Récit de la course : Saintélyon - Relais à quatre 2015, par Khioube

L'auteur : Khioube

La course : Saintélyon - Relais à quatre

Date : 5/12/2015

Lieu : St étienne (Loire)

Affichage : 4437 vues

Distance : 72km

Objectif : Se défoncer

3 commentaires

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La Saintélyon des Capots Ouverts !

Après trois Saintexpress plus ou moins réussies, c’est en relais que je m’apprête cette année à prendre le départ de la Saintélyon. L’idée est née au début de l’année 2015, depuis que trois de mes anciens coéquipiers de football gaélique et moi-même avons pris le départ du Marathon du Mont-Blanc ensemble. Même si nous n’avions pas les mêmes ambitions chronométriques, nous avions pris un grand plaisir à partager tous ces petits moments qui entourent la course, que ce soit le petit déjeuner à quatre heures du matin dans la grisaille ou le festin d’après-course au McDonald’s de Chamonix. Nous nous disons également que le fait de courir en relais nous permettra de retrouver l’envie de nous donner pour l’équipe qui nous habitait lorsque nous portions ensemble les couleurs du club de football gaélique de Lyon ; c’est d’ailleurs dans cet esprit que nous choisissons de nous appeler « Capot ouvert ! », expression chère aux commentateurs de rugby qui caractérise à merveille cette idée de dépassement de soi.


 Pour l’ordre des relais, nous décidons de laisser le hasard décider – et, en l’occurrence, il nous semble avoir été sage. Charles aura la rude tâche de nous lancer dans la course ; Thomas hérite du deuxième tronçon ; Clément lui succèdera à partir de Sainte-Catherine, tandis que j’aurai l’honneur de franchir l’arche d’arrivée.

Nous nous retrouvons chez Tom pour dîner, avant de prendre la route de Saint-Etienne où nous déposerons Charles et Clément. Rapidement, nous déterminons que nous pouvons viser un peu moins de 7 heures pour effectuer les 72 kilomètres du parcours. En consultant les résultats de l’année 2014, nous constatons qu’une telle performance nous situerait entre la 50ème et la 100ème place, ce qui nous semble plutôt satisfaisant. De toute évidence, cela implique que chacun d’entre nous fasse une belle course. Plus j’y pense, plus je me laisse gagner par la peur de ne pas être à la hauteur de mes coéquipiers. Non seulement je ne suis pas dans la forme de ma vie (et je traîne une sorte de bronchite depuis dix jours), mais je sais en outre qu’aller au bout de moi-même, ce n’est pas mon fort. Mes trois acolytes s’en rendent compte, car je suis bien plus silencieux qu’à mon habitude. Ils tentent de me rassurer, j’essaie de me détendre un peu. Ce n’est pas comme si nous jouions le podium, après tout…

Après les sempiternels débats sur le nombre de couches et le type de chaussures à porter, sans lesquels la Saintélyon ne serait pas la Saintélyon, nous prenons la route. A Saint-Etienne le hall d’expo est bondé, comme on pouvait l’imaginer. Nous trouvons un petit espace libre où nous installer et profitons de ce moment pour faire quelques photos-souvenirs et prendre des nouvelles de nos équipes rivales. Le dernier album de Cocoon tourne en boucle dans la sono, je me dis que c’est peut-être le disque le moins motivant du monde mais vu que j’ai encore au moins 4 heures devant moi avant de m’élancer j’ai tout le temps de me mettre en condition.



 

Environ 45 minutes avant le départ de la course, Tom et moi quittons nos camarades et prenons la route de Saint-Christo-en-Jarez. En quittant le hall nous croisons Benoît Cori, il a l’air tranquille,  heureux d’être là. Une fois arrivés à destination, l’attente commence. Tom se met en tenue, nous tentons de faire une petite sieste dans la voiture mais rien n’y fait, nous sommes trop impatients et tendus pour nous assoupir. Bien que Charles ait prévu ait pour objectif de mettre moins d’1h30, nous quittons la voiture vers 00h45 afin de voir passer les premiers. Les premières fusées des relais arrivent, suivies de près par Benoît Cori et Emmanuel David.

 

A notre agréable surprise, nous voyons Charles arriver à 01h18, soit une dizaine de minutes plus tôt que prévu. La zone dédiée au passage de relais est bondée et les passages de bracelet sont pour le moins confus. Pour éviter toute perte de temps Tom s’est placé au premier rang, de telle sorte que Charles ne voit que lui en arrivant. Tom part à l’assaut de la longue côte qui traverse le village, pendant que je récupère Charles. Il me raconte la grande émotion du départ, lorsque la minute de silence a laissé place à une belle Marseillaise. Il m’explique qu’il a pu se glisser dans les premières lignes et a été très surpris de voir la vitesse à laquelle certains coureurs de la Saintélyon pouvaient partir. Malgré une petite chute sans gravité (la première de la soirée) et son choix de courir en chaussures de route, il est parvenu à tenir une bonne allure tout au long du parcours, nous mettant ainsi dans les meilleures dispositions pour le reste de la course puisque nous pointons alors à la 40ème place.

