Récit de la course : Raid des 2 Hôtels 2016, par jujunw

L'auteur : jujunw

La course : Raid des 2 Hôtels

Date : 23/7/2016

Lieu : saint claude (Guadeloupe)

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Distance : 88km

Matos : Salomon XT6 Softground
T shirt WAA
Sac Salomon 3L

Objectif : Terminer

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Mon premier ultra trail!

6H du matin, samedi 23 juillet 2016 : Sur la terrasse de la maison de Vieux Habitants, je regarde les montagnes, il fait frais, les sommets sont sous des nuages légers… je me sens bien, je pense à plein de choses : aux entrainements, à ces dernières semaines en métropole avec Elsa et Joshua… A mon Jojo qui doit attendre devant son écran que la puce GPS s’active et suivre son papa à 8000km de là…

Elsa s’occupe de tout, mes affaires sont prêtes, je lui ai fait un plan détaillé des ravitos, de ce dont j’aurai besoin. Elle est presque plus stressée que moi. Elle court aussi et sait à quel point cette course est importante pour moi. 2 ans que je l’attends, je n’ai pas pu m’aligner au départ l’an dernier car je me suis cassé la cheville 1 mois avant la course… 1 an de frustration, de préparation avec cette course en tête : mon premier Ultra : le R2H de la Transkarukéra 90 km /5000 D+ en Guadeloupe.

 

7h50 : Sur la ligne de départ, nous sommes 15. On nous a remis les puces GPS, j’en connais quelques un avec qui on fait le challenge des trails pendant l’année.  Dernier bisous, top départ, je me rends pas compte. Casquette, lunette, je me mets dans ma bulle pour ne pas perdre d’énergie. Je veux aller au bout.

Départ/Grivelière : 6 km D+ 320m : 42’

6 premiers km sur la route, on quitte rapidement la ville pour monter vers le site de la Grivelière par la vallée  qui longe la grande rivière.  On peut trottiner, certains passages sont très pentus, je dois être dans les 10 tranquilou, la route est longue et je ne joue pas le classement. On se croise avec Julien Mallaurie, qui se lâche dans les légères descentes et que je repasse dans les montées. Elsa est là, je recharge juste en eau et je continue…

Grivelière/Mamelles : depuis le départ : 21,5 km D+ 1828m : 5h23’

On attaque les choses sérieuses : faux plats montants jusqu’au passage de Grande Rivière où des agents du Parc national nous surveillent sur le passage. La rivière est rapide avec la pluie, une corde est installée : presque de l’autre coté, 3 concurrents ayant apparemment peu l’habitude des passages des rivières. Je me lance, 20 secondes après, je suis de l’autre coté… facile ! Les 3 autres ne m’ont pas attendus, je reste dans mon rythme, c’est l’énergie gaspillée sur cette partie qui pourra être fatale sur la fin du parcours. On longe la rivière sur des roches, bambous et de la boue. On ne peut  pas vraiment courir et la concentration est de mise. 2km après, je rattrape la féminine de Guyane qui s’était arrêtée pour un arrêt technique. Je la passe et continue sur mon rythme. Elle ne suit pas pour le moment.  Première montée droit dans la pente pour rejoindre la trace des crêtes, c’est humide, raide mais tranquillement on y arrive. Après ça continue à monter jusqu’au refuge des 3 crêtes (d’abords sur une corniche où il ne faut pas se rater, puis dans la forêt d’altitude ou les racines sont reines).

Au refuge, il y a quelques membres de l’association des randonneurs de Guadeloupe qui font un check dossard et qui sont là pour la sécurité (les premiers signes de vie sont à plus de 2hs de chaque cotés !). Ca fait plaisir ! De là on attaque une partie ardue jusqu’au Piton Bouillante (2 km en 2h !!), il faut se plier en 4 pour passer, littéralement escalader pour arriver au sommet. La végétation est dense, la boue est omniprésente, quelques trouées dans les arbres nous laissent entrevoir un paysage sublime.

La trace de Piton Bouillante jusqu’aux mamelles paraissait facile, 6km avec 1000m de descente… mais seulement la boue jusqu’au mollet, collante, est usante. On gaspille de l’énergie à chercher où l’on peut passer, on n’avance pas, pour le moral c’est dur. Heureusement Laurent et Nico me rejoignent à 3 km du ravito pour faire une partie avec moi. Ça fait du bien, mais malgré ça, les 2 derniers kilomètres, je marque le coup physiquement. Je ne dis rien mais j’en ai déjà marre. Si c’est comme ça jusqu’au bout, on n’a pas fini.

