L'auteur : pinafl
La course : Le Grand Raid des Pyrénées - Le Tour des Cirques
Date : 21/8/2015
Lieu : Vielle Aure (Hautes-Pyrénées)
Affichage : 3747 vues
Distance : 120km
Objectif : Terminer
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Le tour des cirques c'est un parcours de 120km, 7000m de D+ et 8000 de D-. Profil:
Après un transfert en bus depuis Vielle-Aure, le départ se fait au pied de la startion de Piau, 9h. 646 inscrits, 564 partants.
C’est plein d’émotion que je me présente au départ d’une épreuve qui constitue l’objectif de ma saison. Le seul objectif est de terminer mais je me suis quand meme fait un roadbook en 32h, histoire d’avoir un fil conducteur.
Je suis dans l’incertitude complète, une pubalgie que je me traine depuis des mois a réduit mon entrainement à du vélo et un peu de cardio en salle. C’est aussi la deuxième fois que je m’aligne sur cette distance et ce dénivelé, la première s’étant soldée par un abandon (TDS 2013).
Départ 9h, pour un ultra le réveil n'est pas trop brutal. Enfin, 6h quand même.
La première partie du parcours consiste à faire une boucle dans la station, je pars prudemment en queue de peloton, j’aurai largement le temps de me griller plus tard. Bonne nouvelle, la pubalgie ne se manifeste pas dans les montées et reste discrète en descente.
CP1 - Piau Engaly 21/08 10:32:48 435/559, 165ème V1H
Nous repassons par le point de départ puis commence la longue ascension vers le port de Campbiel, point culminant du parcours à 2596m. Bizarrement je ne ressens pas les effets de latitude comme dans les Alpes.
La vue de chaque côté est magnifique.
Après la bascule la descente se fait sur un terrain relativement facile.
J’ai mal dosé la quantité de poudre que j’ai embarqué dans ma poche à eau. Le résultat est un mélange ultra concentré et presque imbuvable. Oui mais voilà: les descente vers Gèdre est longue (10km, 1600D-) et il fait chaud. Je me résigne à boire ce mélange en grimaçant. J’arrive à Gedres avec un début de déshydratation, étant à sec depuis un bon moment.
CP2 - Gèdre 21/08 13:53:16 399/541, 162ème V1H
Je me pose un bon moment à ce ravito où commencent à se compter les abandons. Il y a des entorses et pas mal de victimes de la canicule. Je prends le temps de me poser à l’ombre et de savourer l’eau fraîche dont je rêvais depuis un moment. Je remplis ma poche ainsi qu’une petite bouteille, et je repars sous le cagnard, avec 1h30 d'avance sur la BH.
Le suite de l’après-midi se déroule sous un soleil de plomb. Il y a seulement 13 km entre deux points d’eau mais il faut franchir la Hourquette d’Alans et je suis vite à sec. Nous passons au bord du barrage des Gloriettes au milieu des alpages. Beaucoup n’ont plus d’eau comme moi et ils sont nombreux à s’arrêter se rafraichir et boire au ruisseau. Même si je suis complètement desséché je ne prends pas le risque de boire cette eau.
Arrivés à la
Arrivé enfin à la Hourquette d’Alans, un local nous annonce 20mn de descente avant d’arriver au point d’eau, il m’en faudra 30. Sur place, c’est le ruée sur les jerricanes. Certains coureurs se couchent dans l’herbe et commencent un petite sieste. Il commence à faire un peu moins chaud et il y a un peu d'ombre. Je prends le temps de me poser et je bois tout ce que je peux, de l’eau mais aussi de la soupe. Le decente se poursuit jusqu’au cirque de Garvarnie.
CP3 - Cirque de Gavarnie 21/08 20:10:46 360/480, 144ème V1H
Courir au milieu du cirque de Gavarnie, patrimoine mondial de l’Unesco, au coucher du soleil c’est quand même la classe :-)
Je suis surpris en apprenant mon classement, il a du y avoir beaucoup de casse depuis Gèdre. Ce check point sert à s’enfoncer un peu dans le cirque mais le prochain ravito, à Gavarnie même, est tout proche et atteint 30' plus tard.
CP4 - Gavarnie |
21/08 20:47:53 378/508, 154ème V1H |
Là encore beaucoup d’abandons, l’idée me traverse l’esprit quand je pense à tout ce qu’il reste à parcourir. Je prends mon temps pour boire et manger, je sors la frontale et repars avec 1h40 d’avance sur la BH qui est à 23h.
