L'auteur : _tibo_
La course : Sur les Traces des Ducs de Savoie
Date : 26/8/2015
Lieu : Courmayeur (Italie)
Affichage : 1713 vues
Distance : 119km
Objectif : Terminer
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Après avoir hésité à me replonger dans les détails de cette TDS, je me suis finalement décidé à en faire un compte-rendu. J'ai essayé d'y mettre les différentes émotions ressenties pendant la course, pour les partager avec les personnes qui nous ont suivi, les personnes qui se reconnaîtraient dans ce compte-rendu ou ceux qui hésitent à se lancer dans cette magnifique aventure. Ce récit est long, mais il n'est pas possible de résumer une course de 120 kilomètres en seulement quelques lignes.
Profil de l'édition 2015
Contexte
2012. Début dans le monde du trail, nous découvrons la course en montagne avec mon copain Simon. On démarre par des trails de 10 kilomètres et nous attrapons tout de suite le virus. On se promet de courir l'UTMB dans les cinq ans, soit à l'horizon 2017.
2013. Je coure mes premiers trails longs (6000D, Templiers) tandis que Simon reste sur des distances plus courtes. D'après lui, je suis inconscient de courir des courses de 10h après seulement un an de pratique.
Juillet 2014. Nous courons la 6000D tous les deux. Tout se passe bien et on se projette sur la saison 2015. Nous voulons faire un ultra de 100 kilomètres, et la CCC s'impose comme un choix raisonnable. Elle fait tout juste 100 kilomètres, est assez « roulante » et nous apporterait de précieux points pour l'UTMB.
Décembre 2014. Nous nous pré-inscrivons sur la CCC. Il y aura un tirage au sort, mais les chances d'être pris sont assez élevées. Parallèlement je planifie ma saison de trail 2015. Ça sera Maxi-Race à Annecy (86km – 5300m D+) puis CCC (101km – 6000m D+). Je me traîne une tendinite au genou depuis le mois de novembre mais à ce moment je ne pense pas qu'elle m'embêtera longtemps.
Mercredi 14 Janvier 2015. Résultat du tirage au sort pour la CCC. Les résultats doivent sortir à 10h, je suis en cours sur mon ordi, je stresse. J'actualise la page des résultats environ toutes les cinq secondes. Le site sature, je ne dois pas être le seul. À 10h05, message de Simon :
Simon – T'as vu, on n'est pas pris pour la CCC !
Moi – Non ça ne marche pas chez moi, t'es sûr !?
S – Oui certain ! Put*** on avait huit chances sur dix d'être pris ! Du coup on s'inscrit sur la TDS ?
M – Non ça ne va pas ! La TDS elle est beaucoup trop dure ! Déjà elle fait 120 et puis elle est hyper-technique ! Toi t'as juste fait une 6000D, moi deux 6000D et deux Templiers mais on est trop jeunes pour aller sur la TDS. Faut qu'on prenne notre temps. L'an dernier tu me disais que j'étais taré d'aller faire des courses de 70 kilomètres et là tu veux aller faire une 120 ? Qu'est-ce qu'il t'arrive ?
S – Bah je ne sais pas, elle a l'air cool aussi. Moi je vais m'inscrire.
Dix minutes plus tard :
S – Ça y est je suis inscrit. Allez viens !
Là ça cogite dans ma tête. Il est hors de question d'aller faire une course si difficile. J'en suis sûrement capable mais j'ai peur de griller les étapes. Mais l'autre idiot s'est inscrit et on s'était promis de courir un ultra ensemble en 2015. Je ne peux pas le laisser tout seul. Alors sans trop réfléchir aux conséquences je me connecte sur mon espace coureur, je transfère mon inscription sur la TDS, j'aligne les 147€ d'inscription, et voilà. C'est aussi simple que ça ! Sauf que là pour la première fois de ma vie en m'inscrivant sur une course je me dis que j'ai fait une connerie.
Mars 2015. J'ai toujours des tendinites aux genoux. Cela fait maintenant cinq mois que je ne peux pas courir plus de dix minutes, impossible de trouver la cause de ces fichues tendinites et les grosses échéances approchent. Après avoir vu le kiné, l'ostéo, le podologue, après avoir fait de l'électrostimulation et de l'acupuncture, c'est finalement le dentiste qui me trouve des caries. La voilà la cause ! Mais ça va sûrement être long à enlever. Mi-mars je décide de replanifier complètement ma saison. Je revends mon dossard pour la Maxi-Race, impossible de la préparer en seulement un mois. Je prends le temps de me soigner et je rechausserai les chaussures en mai seulement. Ma saison de trail 2015 se résumera à trois mois (juin-juillet-août), deux courses de préparation et la TDS. Ça ne ressemble plus du tout à ce que j'avais envisagé, mais c'est le corps qui décide et je veux absolument être prudent.
Juin 2015. Première course de préparation : 47 km et 3000m D+ (Compte-rendu : http://www.kikourou.net/recits/recit-17506-saint-lary_patou_trail_-_skymarathon-2015-par-tibo.html)
Juillet 2015. Deuxième course de préparation : 50 km et 2500m D+ (Compte-rendu : http://www.kikourou.net/recits/recit-17628-trail_des_3_pics-2015-par-tibo.html)
Août 2015. Nous discutons des objectifs sur notre TDS avec Simon. Ce qui est convenu depuis longtemps, c'est que l'on finira ensemble quoi qu'il arrive. Simon n'est pas du tout en confiance après un 80 km du Mont-Blanc complètement loupé, des problèmes digestifs récurrents, et une préparation compliquée durant tout le mois d'Août. Nous avions parlé de finir en 24h il y a quelques temps. Là il me dit qu'il n'est pas sûr de finir, et que même pour finir en 33h il signe aussitôt. Connaissant le gaillard je sais qu'il est rongé par le stress et j'essaie de le rassurer. Je sais qu'il est capable de faire cette course, que ses problèmes d'alimentation viennent du stress et qu'il faut que nous abordions cette course le plus sereinement possible. Nous signons donc pour finir la course quel que soit le temps. Ça sera une grande promenade autour du Mont-Blanc et nous verrons bien ce que donne le chrono !