On arrive au ravito, ma femme est là et ça fait du bien : 8’ d’arrêt, recharge des gourdes, un peu de glaçons sur la nuque, du saumon, coca, tuc et c’est reparti. Je ne veux perdre de temps car je veux m’arrêter 1 h au prochain ravito qui est une base de vie.

Mamelles/Pointe Noire : depuis le départ : 34,8 km D+ 2400m : 8h40’

Le début de la trace est assez plat mais toujours aussi boueux, puis ça s’assèche en fonction du versant de la montagne, c’est déjà ça. La partie vers Morne Piment est longue, très technique et vallonnée… je ne perds pas mon moral, je me concentre et avance. En haut de Morne Piment, soulagement, il reste 3 kms de descentes jusqu’au ravito dont 2 sur la route… oui mais voilà, la route est tellement pentu que les cuisses souffrent. Impossible de courir ou trottiner. De plus, le soleil tape maintenant, il fait chaud. L’arrivée au ravito est une délivrance.

J’y retrouve Elsa qui a tout préparé. Je me déshabille et négocie une douche à la piscine municipale juste à coté. Je reviens, mange un peu et m’allonge pour essayer de me détendre 20 minutes. Je ne dors pas. J’entends les concurrents arriver et repartir aussi sec. Je perds  quelques places et doit être 9ème quand je repars. Massage des mollets à l’Arnican par la chewie… on se rhabille pour attaquer le dernier gros morceau de dénivelé jusqu’à Sofaïa.

Pointe Noire/ Beausoleil : 42.6 km D+ 3002m : 11h37’

500m de plat dans Pointe Noire pour se remettre en jambes, et puis on tourne à droite pour la montée de Varin… Longue montée en béton, impossible pour moi de courir, même en fractionnant (d’ailleurs est ce qu’il y en a qui la monte en courant ???), donc main sur le genou et on avance. Pas par pas… c’est long mais je me dis que c’est toujours moins long que la même chose dans la forêt.  On rejoint des maisons, un couple a sorti son tuyau exprès pour les coureurs ! Je ne peux que leur faire honneur (et puis ça fait du bien !), on croise les habitants du quartier qui commence à sortir un peu pour prendre la fraiche, ils nous encouragent, ça donne du moral. J’en peux plus, j’ai les jambes qui tremblent,  j’envisage l’abandon, d’autant que je sais ce qui m’attend encore…Puis au bout de la route, le ravito de Trou Caverne. Une petite tente, les dames qui s’occupent des coureurs et ces messieurs qui jouent au Domino de l’autre coté de la rue. Ca fait ambiance bal de village, je serais bien resté plus longtemps.

La nuit est tombée, je sors la frontale dans les premiers mètres, ça monte encore un peu au milieu des criquets, c’est sec, ça fait plaisir. Je suis au début de la trace de Belle Hôtesse.  Bascule à gauche et descente dans la forêt, technique, roches, plantes mais ça trottine. Cette sensation d’avancer fait du bien. Au bout d’un moment, on sort à l’arrière d’une maison, je retrouve un des concurrents de ma course qui s’asperge au tuyau. Je l’imite et on redescend ensemble jusqu’au ravito de Beausoleil quelques mètres plus bas.

Au ravito, je recharge assez rapidement, les concurrents du 65 km doivent venir de partir de Pointe Noire, je devrais rapidement être dépassé. Elsa m’accompagne un peu après le ravito. Elle me remonte le moral (comme je lui ai dit que voulais arrêter), m’encourage et me donne le bisou de la force.

Beausoleil / Sofaïa : 55,6 km D+ 4266m : 16h09’

