà.
Sans rentrer dans les détails, le briefing fout la frousse. On aurait envie d’abandonner presque avant d’avoir commencé.
Le même discours cauchemardesque est fait par le boss du camping, qui a préparé un apéro gargantuesque à tous les coureurs, chose super sympa et totalement inattendue. Ce dernier a souligné la grande difficulté du parcours à venir, car la montagne ne pardonne pas selon lui, et il a souligné je ne sais combien de fois le nombre d’abandons déjà recensés sur les 2 grandes distances. Si certains coureurs n’avaient pas la pression, c’est chose faite.
Effectivement, de retour à la tente, on identifie clairement les coureurs qui étaient jadis encore en course et qui reviennent suite à abandon.
On les reconnait assez facilement par leur mine totalement décrépie et à leur démarche boîteuse.
Je ne juge pas, je ne sais pas ce qui m’attends. J’ai la pression.
Je ne vais pas beaucoup dormir.
Je rempli la place qu’il reste dans mon estomac avec un tas de pâtes en salade, rajoute à cela un petit café, qui ne m’empêche jamais de dormir, et la nuit commence à tomber. Je pense aux coureurs encore en course, je me dis qu’ils sont en train de progresser à rythme plus ou moins rapide et qu’ils sont en train de sortir la frontale pour appréhender une première nuit dans la montagne sauvage. Flippant mais ça me fait rêver, ça me met en canne. Je m’imagine, en regardant le Pla d’Adet qui trône majestueusement au-dessus de la vallée, et qui représente la première étape de ma première ascension du lendemain, où j’en serais dans 24 heures.
Je vais essayer de dormir à 22h. Je pense à la course. Sans cesse. Je m’imagine le parcours, dont le profil et les différentes difficultés sont parfaitement ancrées dans mon esprit. Je compare les différentes portions ainsi que leurs kilométrages et dénivelés avec les distances et durées d’entrainement que je fais habituellement, puis avec les courses auxquelles j’ai participé.
Pendant la bonne heure et demi que j’ai mis à m’endormir, je n’ai pensé qu’à cela.
Tantôt j’ai eu des moments de très grande confiance en moi, me disant que j’ai tellement bossé que je verrai la ligne d’arrivée, que tout ira bien, que cette course est faite pour moi, que je reviendrai en héros le lendemain soir à Vielle Aure, que je prendrai un plaisir fou à gravir les cols prévus au programme, je m’imagine en train d’écrire ce récit de course, plein d’optimisme et de victoire.
Tantôt je me dis que c’est totalement surhumain, que je n’y arriverai jamais, que ma gestion de course me fera aller trop lentement pour tenir les barrières horaires, que les 1500 premiers mètres de dénivelés sur les 15 premiers kilomètres vers le col de Portet auront déjà raison de mes capacités et que je n’arriverai donc même pas au Pic du Midi.
Tantôt je suis enflammé, tantôt dépressif.
Je me dis qu’il faudrait que j’arrive à Tournaboup, kilomètre 34, en pleine fraîcheur pour appréhender le reste de la course. Mais je me dis que lorsque je fais 30 kilomètres à l’entrainement, je suis déjà claqué. Puis je me dis que c’est totalement différent, que je me donne à fond à l’entrainement, alors que je gèrerai mes dépenses sur la course.
Puis je me dit que j’ai trimé à finir les 32 kms et 1500 D+ du Black Moutain Trail 1 an et demi auparavant, donc que je suis incapable de finir un morceau aussi compliqué que le GRP, que je n’ai vraiment pas ma place, puis je me dit que cette pensée est incohérente, car mon niveau n’était pas du tout le même à l'époque.
Sur ces pensées contradictoires, je fini par m’endormir, mon père et moi rebondissant sans cesse sur ce matelas gonflable dès que l’un d’entre nous bouge légèrement.
Les 5 réveils programmés le lendemain matin (ou plutôt la nuit) à 3h30, 3h31, 3h32, 3h33 et 3h34 n’ont pas le temps de sonner, je suis déjà réveillé de moi-même à 3h20. J’attends 10 mn puis sors du lit avec la frontale sur le front. Dehors, c’est un festival de frontales, nous sommes des dizaines à avoir le même planning ce matin.
Je me force à prendre un petit déjeuner conséquent plein de glucides, première partie de la gestion de course indispensable à ma réussite. Cake aux fruits, banane. Je mange ni trop, ni pas assez, bien que sans faim. Un petit café et je me prépare soigneusement, sans rien oublier. Mon sac est déjà bouclé, vérifié, revérifié, et encore revérifié. Je l’ai allégé au maximum, enlevant le matériel qui n’est plus obligatoire en raison du temps, en l’occurrence le polaire et les gants. Le sac est déjà largement assez gros et pèse sur les épaules. Le plus lourd, sans hésitation, est la réserve de 2 litres d’eau. 1,5 litres est le minimum demandé mais je ne lésine pas sur ce point, tellement important.
Casquette à l’envers et piles de la frontale changées, je suis prêt à rallier la ligne de départ. Sur un détour aux toilettes, je reviens et vois que mon père a accueilli notre voisin de tente dans la voiture, histoire de faire du covoiturage. Cela nous permet d’échanger nos points de vue. Il est venu seul et a déjà fait la course l’an dernier, bien que raccourcie de 10 kilomètres et amputée de sa difficulté majeure, le Pic du Midi, à cause des orages. Il avait bouclé le tout en 17 heures environ.
Il me demande quel temps je compte faire, je me table sur du 5 km/h, partant sur environ 17 heures, ce que je considèrerai comme un bon temps. Il me met en garde. Je ne connais pas le parcours, lui oui, même s’il a été un peu modifié. 5 km/h, c’est dur à tenir sur un terrain aussi technique. Je me rendrai compte qu’il avait raison.
Nous arrivons sur place. Mon père se gare au plus près. On va s’économiser 1 kilomètre de marche, ce n’est pas négligeable. On arrive vers 4h30, on perd notre voisin de camping et je reste avec mon père à l’entrée du SAS de départ, je suis a moitié absent, concentré au maximum et perdu dans mes pensées. La pression est bien là.
Je déplie lentement mes bâtons et vérifie le bon fonctionnement de ma frontale, les yeux perdus dans le vide. Je pense à beaucoup de choses, et à rien en même temps. J’oublie le monde autour de moi, je ne me rends même pas compte que mon père est en train de me filmer dans mes derniers préparatifs.
Puis je décide de me faire badger pour rentrer dans le SAS de départ, dernier pas symbolique pour valider officiellement mon entrée dans cette aventure, l'acceptation de mes souffrances.
Mon père me suit en spectateur, la place centrale du village sera bientôt bondée. Le speaker annonce une arrivée prochaine. Soit le 1er du 160 kilomètres, soit le 3ème du 120 kilomètres. Ayant un battement d’une vingtaine de minutes avant le départ, je veux me placer à l’arrière de la place, sur la ligne d’arrivée, pour voir ce gars, quel qu’il soit, débouler sous l’arche. Un gars encore plus taré que nous autres, qui a performé qui plus est, puisqu’il sera sur le podium de sa course.
Il y a des photographes à côté de moi, des journalistes ou bénévoles à la communication du GRP. Plusieurs fausses alertes apparaissent, car arrivent de temps en temps des gars, frontales allumées, arriver en courant, qui s’avèrent être en fait des coureurs rejoignant le départ.
Tout à coup, en toute discrétion arrive ce fameux coureur. On y croyait tellement pas que l‘ovation a eu du mal à venir. Il s’agit de Thomas Galpin, 3ème du tour des Cirques, 120 kilomètres. Il arrive pile avant notre départ, ce qui lui vaut un accueil digne de ce nom.
Le speaker lui pose deux ou trois questions, il est frais et souriant, même avec plus de 20 heures de course dans les pattes, et a même le temps de balancer une vanne sur son horaire d’arrivée, calculé spécialement pour se faire sous les cris d’une foule de coureurs surmotivés.
Passé ce moment, je me positionne dans l’aire de départ aux environs de la moitié du peloton. Je sais que les mecs de devant vont partir en sprint, et que ceux de derrière vont partir en marchant. Je me positionne environ à la place qui est la mienne. Mon père, quant à lui, va se tenir un peu plus en amont sur le côté pour filmer mon départ.
Coldplay résonne dans les rues de Vielle Aure. Il est quasiment 5h00, cette musique a été annoncée comme l’hymne de départ habituel des courses du GRP. Le speaker demande un compte à rebours aux coureurs.
ET^^
C’est le départ…
On part en sprint !
Non…
On part en marchant.
Ou plutôt en piétinant pour être plus précis.
Voire à l’arrêt.
Ce grand monde va provoquer des bouchons sur les parties resserrées du début de course, et cela commence avant l’arche de départ.
Je passe à proximité de mon père qui filme la scène, et me faufile finalement sur le pont, puis nous piquons à droite pour commencer à courir.
De mon côté, je trottine tranquillement. Ma gestion de course va commencer par-là, je cours uniquement en descente, et sur le plat lorsque je me le sens. Ma foulée, dans ce cas, devra être courte et légère, très économe. Je ne dérogerai à ces règles que sur les derniers kilomètres, si je me le sens. Le reste du temps, ce sera marche rapide.
Le premier kilomètre est plat et tranquille, que de la route, une sorte de rue nous menant à Vignec, petit village voisin. De là, nous piquons à droite pour traverser à nouveau la rivière et filons vers la montagne, dont nous apercevons la silhouette dans la pénombre.
Je suis impressionné par la foule. Il y a un monde fou sur les bords de la route depuis le départ. Les gens sont également aux balcons de leurs appartements donnant sur la rue, cela malgré l’heure matinale un jour de week-end.
J’aperçois Remy Jégard sur le bord, en train de prendre des photos. Voisin toulousain vu sur nombre de courses, en journaliste ou en coureur, mais aussi et surtout coureur à deux reprises de la mythique et cruelle Barkley, course de rêve malgré l’enfer total qu’elle représente pour ses participants.
Un coureur à proximité se plaint ouvertement de l’utilisation des bâtons, s’exclamant haut et fort que nous sommes ici en trail, pas en randonnée.
Comment dire. Les bâtons sont un outil précieux en trail, surtout en montagne. Si tu considères que c’est du matériel de randonnée, regarde autour de toi, 90 % des coureurs ont des bâtons sur ce type d’épreuve. Dans ce cas de figure, je te souhaite la bienvenue dans le monde des randonneurs. Concentre-toi sur ta course et boucle-là.
On quitte la route pour passer sur la première côte, les premiers des 5500 D+. C’est une sorte de route poussiéreuse avec, si je me rappelle bien, un panneau interdisant cet accès aux vélos et véhicules à moteur. Je me mets à marcher, lentement le premier quart d’heure d’ascension, comme tous les coureurs à côté.
J’ai attendu le dernier moment pour allumer ma frontale, non pas pour économiser les piles, mais parce que je n’en voyais pas l’utilité jusqu’à ce moment.
Tout est calme, on entend uniquement le bruit des pas sur le sol poussiéreux. J’échange rapidement avec un coureur à mes côtés, c’est également une première pour lui ici et sur ce format, mais il n’a de son côté jamais dépassé les 40 kms en course. Sacré défi donc pour lui.
On passe à côté d’une belle bâtisse. J’aperçois le panneau « Grange de Lias » à son entrée. Je me souviens avoir vu une photo de ce lieu sur le site ou sur le Facebook de la course.
Cela fait la deuxième fois que je me retrouve à l’arrêt. La piste large se transforme en chemin, beaucoup plus étroit, et le grand nombre de coureurs engendre de très forts ralentissements dans ces goulots d’étranglement.
Un gars plaisante à juste titre côté, sur le fait que l’on va arriver totalement frais au premier CP, le restaurant de Merlans au kilomètre 15, mais également hors délai, à cause des bouchons. Effectivement, la première barrière horaire demande un certain rythme : 8h30, soit 3h30 de course, pour faire les 15 premiers kilomètres, sachant que ce n’est que de la montée, relativement raide, pour un total de 1500 D+, avec passage au col de Portet, haut des pistes de ski au niveau du Pla d’Adet grosso modo.
C’est dans ces chemins embouteillés que l’on voit une frontale passer en sens inverse. Guillaume Beauxis, premier du 160 kilomètres, qui se dirige vers une victoire bien méritée en environ 24 heures de course. Je ne connais pas ce gars, mais j’ai suivi les 2 grandes distances la veille sur le live, et il a fait la course seul en tête toute la journée et la nuit à un rythme incroyable. Il a droit à des félicitations de la part de la totalité du peloton lorsqu’il passe à proximité de chacun d’entre nous. Je n’y manque pas lorsque je le croise. Il ne répond à personne, si ce n’est peut-être un léger hochement de tête. Il marche et à l’air fortement marqué par les kilomètres, en combat interne avec lui-même. Il gagnera haut la main.
Il fait frais, ma veste de pluie sur mon T-shirt est impeccable pour cette température. Le chemin serpente dans la forêt, en côte constante. On peut voir, en levant la tête, la lueur des frontales montrant le chemin à parcourir. On aperçoit également de temps à autre les lueurs du Pla d’Adet montrant le dénivelé à avaler jusqu’au passage sur les pistes de ski. Il fait encore nuit noire, mais je sais que l’on ne va pas tarder à voir le ciel s’éclaircir, laissant apparaitre la silhouette des massifs montagneux environnants. Le spectacle promet d’être sublime.
La fille à côté de moi pousse un cri strident et sursaute d’un mètre sur la gauche.
Un ours ? Un alligator ?
Non, une toute petite grenouille, qui a pris son courage à deux mains pour traverser le chemin au moment de notre passage. On rigole.