L'avant-course
Nous arrivons à Chamonix le lundi soir avec Marine, ma copine. Nous y retrouvons Simon et sa copine Léa. Nous mangeons au restau le soir, puis Simon et Léa repartent chez eux car Simon travaille le mardi. Avec Marine, nous passerons une journée du mardi tranquille. Réserves de sommeil le matin, puis on se promène dans Chamonix. L'après-midi, direction le retrait des dossards. La queue déborde sur le trottoir lorsque nous arrivons.
Retrait des dossards, durée 1h15...
L'organisation à l'intérieur est rodée. Présentation de la carte d'identité, impression aléatoire d'une liste de cinq items du matériel obligatoire à présenter. Petit coup de stress, tout peut être à présenter même la réserve alimentaire. Je n'avais rien mis à manger dans mon sac car je m'étais dit que ça ne pouvait pas être contrôlé tant il est évident qu'on ne partira pas sans. Bref, je dois présenter le téléphone, la veste Gore-Tex, les deux frontales avec batteries de rechange, le bonnet et la couverture de survie. Puis récupération des deux sacs d’allègement, au final j'aurai mis 1h15 à récupérer mon dossard. Après un petit tour sur le salon du trail, je rentre me poser au calme, préparer mes sacs et me reposer. Simon et Léa arrivent dans la soirée et ils ramènent dans leurs bagages mon frère, Vincent, tout juste arrivé de Strasbourg. La soirée sera courte, nous jouons au Tetris pour rentrer les cinq couchages dans le tout petit studio, nous programmons le réveil sur 3h20, et au dodo.
À 3h20 le réveil sonne, je ne dormais plus depuis un moment. Je m'habille machinalement, je mange un reste de crozets de la veille et nous sommes prêts vers 4h15. Direction Courmayeur en voiture. Au milieu du tunnel, premier coup de stress. Je n'ai pas mis dans la voiture le sac d'allègement pour le Cormet de Roselend, que l'organisation nous transporte à mi-parcours. Bien pratique pour se changer avec des vêtements secs, j'y avais mis un change complet, une paire de chaussures de rechange et des choses à manger. Comment est-ce que j'ai pu l'oublier alors qu'il était avec mes affaires !? Nous commençons à faire la liste de ce que Simon peut rajouter dans le sien pour me dépanner car nous arriverons ensemble au Cormet. Le temps annoncé est au beau fixe donc c'est un peu moins important, mais savoir que l'on trouvera une tenue complète sèche peut aider à s'accrocher psychologiquement. Une fois arrivé à Courmayeur, Simon regarde dans son sac de sport ; il y avait mis nos deux sacs d'allègement et ne s'en rappelait même pas. Merci pour le coup de pression !
Nous sommes en avance au départ. Nous nous posons dans une salle chauffée et attendons 5h30 pour ressortir écouter le briefing.
Moi (à gauche) et Simon (à droite)
La course
Nous partons à 6h pour un petit tour dans Courmayeur. Nous nous sommes placés relativement loin sur la ligne et nous savons que nous allons bouchonner par moments, mais nous voulons partir prudemment. Comme à chaque départ de grande course l'émotion est là. J'ai préparé cette course pendant trois mois, c'est ma course la plus importante de l'année, et ça y est on y est ! J'en ai la chair de poule. Nous commençons par une boucle dans les rues de Courmayeur. Il fait encore nuit, personne n'a de frontale et on se demande comment on verra quand on arrivera dans les chemins. Quand nous quittons Courmayeur pour commencer à monter, le jour se lève un peu et nous voyons où nous mettons les pieds. La première montée jusqu'au col Chécrouit est une large piste de ski où l'on peut marcher à trois ou quatre de front. Nous montons tranquillement sans forcer, Simon croise un collègue de club avec lequel il discute un moment. Ça n'est pas le moment le plus agréable de la course car le peloton est très dense, le chemin pas très agréable, mais l’excitation de la course fait que nous arrivons assez rapidement au premier point de contrôle.
