L'auteur : franchto
La course : Andorra UT Vallnord / Ronda dels Cims
Date : 26/6/2015
Lieu : Ordino (Andorre)
Affichage : 2812 vues
Distance : 171km
Objectif : Pas d'objectif
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La préparation de cette Ronda del Cims s'est déroulée sans encombre, sans blessure ; lors de cette préparation, je rencontre Apostolos (@apos66 sur Twitter) lors d'un de mes entrainements à Montmartre (et oui, il faut bien s'entrainer même pendant les déplacements professionnels). Cette année par contre je dois avouer que côté motivation, je n'étais pas autant motivé que pour le Grand Raid des Pyrénées… il me manquait le petit truc qui me faisait me lever à 6H du matin pour courir… je pensais déjà à faire une année blanche l'année prochaine, avant l'épreuve…
Mais au fait la Ronda del Cims c'est quoi ? C’est le tour géant de toute la Principauté d'Andorre, en passant par le point culminant, le Pic du Comapedrosa à 2.942 m, en longeant la frontière. Sous la pleine lune durant les jours les plus longs de l'année. J'ai choisi cette course car sur le calendrier elle se situait fin juin, c’est-à-dire avant le mariage de David (en juillet) et Alex (en août). Ensuite en quelques chiffres c'est :
Pour le départ, nous sommes trois à partir du vignoble nantais ; Sebastien & Davy sur la Mític (112 km et 9700D+) et moi sur la Ronda del Cims (170km et 13500D+). Nous partons le mercredi soir vers 18H30 en direction des Pyrénées, et décidons de dormir à proximité de Toulouse. Nous arrivons finalement à Ordino en matinée vers 9H00, et nous retrouvons Apostolos et Vincent (un ami d’Apostolos) à la terrasse d'un café ;
Cela me laisse la journée pour me reposer, récupérer mon dossard et préparer mon sac de course et les sacs pour les bases de vie. Le village d'Ordino reste plutôt calme pour cette journée du jeudi, et bizarrement je ne ressens pas le stress comme sur certaines courses… le coucher s'effectue à 21H00, après un repas très complet à base de pâtes complètes à l'épeautre.
Le jour de la course, le lever s'effectue à 5H45 et commence par la traditionnelle pose des scotchs de protection sur les tétons, sur les épaules et sur les hanches… je m'habille tranquillement et mange assez peu (uniquement des biscuits et une tisane). Il est 6H45, quand je rejoins le sas de départ accompagné de Seb et Davy, là je retrouve Apostolos et on commence doucement à discuter…
L'ambiance est particulière et chargée de ces petits riens d'avant course, avec comme musique de fond de la samba particulièrement rythmé (quel énergie !).
Le départ est donné à 7H00 du matin pétante, après l'hymne de l'Andorre et quelques feux d'artifice. Ça démarre doucement en courant, on discute, on cherche je ne sais quoi, je ne sais où… c'est juste le départ…
La première partie du parcours s'effectue dans une première partie boisée et agréable, nous sommes à l'ombre… il commence à faire chaud, à 8H00 je suis déjà en manches courtes. Nous arrivons au premier ravitaillement (Refuge de Sartony), tout le monde est encore frais, il ne fait pas trop chaud… pour le ravitaillement c'est un peu le bazar, seulement une demi table pour les boissons… je suis toujours avec Apostolos, juste le temps de manger, de changer de chaussettes et on repart…
A partir de ce moment de la course, nous savons que nous allons passer près de 60km à plus de 2000 mètres d'altitude, le décor change, nous ne voyons plus d'arbres, seulement des cailloux, des cailloux et des névés…
La descente de la Portella Rialp se fait le cul dans la neige, par cette chaleur c'est plutôt agréable… à partir de moment, je commence à prendre conscience que cette course va vraiment être longue et dure… avec Apostolos, on discute comme des pipelettes… ça fait du bien, on ne voit pas le temps passé… le temps est magnifique, tout comme les paysages…
Nous arrivons après 10H30 d'effort au Pla de l'Estany, on sait que l'on peut gagner notre poids en soupe si on est le plus rapide à monter le Pic Comapedrosa (2946 mètres)… ça nous fait rigoler… enfin ça nous a fait rigoler, car dans la montée je comprends très vite que ça va être long et difficile (nous montons en 1H45, les 2,5km avec 900D+) ; Sur cette montée, on passe notre temps à évoluer d'un caillou à un autre, il n'y a pas de sentier, juste des marquages, c'est très technique… pour déconner je dis à Alex que la montée du Pic du Midi en comparaison c'est juste "bon pour les majorettes" ; cela reste l'une des montées les plus difficiles faites à ce jour...