On arrive au Pla d’Adet. Ou plutôt au niveau du Pla d’Adet, au lieu-dit « La Cabane » si j‘en crois la cartographie de la course, juste à proximité des pistes de ski. Il y a du monde, beaucoup de voitures garées et de spectateurs applaudissant et encourageant les coureurs.
La route monte légèrement au milieu de ces bâtiments typiques des stations de ski. Celle-ci, je ne la connais pas, je ne suis jamais venu ici en hiver, mais il y a une ambiance étrange et sympa que de se retrouver dans un tel endroit en été, sans le moindre flocon de neige. Ce qu’il y a d’original dans cette station, comparé à d’autres, c’est que nous voyons très clairement la vallée en contrebas avec les villages s’y trouvant, notamment Saint Lary Soulan, la station est construite sur une sorte de plateau dont le versant retombe à pic sur la vallée. J’imagine la vue d’ ici en plein hiver, la neige sur les hauteurs marquant clairement les contours de la vallée.
Il y a un ou deux lacets avant d’atteindre les pistes. Avant de prendre le dernier lacet, je peux regarder à gauche les massifs voisins, réellement majestueux, dont la silhouette ressort sur l’horizon qui commence tout juste à s’éclaircir par l’arrivée du soleil. L’aube est tout simplement magique dans ce décor de rêve, il fait légèrement frais et la journée s’annonce radieuse. Il est à ce moment environ 6h20 pour 8 kilomètres parcourus depuis le départ.
L’asphalte se termine. Je pars désormais sur ce qui va être simplement une piste de ski. Il reste environ 6 kilomètres pour arriver au col de Portet, première difficulté de la course.
La piste part droit dans la montagne et chacun l’aborde à son rythme. De mon côté, je longe les rebords, près des canons à neige, dans un rythme qui me va bien. Pas trop lentement pour ne pas trainer, mais pas en sous-régime pour atteindre petit à petit un rythme de croisière juste assez soutenu pour ne pas mettre mes muscles dans le rouge. Je dois à tout prix éviter de maltraiter le bas de mes fessiers, ce muscle qui travaille beaucoup en course à pied est le premier à flancher chez moi. Le résultat qui en ressort est une vive douleur musculaire rendant chacun de mes pas très compliqué. Je travaille donc au ressenti sur ces muscles, s’ils ne souffrent pas, tout va bien.
La montée est longue mais propre et régulière, sans aucune difficulté. Je double quelques personnes qui prennent leurs marques, et me fais doubler par d’autres qui accélèrent. Contrairement à quasiment toutes les courses que je fais habituellement, je me contiens et ne me fais pas avoir par la foule. En clair, je ne cherche pas à suivre les autres coureurs qui vont plus vite que moi, même si cela me démange. Je garde cette envie sur la fin si elle fait encore partie de moi.
Il fait de plus en plus jour, je prends du plaisir à regarder derrière moi les lueurs montantes de l’aube en ce jour tant attendu.
J’ai éteins la frontale depuis le Pla d’Adet, même si je ne vois pas encore tout clairement. Je prends à ce moment-là plus de plaisir à deviner les formes devant-moi.
Après quelques dizaines de minutes d’ascension, nous arrivons à un replat. Le chemin commence même à descendre, je peux trottiner comme je me l’autorise. Je cours donc tranquillement à environ 8 ou 9 km/h, pas plus, de manière à juste faire dérouler mes pieds vers l’avant pour remonter un peu ma vitesse moyenne, le tout dans la foulée la plus minimaliste possible, de manière à ne générer aucune casse dans les fibres musculaires.
La descente, sous les arbres, dure quelques minutes. Nous croisons de temps à autres quelques panneaux rappelant que nous sommes sur une piste de ski. Je pense à ce moment-là au GRP hivernal, ce dernier s’est couru sur ces pistes en plein hiver, donc dans la neige. Cela a dû être majestueux.
Nous arrivons alors à un télésiège, ce dernier marque la fin de cette légère descente, et j’aperçois une montée derrière, sans entrevoir pour l’instant le haut du col, dont j’ai beaucoup entendu parler sur cette course.
Je lis sur le télésiège quelques chose comme « télésiège de Tortes », je me souviens à cet instant du Road Book que j’ai imprimé et feuilleté je ne sais combien de fois. Le parcours y était découpé en 10 étapes, la première d’entre elle partait du départ et se terminait à la cabane de Tortes. Nous y sommes.
Je me rappelle effectivement que cette dernière se trouvait au niveau d’un endroit plat durant l’ascension.
Je passe le télésiège, dont tous les sièges ont été décrochés et posés délicatement au sol les uns contre les autres, pour un entretien annuel j’imagine, et j'attaque la seconde partie de l’ascension.
Le chemin tourne à droite pour basculer sur un autre versant, je peux apercevoir une vallée fortement encaissée sur ma droite dont le contrebas est couvert par les arbres.
Juste avant ces derniers se trouve le départ d’un autre télésiège autour duquel j’aperçois des parkings et une route. Ce lieu représente une autre partie de la station, endroit duquel il est possible d’accéder en voiture. Connaissant le parcours et le profil sur le bout des doigts, l‘ayant suffisamment étudié, j’identifie ce lieu comme étant sûrement Espiaube, partie de la station par laquelle nous passerons en fin de course, le chemin entre le col de Portet et Vieille Aure n’étant pas tout à fait le même au retour.
La montée finale est plus raide et plus compliquée à appréhender. Le rythme du peloton ralenti peu à peu, et j’essaie de doubler un peu de monde dès que je m’en sens capable, pour garder mon rythme, sans passer dans le rouge.
Nous croisons de temps à autre quelques coureurs des autres distances, qui en finissent quasiment avec leurs épreuves, car il ne leur reste alors que de la descente. Certains ont l’air à peu près frais, d’autres souffrent assez clairement. Certains répondent à nos encouragement, d’autres semblent trop occupés à convaincre leur corps de continuer sa route.
Arrive une portion encore plus raide, portion à partir de laquelle j’aperçois enfin le haut du col. Beaucoup de monde s’y trouve, il y a du bruit, des encouragements, des applaudissements, des cloches de vache. Enormément de voitures y sont garées. Ces voitures, nous les avons suivies du regard durant toute l’ascension.
En effet, sur le versant opposé à celui par lequel le nous avons grimpé se trouve l’accès au col par la route, ce dernier parait impressionnant vu du bas. Il y a un très grand nombre de lacets et chaque virage ouvre un grand vide derrière les barrières de sécurité.
Ce n’est d’ailleurs pas tout à fait une route mais une sorte de piste très poussiéreuse, info annoncée par le speaker lors du briefing la veille de la course.
Nous passons grand nombre de spectateurs, parmi lesquels je reconnais le personnel du camping Lustou dans lequel nous avons passé la nuit, leur présence avait été annoncée lors de l’apéro de la veille, puis je bascule avec le sourire de l’autre côté. Nous pouvons enfin contempler les paysages de cette haute montagne, puisque devant nous se dresse à perte de vue un milieu montagneux inaccessible en voiture, jusqu’à la route du Tourmalet.
Nous sommes à un peu plus de 13 kms de course sur ce col de Portet, qui culmine à 2215 mètres d’altitude.
Je cherche mon père, nous avions convenu initialement ensemble qu’il monterait au col pour essayer de m’y croiser, il m’a gentiment accompagné pour cet évènement et a envie de me retrouver à chaque point de la course accessible en voiture. Je le cherche du regard, observe la foule mais ne vois personne. Comme convenu, je n’attends évidemment pas et continue ma route. J’apprendrais plus tard qu’il était bien là, mais que nous nous sommes raté.
J’aborde la descente et cours à rythme ultra, lentement, sûrement, et à pas très légers, et attaque cette descente, qui n’a rien de bien compliqué puisqu’elle se fait sur une sorte de piste assez large, faisant habituellement office de piste de ski, puis, au détour d’un virage, j’aperçois enfin le restaurant de Merlans, premier CP du parcours.
Je garde mon petit rythme de course et arrive aux abords de ce grand bâtiment montagneux, dont la terrasse fourmille de monde.
J’arrive au CP, et suis rappelé gentiment à l’ordre par 2 personnes de l’orga, car je tiens mes bâtons un peu trop haut. Je tiens effectivement ces derniers de la main gauche quand je cours, et leur mouvement de va et vient peut-être dangereux derrière moi, les bouts pointus pouvant cogner les coureurs inattentifs. Lorsqu’il y a foule, comme au départ, je fais en sorte de les tenir droit, mais le reste du temps, je cours à mon aise partant du principe que c’est aux coureurs de derrière à faire attention. Les autres font de même et je prends garde de mon côté, comme tout coureur sensé.
Là, c’est un peu différent, nous sommes à l’arrêt et je tiens mal mes bâtons, les pointes se tenant trop haut. Désolé…
Je passe le premier CP à 8h01, soit environ 3h00 de course pour boucler ces 15 premiers kilomètres, pour tout de même 1500 D+ déjà. Je verrais plus tard qu’à ce moment là de la course, je me classe 1005ème sur environ 1200 partants. Cela me fait ni chaud ni froid, mon objectif restant de gérer et de finir, en prenant un maximum de plaisir.
Je suis frais, je me sens très bien moralement et physiquement. Sans prétention aucune, je me sens à ce moment-là comme si je n’avais encore abordé aucune difficulté, je suis alors très heureux de voir que, dans un premier temps, ma préparation longue et coriace a ses résultat, et, dans un second temps, que ma gestion de course fait ses preuves, j’entends par là une alimentation régulière même sans faim et une hydratation continue. Cette dernière sera essentielle ce jour avec la chaleur annoncée, mais sera également la clé pour éviter les crampes. J’ai déjà vécu une crise de crampes en course. C’est un handicap qui ne se soigne pas et qui rends la progression trop compliquée. A éviter à tout prix.
Dans mes rêves les plus fous, pensés, tournés et retournés la veille et les semaines précédentes, je souhaiterai de tout cœur me sentir frais arrivé à Tournaboup, CP au kilomètre 34, juste avant d’aborder la longue montée vers le Pic du Midi. Cela me motiverai et générerai des espoirs de voir la fin de cette longue distance, inconnue pour moi. On verra bien. De toute façon, le sort en est jeté.
Comme je me le suis planifié, comme je l’ai imaginé encore et encore, je vais aborder chaque ravito de la meilleure des manières, quitte à y perdre quelques minutes. Habituellement, sur des courses moindre, je stoppe à peine quelques secondes pour prendre des choses à grignoter, surtout du salé car je n’en ai pas sur moi, je bois à la limite un verre de coca et repars sans traîner.
Sur le GRP, la gestion de course est la clé et je vais y consacrer de l'énergie pour aller au bout. Je tombe donc le sac et sors la poche à eau, que j’ai déjà vidée à moitié, et la remplie à ras bord aux arrivées d’eau prévues à cet effet. Je la range soigneusement et sors mon gobelet plastique, que j’ai accroché à mon sac avec un mousqueton par un trou fait la veille dans le plastique avec un clou chauffé au briquet. Cela de manière, bien évidemment, à optimiser mon rangement, le sac étant déjà bien assez rempli avec le matériel obligatoire.
Je bois un peu de boisson énergétique et reste quelques minutes à m’enfiler ce que je trouve, même sans faim. Jambon, saucisson, Tuc, fromage, banane. Je ne lésine pas.
Je remets mon sac, vérifie que mon tuyau soit bien placé, je contrôle que je n’ai rien oublié et ressors de la terrasse de ce magnifique bâtiment, qui est en fait tout bonnement un restaurant d’altitude accessible en hiver en ski uniquement.
Je repars en courant pendant la fin de la descente. Nous quittons peu à peu les pistes de ski et suivons un petit chemin qui bifurque lentement vers la droite.
Le soleil est maintenant levé mais je ne vois pas encore ses rayons, car il reste caché par la montagne se trouvant dans mon dos.
Tout à coup, au détour d’un virage, j’aperçois un lac d’une rare beauté à ma gauche en contrebas. Le premier lac de cette course qui porte tellement bien son nom. Ayant étudié le parcours, je reconnais le lac de l’Oule. Je me demande comment il est possible d’avoir un lac aussi important de manière naturelle, jusqu’à ce que je vois au loin une sorte de digue. C’est un lac artificiel sauf erreur de ma part.
On continue à avaler lentement du dénivelé négatif jusqu’à ce que le chemin se corse légèrement. On quitte les belles monotraces lisses pour rentrer sur des chemins beaucoup plus rocailleux, à l’intérieur d'un bois de sapins clairsemés, cela ressemble à des paysages méditerranéens parfois à mon goût. Il est agréable aux oreilles d'entendre enfin le bruit d’une rivière couler près de nous. On arrive donc en bas de la descente, ce qui annonce la remontée vers le col de Barèges. On traverse un cours d’eau à 2 ou 3 reprises. Chacun d’entre eux est absolument splendide, de l’eau cristalline coulant à travers ces rochers blancs. Des paysages de carte postale, le paradis des pêcheurs, à condition que ces derniers aient le courage de marcher jusqu’ici bien entendu.
Le chemin continue à travers ces sapins, nous sommes plusieurs petits groupe à se suivre, le peloton s’étire légèrement mais le grand nombre de concurrents ne permet pas encore aux coureurs de se retrouver seuls, même après presque 4 heures de course. La montée commence à se corser légèrement et on finit peu à peu par ressortir de cette forêt de sapins. Le spectacle et magnifique, le sol est très rocailleux, bien que la trace que l’on suit soit largement praticable, ce qui ne sera pas toujours le cas, et on commence à apercevoir les sommets tout autour de nous. Le soleil, quant à lui, éclaire ces derniers mais n’arrive pas encore jusqu'à nous.