 

Après que nous avons rejoint la voiture et que Charles a enfilé des vêtements secs, nous prenons la route de Sainte-Catherine. Après une longue marche dans la nuit, qui nous aura permis de constater que le ciel est clair et que le croissant de lune est particulièrement beau, nous retrouvons Clément, qui vient tout juste de voir les premiers coureurs passer. Nous attendons Tom autour de 02h38, conformément à l’objectif qu’il s’est fixé. Je constate, en le voyant apparaître à la sortie de la longue descente vers Sainte-Catherine, qu’il est parfaitement dans les temps. Il arrive en hurlant « CLEM, CLEM !!! » dans la zone de relais et s’assoit, manifestement épuisé. Il nous explique qu’il est tombé dans un chemin, qu’il a eu le réflexe malheureux de se rattraper à un fil barbelé qui s’est planté dans son doigt (doigt bien ensanglanté, en effet), qu’il s’est tordu la cheville et qu’il a le dos bloqué. Malgré ces péripéties, nous découvrons grâce au suivi sur Livetrail que sa course nous a permis de gagner encore deux places au classement ! Il peut être fier de sa course, comme Charles avant lui.

Clément a l’espoir de mettre moins de deux heures pour effectuer les 22km qui séparent Sainte-Catherine de Soucieu. C’est notre meilleur coureur, un accro au dossard qui a pour habitude de partir bille en tête, quitte à souffrir le martyre pendant toute la course. Nous avons donc bon espoir qu’il nous permette de remonter encore un peu au classement.

Lorsque nous arrivons à Soucieu, nous avons encore une bonne heure avant que Clément n’arrive, selon nos estimations. Il serait judicieux que je me repose, car la nuit risque d’être longue et je sens déjà la fatigue me gagner. Mais au bout de dix minutes, je décide de me mettre en tenue, conscient que je n’arriverai jamais à me détendre et à quitter ma montre des yeux. Par maladresse ou fatigue, j’ai l’idée brillante de mettre mes lentilles après avoir appliqué de la crème chauffante sur mes cuisses ; on ne m’y reprendra plus. Je décide de partir relativement léger, avec une gourde de 500ml à la main (moitié eau froide, moitié thé bien chaud, donc une boisson tiède). Contrairement aux deux précédentes, la zone de passage de relais est bien dégagée, de telle sorte que je peux m’échauffer tranquillement en attendant Clément. Charles et Tom se sont positionnés à l’entrée du ravitaillement, je sais donc que je les verrai s’agiter lorsque Clément arrivera. A 4h29, soit 1h56 après avoir quitté Sainte-Catherine, notre troisième capot ouvert me rejoint. Le passage de relais se fait rapidement, je n’ai pas le temps de lui demander comment sa course s’est passée – même si, au vu de son temps, j’imagine qu’il n’a pas connu de problème majeur. Il m’expliquera plus tard être parti très vite, avoir doublé les trois premières féminines et avoir réussi tant bien que mal à boucler les derniers kilomètres de faux plat descendant en 4:15/km. Encore un qui a largement rempli son contrat, nous sommes 21èmes !

 

C’est à moi de jouer, maintenant. Je quitte Soucieu en même temps qu’un coureur de la Saintélyon. Son allure m’impressionne : même si je sais pertinemment que j’appartiens au ventre mou du classement et qu’en quittant Soucieu à 4h30 je côtoie forcément des coureurs de très bon niveau, je ne peux m’empêcher de m’étonner qu’on puisse tenir un tel rythme pendant 72 kilomètres. Quoi qu’il en soit, je décide de l’utiliser comme lièvre. De toute évidence, il maîtrise bien son allure, puisque nous effectuons les deux premiers kilomètres en 4:00 chacun. Un virage à droite et nous nous engageons sur un chemin de campagne. Je suis concentré sur lui, je ne le quitte pas des yeux. La route se met à descendre progressivement et devient un chemin technique couvert de pierres et de racines. Etant plutôt à l’aise sur ce genre de terrain je le double et accélère. Alors que l’euphorie me gagne j’arrive à une fourchette : le chemin continue à gauche, mais il y a aussi une route à droite. Or, aucun marquage : de toute évidence, mon lièvre s’est perdu et m’a entraîné dans son erreur. Je me retourne et entreprend de remonter ce chemin que j’avais pris tant de plaisir à descendre tandis que mon partenaire d’infortune se met à pester : « putain, fait chier, déjà l’année dernière, bordel ! Je revenais bien, en plus… ». Même si je ne l’exprime pas aussi franchement que lui, je m’en veux tout autant d’avoir commis une telle erreur – d’autant plus que je suis encore lucide, cela fait à peine dix minutes que je cours ! C’est ma quatrième participation à la Saintélyon, mais les années précédentes je courais la Saintexpress et, compte tenu de mon niveau, je n’étais jamais seul sur le parcours. Cette année, c’est différent, et j’apprends à mes dépens que cette solitude exige une vigilance permanente. Au final, j'ai fait deux kilomètres en trop, qui m'ont coûté 11 minutes. Au-delà de cette perte de temps et d’énergie physique, j’accuse aussi le coup moralement : je voulais me montrer à la hauteur de mes coéquipiers et voilà que je nous sanctionne d’une pénalité conséquente. J’essaie de ne pas trop y penser, mais l’envie de tout envoyer valser me traverse régulièrement l’esprit. Pourtant, je sais que mes capots m’attendent à Chaponost et que je pourrai leur exprimer ma frustration – ce sera toujours ça de moins à porter pendant la deuxième moitié du parcours.

