L'auteur : CharlyBeGood
La course : Verdon Canyon Xtrem - 62 km
Date : 13/6/2015
Lieu : Moustiers Ste Marie (Alpes-de-Haute-Provence)
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Distance : 62km
Objectif : Pas d'objectif
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Verdon Canyon Xtrem – 83 km
Mon impressario me l’a souvent répété : il faut parfois casser son image. Alors, après quelques récits de courses réussies, le moment est venu de suivre ses conseils avec l’épopée du Verdon Canyon Xtrem…
Un an après, je retrouve cette belle région des Gorges du Verdon et les organisateurs passionnés de ce trail avec un sentiment de revanche à prendre : lors de la dernière édition, j’avais eu comme Astérix l’impression que le ciel me tombait sur la tête par le truchement d’un orage puissant agrémenté d’éclairs qui zébraient les crêtes avant d’envoyer des glaçons qui n’auraient demandé qu’un verre de whisky pour se rendre plus utiles qu’à me caramboler la tête… Additionné à une impossibilité de m’alimenter et m’hydrater depuis 7-8 heures, j’avais préféré rallier l’arrivée dans un petit bus confortable plutôt que partir affronter le dernier tiers de la course trempé comme une soupe à l’extérieur, mais quasiment lyophilisé à l’intérieur.
Mais au Verdon, rien ne se passe jamais comme prévu ! Cette année, le département est en alerte orange pour cause… d’orages, of course ! On nous annonce, au retrait des dossards, que le parcours doit être modifié pour des raisons de sécurité et que toutes les arrêtes et sommets sont évités en restant un peu plus bas. Le kilométrage est réduit de 83 à 63km et le dénivelé baisse à quelques 3500 mètres. Bref, cela va être roulant, beaucoup de portions de course, ce qui est loin d’être mon point fort sur des longues distances… Dans notre malheur, nous aurons quand même de la chance puisque si l’alerte météo avait viré au rouge, la course était purement et simplement annulée !
Au réveil, à 4h du mat, bonne surprise : le ciel est splendide, étoilé. Orion et la Grande Ourse ornent la voûte céleste, la lune va bientôt pâlir face à l’aube naissante pour faire place à une belle journée ensoleillée. Le matériel est prêt, je grignotte un peu de viande séchée, des noix et des fruits puis je pars avec mon matos sur la ligne de départ. La veste pluie servira peut-être moins que prévu dans la journée, mais elle aura au moins eu le mérite de me tenir chaud en attendant le lâcher des fauves, surtout qu’il interviendra quelques 30 minutes plus tard que prévu en raison de la nécessité de refaire le balisage à certains endroits malmenés par la pluie de ces derniers jours.
Je me retrouve par hasard dans la première partie du peloton au départ. Cela voltige dans tous les sens et, pour ma part, je reste le regard rivé sur ma montre afin de ne pas me faire embarquer par l’euphorie des autres concurrents. Je me tiens à un 11 km/h, surtout que sur les 16 premiers kilomètres, 12 à 13 vont être à ce rythme… Long, très long pour moi …
La première portion n’est pas la plus intéressante puisqu’elle sert avant tout à nous permettre de rejoindre les Gorges. Quelques jolis points de vue sur le lac de Sainte-Croix et des coups d’œil aux sommets environnants qui s’ornent de corolles d’or par la grâce des rayons du soleil naissant. Comme de coutume, j’ai l’insigne honneur de tout connaître de l’un de mes concurrents qui explique en long, large, travers et parfaite immodestie à un homologue en pamoison comment finir « fingers in the nose » la Diagonale des fous, Ultra particulièrement difficile de 170 km aux sentiers dévastés. Heureusement que nous ne sommes pas encore sur la partie sauvage du trail, je n’aurais pas supporté d’avoir à subir cette litanie durant une heure dans un lieu où mon plaisir est de profiter des bruits de la nature… ou du silence !
Le ravito d’Aiguines arrive après un peu moins de deux heures. Catastrophe ! Je suis dans les 50 premiers (sur env. 200), soit, d’expérience, infiniment trop vite ! Un peu de coca, deux morceaux de jambon, des quartiers d’orange et je repars pour la suite de l’ascension entamée en quittant le lac. Elle sera tronquée, comme prévu lors du briefing, malgré que nous peinions à imaginer des orages sous le chaud soleil qui commence déjà à me faire suer. Nous allons effectivement assez rapidement basculer dans la descente pour rejoindre la départementale qui surplombe les Gorges. Effet collatéral du changement de parcours, nous devons cheminer près de 3 km en montée sur ce bitume qui me déplait tant… Pour quitter la route, surprise du chef : il faut escalader un petit mur pour rejoindre le maquis (oui oui, le vrai, où on peine à voir un sentier et où mes cuisses et mollets garderont les stigmates des épines et branchages qu’ils auront rencontrés furtivement…) ! Heureusement, nous quittons rapidement le décor d’Astérix en Corse (oui, je suis fan d’Astérix…) pour trouver un chemin plus traditionnel, en sous-bois, puis une route forestière où, encore et toujours, il faut assurer un bon rythme de course.