Première partie de la course de nuit. Je pars avec un groupe puis je me retrouve seul après une pause. Je raccroche ensuite un autre groupe de trois coureurs dont le rythme me convient bien. Ils me tirent jusqu’au ravito de Trimbareille.
CP5 - Trimbareilles 22/08 01:43:41 293/391, 121ème V1H
Je double peu de gens mais les abandons sont nombreux, ce qui me fait progresser au classement.
C’est un petit ravito mais une vingtaine de personnes sont installés sur les bancs sous la tente. A écouter les discussions, je me rend compte petit à petit que tous ce gens abandonnent. Même le groupe du trois qui m’a amené ici n’ira pas plus loin. Pourtant ils avançaient bien. Du coup je doute… Est-ce que la suite est si difficile? Pourquoi est-ce qu’ils ne poussent pas Luz? Je sens qu’il ne faut pas tergiverser et je me dépêche de repartir. Si je dois abandonner autant le faire à Luz, ça sera plus simple pour rentrer ensuite. J’ai toujours 1H30 d’avance sur la BH.
Deuxième moitié de la nuit. La suite n’est effectivement pas une partie de plaisir. Le sentier est souvent très escarpé, à un endroit se trouvent même deux bénévoles étendus dans leur duvet qui nous indiquent de se tenir au cable de sécurité. C’est que de l’autre côté c’est le ravin qu’on devine profond. Ma frontale n'est pas assez puissante pour en éclairer le fond mais je profite des coup d'oeil des personnes devant moi.
Un ravito sauvage avec des chaises posées sur le sentier, de l'eau et du thé est installé au milieu de nulle part, devant une maison. Je bois, je bois, je bois. Je n'arrive pas à me réhydrater. Deux fémines sont là, l'une d'elle est épuisée et demande à aller s'allonger 20' dans la maison sur un matelas. Sa collègue n'est pas vraiment d'accord avec sa collègue, Luz est à 1h.
CP6 - Esquieze Sère (Luz) Entrée 22/08 05:07:21 247/323, 101ème V1H
J’arrive à Luz, base de vie commune au 120 et au 160. J’ai pour objectif d’en repartir avant 6h pour conserver toujours de l’avance sur la BH (8h pour la sortie). Je suis surpris par l’ambiance qui règne ici. On se croirait dans un hôpital. Personne re parle, il y a une salle pour ceux qui ceux font masser, une autre pour les podologues. Dans la salle commune les gens se changent et se soignent en silence. Certain ont le regard vide et beaucoup on l’air très fatigué. Je vois un gars changer de chaussettes, ses dix ongles de pieds sont noirs... Je décide de rester le moins possible ici. Je ne touche pas à mon sac de rechange, je ne change pas de chaussettes, je ne soigne pas mes ampoules, d’ailleurs je ne les sens plus depuis un moment, je n’enlève même pas les cailloux qui se trouvent dans ma chaussure et que j’ai fini par caler entre deux orteils. Par contre je me force à boire et à manger, ça passe difficilement. Finalement je reste quand même plus de 45mn.
CP6 - Esquieze Sère (Luz) Sortie |
22/08 05:56:12 210/285, 86ème V1H |
Je repars en compagnie d’un autre coureur, nous marchons côte à côte, lents et silencieux. Tout à coup il se fait interpeler par deux autres personnes se trouvant quelques mètres derrière, à cause de sa une démarche « titubante ». En fait il s’était endormi. Quelques minutes plus tard c’est à mon tout de connaître un mega coup de barre. Je cherche des yeux en endroit ou m’allonger. Je lutte, je me dis que ça va peut-être passer. Dormir c'est courir le risque de ne pas se réveiller et surtout de ne pas arriver à relancer une machine raide et refroidie. Finalement le jour se lève et ça passe, tout comme ça passe pour Marc, le traileur qui dormait debout 30 mn plus tot. Marc sera un précieux compagnon jusqu’à Merlans.
CP7 - Tournaboup Entrée |
22/08 08:55:41 203/274, 85ème V1H |
Au ravito de Tournaboup je reconnais le kikoureur Jack qui est près de repartir. Lui aussi a été victime de déshydratation et n’est pas au top mais il est décidé à continuer. Nous avons maintenant 2h30 d'avance sur les BH.