Je grimpe tranquillement mais sûrement tout en en prenant plein les yeux sur ce paysage idyllique.
On arrive à un second lac, puis vient une montée assez raide. Je ne vois rien au-delà de cette montée et me dis que cela doit être le fameux col de Barège. Je passe la difficulté et découvre des sommets encore plus haut un peu plus loin. Cela est la magie de la montagne, je me ferai avoir des dizaines de fois sur cette course : on aperçoit une montée sèche qui nous paraît clairement être le sommet d’un col, cela apparait à nos yeux comme une certitude car ne voyant rien plus loin de notre point de vue, puis on aperçoit de suite après une autre difficulté qui peut nous apparaitre encore comme étant la dernière. La montagne, on ne la maîtrisera pas. Il faut la respecter.
Finalement, je passe cette belle difficulté et arrive sur un replat, qui donne sur un espèce de cirque, plusieurs sommets très rocailleux apparaissant en arrondi tout autour de nous. Sur ce replat apparaît sans surprise un nouveau lac, aussi beau que ses petits frères, contenant lui aussi une eau totalement translucide, donnant l'envie de sauter dedans pour se rafraîchir. Je finis par apercevoir clairement le col de Barèges plus haut, car on y voit quelques spectateurs. Je ne pense pas à un nouveau mirage.
Le replat avant la montée finale peut induire en erreur sur le tracé. En effet, sur le profil de la course, on voit que le col de Barèges représente une difficulté, suivie par une courte descente avant de grimper le col de Madamète. Certains coureurs trop optimistes peuvent croire que le col de Barèges soit passé à ce moment de la course, et que le suivant soit celui de Madamète. En fait, la totalité de la montée ne représente qu'un seul col.
Me fais-je bien comprendre ? Cette remarque, je ne me la suis pas faite, mais l’ai entendu de la bouche d’autres coureurs, bien trop optimistes comme dit précédemment.
La dernière montée, bien raide comme la plupart des ultimes difficultés, se fait au rythme habituel, rythme qui, avec ma fraîcheur physique tant espérée ce jour, me permet de doubler quelques coureurs plus en souffrance. J’ai la surprise, à ce moment-là de la course, de croiser certains coureurs arrêtés, les mains sur les genoux, en train de reprendre leur souffle. Encore une fois sans prétention aucune, cela m'étonne fortement, au kilomètre 22 seulement, de voir déjà des coureurs en souffrance. Ce n’est que le début et il ne fait pas encore chaud, je ne donne pas cher de leur peau.
Je me sens très bien et accélère sans passer dans le rouge, j’arrive en haut de ce fameux col vers 10h15, après 5h15 de course. Nous sommes à 2469 mètres d’altitude et avons déjà environ 2100 mètres de D+ dans les jambes après un quart de la course.
En haut du col apparait une sorte de barrière en zigzag, permettant aux randonneurs de passer, mais pas au bétail. Le paysages sont exceptionnels. Le soleil tape dans mon dos, ce qui fait grand bien à ce moment-là de la course. Je n’avais pas froid jusque-là, mais j’ai tombé à Merlans ma veste de pluie que j’avais enfilé pour prendre le départ, et progresse en T-shirt depuis.
Le soleil nous réchauffe agréablement et je peux contempler derrière moi les sommets baignés dans la lumière et les lacs en contrebas, près desquels grimpe toute une file de coureurs. De l’autre côté, on n'aperçoit pas encore le grand Pic du Midi, mais un paysage identique à ce que je viens de passer, c’est à dire beaucoup de sommets majestueux et énormément de caillasse.
Le coureur derrière moi parle à une connaissance venue en spectateur sur le col de Barèges. Ce spectateur, dans leur échange, lui parle de la Transpyrénéa, à laquelle il a participé un mois auparavant. J’en reste bouche bée, le gars a attaqué une course de plus de 850 kilomètres pour environ 60 000 D+ en autonomie quasi-totale. Cela m’épate, je suis totalement admiratif. Le gars en question a certes abandonné, comme beaucoup de coureurs présents au départ, mais a tout de même effectué 415 kilomètres d’après ses dires.
415 !
Moi qui trouve le Tor de Géant long…
Sur ces belles paroles, motivantes car faisant passer mon défi du jour pour une promenade du dimanche, je bascule de l'autre côté et aperçois quasiment de suite le ravito, tel q’il était annoncé sur le profil de course. Il se trouve à la cabane d’Aygues Cluses, kilomètre 23, à une altitude de 2156 mètres. Cette cabane, je l’identifie clairement, malgré qu’elle soit minuscule vue d’ici. J’y vois surtout une foule de coureurs. La descente est rapide, j’évolue en courant tranquillement, et j’arrive en bas vers 10h30. Pas de pointage ici, juste quelques bénévoles qui remplissent les réserves d’eau.
En bonne gestion de course, je ne bâcle pas le ravito, le prochain étant à 10 kilomètres et le soleil allant vite commencer à devenir sévère, et je tombe ma poche à eau pour la remplir à nouveau à ras bord.
Je profite de l’occasion pour manger une barre de céréales. J'ai sur moi beaucoup de Twix, une dizaine de barres de céréales et 2 gels. Ces derniers seront utilisés uniquement en cas de coup de mou. Je mange quelques chose de ma réserve très régulièrement, toutes les 30 à 45 minutes environ, même sans faim. Je ne veux absolument pas ressentir l’effet de l’hypoglycémie et préfère prévenir que guérir.
Je fais un petit break sur un rocher pour enlever une chaussure et contrôler le dessous de mon pied droit, qui me fait un peu mal. Je pense avoir quelques chose de coincé.
Un gars d’une cinquantaine d’années fait de même sur le même caillou, et m’explique qu’il a une vive douleur au tendon d’Achille.
Ça, c’est emmerdant. C’est un endroit vital pour la marche ou la course, et cela est compliqué à un stade aussi peu avancé. On ne peut pas se permettre de taper sur ce tendon pendant encore autant de kilomètres.
Il m’explique qu'il va continuer tranquillement jusqu’à Tournaboub et décidera de jeter l’éponge si la douleur persiste. Sage décision, bien que compliquée. De mon côté je touche du bois, car je parle des autres, mais je sais que j’aurai bien trop de mal à prendre une telle décision si un pépin me tombe dessus.
Je reste lucide, mais j’aurai tendance à prendre tous les risques, même les plus stupides, pour terminer ma course.
Je rhabille mon pied, qui a encore pas mal de boulot, et me prépare à repartir.
Une gentille femme de l’orga me montre du doigt le col de Madamète. D’après le profil, je sais que l’ascension n’est pas très longue. En pratique, comme d’habitude, le col se trouve bien plus loin que ce que l’on imagine en regardant un morceau de papier.
Le début de la montée est assez tranquille.
Vu d’en bas, le col se trouve au point le plus bas d’une sorte de « V » tracé par deux sommets. Ce fameux « V » se trouve assez haut par rapport au point où nous nous trouvons et nous ne voyons pas directement le versant à aborder, on doit pour cela contourner un petit massif pour y arriver.
Le paysage est standard à cet altitude, de la caillasse et quelques herbes. Tout cela à perte de vue.
C’est magnifique.
Le chemin grimpe sans trop de difficultés dans un premier temps, avant d’arriver à un premier lac, pas bien grand. Viendra ensuite un second lac bien plus grand et très beau.
On commence à apercevoir le haut du col. En fait, cela ressemble étrangement à un double col. Je vois effectivement les coureurs arriver à ce qui semble être un col, mais ils continuent leur ascension plus haut vers la droite.
La suite de la montée est plus raide pour atteindre le col, et le sol est très rocailleux, le chemin disparait même à quelques moments délicats, cela demande alors un exercice d’escalade.
De mon côté, je me sens extrêmement bien. J’augmente la cadence car les groupes devant moi ont une allure qui ne me correspond pas. Je sautille avec légèreté de roche en roche, m’éloignant parfois de ce qui semble être le chemin principal, pour pouvoir doubler des rassemblements de coureurs. Je fais de même durant toute la montée finale vers le premier de mon « double col ». J’arrive à accélérer sur ces rochers avec une impressionnante facilité. Je prends du plaisir et en profite, je suis bien et n’ai pas du tout ressenti de douleurs à mon fameux fessier, ni nulle part ailleurs.
J’arrive à ce premier col. Je peux effectivement voir qu’un chemin y accède de l’autre côté. Après coup, je remarquerai que ce chemin est tout simplement le GR10, qui grimpe donc le col de Madamète par un autre versant.
Je bifurque à droite, nous pouvons désormais apercevoir officiellement le Pic du Midi, trônant majestueusement par sa splendeur dans le paysage, reconnaissable entre mille de par la raideur de ses pentes et, bien sûr, la plateforme présente à son sommet.
Vu d’ici, il est beau, il est haut, mais il est surtout très loin. On se demande si on va y arriver avant la nuit, son sommet se trouvant encore à 20 kilomètres de course environ.
La montée finale vers le col n’est pas très pentue et se fait à flanc de montagne. Arrive enfin le col de Madamète, passé vers 11h30. Nous sommes au km 26, à 2509 mètres d’altitude, deuxième point le plus haut de la course après le boss, l’indétrônable.
Maintenant, je le sais, il reste 8 kilomètres de descente jusqu’à Tournaboup. Le fameux Tournaboup, avec ses tentes. Point qui était l’an dernier l'ultime CP avant le retour par la montagne, le denier CP donc où l'on pouvait abandonner et se faire rapatrier. Le CP se trouvant au kilomètre 50 environ, celui qui annonce la nuit prochaine, la progression à la frontale, les jambes lourdes. J’ai beaucoup entendu parler de ce Tournaboup, mais ne l’ai jamais vu. Certes, les coureurs y arrivant aujourd'hui seront bien plus frais puisque la course a été inversée cette année, ce point de passage se trouvant à l’aller, mais c'est pour moi une étape clé de ma course, en point de passage qui fera travailler mon moral.
Le CP critique, aujourd’hui, sera à la Mongie, kilomètre 55. C’est d’ailleurs pour cela qu’il faut y pointer à l’entrée et à la sortie. Un point stratégique pour moi, car correspond à peu près à mon kilométrage maximum fait en course à ce jour. Un point où je pourrais juger de mon état, sans parler d’abandon. Bien entendu !
Je bascule de l’autre côté, laissant derrière moi grand nombre de coureurs arrêtés pour récupérer et profiter de la vue.
Le chemin, bien que dans un milieu très rocailleux, est praticable mais difficile à courir car la pente y est bien raide au début.
On aperçoit vite un lac en contrebas, encore un, mais on aperçoit pas de suite le fond de la vallée, destination qui est la nôtre.
Le but, à compter de ce moment, est de descendre jusque tout au fond de la vallée qui est devant nous, pour atteindre la route remontant directement au célèbre col du Tourmalet, qui sera juste à proximité, et atteindre les premières pentes du Pic du Midi.
Je passe à côté du premier lac, ce qui engendre un petit replat. Puis vient l’arrivée d’un second lac en contrebas sur ma gauche. Celui-ci a des eaux turquoises, et se trouve juste en dessous d’un sommet bien raide. Un vrai paysage de haute montagne.
Nous courrons à flanc de montagne, une petite vallée se trouvant juste à ma gauche, puis, au détour d’un virage, je peux apercevoir tout à coup un très grand lac. Bien plus remarquable que les autres.
Nous avons parcouru pas mal de dénivelé négatif depuis le col de Madamète, environ 500, lorsque j’arrive à celui qui est appelé lac Dets Coubouts, kilomètre 30.
Ce lac et impressionnant non pas par sa splendeur et sa grandeur, adjectifs bien évidemment qualificatifs dans ce cas, mais par sa digue, qui est construite pour donner diretement sur l’immense vallée qui tombe à pic juste derrière. Vallée qui, sans surprise, sera note destination prochaine. Ce qui est également impressionnant, c’est que nous apercevons cette vallée, sans en voir clairement le fond, mais nous voyons également les montagnes qui se dressent derrière, sans voir le sommet le plus haut qu'est le Pic du Midi.
Cela peut générer un certain stress ! En effet, on sait qu’on va descendre, beaucoup, et on sait que l’on va remonter, énormément. On le savait déjà, mais là, la preuve est sous nos yeux.
Le passage sur la digue du lac se fait sous un fort vent et on bascule sur le flanc gauche de la vallée pour l’appréhender.
Je ne sais pas encore par où nous allons finir la descente.
Finalement, en longeant le flanc de montagne en courant, je fini par apercevoir des bâtiments tout au fond. Loin, très loin.
Ne connaissant pas le coin, je pense à la Mongie. Je me dit que Tournaboup est tout prêt, que nous allons grimper le Pic et redescendre dans ces bâtiments, qui représentent la station de la Mongie.
Je me trompe clairement, un coureur à côté pointe ce lieu du doigt et dit à son ami que l’on voit enfin Tournaboup.
OK, je garde mon calme et continue à courir.
Je fini par voir le chemin que nous allons emprunter jusqu’au bout. La monotrace sur laquelle je suis à flanc de montagne part en lacets pendant 1 ou 2 kilomètres avant de rejoindre tout au fond une large piste qui va rejoindre Tournaboup en ligne droite.