La montée de Beausoleil : 500m de D+ sur 1.2 km après un marathon dans les pattes… j’y vais au mental, pas par pas, en me disant que chaque pas me rapproche du haut et que de toute façon, elle n’est pas infinie cette montée ! Je vais mieux quand même, les mots de ma femme m’ont clairement redonné l’envie, en plus c’est sec.  Au milieu de la montée, je rattrape Marie Noëlle, une traileuse extraordinaire avec beaucoup de générosité, qui fait ses courses et ses projets comme on devrait tous le faire (parce qu’on en a envie !).  Je la dépasse et je continue mon bonhomme de chemin. A mon tour je me fais doubler par un avion de chasse qui n’est autre que le premier du 65 km. Je m’attends à voir un train débouler mais non rien… seul au monde cet athlète ! J’arrive au panneau « Bêtes rouges », on tourne et après un petit aller-retour pour cause de doute sur le parcours, je me remets en état de course…  J’en profite ça descend. Grosse descente avant l’arrivée près d’une rivière qui fait le plus grand bien aux jambes. Le second du 65 km me double (20 min après le premier !).  On longe la rivière, on coupe un peu dans la forêt, on relonge une rivière puis encore de la forêt pendant une petite partie roulante sympathique et on arrive au dernier passage de rivière de cette partie. La nuit claire et les reflets de la lune permettent d’apercevoir une jolie cascade, malheureusement nous bifurquons droit dans la pente pour ce qui sera mon  second calvaire de la journée pour rejoindre le Morne Mazeau.  C’est sympa d’avoir mis des cordes pour monter mais quand tu n’as plus de bras, et bien tu te mets à 4 pattes et tu avances, centimètres par centimètres avec ton cœur qui va sortir de ta poitrine tellement tu as chaud et que tu es dans le rouge.  Quand la pente s’améliore, c’est la végétation qui prend le relais, escalader, s’abaisser ou se hisser ? ….marre marre et je ne peux pas m’arrêter, je suis au milieu de nulle part. Devant ou derrière, il y a du dénivelé pour rencontrer un humain ! Une féminine me dépasse, la 3ème du 65 km… je ne peux pas suivre.  Quand j’arrive sur cette route, ce petit bout de béton, je m’allonge 2 minutes dessus pour retrouver mes esprits… me relève, repart en montée jusqu’à Mazeau.  Le peloton du 65 km commence à arriver, il y a du monde à Mazeau, je récupère un peu d’eau et file vite pour rejoindre Sofaïa. Je suis content car je sais que j’ai fait 80% du D+ à cet instant. Ca me redonne un coup de peps et je repasse la seconde. J’arrive à pas mal dérouler sur cette portion, je rattrape 3 concurrents du 90 km, le 4 ème du 136 km (Moïse) avec qui on papote 5 minutes (il a mal au ventre mais il veut finir pour tous ceux qui l’ont suivi même si c’est la première place qu’il visait. Ca c’est le vrai esprit trail !). Arrive la longue, très longue descente vers Sofaïa. Il vaut mieux être concentré. J’avais noté en repérage, « Dernier km casse gueule, vigilant +++ », je me le suis répété 3 fois dans la descente : «  attention au dernier km »… et ben oui… je suis quand même tombé 2 fois sur les fesses avec bonne frayeur d’élongation.  L’arrivée au ravito est un soulagement. Je décide de m’arrêter 1 heure, de me changer, d’essayer de manger et de dormir un peu… je fais presque tout mais des douleurs gastriques viennent me déranger.  Elsa s’occupe de tout.

Sofaïa / Severin : 62,1 km D+ 4486m : 18h25’

Je repars en suivant Fritz et Jean Paul qui sont sur le 65 km. J’arrive à les suivre à distance jusqu’au passage de la rivière. Puis c’est la dernière montée en forêt, jusqu’à la bifurcation de Choisy, 1km que je connais par cœur, il n’empêche que je me fais déposer par mes compagnons dans cette montée. Je l’imaginais tellement difficile cette dernière que lorsque j’arrive au croisement avant la descente, je suis surpris de la relative facilité avec laquelle je l’ai montée. Je suis heureux d’avoir tenu jusque là, le plus difficile est officiellement derrière moi… Je déroule dans la descente jusqu’au ravito, dans la partie forêt, je rattrape Fritz et Jean Paul mais dès que la route reviens, je suis de nouveau seul… je n’aime pas la route… C’est un gros point d’amélioration pour moi : tenir une bonne distance sur de la route en courant sans perdre le moral !! Arrêt rapide au ravito et je repars avec l’envie de finir.

Severin / Crâne Lamentin : 69 km D+ 4580m : 19h45’

Je sais que cette partie jusqu’à l’arrivée est la plus « facile » dans le sens où c’est de la route, du chemin roulant, pas trop de dénivelé… mais il reste quand même 30 km et le roulant longtemps n’est vraiment pas mon fort donc va falloir utiliser le mental.  La descente jusqu’à l’ancienne usine se fait en ville, désertique à cette heure de la nuit. Le chemin qui longe le grillage a été superbement bien dégagé (Transka a vraiment fait un bon boulot), puis le pont, champs de cannes, on arrive dans le Lamentin et là surprise, une collègue de boulot qui suivait sur le live m’attendait devant chez elle à 3h du matin pour m’encourager !!!  Ça fait plaisir. D’autant plus que j’arrive dans la lonnnnnngue ligne droite sur route qui rentre vers le centre du Lamentin jusqu’au ravito. Je trottine toujours et arrive à maintenir un bon 7.5 km/h.  Ravito de centre ville avec ma chérie toujours présente même si elle commence à avoir des petits yeux. Je ne tarde pas, je commence à en avoir marre. J’essaye de faire des calculs dans ma tête pour estimer mon heure d’arriver mais je ne trouve jamais le même résultat dès que je recalcule !!  