Le jour se lève derrière nous et une belle journée s'annonce
7h17 – Col Chécrouit (7 km / 800m D+) – 1093e en 1h16
Au ravitaillement, la plupart des gens ne s'arrêtent pas et nous comprendrons ensuite pourquoi. Nous n'avons pas vraiment besoin d'un ravitaillement après une heure et quart de course mais nous nous arrêtons pour boire un verre de coca. Il faut vraiment se frayer un chemin jusqu'aux tables vu le monde qu'il y a. Nous repartons rapidement au milieu d'un peloton toujours très dense. Le mot qui caractérisera le mieux la portion suivante jusqu'à l'arrête du Mont Favre est « Bouchons ». Nous passons d'une piste large à des singles et forcément ça coince. La course étant encore très longue, on prend notre mal en patience et on attend, parfois une ou deux minutes sans faire un pas. Je suis toujours surpris par les gens qui forcent le passage pour gagner quelques places ! Comment leur faire comprendre qu'ils vont passer vingt à trente heures dans la montagne, et que les cinq minutes de gagnées ici ne leur serviront à RIEN à l'arrivée ! Pendant les longues minutes d'attente, j'essaie de régler ma montre qui déconne complètement depuis Courmayeur. Je l'ai mise en mode Ultra afin que la batterie tienne la distance, et bien que j'ai très peu utilisé ce mode jusqu'à présent, je n'avais jamais constaté de bugs. Là, elle m'annonce déjà 40 kilomètres, rame trois secondes à chaque fois que j'appuie sur un bouton ; il y a manifestement quelque chose qui ne va pas. Je coupe tout, je la relance, il me manquera les deux premières heures de course et le chrono sera faux tout le long. Je passerai toute la course sur le cadran heure, à calculer le temps de course en faisant une simple soustraction. Bref je serais parti avec la montre à aiguilles de ma grand-mère ça aurait été la même chose ! Nous profitons également de notre progression lente pour prendre quelques photos, car la vue est tout simplement magnifique sur le versant Italien du Mont-Blanc !
Montée vers l'arrête du Mont Favre
8h25 – Arrête du Mont Favre (11 km / 1290m D+) – 1128e en 2h24
Nous attaquons maintenant une portion descendante. Nous sommes toujours à la queue leu-leu et on descend au rythme du groupe. Simon qui est plus à l'aise dans les descentes double beaucoup mais je ne le suis pas. Le chemin n'est pas technique, mais il y a toujours moyen de se faire une cheville en quittant la trace principale pour gagner une place. Donc il prend de l'avance, je ne cherche pas à le suivre, et il m'attendra en-bas. La descente passe très bien étant donné que nous sommes encore frais, elle n'est pas trop raide donc tout va bien. Et puis les filles et mon frère sont en bas de la descente au bord du lac Combal et nous les reverrons pour la première fois depuis le départ. Arrivé sur le large chemin du lac Combal, il y a plusieurs spectateurs, Simon m'attend un peu plus loin, et nos accompagnateurs sont bien là. On discute deux minutes en marchant puis nous repartons en courant avec Simon jusqu'au ravitaillement en haut du lac.
Arrivée sur le lac Combal
8h57 – Lac Combal (15 km / 1320m D+) – 1091e en 2h56
Ici le ravitaillement est à nouveau surchargé. La portion jusqu'au prochain ravitaillement est longue, donc le rechargement en eau est obligatoire. On patiente devant la fontaine, puis on joue des coudes pour aller attraper un bout à manger. Certaines personnes ont oublié toute forme de courtoisie et se jettent sur les tables, bousculent, doublent les coureurs qui attendent patiemment. Je sens que ça va m'énerver, Simon pense la même chose, donc on se tire rapidement du ravitaillement. On a suffisamment de réserves et ça ne sert à rien de s'attarder ici. Nous avons une belle montée qui nous attend pour nous emmener au point culminant du parcours, le col Chavanne. Nous montons une première bosse dans laquelle nous gagnons pas mal de places, avant d'atteindre un long replat, puis enfin la montée à proprement parler. Nous sommes à nouveau tous à la queue leu-leu, et nous avançons au rythme du fil de coureurs. Ce rythme est relativement lent, nous montons très bien avec Simon, et nous arrivons sans encombre au sommet du col.
Dans la montée vers le col Chavanne
10h09 – Col Chavanne (20 km / 1930m D+) – 995e en 4h08
Avant d'attaquer la longue descente qui nous attend, nous sommes toujours très bien physiquement. L'alimentation est bien passée depuis le départ de la course, pour Simon comme pour moi, et ça me rassure pour Simon. Je me dis qu'au bout de quatre heures s'il est bien rentré dans sa course la suite ira bien. Nous avions emmené avec nous nos temps de passage pour faire 24h. Sachant que ça n'est plus l'objectif il n'est pas question de les suivre coûte que coûte, mais ça donne une indication. Nous devions passer en 3h30 au col. Nous sommes donc un peu en retard, mais si la forme est bonne nous pourrons reprendre ce retard le moment venu.
La vallée dans laquelle nous redescendons après le col
La descente qui suit est très, très roulante. C'est une piste large, on peut courir au rythme que l'on souhaite car on n'est plus gêné par la densité du peloton, et la pente n'est pas très raide. Simon l'a reconnue début Août, et il me répète que la descente est très longue et qu'il faut y aller prudemment. Moi j'aimerais que l'on descende un peu plus vite car il n'y a aucun effort à faire. Ça descend tout seul. Mais je suis tout de même conscient du piège que représente ce type de descente : tu es bien, c'est facile, tu descends sans forcer, et arrivé en bas lorsqu'il faut remonter tu te rends compte que tu as mal aux jambes. Donc je fais confiance à Simon, on descend à son rythme et tout ira bien. Dans la descente, nous entendons derrière nous un coureur s'écrouler par terre. Nous remontons rapidement voir si tout va bien. Il a attrapé une crampe et il est tombé. Avec Simon nous nous disons que si le mec est déjà crampé, nous ne donnons pas cher de ses chances de finir la course. Arrivés au niveau de la passerelle de l'Alpetta, nous recevons un coup de fil des filles qui s'inquiètent de savoir si nous sommes déjà passés. Nous serons à la route dans dix minutes et nous les verrons à ce moment là. Nous les retrouvons effectivement un peu plus tard, au début de la montée vers le col du Petit Saint Bernard. Nous discutons une minute, puis c'est reparti direction le premier vrai ravitaillement. Je ne me rappelle plus trop de la montée car mes pensées étaient sûrement déjà tournées vers la pause que nous allions faire. Au départ nous avions prévu de faire une vraie pause à Bourg Saint Maurice pour manger quelque chose d'un peu consistant, mais nous avons faim tous les deux alors nous ferons cette pause au Petit Saint Bernard. Nous contournons le lac avant d'attaquer une dernière portion très raide avant le ravitaillement. En haut, nous retrouvons les filles qui nous accompagnent jusqu'à l'entrée du ravitaillement.