Je descends les lacets en courant, très à l’aise et encore bien frais, en doublant beaucoup de monde. Je croise en contresens des randonneurs qui grimpent courageusement jusqu’au lac. Certains montent également des cannes à pêche. Tu m’étonnes, c’est le paradis des pêcheurs ces lacs de montagne…
Je fini par arriver sur la piste en contrebas et attaque la dernière ligne droite avant un ravito bien attendu. Je me souviens avoir croisé une fille de l’ultra (dossard rouge), je me suis fait la remarque car il me semble qu’elle était la première à ce moment de la course. Je croise également d’autres dossards rouges. Je les félicite. Ils ont une trentaine d’heures dans les jambes et ils sont en train d’aborder cette longue montée vers Madamète. Rien que de m’imaginer la longue descente que cela a représenté pour moi, je m’imagine instantanément leur douleur avec environ 130 kilomètres dans les jambes et une nuit blanche dans les yeux. Bon courage à eux en tout cas.
Le chemin part sous un petit bois de sapins, qui contient grand nombre de spectateurs qui applaudissent et félicitent, comme tout le monde le fait depuis le début. Je ressors du bois et aborde l‘ultime effort avant le barrières du CP. Sur la dernière descente, j’aperçois mon père qui me voit au dernier moment.
Je marche à ses côtés quelques secondes et fini de courir jusqu’au CP.
J’ai réussi mon premier défi. Je suis radieux, en pleine forme. J’arrive ici, à Tournaboup, en étant relativement frais, pas de douleurs à déclarer, aucun mal à courir et un sourire ravageur. Je suis absolument ravi.
Je pointe à 12h54, environ 8h de course, on est au kilomètre 34, et sommes redescendus à 1436 mètres d’altitude. J’ai gardé un rythme constant, comme je me force à le faire depuis le début, et me classe alors 837ème sur 1127 coureurs encore en course. Si le pointage est bon, et je ne vois pas pourquoi il ne le serait pas tant le CP est difficile à louper, alors il y aurai déjà une soixantaine d’abandons depuis le départ.
Je reste tout le long avec mon père, que je suis ravi de voir. C’est ici qu’il me dit qu’il était bien au col de Portet, mais qu’on s’était raté, il s’en est aperçu en regardant le pointage en temps réel sur le site internet prévu à cet effet, très pratique soit dit en passant. Il me dit également qu’il y a 2 heures de route entre le col de Portet et Tournaboup. J’en suis stupéfait !
J’ai quelques petites choses à faire ici. Il commence à faire très chaud, bien que je n’ai pas encore du tout souffert de la chaleur. Je commence par rentrer et me ravitailler. Je bois un peu de coca et mange beaucoup de salé. Je me ressers plusieurs fois et me fait un sandwich au jambon avant de ressortir.
Je le mange en cherchant mon père, laissé plus haut. Je le trouve et tombe le sac. Je mange quelques Tucs et sors ma poche à eau, que je vais remplir à ras bord.
J’ai bien fait de faire le plein à Aygues Cluses finalement, je n’aurai pas tenu.
Ma gestion de course, je la tiens parfaitement pour l’instant.
Les barrières horaires ne me font plus peur, j’ai presque 2h d’avance et elles s’assouplissent avec le temps.
Je retourne me ravitailler une deuxième fois et m’occupe de ma montre.
Cette Polar M400 est irréprochable sauf sur un point, son autonomie désastreuse. La batterie lâche au bout de 8h de course grand maximum. Sur un ultra, ce n’est pas la peine d’y compter.
J’ai pris avec moi un chargeur sur batterie, j’ai prévu de le brancher à ma montre que je fixerai quelques part, pour qu’elle puisse continuer à m’indiquer mon kilométrage en temps réel.
On la positionne aussi bien que possible quand je jette un œil et m’aperçois que le fait de la brancher l’a fait planter.
Je peste. Je réessaie mais le fait de charger la montre en même temps que je l’utilise la fait bugger.
Tant pis. J'enrage mais je vais devoir continuer sans le kilométrage en temps réel.
En même temps, je connais tellement bien le profil de l’épreuve que seule l’heure, qui me reste, me suffira à appréhender les différentes difficultés. Cette montre, je la changerai quand je pourrai en mettant le doigt sur l’autonomie. Finalement, c’est essentiel.
Je commence à sentir quelques ampoules aux 2 pieds. C’est étrange car habituellement, j’ai des douleurs musculaires qui apparaissent avant les ampoules. Ces dernières ne sont pas habituelles chez moi.
J’ai acheté des chaussettes spéciales, de qualité, pour faire cette course. Je cours habituellement avec des vieilles chaussettes de sport premier prix, mais je voulais être bien chaussé pour le jour J. Je sais qu’il ne faut jamais tester de matériel juste le jour de la course. Pourtant, bien que prévenu, je me suis pointé avec des nouvelles chaussettes jamais testées auparavant, et avec un sac jamais porté jusqu’à ce jour, sac emprunté à mon père car ma poche à eau commençait à avoir des fuites. Finalement, je voulais bien faire mais ce sont peut-être ces chaussettes qui maltraitent mes pauvres plantes de pied…
Je me dis alors que le strapping est une riche idée de matériel obligatoire, je vais me recouvrir mes ampoules naissantes pour éviter qu’elles ne s’empirent. Seulement, et je ne m’en rends compte qu’à ce moment-là, le strapping est certes une excellente idée de matériel obligatoire, mais une paire de ciseaux pour le couper n’en fait par contre pas partie. Je me retrouve avec un rouleau entier mais rien pour le couper, c’est un accessoire auquel je n’ai vraiment pas pensé.
Je ne veux déranger personne, mes ampoules ne sont pas bien graves à ce stade de la course et je ferai donc sans strapping.
Je vois une fille au dossard rouge arriver et se poser. Il me semble l’avoir déjà croisé sur d’autres courses. Elle a le regard perdu ailleurs mais a l’air d’avoir les cannes. Je verrai sur Facebook le lendemain qu’elle bouclera l’ultra à la troisième place féminine, et que je l’ai bien déjà vu quelque part puisque c’est une Zinzin des Côteaux, club de course à pied du village voisin au mien.
Bravo à toi, superbe perf !
Je me prépare pour repartir, après un quart d’heure d’arrêt environ.
Je marche le long de la route avec mon père jusqu’à un petit pont qui repart vers les montagnes. Désormais, on rigole plus, je m’attaque au gros morceau du jour, le tout sous la plus grosse chaleur de la journée.
Je quitte mon père et passe un petit groupe après le pont pour attaquer une monotrace partant à flanc de montagne.
La pente est douce dans les premiers temps, on longe la route qui monte vers le Tourmalet. Ce col est célèbre dans le milieu cycliste, notamment via le tour de France qui y passe régulièrement. D’ailleurs, on y voit clairement les stigmates de cette grande épreuve puisque l’asphalte est couverte d’inscriptions, sans doute faites à destination des coureurs. On aperçoit d’ailleurs sans cesse des cyclistes amateurs en train de gravir la pente.
Le chemin ressemble à une simple monotrace très propre, composée uniquement de terre tassée. On marche à flanc de montagne, cette dernière étant composée à cette altitude uniquement de hautes herbes. On prends un peu de hauteur par rapport à la route, que nous longeons tout de même depuis Tournaboup.
La vallée à ma droite est bien encaissée, les sommets l’entourant de chaque côté étant impressionnants par leur hauteur. La route fonce droit vers des sommets rocailleux, et on commence à apercevoir le haut du col du Tourmalet, par lequel les véhicules basculent d’un côté ou de l’autre de la montagne.
Le Pic du Midi est invisible, je pense savoir où il se trouve mais on ne le voit pas encore, caché derrière la montagne. Par contre, je sais que c’est le sommet le plus haut du secteur, et je compare la difficulté qui nous attend en regardant les quelques sommets qui nous entourent, qui sont eux immenses et impressionnants. Je n’ai pas la montre pour le calculer, mais je me dit à ce moment là que la difficulté qui m’attends sera extrême.
Pour la première fois depuis le début de la course, je commence à être dans le rouge. L’arrêt à Tournaboup m’a fait du bien, je suis frais depuis le début mais la chaleur commence à taper sérieusement sur nos têtes. Depuis que j’ai enquillé la montée vers le Pic, malgré la pente qui a un faible pourcentage sur ce début d‘ascension, j’ai complètement perdu les jambes et j’ai énormément de mal à mettre un pied devant l’autre. Je pense à ce moment-là que la montée va être très longue.
Pour la première fois également, je m’arrête au bord d’un ruisseau, comme tous les coureurs autour de moi qui ont également l’air de souffrir, pour y tremper intégralement ma casquette avant de la remettre sur la tête. La fraicheur de l’eau me fait du bien, et son évaporation fera office de climatisation pour mon pauvre crâne en souffrance.
Je me traine lamentablement. Je bois régulièrement et sors un Twix de temps à autres. Mes barres chocolatées commencent à fondre et deviennent de plus en plus difficiles sortir de leur emballages. De plus, je fais un carnage car, en total respect de la nature, une des poches avant de mon sac fait office de poubelle, mais cette poche contient également mon téléphone. Lorsqu’il m’arrive de sortir ce dernier, pour tenter de capter un réseau pour donner une nouvelle à mon père quant à mon avancement, je constate que mon écran se couvre de chocolat.
Je souffre et commence à être un peu dans le dur dans cette montée, mais je reste optimiste et totalement motivé quant à mon objectif. Jamais l’abandon n’a fait partie de mes pensées.
Un groupe marche derrière moi, j’entends un coureur échanger avec une coureuse, qui dit que son mari a tenté le 160 mais a échoué, et qu’ils sont là tous les deux en préparation pour la Diagonale des Fous.
Cette course est une de celles auxquelles j’aimerai de tout cœur participer.
170 kilomètres à travers l’île de la réunion et toutes ses richesses, un ultra de toute beauté. Je ne connais pas du tout le lieu mais j’ai pu voir tant de vidéos que cela me laisse totalement rêveur. Je suis admiratif.
Devant moi, un coureur explique ses déboires de l’année passée au même stade de la course. Un ultra est fait pour nous faire traverser toutes les émotions possibles, et cela me rassure de voir mon moral au plus haut depuis le début.
Le col du Tourmalet se rapproche, et je peux jeter un dernier regard à Tournaboup en me retournant, ses bâtiments se trouvent désormais bien loin derrière. La route du col quant à elle, est largement en contrebas et j’aperçois le chemin qui pique à gauche loin devant moi.
Je me sens légèrement mieux mais j’appréhende la forte difficulté qui m’attend. Je double quelques coureurs et gagne quelques places, notamment et passant devant certains groupes faisant une pause devant les cours d’eau que nous traversons, et fini par arriver au moment où le chemin fait une virage vers la gauche. Je laisse donc la vallée derrière moi et le col du Tourmalet à ma droite. On prend alors un chemin à flanc de montagne qui part sur la gauche avant de bifurquer de nouveau à droite pour gravir la montagne à même la pente.
Je me sens mieux et espère que cela va durer. C’est dur, très dur. Et je sais que ce passage est loin d’être fini.
Bizarrement, ce n’est pas mon fessier qui me fait souffrir, ce dernier tient parfaitement le choc. De même pour mes ampoules ou mes mollets, tout va bien de ce côté. Je souffre surtout au niveau cardio. Etrange car cela ne m’arrive pas souvent, je pense que mon excellente gestion de course a parfaitement préservé mes muscles, mais que l’accumulation des heures à laquelle se rajoute la forte chaleur commence à faire ralentir les organes qui me servent de moteur.
Néanmoins, cela ne m’handicape pas plus que cela, il suffit pour moi de ralentir légèrement pour continuer à avancer, je n’ai pas senti pour l’instant l’envie de m’arrêter pour souffler, contrairement à grand nombre de coureurs que je peux croiser, assis, en souffrance totale.
La pente se radouci et j’aperçois notre objectif pour la première fois. Devant moi se dresse la majestueux Pic du Midi, dont l’antenne marque le paysage. Le sommet est loin, très loin, il est très haut également.
Le sol est de plus en plus rocailleux et on croise des randonneurs qui redescendent tranquillement. Certains d’entre eux ont un mot sympa d’encouragement à notre égard.
Nous marchons dans une vallée qui donne tout droit sur le Pic, à ma droite et à ma gauche se dressent des sommets que nous laisserons de côté. J’aperçois sur la montagne, droit devant moi, un grand bâtiment en pierre, tout prêt du sommet, ou du moins c’est qu’il laisse paraître. Je pense dans un premier temps qu’il s’agit du col de Sencours, puisque je sais, pour m’être renseigné, qu’apparaissent sur ce dernier quelques ruines en cours de rénovation.
Je suis un couple depuis un moment, quand le coureur qui en fait parti pointe du doigt un petit bâtiment, moins haut que celui que j’avais aperçu, en disant que nous apercevons enfin le col de Sencours. Je suis soulagé, je me doute que quoi qu’il arrive nous devrons gravir le sommet jusqu’en haut, mais je suis soulagé de voir le col de Sencours plus proche que je ne le pensais, car je sais qu’il fait office de ravitaillement, et qu’une pause me fera le plus grand bien.
Je souffre beaucoup à ce moment-là de la course, je grimpe en serrant les dents. Je ne veux pas me mettre dans le rouge mais c’est dans ces moments-là que je commence à penser au reste de la course. Je me dis que j’ai passé les 10 heures de course et que je ne suis pas encore à la moitié du parcours, que je vais avoir encore beaucoup de dénivelé et que je suis certain de rentrer en pleine nuit si je vais au bout.
Le genre de pensées à ne surtout pas avoir en ultra, mais on ne contrôle rien. J’aborde cette course en plusieurs petites étapes depuis le début. L’étape dans laquelle je suis part de Tournaboub pour rejoindre le col de Sencours. Je serre les dents, fais le vide dans ma tête et me concentre de nouveau sur cette étape uniquement, étape de 7 kilomètres environ.