Plus de trois heures se sont écoulées au moment d’entamer la descente dans les Gorges, par le sentier des Cavaliers, abrupte, glissant, rocheux, boueux, bref, un vrai parcours de trail ! En bas, c’est la Gorge, les vues étonnantes sur les falaises majestueuses et colorées, le passage sur la passerelle qui enjambe les flots tumultueux et froids du Verdon, la remontée sur l’autre rive. C’est aussi le magnifique coup de barre pour moi… Plus d’essence dans le moteur, d’énergie dans la batterie, de connection entre la tête et les jambes… La suite va être longue…
La remontée jusqu’au ravitaillement de la Maline va se faire au rythme du touriste belge qui constate que tous les pays ne sont pas plats… J’arrête de compter les coureurs qui me passent pour me concentrer sur un acte qui en général est trivial mais qui en l’occurrence s’apparente à un exploit : mettre un pied devant l’autre à un rythme relativement constant ET rapide ! J’échoue largement sur le second (même si en définitive je n’ai mis pour la remontée que la moitié du temps indiqué sur un panneau au bas de la gorge).
J’arrive au Chalet de la Maline plein d’espoir : une petite soupe, un plat de pâtes et tout va repartir comme en 14 ! Théorie ! En réalité, la soupe de légumes est froide et, contrairement à l’an passé, pas de super petite coupe de pennes… La dèche ! Je tente le salami-jambon-fromage, coca, eau gazeuse. J’ai le plaisir de voir passer les premiers du trail « moyenne distance » qui, eux, n’ont pas vraiment le temps de s’attarder. Bon, je ne vais pas non plus passer la journée au ravito, il faut bien repartir après 15 minutes de pause.
Le moins que je puisse dire, c’est que cela ne s’améliore pas vraiment. Toujours pas d’énergie, pas de relance, montée à la vitesse de la chenille asmathique : je ne suis pas près de revoir Moustiers… La chaleur commence à être étouffante, d’autant plus lorsqu’il faut à nouveau monter 3-4 km de départementale (mais de l’autre côté de la gorge, cela change tout !). A défaut de pouvoir courir, j’essaie de maintenir un rythme correct de marche. Je limite d’ailleurs les dégats en restant au contact des coureurs qui me prédèdent.
Avant d’entamer la montée sur les belvédères, le meilleur moment de la course : le passage à proximité du lavoir de la Palud-sur-Verdon, dans lequel je vais m’immerger les bras et le visage, asperger mes jambes, mon cou : waouhhh ! quelle fraicheur ! L’iceberg dans la canicule. Je repars avec un sentiment de légèreté agréable… mais tellement éphémère ! La montée qui suit est un calvaire, autant physique (pas d’auto-recharge des batteries en marchant, c’est bien dommage…) que psychique (je passe mon temps à voir des concurrents me passer d’un pas alerte…). En plus, je dois me taper pendant trente minutes les seuls qui ne me dépassent pas, deux italiens qui taillent le bout de gras depuis le départ (je les avais déjà eu en remorque un moment au cours de la première heure) et qui parlent, qui parlent, qui parlent… J’aurai au moins travaillé mon italien, tout n’aura pas été négatif…
Arrivé au sommet, je suis lessivé. Je me rends compte que cela fait déjà 15-20 km que j’ai la tête qui tourne, que je subis presque des vertiges et suis un peu groggy. J’essaie de manger de la viande séchée, me dit que je ne dois pas subir, je tente de courir un peu sur le plat, de relancer en descente, mais rien à faire, je reste mal et j’ai l’impression de me trainer comme une vieille guimbarde…
Vient enfin la descente sur le dernier ravito. Je suis plein d’espoir en voyant bientôt le bout de mon périple, le dernier tronçon, après le pointage, étant peu difficile au vu du profil de course. Je descends au trot et au mieux de mes possibilités du moment, me faisant dépasser 2-3 fois par le roi du selfie, qui me double à fond pour mieux s’arrêter en vue d’un petit cliché. Arrivé en bas, je cherche le ravito. Peine perdue ! Je me souviens alors la discussion avec d’autres concurrents qui avaient fait la course l’an passé : une route poussiéreuses en terre qui n’en finit pas, tout en proposant quand même, pour corser le tout, un léger faux plat montant. Je crois que c’est le coup de grâce…
Je continue à avoir la tête qui tourne, au contraire des jambes qui sont comme scellées au sol, et une envie de me faire mal qui s’est envolée, elle ! Je me rend compte que j’ai passé près de 6 heures pour parcourir ce que j’imaginais faire en 4 heures 30 environ, sans plaisir, en luttant à chaque pas et en ayant des vertiges : il est temps de mettre un terme à cette mauvaise course, même si l’arrivée est proche et en descente.
Ma décision est prise : je vais rendre mon dossard au prochain poste et, pour la seconde fois en deux ans, rejoindre Moustiers en minibus. Il y a des courses ou des villes qui ont des histoires. Jusqu’à présent, c’était Chamonix, où j’ai dû attendre la troisième course (l’UTMB) pour jouir d’un petit footing final au bord de l’Arve. A présent, le « jamais deux sans trois » pèse sur Moustiers…
Je ne pensais pas être « capable » d’abandonner une course à moins de dix kilomètres de l’arrivée, et pourtant, je l’ai fait sans état d’âme, sans regret a posteriori, sans peur du « qu’en dira-t-on ». Je ne vais quand même pas dire que j’en suis fier, mais je crois avoir été en accord avec ma philosophie du trail : le plaisir. Je ne cherche rien d’autre que des sensations positives, sportives ou visuelles, qui doivent rester sur le devant de la scène durant la course. Il est vrai que l’abandon était plus facile pour une petite course faite sans ambition, en préparation d’échéances aux kilométrages et dénivelés plus importants, mais je n’étais pas vraiment certain d’avoir en réalité pris ce recul.
Bref, le Verdon restera une superbe région, des Gorges grandioses, mais clairement pas une terre de trail pour moi ! Mais qui peut dire « Fontaine, je ne boirai pas de ton eau » ?
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