Le lac avant le col du Petit Saint Bernard sur la gauche
12h37 – Col du Petit Saint Bernard (36 km / 2510m D+) – 961e en 6h36
Physiquement tout va toujours bien. Nous convenons avec Simon que nous faisons un arrêt un peu plus long que d'habitude. Après avoir rechargé les gourdes, c'est le moment de manger un peu. Du saucisson, de la soupe, des tucs, encore de la soupe, du chocolat et des oranges. Tout passe nickel, l'estomac est encore bien accroché et ne fait pas la tête après plus de six heures de course.
Ravitaillement du col du Petit Saint Bernard
Je quitte le ravitaillement deux minutes avant Simon et j'en profite pour discuter avec les filles et mon frère qui nous ont attendu à la sortie du ravito. Apparemment mon père vient d'appeler pour savoir comment j'étais. Je prends le temps de regarder mon téléphone car nous venons de repasser en France et je lis quelques messages d'encouragements. Ça fait plaisir de se sentir suivi ! Simon arrive et nous repartons tranquillement. Nous savons que la montée la plus difficile, le juge de paix de cette TDS, se situe juste après Bourg Saint Maurice. Depuis le début nous nous répétons qu'il faut arriver frais là-bas, que c'est le « vrai » départ de la course, etc. Il faut donc faire les 1400m de descente qui arrivent le plus à l'économie possible. Le début de la descente est roulant, nous faisons attention à ne pas nous emballer. Puis nous arrivons sur une partie plus technique, on se retrouve à nouveau un peu bloqué par le monde devant, et les jambes commencent à forcer un peu. Je ne suis pas aussi à l'aise que je le voudrais, et je sens que je vais arriver marqué en bas.
Bourg Saint Maurice : on descend là-bas !
Dans la descente vers BSM...
Nous voyons Marine, Léa et Vincent deux fois dans la descente. La fin de la descente vers Bourg Saint Maurice n'est pas très agréable. Nous sommes en ville, la chaleur devient vraiment pesante, et nous avons hâte d'arriver au ravitaillement. Sur les parties planes, nous alternons maintenant marche et course. Comme nous le craignions la descente nous a un peu coupé les pattes. Nous retrouvons les filles juste avant le ravitaillement et nous finissons en marchant. C'est le premier des deux ravitaillements où l'assistance est autorisée. Les filles pourront rentrer avec nous dans le ravitaillement, et ça fait plaisir de ne pas les laisser à nouveau à l'extérieur. En rentrant, je remplis mes flasques puis je cherche une place où l'on pourra s’asseoir à cinq. Nous resterons 35 minutes dans le ravitaillement. Comme au col du Petit Saint Bernard, c'est soupe, saucisson, chocolat et oranges au menu. Je mets de la crème solaire car je commence à bien cramer, je remets de la NOK sur mes pieds qui pour l'instant n'ont pas la moindre ampoule. Après avoir bien pris notre temps, nous ressortons du ravitaillement en passant par le contrôle du matériel obligatoire : téléphone, veste Gore-tex, frontales, tout est là on peut repartir ! Et c'est un sacré morceau qui nous attend !
Avec le copain...
Et avec le frangin.
15h25 – Bourg Saint Maurice sortie (50 km / 2570m D+) – 976e en 9h24
Nous traversons Bourg Saint Maurice en marchant, car nous ne sommes pas pressés d'attaquer la montée qui se profile. Au programme, une montée sèche vers le Fort de la Platte puis le col de la Forclaz, une légère descente et une remontée vers le Passeur de Pralognan : 1900m de dénivelé positif d'un coup, en plein soleil ! Depuis le début on y pense et on s'économise. Dans les dernières habitations au début de la montée, des familles distribuent de l'eau sur le pas de leur porte. Dans la montée, c'est Simon qui fera le rythme. Je sais que je suis meilleur en montée qu'en descente, et je préfère le laisser devant pour que l'on monte à son rythme. Nous doublons beaucoup depuis la sortie du ravitaillement et Simon me dit qu'il compte dans sa tête le nombre de coureurs que nous dépassons, « pour s'occuper ». Je lui dis : « Fais gaffe, c'est grisant de doubler autant de monde mais ne nous faisons pas piéger, la montée est longue. Moi je suis bien mais fais gaffe à ne pas coincer ». Il me dit qu'il est conscient de ça, que tout va bien, alors on continue notre marche en avant. À un moment dans la montée, Simon m'annonce que nous avons déjà gagné 100 places. Je ne sais pas comment il fait pour toutes les compter, j'aurais abandonné au bout de cinq ! Dans la montée, c'est l'hécatombe ! Il y a des dizaines de coureurs allongés par terre, ou assis le regard dans le vide. Manifestement elle fait très mal à certains. Nous croisons quelques coureurs qui redescendent abandonner à Bourg Saint Maurice. Vers le Fort du Truc, je commence à avoir mal au ventre. Je n'ai pas mangé depuis Bourg et je n'y arrive plus. Même l'eau a du mal à passer alors que la chaleur est écrasante. Je garde mon rythme derrière Simon, les jambes vont bien, mais il faudra surveiller les maux de ventre. Peu avant le Fort de la Platte, Marine m'appelle pour savoir si nous sommes passés au Fort du Truc. Nous y sommes passés depuis un moment. Non seulement elles nous ont loupé là, mais ça n'est pas sûr qu'elles arrivent à temps au Fort de la Platte. La fin de la montée vers le Fort est difficile pour moi, je n'arrive plus à boire, mais je m'accroche. Nous arrivons au pointage, et Simon me dit avec un grand sourire que l'on « a gagné 180 places ! ».