CP7 - Tournaboup Sortie 22/08 09:14:24 192/265, 80ème V1H
Nous faisons cette partie avec Jean-René, à un rythme très tranquille et sur un sentier ne présentant pas de grosses difficultés au début. Mais ça se gâte par la suite. La montée vers le col de Tracens paraît interminable et on a du mal à croire qu’il faut monter tout là-haut, là où d’autres devant essaient d’avancer aussi. On commence à bouffer du caillou, mais ce n’est qu’un début.
1000D+ à avaler sur cette portion de 8km, avec des cailloux, des cailloux, des cailloux. Je suis toujours avec mes deux compagnons mais j’ai de plus en plus de difficulté à garder leur rythme. Nous prenons l’itinéraire le plus « crade », les concurrents du 80 passent pas un autre sentier qui les raccourcit d’une heure. D’ailleurs plusieurs concurrents du 160 seront déclassés pour voir pris le mauvais itinéraire. La bifucation était pourtant indiquée par des bénévoles sur place.
CP8 - Pountou 22/08 09:57:40 192/262, 81ème V1H
C'est ensuite la montée vers le col de Tracens à 2463m avant de redescendre vers le ravito de Hourquette Nere.
De plus en plus difficile pour moi, toujours dans les cailloux. Les descentes font souffrir les quadris, les montées font rapidement passer le palpitant en zone rouge.
Marc est cramé, moi je suis carbonisé. Nous laissons Jean-Réne partir, lui a encore un peu de jus.
Au refuge d'Aygues cluses je croise un autre Kikoureur, Bouh17 qui repart avant moi.
La montée vers Hourquette Nère est un calvaire, je n'ai plus rien dans les jambes.
CP9 - Hourquette Nère 22/08 14:10:52 192/249, 77ème V1H
Je sens que physiquement je suis au bout. Je doute de pouvoir terminer les 20km qui restent à parcourir. Ce ne sont pas seulement les jambes qui sont dures comme du bois, c’est plutot une fatigue généralisée. Nous sommes encore en pleine chaleur, je sais que je suis déshydraté mais je n’ai pas soif. Je suis essouflé, même marcher en terrain plat demande un effort considérable. J’ai des vertiges et des hallucinations, je sens que la syncope n’est pas loin.
On se met d’accord avec Marc, il me traine sur la dernière montée et je m’arrêterait qq minutes dormir à Merlans.
CP10 - Restaurant Merlans 22/08 17:06:56 228/280, 97ème V1H (21 personnes de moins ont pointé au CP précédent ?!)
Finalement je me contenterai de me poser de longues minutes et repartirai 10 minutes après lui.
Les première gouttes tombent lorsque je repars et j’enfile ma veste imperméable car j’ai entendu dire que le pluie arrivait pour de bon.
La toute dernière montée, facile, se fait au pied d’un télésiège et nous amène au haut d’une piste rouge. J'appréhendais la dernière descente car on avait dit tout et son contriare à son sujet. Finalement c’est un boulevard, sans cailloux, mais qui met à rude épreuve mes quadris déjà bien entamés. je me freine comme je peux avec les bâtons et me fait dépasser par des concurrent du 80.
Arrivé à Espiaube il reste encore 7km et c’est une alternance de route bitumée et de sous-bois pleins de racines. J’ai une pensée pour Sab qui a du abandonner dans les parages et du coup je redouble de prudence (je ne connaissais pas le motif de son abandon). La nuit commence à tomber et il fait noir dans les parties ombragées mais je n’ai pas envie de m’arrêter pour ressortir ma frontale qui de toute façon n’est pas étanche. Je me range constamment sur le côté pour laisser passer des dizaines de courreurs. En effet il y’a beaucoup de racines et je ne peux plus arquer là-dedans.
Enfin c'est le dernier kilomètre, sur une route plate, je regarde mon chrono, 34h50 de course à ma montre et je me dis que je peux encore rester sous la barre des 35h. Je trouve l’ énergie de terminer en courant (enfin pas plus de 8 à l’heure, hein!) et j’arrive sous une pluie torrentielle dans les rues de vieil Aure sous les acclamations de la foule. J’ai les larmes aux yeux mais ma pudeur me pousse à ne pas craquer. J’ai tellement souffert et douté depuis deux jours!
Arrivée - Vielle-Aure 22/08 19:56:55 207/257, 87ème V1H
Je franchis la ligne hébété et je mets quelques minutes à comprendre qu’il faut encore monter sur l’estrade pour se faire biper. J’ai dû perdre quelques places au passage mais ça n’a aucune importance. La pluie est diluvienne maintenant et le speaker s’inquiete pour les quelques 350 personnes encore présentes dans la montagne. Les courses seront peu après neutralisées.
