L'auteur : chabidou
La course : Trail du Lac d'Annecy - Technica Maxi Race
Date : 30/5/2015
Lieu : Annecy (Haute-Savoie)
Affichage : 3848 vues
Distance : 86km
Objectif : Terminer
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Samedi 30/05/2015 - 5h
Plage d’Albigny – Annecy-le vieux
J’ai un peu froid sur cette ligne de départ. Il fait encore nuit. La veste est dans mon sac, mais je sais que je vais me réchauffer dès les premières foulées. Pierrot est à côté de moi, et s’amuse avec mon téléphone pour prendre des photos. Nous sommes placés dans le derniers sas, en fin de peloton.
A ce moment là, je doute de ma réussite. Une entorse à la cheville quelques semaines plus tôt a mis une grosse ombre au tableau. J’ai peur de souffrir et peut-être d’abandonner…
3,2,1…le départ est donné.
On commence à trottiner une vingtaine de mètres après la ligne de départ. Pierrot se cale derrière moi, et s’adapte à mon rythme. Ces quelques kilomètres de plat me réchauffent. Nous sommes plus de 1800 coureurs à traverser le Pâquier.
Début de la montée du Semnoz, je souris en voyant tous ces messieurs s’arrêter pour soulager une petite envie…Pierrot le premier ! A chaque course, c’est pareil !!! Pierrot me rejoins en mettant un coup d’accélérateur pour me rattraper…
On bouchonne, on s’arrête, on repart, on double…cette montée du Semnoz passe très vite, et je suis surprise de voir le chalet de Bénévent. La suite, je la connais, on l’a fait lors d’un wec avec Pierrot.
Les premiers des relais et de la XL Race (parti 1h après nous) nous doublent à une vitesse hallucinante. Je les plains…doubler cette cohue de coureurs ne doit pas être agréable.
Tout se passe bien, les sensations sont bonnes. En coach vigilant, Pierrot me dit qu’on monte un peu vite…lui qui parait si facile ! Les bouchons de coureurs ont un effet bénéfique, et ils me freinent et m’évitent d’être dans le « rouge ».
8h05 – Sommet du Semnoz – 18 km – 1440m D+ cumulé
Temps : 3h05
Temps souhaité/estimé/rêvé : 3h20
Au sommet du Semnoz, Pierrot prend de l’avance pour tenter une photo…Il paraît tellement facile !
On ne s’arrête pas au sommet. J’ai de bonnes sensations, la cheville tient. Je suis contente, j’ai 15 minutes d’avance sur mon estimatif, c’est bon pour le moral !
Au ravito, Pierrot me dit de continuer, il va faire le plein de son sac au cas où on tombe en panne d’eau avant St Eustache. Je ne fais que traverser la tente, et j’attaque la descente.
Pierrot en plein effort pour me rattraper
La descente se passe très bien, et l’arrivée sur Saint Eustache arrive vite.
8h50 - Saint Eustache – 26km
Temp : 3h50
Temps souhaité/estimé/rêvé : 4h00
Je remplis la poche à eau. A ce stade de la course, je n’ai rien avalé. Je tourne à l’hydrixir depuis le départ…confiance totale à mon Pierrot qui m’a fait la préparation ce matin à 4h. Je ne ressens pas le besoin de manger, mais par gourmandise, je prends un petit Snickers…qui passe très bien.
Le montée du col de la Cochette est flou…pourtant ça ne fait qu’une semaine que cette course est passée ! Le fait de courir à la queue-leu-leu m’a mis dans une bulle, et de savoir Pierrot derrière moi, me donne un sentiment de protection. Ca me rappelle les mêmes sensations que la Saintélyon qu’on a fait ensemble.
Dans la montée, plus d’eau. J’aspire, j’aspire, mais rien ne vient ! On s’arrête pour voir le problème…je suis tellement assisté avec mon chéri à côté, que je ne pense même pas que le bouchon est tourné…la blonde !!! Pierrot s’est bien marré.