17h20 – Fort de la Platte (56 km / 3720m D+) – 799e en 11h19
La vue depuis le Fort
Dans le Fort, une dame vend toutes sortes de boissons : coca, jus de fruit, et il y a de nombreux coureurs assis sur la terrasse. Nous décidons d'attendre les filles et Vincent car ça ne serait pas cool de partir avant sachant qu'ils ont fait toute la montée en voiture. Mais nous râlons quand même un peu d'être monté plus vite à pieds, et de voir tous ces coureurs que nous avons doublé repartir avant nous. En attendant, Serge, un collègue de club de Simon, nous paie un coca. Il ne passe pas trop mal, c'est frais, mais je sens quand même que j'ai l'estomac un peu retourné. Nous commençons un peu à perdre patience donc nous avançons sur le chemin et nous nous asseyons sur la remorque d'un tracteur. Simon passe un coup de fil à Léa pour leur mettre un peu la pression, et ils arriveront cinq minutes plus tard. Du coup on ne s'attarde pas quand les filles arrivent, un bisou, on leur dit que tout va bien, et on se lance dans la fin de la montée.
Le Fort de la Platte
Je n'ai plus trop de souvenirs jusqu'au Passeur de Pralognan. Je ne suis pas au top, les jambes vont toujours bien mais je me sens faible. L'envie de vomir n'est pas très loin alors je n'avale plus rien. Je ne bois quasiment plus, même si j'essaie de me forcer. Le rythme reste pourtant correct, j’emboîte le pas à Simon et nous montons assez rapidement. Au col, nous apercevons le Passeur sur le versant d'en face. Et il est vachement loin ! Là le moral prend un petit coup ! Dans la descente Simon double et prend de l'avance, mais je ne le suis pas car je ne me sens pas de dépasser ici sur des chemins un peu exposés. Nous passons à l'ombre et il commence à faire frais. Des coureurs remettent leurs vestes. Moi j'aimerais aller jusqu'en haut sans m'arrêter et avancer régulièrement. Une fois au Passeur de Pralognan, nous faisons une petite pause photo, et pour nous couvrir. Il fait frais maintenant. Mais nous sommes venus à bout du plus gros morceau du parcours !
La vue au sommet : on a bien fait de monter !
19h11 – Passeur de Pralognan (62 km / 4480m D+) – 742e en 13h10
Pour avoir lu de nombreux récits de la TDS, j'appréhendais un peu la descente à venir. Nous sommes encore au soleil dans la descente donc aucun problème de visibilité. Il y a des mains courantes le long de la paroi mais elles sont surtout là pour rassurer. Seule la partie haute de la descente est technique, et même si elle ne fait pas rigoler, je m'attendais à pire. Je plains par contre ceux qui passeront de nuit et en manque de lucidité, car là j'imagine que ça peut devenir dangereux ! Environ dix coureurs devant nous, une dame n'avance pas et ralentit vraiment tout le monde. Simon double le groupe en toute décontraction, comme à son habitude, mais je ne peux pas le suivre. Je ne suis pas suffisamment à l'aise pour passer en dehors du chemin. Alors je prends mon mal en patience comme l'ensemble du groupe, je double un par un, et je finis par rejoindre Simon. Il discute avec une dame qui a couru six fois la TDS, et qui a fini à chaque fois autours de 26h. Je m'incruste dans la conversation en arrivant. Elle me dit qu'elle a du mal à s'hydrater elle aussi, mais que je ne devrais pas me forcer parce que ça va me faire vomir. Elle me fait remarquer que depuis des heures nous ne buvons que de l'eau qui provient directement de la montagne. En y réfléchissant elle a raison, aux ravitaillements il y a des rampes à eau mais pas d'eau en bouteille. Du coup je ne me force plus, car de toute façon le gros ravitaillement du Cormet de Roselend n'est plus très loin.
Dans la descente du Passeur de Pralognan
Dans le bas de la descente nous rejoignons une piste beaucoup plus large et qui ne descend pas très fort. Nous commençons à être bien entamés physiquement, et maintenant il faut se forcer pour courir sur ce genre de terrain. Mais nous avons hâte d'arriver au ravitaillement, de retrouver nos copines, de nous changer et de manger. Alors nous relançons en courant, et nous arrivons rapidement au Cormet.
20h09 – Cormet de Roselend (66 km / 4490 m D+) – 740e en 14h08
Là nous comptons faire une vraie pause. Nous récupérons nos sacs d’allègement à l'entrée du ravitaillement. Dedans, une tenue sèche. Ça va faire du bien de se changer ! Dans le ravitaillement, je descends trois ou quatre soupes, car je n'ai pas bu depuis un moment et il faut que je fasse attention à ça. Il y a des pâtes, du saucisson, du pain, du chocolat. Tout ça passe assez bien, donc j'en profite. Je mange en quantité, ça sera toujours ça de pris si cette nuit je ne peux plus manger. Une fois fini de manger, nous nous changeons pour la nuit. À ce moment le speaker annonce l'arrivée du premier à Chamonix. « What ! Déjà !? ». C'est tout simplement hallucinant ! On avance certes tranquillement à notre rythme, mais quand même on n'est pas des brêles et on n'a fait que la moitié ! Nous sommes rentrés dans le ravitaillement de jour, nous en sortons de nuit. Alors on allume la frontale, et une deuxième course commence, celle qui nous fera passer toute la nuit dehors.
