L'auteur : Coureur du 34
La course : La Larzac - Dourbie
Date : 2/11/2013
Lieu : Nant (Aveyron)
Affichage : 1283 vues
Distance : 30km
Objectif : Pas d'objectif
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Ce samedi 2 novembre 2013, nous voilà donc au départ de ce trail sous un ciel bas et couvert. En dépit des annonces d'averses éparses de la météo, il ne tombera pas une seule goutte et nous aurons même droit à de belles éclaircies qui me feront regretter le port du maillot thermique et le cuissard long.
Nous nous sommes garés dans un parking improvisé dans un grand champ au nord du village. Bonne organisation, il y en a de nombreux partout avec toilettes prévues! Le retrait des dossards se fait au fond d'une salle voûtée proche de la place du village avec des exposants locaux: ambiance rurale et authentique, j'aime.
Je pars avec 1.5 litres d'Hépar « parfumé » avec un fond de Malto, 3 gels, une frontale et mon buff Marathon de Paris pour la pluie et le support éventuel de la lampe. Je vais aussi étrenner un Polar RC3 GPS offert à l'occasion de mes 44èmes rugissants il y a 3 jours.
14h c'est parti, tranquillement, d'ailleurs je me fais doubler par des wagons de coureurs dans les rues de Nant : c'est bon, j'ai respecté mes propres consignes, plutôt tortue que lièvre.
Un faux plat montant longe un ruisseau à truites, traverse la route vers L'Hospitalet et nous voilà sur un DFCI. La pente s'accentue et rapidement la majorité dont je fais partie se met à marcher. Je râle un peu intérieurement de marcher si tôt car le trail ne fait que commencer mais vraiment ce serait suicidaire de se mettre dans le rouge à cet instant.
Puis le DFCI rejoint un plateau et le trot repart. Il fait même la bascule et le rythme s'accélère avec des pointes à plus de 13 km/h. Le décor nous offre quelques vues dégagées sur le Larzac : c'est beau !
La grimpette reprend et nous traversons le petit hameau des Liquisses Basses, plein d'encouragements et poursuivons par un PR : là, ça devient carrément magique avec un monotrace dans les buis, le calcaire, une croix de pierre, une lavogne et les champignons : ma-gni-fique.
Du DFCI alterne alors avec du PR monotrace, quelques bosses mais rien de violent. Nous passons aussi sur des barrières canadiennes, prudence quand même. Nous courons à notre rythme maintenant et il y a beaucoup moins de dépassement, les écarts sont creusés. Nous voyons des champignons (lactaires...) à foison : dommage que la poche d'eau prenne toute la place dans le camel bag.
Je bois régulièrement, pour ne surtout pas renouveler la même erreur qu'au trail du Salagou il y a un mois, d'autant que le soleil perce à travers les nuages. Les sensations sont bonnes, pourvu que ça dure.
Passage inédit dans une bergerie caussenarde: on baisse la tête sous le linteau en pierres, on traverse la bâtisse dans la pénombre et on sort au grand jour. Ouf, ils n'ont pas osé mettre le ravitaillo dans les mangeoires !
Vers les 11 kms d'après le GPS, nous passons au 1er ravitaillement de l'Oulette, un gîte isolé. Le chrono donne 1h05, nous sommes un poil en avance sur le temps prévu.
Ca repart sur du terrain calcaire, roche, buis, globalement plat et les vaches qui nous observent nous prennent pour des TGV, Trailer à Grande Vitesse. Nous nous calons derrière une féminine qui a une allure super régulière, à peine plus lente que nous en descente mais un petit peu mieux à plat et en montée. Nous la suivrons plus de 10 bornes !
Un sentiment de plénitude nous envahit, comme spectateurs de notre propre course. Ca doit être ça, le bonheur de courir.
Ca descend par un DFCI puis un monotrace d'enfer : nous tapons du 13 km/h, faut pas s'enflammer, le Roc Nantais est encore loin. 5 mètres devant, la féminine donne le tempo et tout se passe bien.
Petite grimpette vers le hameau de St Sauveur, des applaudissements, du bitume, ça redescend, on se régale.
Nous tournons à une croix de pierre qui marque le point le plus septentrional du parcours et c'est parti pour une descente non-stop, casse-pattes et périlleuse dans la vallée jusqu'à la Dourbie au niveau des Moulinets. Je reste prudent, trop peur de partir en vrille sur les cailloux.
Tout en bas, nous passons dans un tunnel sous la route et à la sortie, le public crie que notre lièvre féminin est 4ème.
Nous voilà maintenant rive gauche de la Dourbie après la traversée d'un ancien pont de pierre puis ça remonte un peu sur du bitume.
Première alerte plus loin: un début de crampe au mollet dans un champ. Merde, déjà, qu'est-ce qui m'arrive ?