A ce moment, je me dis que j'ai peut être sous-estimé la difficulté de l'épreuve (aussi en discutant avec d'autres coureurs, tout le monde nous dit que cette course est plus dure que la diagonale des fous, j'ai peut être fait une erreur de casting et j'aurais peut-être du écouter Flo et m'inscrire sur la Mític avec ses 115 km)… dans cette montée, je commence à discuter avec Christophe et Adrien, nous resterons ensemble tous les trois jusqu'à la fin de l'épreuve. En haut du pic, nous découvrons un joueur de gaïta (cornemuse espagnole), nous nous reposons quelques minutes, la vue est dégagée et superbe...
Comme la montée, la première partie de la descente est super technique… on se dit à ce moment que nous avons passé la journée dehors, et que nous n'avons parcouru que 45km, juste un peu plus qu'un marathon… dans la descente nous passons la partie enneigée présentée en briefing… c'est magnifique… à ce moment, Apostolos commence à avoir un petit moment de fatigue, cela fait plusieurs ravitaillements qu'il ne mange plus et commence à ne plus pouvoir boire… c'est mauvais signe pour lui ; la gestion de l'alimentation est l'un des trois piliers de ces épreuves.
Au ravitaillement suivant, c’est-à-dire à 50km (Comapedrosa), il décide d'abandonner, il me souhaite bonne chance… nous aurons parcouru les 50km premiers kilomètres ensemble. A ce stade, nous mettons les lampes frontales et savons que nous allons partir pour notre première nuit dehors… nous ne pensons plus qu'à une seule chose, rejoindre la première base de vie de la Margineda… A ce stade, nous savons que nous avons passé un gros morceau, mais que la route est encore bien longue. Après Bony de la Pica, nous arrivons sur une descente extrêmement technique… les pentes sont vertigineuses et plusieurs accès sont sécurisées avec des chaines (nous ne sommes pas loin de la via ferrata, pour information ce genre d'épreuve ne pourrait pas avoir lieu en France pour des raisons de sécurité, mais les Andorrans sont des montagnards). Dans cette descente, je commence à avoir des échauffements sur le dessus du pied à cause de la pente (les ampoules sont généralement sous le pied, mais dans ce cas la pente est tellement raide que j'ai des ampoules sur le dessus du pied)… la douleur est supportable et nous arriverons finalement à 4H00 du matin à la Margineda.
Sur cette base de vie, j'en profite pour aller voir le podologue, j'ai une petite ampoule et surtout je veux soigner mes deux échauffements sur le dessus du pied (un bout de feutrine et un bandage font des miracles) ; 20 minutes après j'ai des pieds tout neuf… sur cette base de vie, je récupère mon sac d'assistance et j'en profite pour me changer entièrement, me restaurer… après une heure de pause et un petit café, nous repartons à l'assaut du Pic Negre.
La section suivante n'est pas très intéressante jusqu'à Coma Bella (nous montons et descendons sans trop savoir où nous allons)… à ce ravitaillement, nous nous accordons 20 minutes de sieste, mais finalement dans l'herbe mouillée et avec les mouches je n'arrive pas à dormir, à peine à me reposer. Nous nous restaurons à nouveau, il commence à faire chaud, il est un peu plus de 9H30 du matin quand nous partons du ravitaillement.
Dans cette section, nous sommes doublé par un coureur de la Mític, je lui demande si c'est lui le premier, il répond qu'il est deuxième… le premier était sur la base de vie de la Margineda en même temps que nous, mais nous ne l'avons pas vu… quand on compare le style des premiers et le nôtre, on comprend vite que l'on ne passe pas assez de temps en montagne, quand ils montent c'est avec tout le corps, et la puissance développée par les bras et les bâtons est nettement supérieure à la nôtre… nous nous faisons dépassé par Julien JORO (favori français sur la Mític).
La monté du Pic Negre est incroyablement longue… à ce stade, je suis heureux que nous sommes trois, cela nous permet de garder un certain rythme même dans des moments où la motivation est faible. En haut du pic Negre, nous en profitons pour faire une petite pause… la descente vers Claror est encore longue (en fait tout est interminable en Andorre)… Nous passons les 100 km, et crions un grand "Youpi" à travers les alpages. Nous arrivons finalement à 15H30 à Claror, c’est-à-dire après 6H00 en autonomie depuis le dernier ravitaillement.