J’ai fait quelques stops depuis le début pour tremper ma casquette. J’arrive aux abords d’un magnifique lac de montagne, dont l’autre bout se situe directement à flanc de falaise, en haut de laquelle se trouve le grand bâtiment aperçu un peu plus tôt.
J’aperçois ici la totalité de l’ascension qui me reste à accomplir, je peux voir une grande quantité de coureurs arriver au col de Sencours, mais également gravir la première partie de la montée finale vers le Pic, faite apparemment de pistes larges, puis la seconde, apparemment faite sur des pentes beaucoup plus raides, en lacets, directement sur le flanc du sommet.
J’enquille un dernier lacet puis je me retrouve sur une piste large, demandant deux ou trois cent mètres de marche pour arriver au col de Sencours.
Il y a ici beaucoup de spectateurs et un minibus, rempli de coureurs observant le chemin le regard vide. Des coureurs ayant abandonné, cela ne fait aucun doute.
Je n’en ferai pas parti. Je suis raide à ce moment-là, les jambes en feu, ma respiration haletante et surement le visage rougi par la chaleur, mais je suis sûr de ne pas rendre mon dossard.
Mon sac est plus léger. J’ai beaucoup bu durant l’ascension, je tâterai la poche au ravito pour voir si je dois la remplir à nouveau.
Je passe les barrières installées par l’orga et grimpe le dernier raidillon pour atteindre le CP et pénétrer à l’intérieur du vieux bâtiment en pierre. Je suis au kilomètre 41, 3500 mètres de dénivelé positif déjà dans les jambes. Je pointe 643ème sur 958 coureurs encore en course, 10h06 se sont écoulées depuis le départ.
Il fait très frais dans le bâtiment. Tellement frais que j’aurai presque froid, ce qui fait un contraste étonnant avec l’extérieur. Je décroche mon gobelet et fait un saut au stand soupe, puis j’attrape de quoi me ravitailler et trouve un coin sur lequel je m’assois avec une impressionnante lourdeur. La montée depuis Tournaboup m’a fait beaucoup de mal. J’étais frais 7 kilomètres auparavant et me retrouve dans le jus, ressentant une terrible envie de me reposer quelques minutes.
J’écoute mon corps en dégustant une sublime soupe aux champignons, que je sais totalement industrielle, mais elle me fait un bien fou. J’observe la tête des autres coureurs, qui paraissent dans la même souffrance que moi, et tente de m’étirer légèrement pour appréhender le reste de la montée.
Je tâte ma poche à eau qui est encore à moitié pleine, je vais attendre de grimper au Pic, pour être le plus léger possible, et de descendre au col de Sencours pour la remplir à nouveau.
Je suis d’ailleurs surpris de trouver un ravitaillement solide ici, le profil indique un ravitaillement liquide uniquement sur la montée, puis solide et liquide sur la descente.
Je ne m’en plains pas.
Je récupère quelques minutes et me redresse sur mes jambes, dans une posture aléatoire.
Je sais que le reste de la montée va empirer ma raideur, mais je sais aussi que la longue descente qui suivra me redonnera beaucoup de fraîcheur.
Je souffle un bon coup, m’emplis de pensées positives, je raccroche mon gobelet et je ressors de ce petit bâtiment limite frigorifique.
La chaleur me tombe dessus et j’attaque de pied ferme le reste de la montée. Le moral prendra un coup sur cette portion, car on y aperçoit bien évidemment tous les coureurs qui ont déjà passé le sommet et qui sont dans la redescente, sourire aux lèvres pour la plupart. Chacun d‘entre eux ou presque a un petit mot d’encouragement à notre égard. Je les accepte avec joie mais j’envie aussi terriblement ces coureurs, qui en ont terminé avec la grosse difficulté du jour.
Je pars clairement vers la droite en pente relativement douce, sur une large piste très rocailleuse. Le genre de piste faite pour accepter le passage des véhicules à moteur, ou du moins de 4x4.
Il y a un grand lacet qui repart sur la gauche, toujours sur cette piste. On croise beaucoup de coureurs qui redescendent, ils doivent avoir une bonne heure d’avance sur moi à ce niveau- là.
On prend un peu d’altitude et le col de Sencours commence à me paraître bas, car la falaise à ma gauche me permet d’observer le paysage à perte de vue, notre position haute nous autorisant à voir au-dessus de la majorité des sommets environnants, mais également d’apercevoir directement en contrebas le bâtiment du col, ainsi que le magnifique lac décrit précédemment.
Après deux ou 3 lacets sur cette piste, que j’aborde avec lenteur, mais avec une fraîcheur relative par rapport à ce que j’ai vécu avant, nous arrivons au bâtiment aperçu bien plus tôt. Cela ressemble à une sorte de gîte ou d’hôtel désaffecté.
Une fois ce bâtiment passé, on attaque la montée finale sur une portion très pentue, faite de lacets serrés en direction de la plateforme se trouvant au sommet. Cette dernière parait inaccessible à ce niveau.
Le chemin est tracé sur l’arête du sommet, le sol étant composé exclusivement de cailloux. Au premier virage, si je me souviens bien, apparait une brèche permettant d’avoir un point de vue de l’autre côté de la montagne. Sans surprise, le paysage y contraste avec la mer de sommets montagneux se trouvant dans mon dos, puisqu’on aperçoit clairement la plaine à l’infini de ce côté-ci. Par temps plus clair, je veux bien croire que la vue y soit hallucinante.
Il y a pas mal de randonneurs, ou plutôt d’accompagnateurs de coureurs sur cette petite portion, accompagnateurs qui avancent drôlement vite. Ils sont frais et doivent avoir tout de même de l’entrainement pour avoir atteint ce sommet. Je double quelques personnes en souffrance, je souffre moi-même pas mal et ne peux pas m’empêcher de regarder l’ouverture sur la plateforme par laquelle passent les coureurs qui en finissent avec cette ascension. De lacet en lacet, je ne vois pas le sommet se rapprocher. Ce final me paraît interminable. J’ai l’acide lactique qui commence à envahir mes jambes, chaque pas devient un combat. Je m’efforce de mettre un pied devant l’autre et lutte comme un malheureux lorsque je dois me baisser pour passer sous ce qui doit être le rail d’un ancien funiculaire, moyen d’ascension le plus pratique j’imagine avant l’apparition du téléphérique prévu à cet effet.
Je fini par prendre le dernier lacet et me retrouve dans une ligne droite bien raide qui doit arriver droit au sommet.
Je prends sur moi et arrive tant bien que mal au sommet. Enfin !!!
Il y est écrit que le pointage se fait « en bas ». Aie, je ne souhaitais pas descendre, aucune envie de remonter ensuite pour sortir.
La descente est minuscule et nous amène sur la plateforme. Une barrière coupe l’entrée en deux, les coureurs doivent passer à gauche pour se faire badger et pénétrer sur la plateforme pour s’octroyer du repos, le randonneurs doivent quant à eux passer à droite et payer leur ticket d’entrée. J’aperçois le tarif annoncé, 18 € sauf erreur de ma part. Je trouve cela exorbitant. Ça m’emmerderai de m’être tapé toute cette montée pour me retrouver bloqué à l’entrée de la plateforme une fois le tarif d’entrée connu.
Bref, je me pose pas 100 questions, j’ai besoin de m’assoir. Je rentre et me fait badger. Je suis au 44ème kilomètre, enfin la mi-course, je badge en 11h15 de course environ, 643ème sur 884 coureurs encore en course.
Mon premier réflexe est de regarder autour de moi. Je suis enfin sur le Pic du Midi. Je n’habite pas très loin, je l’ai déjà aperçu, mais je ne suis jamais venu ici. C’est somptueux, le paysage est grandiose, on aperçoit effectivement toute la plaine, même si le temps assez clair du jour ne permet pas d’avoir une très bonne visibilité. La plateforme donne sur une falaise qui donne le vertige, et est construite à même le rocher qui forme le sommet. C’est impressionnant, je ne sais absolument pas comment l’homme a pu bâtir quelques chose comme cela. Le sommet se situe à 2876 mètres d’altitude, j’ai déjà 4000 D+ dans les pattes, et je les sens bien passer à ce niveau de la course. C’est d’ailleurs mon record personnel, je n’ai jamais fait autant de dénivelé dans une même course, mais je n’y pense pas du tout à ce moment-là.
J’ai froid, très froid. Mon T-shirt est trempe de sueur et je n’ai aucune affaire de rechange, alors je rechausse la veste de pluie que j’avais rangé à Merlans, quelques heures auparavant. Il est à peu près 16h15 et le soleil est légèrement caché par des nuages passant, je n’hésite donc pas à me couvrir en me disant que je tomberai la veste au col de Sencours ou plus tard si besoin.
Il y du monde ici, j’aperçois même une famille venue en téléphérique portant un badge indiquant une soirée étoilée, j’imagine qu’il existe des packs comprenant la montée et la soirée d’observation du ciel. Excellente idée, j’adorerai le faire.
Je vois également un restaurant d’altitude, on ne peut pas trouver mieux comme terrasse.
Je vais m’accorder un petit quart d’heure. Je tombe le sac et me couche tout prêt des barrières donnant sur le paysage de plaine. J’ai le dos au sol et je m’approche au maximum de la rambarde, de manière à ce que mes jambes se retrouvent à la verticale contre cette dernière. Je les laisse ensuite retomber sur les côtés, c’est-à-dire pas très loin étant donné ma souplesse légendaire, et je garde la position quelques minutes pour activer la circulation et récupérer un peu.
Je me sens bien, même si je sens que la course commence à me marquer. Je ne fais pas l’erreur de penser à tout ce qu’il reste à parcourir et me met en tête la prochaine étape, qui part d’ici pour rallier la Mongie. Le parcours ne va faire que descendre sur 7 ou 8 kilomètres, pour connaitre ensuite 1 ou 2 montées légères pour atteindre la Mongie qui se trouve de l’autre côté de la montagne.
Je pianote sur mon téléphone pour envoyer la nouvelle de mon arrivée à mon père. Il me réponds « belle remontée au classement ! » effectivement, j’avoue, j’ai gagné pas mal de places depuis Merlans et je fais désormais parti des survivants. Je lui réponds avec humour « je vise le Top 3 ».
Les 3 premiers, j’imagine qu’ils sont déjà arrivé à ce moment-là de la course. Je trouve cela surhumain.
Mon père m’annonce fièrement qu’il m’attend à la Mongie devant une bonne bière. Je rêverai d‘être à sa place… La bière, quel que soit l’heure, je la boirai illico presto une fois la ligne d’arrivée passée !
Il y a encore eu des abandons ici. Un gars devant moi, à l’entrée du Pic, a annoncé à l’orga qu’il jetait l’éponge. Cela, j’ai un peu de mal à le comprendre. S’être tapé le plus difficile et abandonner maintenant, quel dommage. Si la motivation a disparu, attendez au moins la Mongie, il n’y a quasiment que de la descente maintenant, c’est dommage !
Je me redresse et me rhabille en gardant le sac d’un coureur qui me l’a demandé, le temps pour lui de faire un saut aux toilettes, et je file vers la sortie.
A partir de maintenant, on descend. De plus, je vais croiser un certain nombre de coureurs, le plus possible je l’espère, dans la descente entre le sommet et Sencours. Je verrai leur tête pleine de souffrance, ce qui me remontera grandement le moral. C’est sadique, je sais, mais c’est normal.
Effectivement, je commence à croiser du monde dès la sortie. Du monde à l’arrière, il y en a, beaucoup même, puisque j’ai un visu ici jusqu’au bas du col de Sencours, avant même l’arrivée au ravito, et j’aperçois encore grand nombre de coureurs qui attaquent seulement le plus difficile de la montée.
J’attaque les lacets de la portion finale en sens inverse, uniquement en marchant étant donné la raideur de la pente, l‘étroitesse du parcours et la quantité de personnes, coureurs et randonneurs, que nous croisons.
J‘attaque à mon tour le rôle de bienveilleur, distribuant des mots d’encouragement aux coureurs encore dans la montée.
Je repasse le gîte désaffecté et bascule sur les quelques lacets de la piste plus large descendant à Sencours. Je croise ici beaucoup de coureurs, certains avec la mauvaise mine. Un peu plus bas, un coureur me demande si le sommet est encore loin. Je l’encourage sans lui mentir, en disant qu’il doit rester bien 2 kilomètres avec une pente assez raide. Il n’est pas satisfait et je sens la détresse dans son regard.
Je cours un peu sur cette portion, dont le sol est assez praticable.
Je n’ai pas de douleurs dans les jambes, ou très peu, et je peux très facilement retrouver une foulée légère, sans aucun problème musculaire, et aucune sensation de crampe. Ces dernières je ne les ai pas ressenties une seule fois et en suis très satisfait. Mon seul problème, ce sont les ampoules. Pas les ampoules comme je peux en avoir d’habitude, je ne ressens pas de douleur spécifique sur un point précis, mais je ressens comme si j’avais une seule énorme ampoule à chaque pied, prenant quasiment la moitié de la plante du pied. En gros, je sens qu’il y a du liquide entre la chair et la peau de mes dessous de pieds, ça me picote dans une sensation très désagréable.
Néanmoins, cela est supportable et bien moins handicapant qu’une douleur musculaire ou qu’une tendinite.
Je profite donc de cela pour courir, je me sens bien, le paysage est magnifique et je suis très motivé pour aller au bout.