Lamentin/Birmingham : 77,7 km D+ 4800m : 21h29’

La fatigue est bien présente, je suis seul au milieu de la nuit sur cette route qui sort du Lamentin, Je parle tout seul, j’imagine des spectateurs qui m’encourage, des bénévoles qui m’indique la route, ça fait passer le temps. Dernière surprise de l’organisation, un passage dans la mangrove, court mais intense qui a le mérite de me permettre de me reconcentrer quelques instants. Sortie de cette mangrove, il reste un peu de champs de cannes avant d’entrer dans Baie Mahault… je commence à avoir la jambe gauche qui tire, j’alterne trot et marche, tout les 100m environ… c’est vraiment long. Juste avant d’entrer dans la ville, je change ma frontale qui vient de me lâcher et je retrouve Fritz et Jean Paul. Ils ont l’air bien et ils gèrent bien leur fin de course. Je m’accroche avec eux jusqu’au ravito de Birmingham en alternant marche et trot et en discutant ce qui fait passer le temps un peu plus vite. Petit moment d’extase en longeant le port de Baie Mahault au lever du jour… c’est vraiment magnifique le grands Cul de sac marin, mer d’huile, couleur rosée du ciel qui se reflète… on se croirait dans un rêve. J’arrive au dernier ravito… Laurent s’est levé pour venir m’encourager sur la fin. Elsa est toujours là, je la sens fatiguée mais je vois dans ses yeux qu’elle est fière de moi…  Gérard me remet mon dossard définitif. Je ne tarde pas, il est 5h30 et j’ai un objectif de moins de 24hs (arriver avant 8h donc) à réaliser.

Birmingham/Stade des Abymes (arrivé) : 88km D+ 5040m : 23h22’

Elsa et Laurent m’accompagnent jusqu’au pont de la rivière salée, je n’arrive plus à courir, ni à trottiner. Ma jambe gauche refuse d’avancer alors que celle de droite est en pleine forme. Je ne comprends pas pourquoi, j’essaye d’autres façons de courir, elle ne veut pas, ne peut pas. Je mets ça sur le compte de la fatigue. Le passage de la rivière en canoë est rapide, atypique.  Il reste 5 km, le jour est bien levé, la chaleur commence à arriver. Il n’y a plus que la marche rapide qui fonctionne, je traine ma jambe comme un boulet… je plafonne à 4 km/h alors que je sais que j’ai du jus… c’est une fin frustrante. Dernière partie route, faux plats montant de 500m pour arriver au stade. J’entre dans l’arène… Quelques enfants qui doivent attendre leurs coureurs m’applaudissent, je passe la ligne en 23h22. Je l’ai fait, mon premier ultra trail en réalisant mon objectif de moins de 24hs.

 

La suite : Journée difficile au niveau musculaire, frustré de cette jambe récalcitrante sans laquelle j’aurais pu faire mieux encore mais au moment des récompenses le soir, revoir les autres coureurs, je réalise vraiment et je suis heureux.  La douleur ne passant pas et étant incapable de courir 400m 15 jours après la course, je décide d’aller voir un professionnel de la santé qui me diagnostic une tendinite du Fascia Lata (TFL)… Protocole en place, 1 mois et 10 jours après la course, j’ai eu le droit de faire 10 km sur du plat…. Mais ce n’est pas grave, le 136 km de la Transkarukéra  n’est qu’au mois de juin 2017 et je ferai tout pour être prêt !

Merci à ma femme, Elsa qui a fait une ultra assistance, tout était parfait ! Merci à Nico et Laurent d’être passé sur le terrain pour m’encourager. Merci à tous ceux qui m’ont envoyés des messages. Merci à ceux qui ne le savent pas mais sur qui je prends exemple. Merci aux bénévoles qui ont tous été exceptionnels sur les ravitos (quelle que soit l’heure du jour ou de la nuit) Et Merci à Transka et à son président Gérard d’organiser cette course extraordinaire sur notre superbe île. 

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