La section entre Claror et Illa se déroule sans encombre, nous avançons tranquillement… le paysage est magnifique, nous longeons un torrent de montagne ; nous arrivons à courir de temps en temps en fonction de la typologie du sentier… par contre, nous découvrons un nouvel ennemi après le soleil, les moustiques. Sur ce bord de torrent, les moustiques sont nombreux et piquent même à travers les textiles… c'est particulièrement désagréable, nous avons hâte de monter vers le refuge de Illa à 2400 mètres pour leurs échapper.
Au refuge, nous nous accordons une sieste de 15 minutes… mais finalement je n'arrive toujours pas à dormir… juste à me reposer en fermant les yeux.
Après un bon bol de bouillon, nous reprenons la route, nous avons froid et il va bientôt faire nuit ; nous rallumons nos frontales en direction du Pas de la Case, là aussi mentalement l'arrivée à la deuxième base de vie est un objectif important ; à ce stade, je suis en train de me dire que sauf blessure nous devons pouvoir terminer cette Ronda, nous avons une avance confortable sur la barrière horaire et nous sommes tous les trois encore en bonne forme.
Nous arrivons au Pas de la Case à 1 heure du matin, nous sommes à la deuxième base de vie et nous avons parcouru 130 km… c'est bon pour le moral… A notre arrivée, Christophe retrouve Serge un ami à lui, venu l'encourager. J'en profite pour me faire refaire les bandages par le podologue (les autres sont dans état déplorable), ensuite je me change à nouveau avec des vêtements secs et je pars faire une sieste de 20 minutes où j'arrive à dormir 5 à 10 minutes… cela fait du bien, je sens que mon corps à lâcher prise et qu'il est plus détendu… après un repas chaud, il est déjà temps de repartir avec nos frontales…
La section du pas de la case à Inclès est mon pire souvenir, nous sommes tantôt à monter, tantôt à descendre les pieds dans la boue… le terrain est très irrégulier et nous ne suivons aucun chemin… pourtant ces chemins existent, mais pour rendre la course plus dure, les organisateurs nous font passer par des passages improbables, "droit dans le pentu" (comme dirai Adrien) et particulièrement éprouvant. Dans la montée vers le pas de les Vasques, nous tombons sur un névé très pentu… à plusieurs reprises sur ce tronçon, on se dit que les bâtons sont indispensables… un faux pas, et on fait un joli plongeon dans le contrebas… Depuis le début de la course, le parcours n'a pas fait de cadeau, nous découvrons que pour la fin de course nous n'en aurons pas plus… la course est difficile jusqu'à la fin.
Malgré cette difficulté, la nuit est douce et belle, nous prenons quelques minutes pour regarder les étoiles frontales éteintes, un moment rare. Le lever du soleil est magnifique sur la chaine pyrénéenne.
L'arrivée à Inclès se fait à 6H50 du matin, et nous continuons en direction des deux ravitaillements suivants. Le parcours est encore long jusqu'à la ligne d'arrivée et nous devons passer les deux cols de Cresta Cabana Sorda et Collada Meners. Nous continuons toujours sur notre rythme de croisière, mais il fait de plus en plus chaud… je commence à avoir un goût de plastique dans la gorge à force de boire de l'eau dans mes bidons… je ne veux pas faire de déshydratation, je me force à boire… je ne bois plus que de l'eau… le bouillon de légume ne passe plus et les boissons énergisantes non plus… je commence à saturer sur les aliments sucrés, mais j'ai toujours un très bon appétit sur les ravitaillement. A ce stade, nous préférons vraiment la montée à la descente ; Adrien vient de casser un bâton, et décide donc de finir sans bâton… cette mésaventure le fait souffrir au talon (il souffre d'une tendinite)… Au ravitaillement de Coms de Jan, je lui prête une paire de chaussettes neuves, nous mangeons et repartons… Nous savons que nous allons finir, le cœur est léger… on se dit que même avec une cheville en vrac, on peut finir cette course, en plus nous avons une forte cohésion dans notre petit groupe… on se fiche pas mal de notre temps, on veut juste finir ensemble main dans la main.