J’arrive au col de Sencours, où je croise les derniers coureurs encore en course, c’est à dire encore en deçà de la barrière horaire, puisqu’ils sont suivis par les serre-files. Je sais à ce moment-là que la barrière horaire sera loin de me poser problème.
Je fais un stop au ravito, qui est solide et liquide comme indiqué sur le profil, et discute quelques minutes avec une demoiselle bénévole s’y trouvant. Je lui dis que la montée vers le Pic n’est pas un cadeau, qu’elle est très compliquée à aborder, et lui dis que je viens de croiser les serre-files. Elle me dit qu’elle et une autre filles seront les prochains serre-files, elles ont donc pas mal d’attente encore avant que ce soit à leur tour de partir. Je lui demande également à quoi ressemble la descente, puis le col de Bastanet, dernière grosse difficulté du jour. La descente sera facile, mais le col de Bastanet est assez balaise paraît-il. Cela ne me fait pas peur, j’ai retrouvé les cannes et le sourire. On est ici au kilomètre 48, un bénévole du ravito me dit qu’il y environ 9 kilomètres de descente, alors que 7 sont annoncés sur le profil. Bref, je ne m’inquiète pas pour cela, 7 ou 9 peu importe, je ne suis plus à ça prêt.
Je bascule donc de l’autre côté du col de Sencours, par un sentier inconnu.
La descente est raide à flanc de montagne je suis obligé d’y marcher la plupart du temps, même si je suis surpris de me faire doubler par des gars encore en course qui descente ça comme des branques.
L’altitude veut que le paysage soit uniquement doté de caillasses et d’herbes, cela est le cas de tous les côtés. A ma gauche, j’aperçois encore le haut du Pic du Midi avec ses bâtiments imposants, ce côté la du commet est impraticable, c’est bien pour cela qu’un seul chemin ne permette d’y accéder, sur le versant le plus simple. Mon repaire est le fil du téléphérique, je sais qu’il monte en ligne droite de la Mongie vers le Pic, je vois le Pic mais le fil bascule de l’autre côté d’une montagne que nous sommes en train de descendre, laissant l’objectif suivant à ma droite. En gros, nous ne sommes pas dans la bonne direction, je comprends que nous allons descendre la montagne puis la contourner pour retrouver ensuite la Mongie.
Le chemin descend plus ou moins facilement, je cours quand je peux et le sommet du Pic se retrouve peu à peu caché.
Une bonne heure de descente s’en suit pour arriver peu à peu dans la vallée. Je garde ma veste de pluie qui ne me tient pas du tout chaud, je pense que je vais la garder jusqu’au bout.
Arrivé en bas, nous basculons sur la droite dans un chemin qui remonte dans une sorte de forêt, ce sentier-là monte, il fait partie de cette portion juste avant la Mongie durant laquelle nous allons devoir grimper encore une ou deux côtes.
Je grimpe très facilement, les stigmates du Pic sont passés, et nous arrivons à une clôture électrique avec une grande pancarte indiquant aux coureurs de passer dessous. Je me tortille difficilement et arrive à trouver une souplesse relative pour passer en-dessous, puis je fini par arriver en haut, dans une sorte de pré.
Le chemin redescend doucement, je m’attends à trouver la Mongie juste derrière la petite butte se dressant devant mes yeux. Nous passons cette butte et je ne vois rien, même pas une route.
Le chemin continue et nous finissons par redescendre légèrement à flanc de colline pour piquer lentement sur la droite. On aperçoit enfin la route sur l’autre flanc, de l’autre côté de la vallée. La route passe sous des espèces de constructions blanches, faites je pense pour éviter les éboulements de neige en hiver. Tout à coup, on aperçoit enfin la station de la Mongie, dans laquelle je n’ai jamais mis les pieds. J’ai la très mauvaise surprise de me rendre compte qu’il doit rester environ 2 kilomètres pour y arriver, tout en montée.
La montée n’est pas très raide mais j’étais tellement persuadé au fond de moi d’arriver plus vite à la Mongie, sans subir de difficultés supplémentaires, que ce dernier effort annoncé me plombe le moral en totalité.
Ces deux kilomètres vont être les plus difficiles pour moi. Je traîne la patte, je baisse les yeux, j’ai un coup de mou monumental. Je sais que je dois me nourrir, prendre une barre de chocolat pour remplir mes réserves, mais je n’en ai ni l’envie ni la force. Je commence à avoir la nausée, une nausée terrible, je me demande même si je ne vais pas m’arrêter sur le bord du chemin tellement elle pousse. Cela serait dommage de vider le contenu de mon estomac.
J’avance le regard livide et lève les yeux de temps à autres. Les jambes ne vont pourtant pas trop mal, elles tirent un peu mais ça va globalement, mais le coup au moral pris plus tôt m’a détruit.
Je tiens le coup et arrive à proximité de la dernière pente en direction de la route, donnant directement vers un bâtiment qui fera office de ravito. Mon père s’y trouve et me voit faire la gueule. Je décroche tant bien que mal un sourire et on marche tranquillement vers le ravito. Je pointe en entrée et traîne la patte et les bâtons en cherchant du regard un endroit où je pourrais me poser.
Je trouve un tas de gros plots en bétons et me pose très lourdement, le dos appuyé contre l’un d’entre eux.
Je resserre mes jambes au maximum pour étirer mes fessiers, qui ont bien chauffés mais qui ne me font pas ressentir de douleurs, et je me repose quelques minutes pour retrouver mes esprits.
En arrivant à la Mongie, j’ai aperçu une dizaine de coureurs rassemblés et affalés sur la route. Ils attendent le rapatriement vers Vielle Aure.
Je ne serais pas de ceux-là !
J’ai pointé ici 592ème sur 852 coureurs encore en course, on est au kilomètre 55 avec 13h30 de course dans les jambes.
Je discute avec mon père et commence à avoir froid. J’observe autour de moi et vois les coureurs entrer dans le bâtiments sur la gauche, j’imagine que c’est ici que se trouve la ravito chaud.
Je fais l’effort de me relever et y vais de ce pas, j’y trouve un stand de soupe aux pâtes et me fait servir.
Je prends également de quoi grignoter et ressors voir mon père.
Je me ravitaille au mieux et commence à retrouver mes esprits, même si j’ai un peu les jambes en compote.
Je serai resté ici 25 minutes environ, je me dirige vers la sortie et pointe avant de repartir vers le chemin du retour. Je pointerai 524ème sur 763 coureurs. Beaucoup ont donc pointé en entrée puis ont abandonné avant de ressortir.
Sur les 763 coureurs encore en course, peu vont abandonner sur les 30 derniers kilomètres en toute logique, le chemin restant étant composé de haute montagne uniquement, sans aune route praticable. L’abandon dans ce désert serait alors bien trop risqué.
Je quitte mon père, que je ne reverrai maintenant qu’à l’arrivée quelques heures plus tard, en pleine nuit, cela ne fait maintenant plus aucun doute.
Le chemin remonte légèrement au-dessus de la Mongie, puis longe la route qui redescend dans la vallée, cela pendant quelques centaines de mètres.
Je fini par rejoindre une piste large, composée de cailloux fins, qui bifurque clairement à droite en pente douce, en plein dans la montagne. Mon arrivée coïncide avec le départ d’un coureur qui quitte ses connaissances, avec qui il était en train de discuter. L’un d’entre eux me demande en rigolant de l’attendre pour faire la route ensemble, je lui réponds sur le ton de l’humour également que c’est impossible car je vais aller trop vite pour lui.
Je l’attends tout de même et nous partons ensemble.
Nous allons faire quelques kilomètres ensemble. La piste monte légèrement et bifurque lentement sur la droite, tantôt à découvert, tantôt dans les sapins. On échange sur nos origines et sur les courses que nous avons déjà effectuées avant de venir ici. Il vient de Vendée, plat pays pour des traileurs de montagne, et a déjà fait un ultra de 177 kilomètres, ce qui m’épate. Ce dernier était certes beaucoup plus plat que le GRP, mais la distance est tout de même impressionnante.
Il est très sociable, je n’ai pas eu beaucoup de compagnons de route aujourd’hui, c’est sûrement de ma faute car j’étais souvent renfermé dans ma concentration, mais cela fait du bien de discuter un peu.
Je ne vois d’ailleurs pas passer cette portion. Nous bifurquons finalement sur une monotrace qui redescend à flanc de montagne vers une petite vallée verdoyante. Je trottine avec grand plaisir et ne suis pas suivi par mon compagnon, que je ne reverrai plus. Je cours tranquillement jusqu’à ce que le chemin remonte légèrement, je suis alors à l’arrière d’un petit groupe, dont le coureur devant moi demande si je veux doubler. Je réponds que non, que leur rythme me va bien, et que je suis bien heureux d’éviter de courir en montant.
Le chemin se disperse parfois en plusieurs sentiers, et j’en profite finalement pour accélérer le pas et doubler.
Nous arrivons alors dans la vallée verdoyante et nous retrouvons très clairement face à une montée nette. Le début de l’ascension vers le col de Bastanet, cela ne fait plus de doute.
Le soleil a disparu, je suis excité en me rappelant nous allons progresser prochainement à la frontale dans ce décor de rêve.
Je commence à suivre la monotrace qui grimpe sèchement dans l’herbe. Je me souviens qu’elle a bifurqué sur la gauche pour devenir beaucoup plus pentue tout à coup, pour ensuite disparaitre derrière un bosquet. Je passe cette difficulté pour avoir ensuite un visu sur la prochaine. J‘aurai cette sensation une bonne dizaine de fois sur la première partie de l’ascension, une difficulté clairement identifiée qui, un fois franchie, révèle la suivante.
Un couple se trouve devant moi, que j’ai croisé à plusieurs reprises depuis l’ascension vers le Pic, la fille commence clairement à perdre patience, elle ne voit pas le bout du col et commence à rentrer dans le dur.
Moi, je m’accroche, et double d’ailleurs une grande quantité de coureurs sur cette première portion. Je me sens relativement bien, les jambes répondent très bien malgré quelques douleurs passagères et des ampoules qui n’en finissent pas, et je suis aidé par les autres coureurs, qui s’arrêtent souvent pour souffler un coup.
Je suis d’ailleurs très satisfait de ma première partie de montée. Je me retourne de temps à autre et vois clairement la quantité impressionnante de D+ déjà parcourue depuis la vallée verdoyante décrite précédemment.
J’aperçois une digue plus haut. Cela fait déjà un moment que l’ascension a démarré, je n’ai plus trop la notion du temps mais je sais qu’il y a un ravito sur la montée au refuge de Campana. Je suis focalisé par ce point de passage, que j’attends avec hâte, non pas parce que j’ai besoin de souffler, mais parce que cela me rapprochera petit à petit de la fin de cette difficulté, ce qui voudra dire que je sentirai l’arrivée plus proche, et donc l’accomplissement de tant de travail en amont.
Je pense à ce moment-là que le refuge se trouve au bord du lac, au niveau de la digue.
J’y arrive tant bien que mal, en suivant un petit groupe de coureurs dont le rythme me conviens et me rends compte qu’il n’y a pas de cabane ici. Je me rends également compte qu’il n’y a personne derrière moi. J’ai doublé pas mal de monde et ai pris beaucoup d’avance apparemment.
Je me rends également compte que le lac au bord duquel nous nous retrouvons, lac habituellement retenu par la digue au bord de laquelle nous marchons, est totalement vide. Cela est impressionnant d’ailleurs, je ne m’y attendais pas.
Nous apercevons au loin une autre digue, je pense que celle-ci doit être bien pleine.
Le ciel s’assombri de plus en plus, sans demander l’utilisation des frontales.
Nous longeons ce premier lac, ou plutôt ce premier trou, pour le contourner entièrement.
Nous passons pas loin de la seconde digue et grimpons un raidillon à travers les sapins pour continuer notre monotrace dans une autre direction.
La nuit tombe peu à peu sur tous les hauts sommets environnants. Je commence à apercevoir le haut du massif que nous devrons gravir par le col de Bastanet, ce dernier est encore bien loin, je n suis pas au bout de mes peines.
Je peux regarder sur ma droite, la digue que nous avons passé tout à l’heure ne retient elle aussi pas le moindre semblant de lac. Il n’y a pas d’eau. Etrange…
Je fini par gravir un dernier raidillon pour accéder à un petit plateau, entouré en totalité par des hauts sommets. Très haut, trop haut pour ne pas atteindre mon moral. Je ne sais absolument pas par où le parcours passe mais je sais que la montée finale va être compliquée, d’autant plus que nous commençons à avancer sur de la grosse caillasse. Le chemin, comme le sol en général ici à perte de vue, n’est composé que de gros cailloux, nous devons donc poser les pieds sur ces cailloux, en faisant attention à chaque pas. Cela est très fatigant, physiquement et mentalement, d’autant plus que la luminosité tombe rapidement à cette heure de la journée.
Nous contournons grossièrement un semblant de trou, qui est en fait un lac de montagne, encore à sec.
De l’autre côté, sur le flanc de la montagne, à mi-hauteur environ par rapport à la position présumée du col de Bastanet, se trouve un chalet imposant. Je suis quasiment certain que c‘est Campana, lieu du ravito.
Je ne dis rien et attends que l’un des membres de mon petit groupe se décide à s’arrêter pour sortir la frontale et je fais de même.
Je la trouve et sors également une barre de céréale.
Je repars aussi sec, laissant derrière moi mes anciens compagnons de route, disposés à faire un break un peu plus long.
Le chemin enchaîne petites montée et petites descentes pour contourner finalement ce lac fantôme. Il fait très sombre maintenant et je peux apercevoir une lignée de frontales dans la montée vers le refuge, et une lignée de frontales dans mon dos.