D'après le profil, on a une montée et une descente jusqu'au prochain ravitaillement. Le début est sur un chemin bien large. En face de nous, des frontales qui nous indiquent le chemin. Mais on n'en voit pas beaucoup et on a un peu de mal à comprendre par où on va passer et où est le col. Derrière nous, un cordon de frontales qui descendent du Passeur de Pralognan, et la lune au dessus. C'est beau ! Mais je suis bien content de ne plus être là-bas de nuit. La montée nous emmène rapidement dans les champs à vaches et le chemin se perd plus ou moins. On suit les rubalises réfléchissantes. Nous montons tranquillement et nous arrivons sans encombre au sommet. J'ai retrouvé de bonnes sensations, Simon va bien également, donc nous décidons de courir dans la descente. Il y a déjà pas mal de coureurs qui ne courent plus. Nous gagnons donc de nombreuses places. Le chemin est très glissant par endroit mais nous avançons bien. Par contre on n'a clairement plus les jambes du début, on coure quand ça descend bien, mais on marche aussi beaucoup même en descente. Dans la descente, coup de fil de Vincent pour nous annoncer qu'ils ne peuvent pas monter à la Gitte et qu'ils vont devoir aller directement à Notre Dame de la Gorge. Ça veut dire qu'on ne les verra plus avant un long moment ! Lorsque nous arrivons à la Gitte, nous pointons en 643e position. C'est notre meilleure position de la course, et la suite sera une lente dégringolade au classement.
22h35 – La Gitte (75 km / 4860m D+) – 643e en 16h34
Nous attaquons maintenant une longue montée. Nous apercevons des frontales mais elles nous paraissent loin, très loin ! Et hautes, très hautes ! On pourrait les confondre avec les étoiles qui illuminent le ciel. Simon est en tête et je suis dans ses pas. Après quelques dizaines de minutes, il s'arrête. Il est vraiment dans le mal. Apparemment la fatigue lui est tombée dessus d'un coup, il s'endort en marchant, il veut s'arrêter. On fait une première pause de deux minutes, on repart, puis il faut à nouveau s'arrêter plus loin. Je lui propose de passer devant pour imposer un rythme lent mais régulier. Il me dit OK, nous avançons quelques temps comme ça, puis lorsque nous débouchons sur un chemin plus large il doit s'asseoir un moment. Nous attendons cinq minutes, il m'explique ce qu'il ressent et son besoin de se reposer. À ce moment, Serge, son collègue de club, nous rejoint. Il s'arrête avec nous, discute avec Simon, lui propose un Guronsan pour le réveiller. Simon en prend un et nous repartons. Je marche devant avec Serge et je discute avec lui, tandis que Simon marche derrière. Pour l'instant je ne me sens pas du tout fatigué, même complètement réveillé. C'est ma première course où je passe la nuit dehors et je me demande ce qui va m'arriver. Est-ce qu'avec le stress et l'excitation de la course il est possible de passer la nuit sans ressentir de fatigue ? Ou est-ce qu'on traverse inévitablement une période d'endormissement ? Nous attendons Simon, nous discutons toujours et nous arrivons à un endroit avec un feu de camp. Des secouristes distribuent de l'eau, des coureurs sont assis autours du feu, il y a un peu de chaleur au milieu de nulle part. Serge part, sans doute en a t-il marre de s'arrêter sans arrêt. Je partirais bien avec lui, mais j'attends Simon. On fera la course ensemble quoi qu'il arrive, et on passera la ligne ensemble à Chamonix quoi qu'il arrive. On repart et je ne me rappelle pas combien d'heures sont passées avant d'arriver au sommet du col. Simon a un regain d'énergie, nous montons sur un rythme un peu plus régulier et nous finissons par passer au col.
Très rapidement, nous voyons le ravitaillement du col du Joly. Je me rappelle avoir lu des récits où les gens disaient que l'on voit le ravitaillement très tôt sur le versant opposé, mais que le chemin pour y aller est interminable. Nous apercevons des frontales partout dans la montagne et nous ne comprenons pas par où nous passerons. Il y en a des beaucoup plus bas en face de nous, plus hautes que nous à notre droite, au même niveau en face. Pour l'instant on descend, en marchant, et cette fois la fatigue me tombe dessus également. J'ai envie de dormir. Je suis frigorifié. Je ne vois pas le bout de ce chemin pour aller au col. La portion qui arrive sera la plus dure de la nuit pour Simon et moi. Alors qu'il allait mieux il retombe dans le mal et cette fois je ne suis pas mieux. Simon s'arrête tout le temps ; il a envie de vomir, s'agenouille au bord du chemin, rien ne vient et il finit par repartir. Répétez l'opération à l'infini et vous aurez un aperçu de notre cheminement à ce moment de la nuit. Personnellement je ressens une fatigue et une lassitude extrême. Qu'est-ce que je fous là ? J'ai froid, je suis en plein milieu de la montagne, en pleine nuit, et je m'endors debout. Je presse Simon car j'aimerais avancer jusqu'au ravitaillement quitte à s'y arrêter longtemps. À un moment il s'allonge au bord du chemin et me fait comprendre que c'est obligatoire, que je ferais bien de dormir moi aussi. Je m'assoie, j'attends cinq minutes la tête dans les bras, puis je m'énerve. Il faut avancer ! Je m'enferme dans ma bulle et je ne parle plus. Je deviens grognon, Simon semble aller un peu mieux, mais moi ça n'ira pas mieux tant que je n'aurai pas bu une soupe chaude et que je ne me serai pas assis sur un banc sec. Quelques dizaines de minutes avant le ravitaillement, nous entendons distinctement la sono. Il y a de la musique forte, la speaker accueille tous les coureurs par leur prénom. Nous passons un coup de fil aux filles pour leur dire que nous nous arrêtons un moment au ravitaillement, qu'elles ont le temps de dormir et qu'on les appellera quelques minutes avant d'arriver à Notre Dame de la Gorge. Puis nous arrivons au ravitaillement que nous avions à vue depuis environ deux heures.
