L'auteur : tlmk
La course : Dolichos
Date : 22/4/2016
Lieu : Delphes (Grèce)
Affichage : 614 vues
Distance : 255km
Objectif : Pas d'objectif
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Près de midi, le soleil se fait plus vif entre quelques nuages gris sombre. Le dernier check point est passé, il reste une petite demi-douzaine de kilomètres, le rythme reprend à l'approche de l'écurie. Voilà déjà une petite heure que le profil est descendant, les jambes reviennent. Tout d'un coup un grand gaillard sec surgit sur ma droite "we are going to finish together, OK ?" C'est Ektopas, un chypriote, la foulée est ample et rapide, le rythme passe immédiatement à 12 km/h. Après 43 h de course, c'est surréaliste.
Depuis plusieurs heures je me retournais pour voir si un coureur suivait derrière, mais aucune alerte. Le profil, les villages, la végétation généreuse rendent difficiles l'observation. Donc la surprise de voir arriver un coureur est grande, je m'accroche. Lui arrive à parler. C'est sa seconde course après un marathon ... Je lui fais répéter car en anglais après 2 nuits dehors et sous le soleil qui percute je ne suis pas sûr d’avoir bien compris. La fin de course devient euphorique.
L’avant-veille en fin de journée Delphes accueillait 40 coureurs. Au-dessus de la ligne de départ le stade antique de Delphes magnifiquement logé dans la colline est endormi depuis des centaines d’années. Photographies par dénominateur commun : équipes grecques, étrangers (9), filles(2), anciens du Spartathlon, vétérans des années précédentes, toutes les configurations occupent tranquillement la chaussée le temps des clichés.
Enfin le départ. Tranquille tout le monde aborde la descente de 10 km en foulées souples, zigzaguant entre les oliviers. Le bord de mer est vite rejoint. La course le suit en montées et descentes durant 100 km avant la superbe traversée du pont à haubans. La première nuit est froide, mais la convivialité des check points, des bars brillants toute la nuit raccourcissent les distances. Le pont de Rio-Antirrio immense et illuminé se montre 30 km à l’ouest. Quelques petites côtes sèches commencent à faire mal et me donnent un prétexte pour un micro-sommeil sur le bas-côté. Les longues lignes droites de Nafpaktos font se rapprocher le pont. Lentement. La traversée au-dessus de l’eau fait 3 km, les lumières sur la rive du Péloponnèse attirent comme un aimant. Avant l’aube le premier objectif est atteint. Arrêt au stand, révision, massages.
Très vite départ au travers des grandes allées de la ville, et rapidement la pente se confirme avec un cliquetis réguliers des bâtons. 1000 m à remonter par de larges routes caillouteuses. Ensuite les pistes s’enchainent en montées et descentes. Les grecs adorent recouvrir les parties raides d’un tapis de béton scarifié où se logent des gravillons pernicieusement prêts à rouler. Les jambes brûlent très fort. Les chaises des ravitaillements sont des haltes délicieuses où l’on se fait chouchouter par les bénévoles. Les hurlements de chiens au-devant signalent un coureur qui précède. Très généralement l’animal qui garde ses moutons a encore beaucoup de voix pour nous engueuler par la suite au passage. Puis dans les minutes qui suivent l’énergie qu’il met en aboiement confirme qu’un coureur suit derrière. Comptez un chien par paire de kilomètres. Pas de sieste possible.
Au bout de quelques heures, disons une douzaine, impossible de dire vraiment où l’on en est, entre tel ou tel village au nom imprononçable. Pour moi un seul point de repère servant d’objectif : le check point 20, le village de Kalentzi, au kilomètre 187. J’y arrive à nuit tombée, frontale en panne. L’accueil soulage, réconforte. Les batteries se rechargent. Une heure de sommeil de plomb malgré les conversations grecques à tue-tête. « Good luck ! » les gamins courent quelques dizaines de mètres en pleine nuit pour aider à trouver la sortie du village. La journée de dimanche n’a pas encore débuté.
Impossible de garder en souvenir les circonvolutions du parcours, seuls les check points forment un chapelet de souvenirs. Une rivière est franchie à l’aide d’une corde. Des bénévoles de part et d’autres nous aident à enlever et remettre les chaussures devant la chaleur de braseros. Depuis la première édition il y a 5 ans, ils auraient pu lancer une petite passerelle, mais non, ils préfèrent revenir là le temps d’une nuit.
L’immense forêt profonde sur le plateau au-dessus de la rivière apporte sa dose d’effarement. La course titube, le sommeil saoule, les esprits trottinent et ricanent entre les troncs. La sortie brutale au milieu d’une route embrumée est un soulagement. Je m’affale de sommeil sur le bas-côté. Le froid humide est vif, il me réveille après 15 mn et impose de vite repartir.
Les pistes tendent maintenant à descendre en tortillant dans une campagne de jeunets en fleurs. Les personnes qui animent des ravitaillements sont celles vues des d’heures plus tôt lors de haltes précédentes et 10 mn d’arrêts ne suffisent plus pour la conversation. On se donne rendez-vous à l’arrivée. Le dernier ravitaillement est tenu par 3 gamins. « Where do you come from ? – Paris ! », ils sont ravis « Good luck ! ». La fin est un rève.
En bref:
1 417 fois la longueur des stades antiques de Delphes ou Olympie, 5 400 m de dénivellé, Un pont, 3 rivières, 28 ravitaillements, moins de 50 % d'arrivants depuis 5 ans, des organisateurs grecs charmants, quelques gaulois tout de même.
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