Je les croise juste avant le ravitaillement, Tom me tend une flasque pleine et je repars sous leurs encouragements. Les kilomètres qui séparent Chaponost de Beaunant sont difficiles, je sens que mes cuisses commencent à souffrir. Il m’est de plus en plus difficile d’avancer rapidement dans les montées, et j’ai l’impression de me traîner dans les portions plates où je devrais faire la différence par rapport aux autres coureurs. Finalement, je me rends compte que je ne double presque que des randonneurs, ce qui a le don de me frustrer encore davantage. J’arrive tant bien que mal au pied de la fameuse montée de Beaunant, qui a la réputation d’être décisive dans la course au podium. Alors que, trois semaines plus tôt, je l’avais faite entièrement en courant, je sens que c’est au-dessus de mes forces aujourd’hui, peut-être parce que j’ai consommé l’essentiel de mon énergie dans la première moitié du parcours, ou parce qu’il est bientôt 6h du matin. Dans le Parc Aventures, je constate une énième fois que mes Asics Fuji Trainer (qui sont pourtant de vraies chaussures de trail) ne m’apportent aucune sécurité dans les descentes un peu glissantes) : après deux ou trois avertissements sans frais je perds mes appuis et prends ma gamelle syndicale, comme mes trois coéquipiers. Je finis par arriver en haut de l’ultime descente, celle qui fait si peur aux coureurs qui ont déjà 70 kilomètres dans les jambes. Je sais que le plus dur est fait et qu’il ne me reste plus qu’à trouver la force de rejoindre Gerland en courant à bonne allure. En rejoignant les quais je m’accroche encore à un lièvre, que je dépasserai en entrant dans la Halle Tony Garnier. C’est avec grand plaisir, malgré ma déception personnelle, que j’aperçois mes trois coéquipiers. Je franchis l’arche à 6h44, en 45ème position. Nous pouvons être contents de nous, c’est mieux que ce que nous espérions avant de prendre le départ de la course ; mais je ne peux m’empêcher d’être déçu par ma course, à la fois parce que sans erreur nous aurait été classés 40èmes et parce que je n’ai pas été aussi bon que j’aurais voulu l’être, réduisant ainsi à néant les efforts consentis par Clément pour nous faire remonter à la 20ème place. Malgré cette relative déception, je préfère retenir l’excellente nuit que nous avons passée ensemble à nous encourager mutuellement, nuit qui en appelle forcément d’autres. Il est temps que nous célébrions cette belle expérience autour d’une bonne bouteille, avant de réfléchir à la prochaine aventure des Capots Ouverts !




3 commentaires

Commentaire de Arclusaz posté le 09-12-2015 à 18:48:15

Des capots ouverts qui courent à tombereau ouvert !!!!

Bien sur, je pourrais t'engueuler pour ton erreur de parcours, toi un membre de "off a lyon" qui peut donc faire 15 recos chaque année !
Mais la perf n'est qu'accessoire, ce qui est important c'est la bonne nuit entre copains.

Commentaire de Spir posté le 09-12-2015 à 20:45:39

Bravo pour cette belle course d'équipe ! Ouais, j'imagine que c'est rageant cette erreur d'aiguillage quand on est un local et qu'on a déjà reconnu le parcours... Mais la nuit, ça n'a rien à voir, et puis tu n'imaginais peut-être pas te retrouver seul sur une course comme la STL... Tu fais quand même une belle "Saintesprint" !

Commentaire de Khioube posté le 09-12-2015 à 23:48:42

C'est vrai, il ne faut retenir que le positif. J'avais reconnu le parcours, mais bien plus lentement, et en discutant joyeusement. Autant dire que je n'étais pas très attentif... Au moins ça me servira de leçon, peut-être qu'un jour j'aurai un meilleur niveau et je serai content de pouvoir profiter de l'expérience acquise cette année !

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