Il y a très peu d’abris, les sacs coureurs (qui avaient été déposés dans les bases de vie) attendent leur propriétaires sous l’eau sur un préau non abrité. Les bénévoles se démènent pour les distribuer le plus rapidement possible. Il tombe des seaux d'eau. Ce sont des sacs pratiques qui se referment avec une ficelle, attention à ceux qui n’ont pas complètement fermé!
Voilà. Si je fais un petit bilan de cette course, je dirais que je heureux d’être allé au bout mais je suis moins content de la manière. C’est plus la victoire de la ténacité que des qualités physiques pures. A cette vitesse sur d’autres courses je n’aurais peut-être pas traversé les barrières horaires. Réussir ce 120km était une condition nécessaire pour m'aligner sur un 100 miles l'année prochaine mais je me rends compte que je n'ai pas encore ma caisse pour.
Les plus:
- Les paysages grandioses
- L’organisation
- Les bénévoles aux petits soins
Les moins:
- Pas mal de ravitaillements/assitance observés en dehors des zônes autorisées...
- Le manque d’eau, déshydraté par deux fois sur le parcours et un premier pipi au km 115.
- Trop de cailloux!!!
En bonus, la découverte des dégâts en rentrant
++
11 commentaires
Commentaire de Galopaïre posté le 25-08-2015 à 22:27:56
Bravo pour ton courage. La partie n'était pas facile et aller au bout demande un gros mental quand physiquement on est rincé.
Maintenant repos et soins avant de repartir vers une nouvelle aventure...
Commentaire de pinafl posté le 26-08-2015 à 21:37:13
Merci, bravo à toi pour ton podium SEH!
Commentaire de arnauddetroyes posté le 25-08-2015 à 22:44:22
Rien que d avoir terminé cette édition du GRP c est déjà une énorme victoire!
Bravo et merci pour ton CR
Commentaire de jb600cbr posté le 26-08-2015 à 08:53:18
Bravo d'avoir fini !!!
Pour info sur le 160 nous n'avions pas non plus besoin de monter au col de tracens. Seul le 120 y passe.
Encore félicitation.
Commentaire de pinafl posté le 26-08-2015 à 21:33:36
Ok, ce sont des gens du 120 qui ont du couper alors. Bravo as toi, tu finis pas loin devant moins avec 40km de plus...
Commentaire de bruno12 posté le 26-08-2015 à 10:47:12
Bravo ! Tu as prouvé que tu as le mental pour finir aussi un 160. En tous cas ce parcours du 120 me fait bien envie. Nous avons du nous croiser quelque part car je suis arrivé sous le début de l'orage au merlan et je termine un tout petit peu avant toi mon 160 (à priori 6min avant).
Commentaire de pinafl posté le 26-08-2015 à 21:39:53
Je suis reparti du ravito quand tu arrivais, tu as donc dû me dépasser dans la dernière descente, tu avais un peu plus de jus que moi!
Commentaire de bruno12 posté le 27-08-2015 à 10:19:09
En fait je ne me suis arrêté que quelques secondes au ravito le temps de badger et d'enfiler la veste. Je suis reparti direct en zappant complètement le ravito pour essayer de basculer le col de Portet avant que l'orage ne devienne un problème. Je suis un peu trouillard côté orage. J'ai même rangé mes bâtons avant la fin de la montée. J'avais les jambes et je suis monté assez vite au col. Par contre dans la descente je n'ai pu que trottiner car j'avais trop mal aux pieds pour relancer comme je l'avais fait les années précédentes (j'ai mis 2h14 entre l'arrivée au Merlan et l'arrivée alors que l'an dernier j'ai mis 1h40 en m'étant arrêté 10 bonnes min au ravito).
Commentaire de Woualy posté le 27-08-2015 à 14:13:06
Beau CR qui me rappel étrangement le mien, j'ai du te doubler au ravito de Merlans, car je pointe à la Hourquette Nère à 14H59' et Merlans à 17h16', j'ai fait un ravito express à Merlans pour arriver juste avant le déluge à 19H36'.
Belle course, bonne récup'
Commentaire de caro.s91 posté le 28-08-2015 à 12:32:35
Bravo pour avoir su trouver les ressources nécessaires pour finir.
Et joli CR qui retrace bien les difficultés !
Commentaire de bouh17 posté le 30-08-2015 à 16:51:20
Bravo Pinafle pour cette réussite, finir cette édition n'a pas été chose facile. Bravissimo!!
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