Nous retrouvons le ravitaillement de Sorteny (c'était le premier ravitaillement de la Ronda) ; il fait de plus en plus chaud, on ne traine pas sur ce ravitaillement… on sait que l'arrivée est dans un peu plus de 11 km et on est pressé d'arriver… il nous faudra tout de même un peu plus de 2 heures pour faire ces 11 km. Dans les trois premiers kilomètres nous courrons dans la descente, mais Adrien commence vraiment à souffrir de son talon… on ne se fait pas prier et nous marchons ensemble… il fait terriblement chaud à ce moment, et nous commençons à être impatient d'arriver… nous demandons le kilométrage restant à chaque passant que nous croisons… Au camping d'Ordino, Christophe est rejoint par Serge, et quelques centaines de mètres plus loin, je découvre Seb, Davy et Apostolos… ils font le dernier kilomètre avec nous, nous sommes soulagés… nous découvrons l'église d'Ordino, il reste un dernier virage et nous sommes arrivés… nous passons la ligne main dans la main comme prévu, nous nous embrassons ; derrière nous, nous découvrons le podium de la Ronda… nous sommes arrivés à finir cette course de Ouf’… vite, vite donnez-nous trois bières !
Nous sommes heureux d'être arrivés, nous aurons mis 56 heures et 44 minutes au total… après un petit moment de battement, je pars chercher mon cadeau de finisher : une super veste rouge et noire et nous installons pour boire une bière en terrasse avec Apostolos, Davy et Seb. Ensuite nous partons manger avec Adrien et Christophe, on se pose… on rencontre Gérard (l'organisateur de l'événement) et Christophe est un peu à cran à cause du passage après le pas de la case (souvenez-vous des chemins qui existent mais que l'on ne prend pas), on en rigole à table… ça fait du bien… nous partons à la douche et on se retrouvera plus tard encore autour d'une bière et des tapas…
Quelle aventure humaine ! To be continued…
Remerciements :
Tout d’abord à l’amour de ma vie, jamais je ne pourrais la remercier suffisamment de me laisser faire ces défis, ces courses initiatiques et ces rencontres humaines incroyables ; merci pour son soutien sans faille (même quand certains moments peuvent peser sur notre petite famille) ;
A mes enfants qui ne comprennent pas après quoi leur papa court, j’espère pouvoir un jour leur transmettre les valeurs de travail, d’abnégation et d’humilité que peuvent nécessiter ce genre d’épreuve ;
A Seb et davy, mes compagnons d’infortune avec qui nous avons partagé des moments très forts sur ce genre d’épreuve, j’espère que la découverte de la montagne leur apportera plus de succès lors de leur prochaine tentative ;
A Adrien, Christophe et Apostolos, mes compagnons de route sur cette Ronda ; avec qui nous avons partagé plus que des bons moments, de belles émotions et des valeurs de solidarité et camaraderie ;
A Alex, mon Community Manager sur cette course qui a fait un travail remarquable pour que les personnes intéressées puissent suivre mon aventure aux pays des cigarettes pas chères ;
3 commentaires
Commentaire de trailaulongcours posté le 21-07-2015 à 14:13:58
Bravo! Je ne te connais pas mais chapeau kikou ! Sacrée course, récit sympa et bonne gestion pour aller jusqu'au bout!
Commentaire de philippe.u posté le 21-07-2015 à 17:02:04
J'avais suivi les péripéties d'Apos via Twitter... Ton récit confirme l'extrême difficulté de cette course, un grand bravo pour l'avoir surmontée.
Commentaire de oc12 posté le 28-07-2015 à 09:39:26
Etonnant de voir des gars qui doivent arrêter si tôt sur une course si longue, comme dans le Cr de l'Intégrale de Riquet. Mais nous avons un été torride où la déshydratation frappe même sur un 30 km comme le magnifique TrailDuCaroux ou la non moins belle et TRES dure 6666 occitane où j'ai eu l'honneur d'être serre-file. Mais bon, ça peut arriver aux meilleurs...La volonté d'arriver de votre "équipe" me motive pour les hospitaliers le 1er nov. à Nant. Cela fait plusieurs courses où j'arrive à mieux boire et manger, tout en sachant bien que sur les longues ma gestion de la nourriture est:
début: magnifique et régulière; 1er quart: presque exemplaire; 2ème quart: correcte; 3ème quart: alternative et bizarre fin de course: surréaliste et déroutante...
Reste que vu l'été qu'on a y a des gars qui passent aux ravitos en rechargeant pas en eau pasque le prochain est pas loin et que après heureusement que la dame du minibus des abandons elle a de la Salvetat (aux pouvoirs reconnus dans tous les trails du Caroux alors que Perrier et Vichy ne marchent pas...); bonnes courses les collègues!!!
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