10h26 - Col de la Cochette – 33km – 2270m D+
Temps : 5h26
Temps souhaité/estimé/rêvé : 5h30
Premier beau point de vue sur le lac. Je ne m’arrête pas, certains sortent l’appareil photo. C’est vrai que quand on n’est pas de la région, ça vaut le coup de s’arrêter. Ce lac, je le connais par cœur, j’y ai passé toute mon enfance.
Nous basculons dans la descente, et nous sommes toujours aussi nombreux. C’est la première fois depuis le départ que ça m’énerve. Ca pourrait être une chouette descente, mais on bouchonne, on s’arrête à cause de certains coureurs pas à l’aise.
J’essaie de doubler dès que c’est possible. Pierrot suit derrière.
Et tout à coup, je me tors ma fameuse cheville. Je sens une vive douleur sur le coup, mais heureusement la douleur s’estompe en courant, je me suis fait peur, et ça me rappelle qu’il faut que je sois vigilante, car ma cheville est fragile. Tellement concentrée sur les appuis de mon pied droit, il se passe moins de 15 minutes, avant que je me torde la cheville gauche. Non, non, pas de conneries maintenant ! Je me concentre et ça passe.
En arrivant à La Thuile, ça sent bon le ravito de Doussard. Il reste un peu de route. Je sais que mes parents et mes enfants sont là-bas, ça me motive pour courir tout le long.
12h09 - Doussard– 44 km – 2560m D+
Temps : 7h arrivée – 7h30 reparti
Temps souhaité/estimé/rêvé : 7h15
J'aperçois Papa et Lucas avant l'entrée dans la salle. On se donne rdv à la sortie.
On rentre dans le gymnase de Doussard, je prends à la volée un verre de coca et un morceau de pizza, et je ressors très vite pour voir la petite famille, qui nous a amené quelques affaires. Ca me fait très plaisir de les voir et ça me donne le moral pour la suite ! On prend une vingtaine de minutes pour refaire le plein, mettre de la NOK aux pieds et de la crème solaire sur la tronche.
A ce stade, je commence à fatiguer, mais je me sens bien. Ma cheville tient le coup, et au fond de moi, je sais que j'irai au bout.
Un gros bisou à mes enfants, et nous voila repartis. On repart tranquillement en marchant. J'en profite pour manger un sachet de M&Ms, et Pierrot passe qq coups de fils à nos suiveurs "Internet" pour donner des nouvelles.
J'aperçois Joachim (mon acolyte de sorties CàP entre midi et deux), il est venu spécialement de Grenoble pour nous voir ! Merci, ça m'a fait très plaisir de te voir...la prochaine fois, ce n'est pas au bord de la route que je veux te voir, mais devant moi !!!
On attaque donc la deuxième partie de la course. Je la connais bien pour avoir couru cette partie lors d'une édition du 40km de l'Annécime en 2009.
La montée au col de la Forclaz est agréable à monter. Petit sentier single dans les bois, on est toujours aussi nombreux, mais ça ne me gène pas. J’essaie de coller au rythme de celui qui est devant moi.
Je commence à avoir les jambes fatiguées, mais aucune douleur.
Il y a encore du monde !!!
13h50 - Col de la Forclaz– 50km – 3160m D+
Temps : 8h50
Temps souhaité/estimé/rêvé : 9h
On retrouve Joachim qui a fait la montée en moto. On s'arrête quelques minutes pour souffler.
Je colle parfaitement au temps que j’avais calculé…ça me rassure ! L’objectif de 16h est jouable !
Un peu de descente, puis un point d'eau... on attaque la montée dans les alpages jusqu'au roc de Lancrenaz. Dans la montée, un mal de ventre va m'obliger à trouver un petit coin...je vous passe les détails. Je serai assez bête pour trouver un coin plein d'orties où je me fais piquer !
La montée est longue, mais superbe. Au chalet de l'Aulp, nous sommes surpris de ne pas avoir de point d'eau...on a mal compris. On bifurque donc vers le roc de Lancrenaz, les jambes sont de plus en plus fatiguées, et mon rythme de montée n'a plus rien à voir avec la première montée du Semnoz.