Le fait de sautiller de caillou en caillou est réellement fatigant. Cela ne cesse pas depuis des kilomètres. Vivement que ça s’arrête.
J’arrive au pied de la montée et suis bien trop fatigué pour arriver au bout. Le contrecoup de mon ascension aisée, amplifié par la fatigue à force gravir ces nombreux rochers.
Je fais une première partie de montée et m’assois sur un gros rocher. J’éteins ma frontale et fait un break de 2 minutes, le temps de faire retomber le cardio et de reposer les jambes.
Je n’y vois plus rien à cette heure de la soirée, mais je peux aisément voir les étoiles en quantité impressionnante dans ce ciel de montagne, ainsi que la silhouette des hauts sommets environnement et la lueurs des dizaines de frontales arrivant dans mon dos.
Je me sens mieux et repars. J’arriverai sans encombre au refuge, le ravito se fera quant à lui à l’extérieur, dans les rochers qui nous servent de sol depuis au moins une heure maintenant.
Je pointe vers 21h30 à Campana, kilomètre 63, 486ème sur 762 coureurs encore en course.
Je sors mon gobelet et me fait servir un bon potage de vermicelles bien chaud. Je mange quelques Tucs et je vais m’assoir sur un de mes amis les cailloux.
Je déguste mon potage et commence à avoir froid.
Nous sommes beaucoup ici, assis par terre. Il y a beaucoup de frontales, c’est une ambiance sympa et un peu stressante.
Le gars de l’orga explique haut et fort qu’il reste 2 kilomètres d’ascension pour environ 300 D+. Je ne m’attendais pas à mieux.
Il conseille également de ne pas repartir seul.
Je ne prends pas la peine de remplir à nouveau ma poche à eau, elle doit être à moitié pleine mais cela suffira. Je continue ma stratégie, qui est de boire très régulièrement, mais la fraîcheur qui et tombée va m’aider à ne pas dépasser mon stock.
Je reprends le chemin, qui va grimper sèchement à travers les cailloux, cela représente presque de l’escalade par moment.
Puis arrive un replat pendant quelques centaines de mètres. Nous apercevons des frontales sur la dernière portion se trouvant droit devant.
Nous passons à proximité d’un lac, dans lequel je peux apercevoir de gros poissons à la lueur de ma frontale. Il y également une lumière de l’autre côté, sans doute des campeurs.
Devant moi se trouve un coureur, devant lui une coureuse qui ouvre la route à un groupe d’une dizaine de coureurs dont je fais parti.
La demoiselle de devant perd totalement confiance en elle durant la montée finale, elle grimpe très bien ces gros cailloux, qui sont parfois très raides et demandent l’utilisation des mains pour s’agripper, mais elle n’en peut plus et a une forte envie d’abandon. Seulement il n’est pas possible d’abandonner ici, il n’y a rien. Le prochain point où cela sera possible, c’est le restaurant de Merlans. Le truc, c’est qu’il ne restera à partir de ce point qu’un petit kilomètre de montée avant de se retrouver face à 13 kilomètres de descente jusqu’à l’arrivée. Il ne fait donc surtout pas abandonner ici, ce serait bien trop dommage !
Nous l‘encourageons avec le coureur de devant, lui disant qu’elle s’est entrainée dur et que ce serait dommage d’abandonner si près du but.
Nous apercevons des lueurs plus fortes que la moyenne un peu plus haut, j’imagine que ce sont les bénévoles se trouvant au sommet du col de Bastanet qui éclairent de la sorte.
Au détour d’un gros caillou, nous arrivons à leur niveau, je suis extrêmement heureux de basculer sur l’autre versant, que je désirais tant depuis quelques heures.
J’ai passé le col à environ 22h30 après 65 kilomètres de course pour un total d’environ 5300 D+ depuis le départ. J’arrive presque au bout.
Le col se trouve à 2500 mètres d’altitude mais il fait plutôt bon malgré l’heure tardive.
L’autre côté ressemble terriblement à ce que nous connaissons. Ça descend, certes, mais il y uniquement de la caillasse. Des cailloux, encore et encore. Je dois sans cesse réfléchir à l’endroit où je vais poser mes pieds, cela est vraiment fatiguant.
Le chemin commence par partir en lacets, mais redevient droit peu à peu.
La pente est raide, j‘essaie de courir de temps à autre mais m’économise un maximum en vue de ma fin de course.
Je sais désormais que je vais arriver au bout, sans aucun doute, cela me comble de joie et rempli mes réserves de pensées positives.
Je n’ai plus ici bien en tête le profil de course, il me semblait qu’il y avait peu de distance entre le col de Bastanet et le restaurant de Merlans, je m’attendais donc à apercevoir ce dernier assez vite.
Or, la trace se transforme en piste assez large pour 2 personnes et je ne vois toujours pas Merlans. J’avance à rythme régulier, passe chaque virage, chaque légère montée, et espère apercevoir par la suite ce fameux restaurant. Il n’en est rien. Je ne perds pas patience pour autant, j’ai eu la journée pour rencontrer ce monde de l’ultra. Dans ce type de course, chaque distance est bien plus grande que d’habitude. Même un petit passage sur le profil de course est en réel une épopée d’au moins une heure. Il faut s’économiser et s’armer de patience, il faut aussi et surtout, dans l’idéal, penser à autre chose et ne pas se focaliser sur les mètres qui passent.
Nous finissons par arriver au niveau de plusieurs bénévoles qui ont fait un feu. Un coureur discute avec eux et reprends la route au moment où je passe. Ce coureur parle beaucoup, il a besoin d’échanger, de raconter sa course. Il nous rappelle assez vite, à mes voisins et à moi, qu’il est sur le 160 kilomètres. C’est un coureur de l’ultra qui est en train d’en finir. En gros, il a 24 heures de course de plus que nous dans les jambes et cette nuit est pour lui la seconde qu’il passe dehors.
Je lui balance une vanne vaseuse sur le fait qu’il est la bourre, faisant référence au grand nombre de dossards rouge croisés dans la journée. Il prend la vanne moyennement bien, les nerfs à fleur de peau. Je lui précise bien entendu que je plaisante et que je le félicite grandement pour son parcours, pour lequel je suis admiratif.
On passe un moment ensemble, je le questionne beaucoup sur sa course et sur les autres qu’il a pu faire. J’ai vu le lendemain qu’il a bouclé son ultra vers 3h du matin, en 46 heures de course. Félicitations.
Je continue ma route et double pas mal de coureurs, je me retrouve alors quasiment seul, sans apercevoir de frontales, ni devant, ni derrière. Étrange sensation que de se retrouver seul en haute montagne au beau milieu de la nuit, éclairé par une simple lampe fonctionnant avec trois pauvres piles.
Je ne vois rien, à part le chemin. Je ne peux pas voir le paysage ni les lacs éventuels, je profite de ce moment hors du temps et oubli mes jambes dont les muscles, bien que sans aucune contracture et courbature, me brûlent légèrement.
Je croise un premier blessé, entouré de monde. Le problème vient clairement de la cheville. Je croiserai plus tard un fille roulée en boule dans sa couverture de survie, entourée de gars de l’orga qui essaieront de la faire marcher pour arriver jusqu’à Merlans. Elle est en pleine déshydratation. Dommage pour elle, si près du but.
J’entrevois une étendue d’eau à ma droite en contrebas. Je comprends alors que l’on rejoint le lac de l’Oule, croisé le matin même à l’aller. Je me souviens à peu près du chemin et sais qu’il ne me reste pas grand chose pour voir Merlans.
C’est chose faite au détour d’un ultime virage, le chemin redescend légèrement et je vois enfin le restaurant, grand bâtiment plein de lumières qui se démarque dans la nuit.
Je cours le lentement mais sûrement, comme promis même après pas loin de 19 heures de course, et arrive sur la terrasse, bien plus vide que le matin, pour pointer 457ème sur 758 coureurs encore en course.
Je pénètre dans le bâtiment, dans lequel se trouve une dizaine de coureurs, dont plus de la moitié sont étalés sur les chaises, en pleine souffrance.
Arrivera plus tard la demoiselle déshydratée, qui sera mise à l’écart et prise en charge par les secours.
Je vais chercher un peu de soupe et de quoi grignoter et m’assois. J’ai les jambes en feu. Aucune douleurs aux tendons ou ligaments, aucune courbature musculaire, mais je sens que les jambes rentrent clairement dans le rouge au moindre effort un peu poussé, la faute peut être à un rythme un peu trop rapide sur la dernière portion. Il me reste peu de chemin à parcourir désormais. Je dois être environ au kilomètre 71 et je ne vais pas ralentir pour autant, si je dois m’user un peu, c’est le moment ou jamais. Si la distance avait été plus longue, peut-être aurai-je conservé un rythme un peu plus tranquille.
Je mange et repars sans trop tarder, à minuit tout rond. Me lever fut une épreuve, je serai volontiers resté dormir ici quelques heures, mais je sens l’excitation de la ligne d’arrivée me titiller.
Je quitte Merlans avec Vielle Aure comme ultime étape, je vais affronter ce qui sera réellement la dernière difficulté du jour, en l’occurrence le col de Portet pour la deuxième fois, et je pourrais voler vers l’arrivée, en restant prudent sur ces 12 ou 13 derniers kilomètres.
Le premier coureur devant moi est relativement loin, et ceux de derrière également. Les jambes paraissent lourdes, mais attaquent cette dernière côte sans le moindre problème. Nous sommes sur une large piste de ski, sans aucune difficulté, la pente n’est pas très raide et je peux apercevoir quelques lueurs de frontales devant moi, et certaines en contresens, des gars de l’orga sans nul doute, qui ont un petit mot d’encouragement lorsque je les croise.
Une voiture descend également cette piste, juste assez praticable pour permettre son passage. Je suis le balisage, qui est fort bien fait d’ailleurs depuis le début de la course, et qui réfléchit parfaitement la lumière pour permettre une évolution nocturne. Je peux d’ailleurs aisément voir les 5 ou 6 prochains balisages tant ils sont efficaces.
Je double un coureur qui est assis sur le côté, et lui demande s’il va bien. Il me répond qu’il a chaud et qu’il s’arrête pour se changer.
Je vois d’étranges masses blanches à ma droite, toutes proches. Je me rends compte en les éclairant que c’est un troupeau de vaches, couchées en ruminant pour passer la nuit. La lueur de la frontale fait briller leurs yeux mais le fort passage de la soirée, totalement inhabituel pour elles, n’a pas l’air de les déranger le moins du monde.
Je pique légèrement à gauche, derrière une butte qui cache le restaurant de Merlans, et commence à apercevoir le haut du col.
J’y arrive sans peine, il y a pas mal de monde ici, sûrement amis ou familles de coureurs attendant leur protégé.
Tout le monde encourage les coureurs à leur passage, c’est une excellente ambiance.
J’ai donc avalé la totalité du dénivelé positif, je ne sens pas vraiment de quelconque douleur dans les muscles ou tendons en attaquant le 73ème kilomètre, j’ai juste les jambes qui chauffent pas mal et de très désagréables picotements sous les pieds, à l’emplacement de mes ampoules XXL.
Je commence à trottiner et ne cours que par saccades tant la pente est raide sur cette première portion. Je suis le fameux fil rouge qui fait office de balisage sur le haut du col de Portet. Ce fil rouge est installé pour montrer le chemin en cas de brouillard, qui peut être extrêmement dense ici, info apprise au briefing d’avant couse hier.
Un coureur me laisse passer, il me dit qu’il aimerait aussi descendre comme un cabri mais qu’il n’y arrive plus. Je le remercie et je trace.
Je croise un autre coureur qui descend en boitant, je lui demande si ça va et il me répond que son genou ne tient plus trop. Je m’assure qu’il se sente bien de terminer les derniers kilomètres, il me répond de manière affirmative et je repars.
Une fois la partie assez raide terminée, je me retrouve sur une portion plus large et plus plate, que je reconnais. Nous sommes en train de contourner la vallée en bas de laquelle se trouve Espiaube, prochain passage. Je marche pendant quelques centaines de mètres car mes pieds me font souffrir. Je me fais alors doubler par 2 coureurs.
Je suis du regard l’un d’entre eux car je sais que nous allons arriver au télésiège de Tortes, lieu de passage ce matin, mais je ne pense pas que nous allons continuer tout droit car le chemin remonte pendant un bon kilomètre et ce n’est pas au programme du parcours retour. Nous devons au contraire piquer à gauche pour descendre dans la vallée au niveau du parking d’Espiaube.
Je guette donc la frontale du gars devant moi et vois effectivement qu’il pique à gauche peu après le télésiège.
Je rejoins ce croisement et fait de même. Nous sommes alors sur une piste de ski assez étroite qui descend en lacets jusqu’au parking. Nous sommes dans la forêt à ce moment-là, ce qui change de décor, même si je ne vois pas forcément ce dernier de nuit.
Je recommence à courir car je me sens bien physiquement, et très peu fatigué malgré le temps de course qui commence à être conséquent. Il doit être pas loin d’une heure du matin, ce qui fait environ 20 heures de course.
Je cours jusqu’à ce que je rejoigne le goudron de la route arrivant à Espiaube. Il y a ici un parking et un télésiège, c’est le départ de la station du Pla d’Adet si j’en crois ce que je vois, mais il n’y a apparemment pas de commerce ni d’habitation ici.
Il y a un gars de l’orga qui indique le chemin. Je vais commencer par courir sur la route avant de bifurquer à gauche vers un chemin. Je cours toujours, je me sens en forme malgré que je sente tout de même les muscles chauffer légèrement.