2h05 – Col Joly (85 km / 5700m D+) – 702e en 20h04
Dans le ravitaillement, Simon va directement se coucher sur un lit de camp. Moi je bois une soupe, puis une deuxième. Je mange. Je bois un café. Dans le ravitaillement il y a de nombreux coureurs qui semblent aussi mal que nous. Au micro on annonce la navette qui rentre à Chamonix. Pour nous pas question de rentrer en navette. On a abandonné toute notion de classement et de temps. Maintenant le seul objectif est de gérer notre course, notre physique, et de rejoindre Chamonix. Tout le reste ne compte plus. Je vais me coucher également dix minutes sur un lit de camp. Mais depuis un moment mes lentilles me font mal aux yeux et je ne retrouverai mes lunettes qu'aux Contamines. Si je dors, elles vont coller à mes yeux et je ne verrai plus rien. Alors je me force à ne pas dormir. Sans ça je sombrerais en quelques secondes ! Après une pause d'au moins trente minutes, nous attaquons la descente sur Notre Dame de la Gorge.
Nous ne sommes plus vraiment capables de courir. Je fais le rythme, j'avance sur un bon rythme, mais en marchant. Je sais que Marine et Vincent sont en bas du chemin. Je veux les voir ! Je m'accroche à ça pour avancer. Je commence à avoir très mal aux genoux et la descente me fait maintenant bien souffrir. À un moment mon téléphone sonne dans mon sac ; j'ai oublié d'enlever le réveil. Il est 3h20, ça fait 24h que nous sommes réveillés, et nous ne sommes pas prêts de nous coucher ! Je suis surpris par le monde qu'il y a encore sur les chemins après plus de vingt heures de course. On voit encore des groupes d'une dizaine de coureurs, et les espaces entres les coureurs ne me semblent pas si importants. Peu avant Notre Dame, on retombe sur un chemin que je connais par cœur. Ça aide car je sais où l'on va, quelle est la distance avant le parking et dans combien de temps on retrouvera les filles. Dans le bas de la descente, Simon les appelle. Nous les rejoignons cinq minutes plus tard. On s'arrête, on discute, on se donne des nouvelles. J'ai très mal aux genoux. J'essaie de m'étirer mais je crois que je vais traîner ces douleurs jusqu'à la fin. Nous avons maintenant quatre kilomètres pour rejoindre le ravitaillement des Contamines. En temps normal, quatre kilomètres ça n'est rien du tout ! Mais là si on marche, on en a pour une heure ! Et on n'a vraiment pas envie de mettre une heure ! On se force à courir, on alterne de temps en temps avec la marche, mais on fait cette dernière section relativement rapidement. Pour moi, courir est devenu une sorte de torture, mais il faut bien avancer !
Notre Dame de la Gorge, au milieu de la nuit...
4h44 – Les Contamines (95 km / 5770m D+) – 723e en 22h43
Les Contamines, c'est le deuxième ravitaillement où l'assistance est autorisée. Nos trois accompagnants peuvent donc rentrer avec nous. Alors que Simon file dormir quasiment instantanément, je bois encore quelques bols de soupe et je mange. Même raisonnement que quelques heures plus tôt, j'ai du mal à m'alimenter en courant mais j'arrive à m'enfiler pas mal sur les ravitos. Alors je fais des réserves et ça sera autant de moins à manger sur le parcours. J'enlève mes lentilles, je prends mes lunettes dans le sac de Marine, et cette fois je vais aller dormir pour de vrai. Je m'allonge sur un lit de camp, et un bénévole me demande dans combien de temps je veux qu'il me réveille. « 15 minutes ça sera bien ». Il met une alarme, je m'endors comme une masse, et quinze minutes plus tard il vient me réveiller, en anglais. Le pauvre voit défiler tellement de coureurs de nationalités différentes qu'il ne sait plus où il en est. Je le remercie, je souris car tous ces bénévoles sont vraiment adorables, même quand ils nous réveillent en plein milieu de la nuit après seulement quinze minutes de sommeil. Simon me voit me lever, il me suit, on remplit les réserves d'eau et c'est reparti pour la dernière partie de la course.
Ravitaillement des Contamines
Nous commençons par une montée sur la route pour sortir des Contamines. Le jour se lève petit à petit. On sent que la fin de la nuit est proche. Dans la montée vers les chalets du Truc, mes genoux me font moins souffrir. La visibilité devient bonne, nous éteignons les frontales. Nous avons maintenant passé une journée complète et une nuit complète en course. Et il nous reste encore un sacré morceau à avaler. Dans la descente après les chalets du Truc, je peux à peine marcher. Simon semble bien, maintenant c'est lui qui m'attend. Mais moi mes genoux me font horriblement mal. Il est grand temps d'arriver. Nous apercevons en face de nous la dernière montée, celle qui monte au col du Tricot. Elle paraît raide avec ses nombreux lacets !