Le roc de Lancrenaz se passe au mental, et je m'aide beaucoup des bâtons.
En haut, plusieurs coureurs sont assis pour souffler et profiter de la vue magnifique sur le lac, quelle belle région ! Non, non , je ne suis pas chauvine !
15h40 - Roc de Lancrenaz– 59km – 3970m D+
Temps : 10h40
Temps souhaité/estimé/rêvé : 11h
La descente jusqu'à Villard est longue et fait mal aux jambes. J'ai du mal à courir sur certaines portions pentues, qui font appel aux quadris. Je m'aide beaucoup des bâtons. Je comprends les traileurs quand ils disent qu'au bout d'un moment les descentes sont plus difficiles que les montées.
16h34 - Villard–64 km – 4080m D+
Temps : 11h34
Temps souhaité/estimé/rêvé : -
Arrivée au point d'eau de Villard, on s'arrête pour faire le plein. L'eau est délicieusement fraîche, et je suis à un stade où j'apprécie l'eau comme la meilleure boisson au monde. Je me mouille la tête et la casquette. Sans s'en rendre compte, j'ai pris en bon coup de chaud.
Pierrot appelle Papa pour lui signaler notre arrivée prochaine sur Menthon. Ils seront là !
En pensant à leur présence, la liaison jusqu' Menthon se passe bien, en tout cas dans la tête. C’est une série de montée et de descente. On récupère le bitume, je me fais applaudir par une dame qui semble nous reconnaitre, mais je ne prends pas le temps de m’arrêter (je saurai après que c’est une amie à mes parents)
L'arrivée à Menthon est très sympa, les gens applaudissent et nous félicitent, ça me touche beaucoup. J’ai les larmes qui montent… la fatigue me rend de plus en plus sensible.
17h27 - Menthon– 70km – 4220m D+
Temps : 12h27
Temps souhaité/estimé/rêvé : 12h30
Je suis contente d’être toujours dans mon estimatif de temps pour atteindre les 16h.
Sortie du ravitaillement, je retrouve la petite famille qu'on a failli louper de peu. Les enfants ont l'air content de leur après-midi au lac...le lac, quand ils m'en parlent, je rêverai de sauter dedans !
Ils nous accompagnent sur 200-300 mètres.
Ma fille me demande pourquoi je ne cours pas : "Je suis un peu fatiguée ma chérie".
Mon fils me demande si je vais monter jusqu'au château une cinquantaine de mètre plus haut "Même un peu plus haut, mon loulou".
Je les quitte en sachant que la prochaine fois, ce serait pour l'arrivée, et je compte sur eux !
Cette image de l'arrivée avec mes enfants ne me quittera pas tout au long de la montée. C'est mon leitmotiv pour mettre un pied devant l'autre dans cette dernière grosse montée.
Cette montée est horrible : les secondes sont des heures, les mètres des kilomètres...c'est terrible !
Pierrot me transmet régulièrement les messages d'encouragements de tous ceux qui nous suivent sur le suivi live. Ca fait vraiment du bien !
La seule chose positive : plus de cohue humaine, nous sommes tranquilles, pas trop tôt !
On passe le col des contrebandiers. Je sais que le sommet n’est pas loin, il reste moins de 300 mètres de dénivelé, mais ça me paraît une montagne.
Avec la fatigue, notre perception est vraiment différente.
20h09 - Mont Baron - 79km – 5200m D+
Temps : 15h09
Temps souhaité/estimé/rêvé : 15h
Arrivée en haut, je n'en peux plus. Je suis au bout physiquement, mentalement ! Je fais une pause. Première fois depuis le début de la course que je m'arrête, je m'assois. Je craque, des larmes coulent, ce sont un mélange de larmes d'épuisements et de bonheur. J’ai terminé le dénivelé, plus que de la descente.
Pierrot trouve comme d'hab les mots qu’il faut. On repart...
J'aborde la descente en marchant. Je me cale derrière un coureur qui a l'air aussi cuit que moi, et son rythme me va bien.