Le chemin en question arrive sur une autre route sur laquelle j’aperçois un croisement où deux routes partent chacune vers une des deux stations principales de Saint Lary.
Je rattrape peu à peu les 2 coureurs qui m‘ont dépassé précédemment et fini par les doubler. Le chemin descend en pente douce mais je ne vois toujours pas le bout de cette vallée, et n’aperçois aucune lumière dans le fond, ce qui marquerai l’arrivée prochaine sur le village d’arrivée.
Je n’ai plus de montre et donc aucune notion de kilométrage à ce moment-là, je n’ai aucune idée de la distance que j’ai parcouru depuis le col de Portet, d’autant plus que la montagne et l’heure tardive faussent considérablement mon ressenti. Je pense qu’il doit rester 5 kilomètres au maximum. Je ne me trompe pas de beaucoup.
Je reçois un message de ma femme, elle rentre de chez sa sœur et je décide de l’appeler de suite. Je cours tout en lui parlant, ça lui fait plaisir et à moi aussi.
Je bifurque finalement dans un chemin qui semble descendre plus sérieusement dans la vallée, nous sommes sur une piste assez étroite qui traverse une forêt. Je double énormément de coureurs sur cette portion, la plupart sont en train de marcher et on échange un petit mot avec certain d’entre eux.
Je fini par reconnaitre un bâtiment sur ma gauche, la fameuse Grange de Lias que nous avons vu en montant. Je comprends que nous avons rejoint le chemin pris à l’aller.
On arrive finalement sur un chemin à partir duquel j’aperçois enfin les lumières dans la vallée. Il reste encore pas mal de D- mais le fait de voir mon objectif me remonte le moral.
Ce chemin rejoint de temps en temps une route, et je me demande à ce moment-là si la portion finale sera la même qu’à l’aller, c’est à dire passage par Vignec pour rejoindre Vielle Aure par la route, ou si nous allons arriver directement à Vielle Aure. J’espère la deuxième solution, car je n’ai pas du tout envie de me retrouver sur 2 kilomètres de route uniquement sur du plat, car je sais que je me forcerai à courir au plus vite ce qui va me faire arriver dans le rouge totalement. Mais c’est le jeu !
Je descends en zig zag dans la vallée, mais je ne vois absolument pas celle-ci se rapprocher. Je sais que je descends, mais je ne le ressens pas en regardant plus bas. C’est très agaçant, mais c’est le contrecoup de toute la course qui me rend si impatient.
Je garde mon calme et double encore une grande quantité de coureurs. Je cours depuis 4 ou 5 kilomètres sans discontinuer et m’étonne grandement des capacités de mon corps.
Je me dis que ma gestion de course millimétrée me fait arriver en bon état à l’arrivée, et me permet même de courir sans gêne. C’est absolument royal. Et le fait de voir tout le monde marcher me réjouis encore plus.
Sans ces ampoules, cela aurait vraiment été impeccable.
Après avoir alterné plusieurs fois chemins et asphalte, je vois des lumières au bout du chemin sur lequel je me trouve. J’y arrive, je rejoins enfin un village. Je double un coureur qui marche et lui demande si nous arrivons à Vignec ou à Vielle Aure. Il me répond que c’est Vignec, et que nous allons faire le même chemin que le matin.
Je le remercie et continue.
Je double encore trois personnes qui terminent ensemble en marchant, tourne à droite et de suite à gauche sur une route traversant un champs, sur laquelle une pancarte indique « arrivée à 1000 mètres ».
Ca y est, j’y suis…
J’accélère un peu, mais reste dans mes cordes tout de même. Je dois faire un gros 11 km/h, pas plus. Je me concentre sur ma foulée et continue la tête haute, le regard en direction de l’église de Vielle Aure, que je suis tellement heureux de voir.
J’entends le bruit d’un train derrière moi. Je me décale et me fait doubler avec étonnement par un gars courant à toute allure. C’est un des gars qui m’avait doublé avant Espiaube, et que j’avais rattrapé par la suite. Il se donne à fond pour terminer, c’est génial.
Juste avant l’arrivée au village, je sens des pas derrière moi, je me fait doubler par le gars qui m’avait renseigné sur les villages traversés juste à l’entrée de Vignec. Il me félicite de me donner à fond malgré une épreuve aussi longue. Je fais de même.
Il y a beaucoup de monde à Vielle Aure. Une pancarte indique « arrivée à 200 mètres ». Je tourne à gauche dans une petite rue et entends la voix du speaker avant d’apercevoir la ligne d’arrivée.
Je cours vers cette arche que je béni depuis plus de 21 heures, j’aperçois mon père juste devant elle qui me voit arriver avec fierté, je lui fais une tape sur l’épaule et continue mon effort sur le tapis rouge d’arrivée jusqu’au poste de pointage.
Je boucle cette épreuve astronomique en 21h08mn, je termine finalement 425ème sur 737 coureurs qui ont passé la ligne d’arrivée.
84 kilomètres parcourus pour 5500 mètres de dénivelé. Je n’en reviens pas.
Il y avait initialement 1494 coureurs inscrits, 1194 ont pris le départ et seulement 737 ont passé la ligne. Cela fait 38 % d’abandons, c’est énorme ! Plus de un coureur sur trois a jeté l’éponge !
De mon côté, j’ai rempli mon contrat premier qui était de terminer, et j’ai fini la course à une place que je trouve excellente, tout cela en très bon état, je suis absolument ravi !
Je pique à droite derrière la barrière pour retrouver mon père, qui a eu lui aussi une longue journée de voiture sans dormir, juste pour me voir quelques minutes de temps à autre, avant qu’une sympathique dame de l’orga vienne me chercher pour me remettre mon T-shirt et ma médaille de finisher. Merci à elle, je n’aurai pas eu mon précieux sésame sans cela, la récompense ultime pour avoir bouclé cette aventure.
De plus, le T-shirt est vachement sympa, très bien fini. Je le mettrai souvent et avec grande fierté.
J’ai le sourire aux lèvres et sens mes jambes flancher, le contrecoup de la fin de course, le relâchement.
Je file sur la place et m’assois en plein milieu. Mon père me demande se je veux ma bière. J’acquiesce sans hésitation. Il me la ramène et je la bois avec un plaisir non dissimulé.
J’échange brièvement avec mon père en regardant les autres coureurs arriver. Je suis aux anges, je suis sur un nuage.
Je plie mes bâtons et demande à rentrer sans tarder car je commence à prendre un méchant coup de froid. Je suis trempe de sueur et commence à trembler, c’est à la fois la température nocturne du lieu et la réaction de mon corps à la fin de l’effort qui provoque cela.
On revient au camping, je prends mes affaires et arrive à la douche. J’y resterai une bonne demi-heure, impossible d’en sortir. Je découvre l’état de mes pieds. J’ai effectivement une sorte d’ampoule géante sous chaque pied, un décollement de la peau sur la plante du pied d’environ 5 ou 6 centimètres de long sur 2 ou 3 de large.
Je rejoins la tente, range en vrac les quelques affaires que je ramène de la douche et file sous la tente.
Comme souvent après une course, j’ai du mal à dormir. Je me sens fiévreux et ai tantôt très chaud, tantôt très froid, je ne sais pas comment mettre mes jambes qui me lancent régulièrement de fortes douleurs, je me tourne et me retourne sans fermer l’œil.
Je fini par m’endormir.
Je me lève vers 9h30 et bois un bon café. Mes jambes vont plutôt bien. Les muscles répondent bien, même si l’effort est un peu délicat, mais je n’ai aucune tendinite ni déchirure apparemment, ce qui est un bon point. Mon petit déjeuner sera la pizza quatre saisons que mon père m’avait prévu pour ma fin de course, mais que je n’ai pas mangé par manque de faim. J’échange avec plaisir avec mes voisines de tente, venues de Vendée pour faire le tour des Cirques, 120 kilomètres, elles l’ont bouclé et l’ont trouvé superbe.
On range et on rentre tranquillement à la maison.
Pour moi, ce sera maintenant deux semaines complètes de vacances dans les Gorges du Tarn, aucune séance de course à pied n'y sera planifiée, juste quelques sorties à vélo avec ma fille à l’arrière pour faire du tourisme.
La première semaine d'après-course verra mes jambes récupérer en trois jours à peine, avec comme seules douleurs importantes une sorte d’élongation aux deux gros orteils, résultat du D- ans aucun doute, et ces fameuses grosses ampoules à soigner. Rien de grave.
Durant la course, on se dit souvent que c’est la dernière fois, que l’on ne comprends pas pourquoi on se lance dans un truc pareil, et que l’on va terminer gentiment cet objectif avant de faire comme tout coureur normal, c’est-à-dire quelques sorties tranquilles par semaine.
C'est d'ailleurs le genre de remarques que nous font les non pratiquants, qui ne comprennent pas pourquoi on se lance dans des épreuves aussi difficiles en sachant très bien que l'on va durement souffrir des heures durant.
En pratique, dès le lendemain de la course, on se demande quand est-ce qu’on remet ça, et si on tenterai pas plus long et plus dur.
Ce sont bien entendu les pensées qui me viennent dès le lendemain de la course...
Complètement barge.
Je suis absolument ravi, préparer un objectif aussi long m’a généré des périodes de doutes, je n’avais pas toujours envie de sortir m'entraîner le matin très tôt quand le réveil sonnait, mais j’étais tiré du lit par une motivation très importante.
Maintenant, j’ai participé à mon objectif et je l’ai atteint. C’est merveilleux.
J’ai un autre défi de taille à mon calendrier, la Saintélyon en décembre. En soit, la course est moins compliquée, « à peine » 72 kilomètres pour 1700 mètres de dénivelé positif, mais elle est nocturne, se déroule en hiver et est presque « trop » plate pour moi.
En effet, je déteste courir longtemps. Courir de longues distances sur du bitume plat est une chose que je trouve atroce. Sur la Saintélyon, il va falloir courir beaucoup plus, et cela risque de provoquer des douleurs qui vont gâcher mon plaisir.
Mais je connais un secret : gestion de course, quand tu nous tiens.
Maintenant que j’ai gouté à l’ultra, je vais avoir du mal à ne pas y revenir. Je planifierai quelque chose l’année prochaine, sans aucun doute, même si l’arrivée de mon deuxième enfant compliquera quelque peu mon planning d'entraînement, du moins durant la première année.
Je remercie encore de tout cœur mon père, qui m’a accompagné sans hésitation dans ce long parcours, quitte à m’attendre des heures.
Bon, quand j’ai vu les photos qu’il a partagées, je me rends compte qu’il ne s’est pas laissé abattre. Une bière ici, un Ricard là…
6 commentaires
Commentaire de Miche posté le 12-09-2016 à 15:07:20
Merci pour ce long récit et cette chouette vidéo. Bien content que tu aies fait ton premier 80 km sur le GRP !
Bonne chance pour la Sainté Lyon, ce fut mon premier "plus que marathon" et peut-être à l'année prochaine
Commentaire de Pastisomaitre posté le 12-09-2016 à 22:32:26
Merci Miche.
C'était une superbe course ce Grp, la Saintelyon sera différente cela ressemblera plus au Forest trail que je fais chaque année. .
Commentaire de loulou2012 posté le 03-11-2016 à 14:04:07
bravo felicitations pour ton Raid sublime !!!!! Ca laisse reveur a tous points de vues effort paysage ambiance !!! j espere bien faire ce raid un jour qu elle plan d entrainement as tu suivi? l as tu sauvegarder? Puis je te l emprunter?
Commentaire de Pastisomaitre posté le 06-11-2016 à 18:13:07
salut loulou!
Je te conseille fortement ce magistral Grp, très difficile mais tellement beau.
Pour répondre à ta question, je n'ai pas de plan à te proposer... Je n'aime pas vraiment suivre de plan strict et adapte ma prépa à l'approche des objectifs et selon la difficultés de ces derniers. Par exemple, les semaines avant le GRP (8 dernieres environ) je faisait environ 8 ou 9 séances par semaines, comprenant 1 sortie dénivelé (10kms pour 800 d+ et 800 d-), 1 sortie longue en côte (30 kms) 1 ou 2 sorties complémentaires de 15 à 20 kms et le reste en sorties de recup de 5 kms environ. Je complétais cela avec un peu de vélo de temps à autres. 80 kms de cap par semaine grosso modo.
La je prépare la Saintelyon, je fait environ pareil en travaillant un peu moins le D+. Je sais que je fais pas assez de VMA mais j'estime que c'est moins important sur l'ultra car cette discipline demande mental et endurance et pas vitesse. C'est mon avis bien sûr.
En guise de VMA je pousse certaines sorties courtes de recup à pleine vitesse sur la fin pour dégourdir les cannes (+ de 15kmh)
J'oubliais que la quasi totalité de mon entrainement se fait avec chaussures minimalistes (Vff) cette technique est pleinement mon école que je défends becs et ongle!! On ressens tout au centuple et le corp nous en remercie.
Commentaire de loulou2012 posté le 06-11-2016 à 20:02:26
merci pastis , suis en altra superior donc on doit parler la meme chose je pense!mais je n en suis pas encore la (80km) je vais m attaquer deja a des 50km merci pour tes infos que je garde dans un coin tout de meme et encore bravo pour avoir fini et ton magnifique recit que tu nous as fais partager ! moi j ai fini aussi sur les rotules lolllllll bonne continuation
Commentaire de Pastisomaitre posté le 07-11-2016 à 05:00:35
Si je puis me permettre, il y une course que j'apprécie particulièrement, le Black Mountain trail, en mars dans la montagne nire. Ça fait 55 kms et c'est top en tout point de vue. je te la conseille vivement.
A bientôt
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