La dernière difficulté de la course !
En bas de la montée, un panneau indique le col à deux heures. Je dis à Simon que nous mettrons une heure mais il ne me croit pas. Je le laisse faire le rythme et je m'accroche derrière lui. Nous montons fort, ça me va, j'ai moins mal dans les montées. Nous doublons beaucoup de coureurs dans la montée, certains semblent au fond du trou. Je n'ai plus la force de parler, juste de suivre. La montée est régulière et nous arrivons en haut en 45 minutes. Ça fait plaisir ! 45 minutes au lieu de deux heures après plus de 100 kilomètres de course !
8h12 – Col du Tricot (102 km / 6940m D+) – 781e en 26h11
En haut du col, je retrouve Grégoire, un ami Toulousain avec qui nous organisons un raid étudiant à Toulouse (Pause placement de produit : si vous êtes en région Toulousaine ou ailleurs, renseignez-vous sur le raid INSA-INP. C'est un raid génial organisé par une équipe d'étudiants géniaux et c'est... génial !). Il est bénévole secouriste sur cette TDS, et il m'avait dit qu'on se croiserait sûrement au col.
Retrouver un copain Toulousain à 8h du matin en haut du Tricot, c'est chouette !
La fin du parcours est un long calvaire pour moi. Je ne m'attarderai pas trop dans ce récit. Je n'ai jamais eu aussi mal aux genoux de toute ma vie, les descentes me font vraiment souffrir. Nous descendons jusqu'à la passerelle de Bionnassay avant de remonter un peu vers Bellevue pour l'avant dernier point de contrôle.
La passerelle de Bionnassay
9h36 – Bellevue (106 km / 7070m D+) – 805e en 27h35
Maintenant on sent vraiment la fin. Il ne reste qu'une descente jusqu'aux Houches puis du plat jusqu'à Chamonix. Je trouve évidement la descente interminable, je boite, Simon m'attend mais je vois bien qu'il pourrait aller plus vite tout seul. Lorsque nous arrivons au dessus des Houches, nous voyons le ravitaillement tout en bas et les lacets sur la route pour y arriver. Ça n'en finira jamais ! Lorsque nous entrons dans le ravitaillement, j'ai les larmes aux yeux à cause de la douleur.
10h39 – Les Houches (111 km / 7070m D+) – 818e en 28h38
Sortie du dernier ravitaillement du parcours !
Maintenant, on sent l'arrivée. Il nous reste huit kilomètres de plat. Si nous arrivons à courir ça passera « assez vite ». Si nous ne faisons que marcher il nous faudra deux heures. Comme c'est inconcevable pour tous les deux de mettre encore deux heures, on se force à courir. Le chemin « plat » est en fait un peu en montagne russes, mais nous nous forçons à avancer. Nous allons le faire ! Nous allons arriver à Chamonix après 120 kilomètres de course ! Nous alternons toujours marche et course, mais lorsque nous arrivons dans les rues de Chamonix, il n'est plus question de marcher. Nous sommes à une heure où les rues sont pleines, tout le monde nous applaudit, et on oublie toutes nos douleurs pour en profiter. C'est vraiment un super moment, on reprend du plaisir alors que ce sentiment m'avait quitté depuis longtemps. Nous passons finalement sous l'arche, main dans la main, après 30h06 de course !
12h07 – Arrivée (119 km / 7220m D+) – 833e en 30h06
Presque frais après 30h de course !
Bilan
Nous sommes vraiment satisfaits et fiers de boucler notre premier ultra ensemble ! Je ne sais pas si j'avais déjà fait quelque chose d'aussi dur. Nous avons chacun notre tour traversé des moments où il a fallu aller puiser au plus profond de nos réserves. Je ne sais pas si je referai un ultra de sitôt. L'année prochaine je ferai peut-être seulement le 80km du Mont Blanc et des courses plus courtes et plus rapides.
Je voudrais finir ce récit en remerciant Simon de nous avoir inscrit sur cette course d'abord, puis de m'avoir supporté pendant trente heures. Marine, Léa et Vincent, en nous suivant pendant toute cette course, ont également peu dormi et ont vécu des moments stressants. Heureusement qu'ils étaient là et ils méritent aussi des remerciements. Enfin merci à tous ceux qui nous ont envoyé un mot d'encouragement avant ou pendant la course !
4 commentaires
Commentaire de lily110 posté le 02-09-2015 à 15:52:58
Beau compte rendu, bravo pour avoir termine cet ultra ensemble... touchante histoire d'amitie egalement. Les photos sont magnifiques ca donne envie
Commentaire de RX posté le 02-09-2015 à 16:02:08
Bravo les gars pour être allé au bout, et superbe récit !
On s'est croisé sur le Passeur de Pralognan qu'on a fini de monter ensemble (vous devez vous souvenir d'un gars sur la course avec un bridge !), mais je vous ai laissés ensuite filer devant pendant que je profitais encore du paysage pour prendre quelques photos. A priori, à la vue des classements on a encore fait quelques chassés-croisés pendant la nuit !
Bonne récup !
Eric
Commentaire de arnauddetroyes posté le 02-09-2015 à 19:11:40
Bravo d être finisher de la TDS à tous les deux ,et merci pour ton Cr
Commentaire de Fimbur posté le 03-09-2015 à 21:48:36
Bravo les gars !
belle performance d'être allé au bout, ensemble
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