Pierrot me conseille de courir plutôt que de retenir en marchant. Je me rappelle lui avoir répondu très sèchement. Il n'a rien répondu, il me connaît.
Je digère la remarque, la ressasse, et je l'écoute. Je me remets à courir...pas très vite, mais sans lâcher...Pratiquement, jusqu'en bas.
Pierrot essaie de me motiver en m’indiquent que le moins de 16h est jouable. Le coureur derrière nous s’accroche aussi sur cet objectif. Je sais très bien que ce n’est pas atteignable, sauf si je me mets à faire du 15km/h…donc pas possible ! Ca n’a pas d’importance pour moi, à ce stade, je ne suis pas à 10 minutes près.
Je vois la dernière descente, l'arrivée sur la grande route, le lac, le bénévole qui m'indique le passage piéton. Enfin, c'est gagné. On court sur le ponton de bois, où tous les promeneurs nous applaudissent, et là, je ne peux pas empêcher les larmes de couler. Beaucoup d'émotions se mélangent.
J'ai vraiment une sale tête quand je pleure...et Pierrot a le sourire car il vient de voir une bonne pizza !
Plus qu'un 1km de l'arrivée, je vois mes enfants et mes parents au niveau du début des barrières. Je compte sur mes enfants pour faire le dernier kilomètre avec nous. Pierrot prend Camille par la main, moi les deux garçons, et nous voila partis pour passer la ligne en famille.
Lucas me voit pleurer et me demande pourquoi je suis triste. Je lui réponds que je pleure de bonheur car je cours avec eux...il n'a pas l'air de comprendre. Mes 3 loulous courent super bien, j'ai du mal à tenir le rythme. L'autre côté de la barrière, je vois aussi ma maman qui court pour nous dépasser et essayer de prendre des photos. Ca fait rigoler les enfants de voir leur Mamoise courir.
Dernier virage, tapis rouge, on se prend tous les 5 les mains pour passer la ligne ensemble...moment magique !
Ce fut mon plus beau cadeau de fête des mères !!!
21h09 – Annecy-le Vieux - 85km – 5250m D+
Temps : 16h09
Temps souhaité/estimé/rêvé : 16h
Remerciements :
Mon Pierrot : Ta présence, ton coaching et ta dérision sont les clés de ma réussite. Comme la Saintélyon, cette course restera un souvenir fort. Je suis ta plus grande fan, tu avais l’air si facile avec si peu d’entrainement. L’UTMB n’a qu’à bien se tenir cette année, et je serai là, pas en courant, mais au bord du chemin pour te supporter.
Mes parents : Merci pour votre soutien, et le support logistique. Grâce à vous, j’ai réalisé mon rêve de passer la ligne avec les enfants.
Joachim : un vrai plaisir de te voir sur le bord du chemin. Au plaisir de prendre le relai de l’UT4M…
Xavier : Merci pour tes encouragements, et bravo à toi pour ta XL Race, mettre 6h sur la deuxième partie, c'est fort !
Les suiveurs internet : JB/Z, Flo/Baya, Rémi, Ronan, Isa, Béa/Laurent, Nico, Florence…merci pour vos messages !
5 commentaires
Commentaire de sonicronan posté le 06-06-2015 à 09:54:00
Bravo Chab' ! Content de te revoir au top. Et je te le redis, mais je te vois bien faire un chouille plus long encore.
Commentaire de groscamion posté le 06-06-2015 à 18:51:03
Bravo l emotion est l essence du trail.
Ca fait du bien de lire le bonheur
Commentaire de groscamion posté le 06-06-2015 à 18:57:31
Bravo l emotion est l essence du trail.
Ca fait du bien de lire le bonheur
Commentaire de Crem posté le 08-06-2015 à 09:27:42
Bravo championne !
Magnifique course, magnifique récit, et magnifiques larmes aux yeux que tu nous as donné aussi.
Moi, je te vois bien d'ici quelques temps sur un p'tit UT4M solo...
a+
Rémi
Commentaire de Nicolas Montceau posté le 09-06-2015 à 00:55:31
Bravo belle soeur,
Belle course, beau récit. Que du bonheur :)
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