Quelques raidillons, puis une draille, le chemin des mines, qui longe la Dourbie en hauteur : le décor est toujours aussi exceptionnel, à l'abri des grandes routes rugissantes. Je suis un peu à la peine dans les montées, pas facile de relancer après les kms de descente de l'autre versant et le départ de crampe m'inquiète donc je gère dès que ça se corse. La féminine a tenu son allure et s'est éloignée inexorablement : bye bye, elle me mettra plus de 10 minutes au final !
Au détour d'un versant, Cantobre apparaît majestueusement sur son éperon rocheux : ça se passe pas trop mal physiquement alors que mon GPS indique déjà 20 bornes.
Cantobre est maintenant à portée de jambes, une dernière descente un peu raide et nous traversons le cours d'eau Trévezel par une passerelle métallique, version Indiana Jones.
Et là, c'est le drame : terrible escarpement de quelques 100aines de mètres qui grimpe à flanc de falaise et sort dans les vieilles pierres de Cantobre après un dernier passage en semi-escalade. Mon cœur sort le drapeau blanc et mes jambes sont aux abonnés absents : c'est un coup de Calgon qui me fait très très mal.
Je marchote dans les ruelles pendant 200 mètres et le 2nd et dernier ravitaillement est le bienvenu. Nous sommes partis depuis 2h35 et c'est le km 22. Les victuailles se trouvent dans une grande salle d'une bâtisse: crêpes chaudes, pâte d'amande et plein de bonnes choses à manger, un vrai bonheur. Je prends 5 minutes pour souffler et boire à mon aise: le corps et l'esprit en ont bien besoin.
Sortie de Cantobre par quelques ruelles en descente jusqu'à un thalweg moussu et glissant que nous remontons ensuite péniblement : à chaque seuil à franchir, crampes aux mollets. C'est le début de LA GROSSE galère.
Nous traversons la route pour emprunter alors une corniche équipée d'une rambarde. Ca va monter jusqu'au Roc Nantais, soit 5 kms environ.
Nous avons droit à de nombreux encouragements de tous les côtés mais je ne fais plus le malin.
Les crampes m'empêchent de courir et de toute façon, la pente est bien trop raide : falaises puis passage en sous bois, ça grimpe sans cesse, la loi de la pesanteur est dure mais c'est la loi.
Je marche désormais seul le plus souvent dans les bois et toujours pas d'ascenseur Otis pour me soulager. Le chrono n'a plus d'importance, si tant est qu'il en ait eu une jusque là. Je dois juste avancer vers l'objectif, sans me poser plus de questions.
Après un certain temps, la sente s'élargit et le dénivelé s'estompe même s'il est toujours positif. Je tente quelques relances : crampes un jour, crampes toujours. Pis, j'ai les cuisses qui explosent littéralement avec une crampe juste au dessus du genou, un truc de dingue, je ne sais même pas comment la soulager ! Quand je pense que je carbure à l'Hépar et ses 119mg de magnésium au litre, que j'ai ingurgité 3 gels anti-oxydant au magnésium, que je porte des chaussettes de compression, je n'y comprends rien : le corps a parfois ses raisons que la raison ne connaît pas.
Mon Dieu que l'ascension va être longue... Qui a dit que plus c'est long, plus c'est bon, que je le balance de la falaise???
Je me fais dépasser par une 20aine de coureurs approximativement et mes jambes en serpillière électrique m'empêchent d'emboîter leurs pas. Quelques féminines se trouvent parmi eux. J'ai un peu les boules mais au fond de moi, je suis finalement assez serein, pas de panique.
Je croise aussi des traileurs du lendemain, le 75 kms, qui repèrent le parcours et se décrassent : nous ne devons pas faire partie de la même planète. Ils nous encouragent, j'apprécie le geste.
Toujours pas de hordes de loups du Gévaudan ni d'ours mangeurs d'hommes à l'affût dans ces sombres sous-bois, je m'en sors bien
Et puis je prends mon mal en patience, sans désespérer, et je suis même satisfait en réalisant que je n'aurai pas à sortir la frontale: il est environ 17h30 au Roc Nantais et le soleil se couche de l'autre côté, versant ouest mais j'aurai suffisamment de luminosité pour terminer la descente : mon baptême nocturne est repoussé à plus tard . Oui je suis au Roc Nantais, adios la montée, adios les crampes aux cuisses. Et le point de vue est (encore une fois) magnifique : ô trail suspends ton vol!
Et toujours des bénévoles pour nous orienter et nous encourager. J'ai remarqué les réflecteurs lumineux cloués sur les troncs en plus de la rubalise, c'est vraiment bien organisé.
J'aperçois Nant poindre au fond de la vallée, ça fait du bien, et après quelques centaines de mètres en bordure de falaise, la pente s'amorce dans un mono-trace super technique. Je gère tranquillement, et de toute façon, mes cuisses ne me donnent pas le choix. Certains passages sont très périlleux avec des cordes pour s'assurer. Et ça descend encore et encore, c'est bientôt la fin d'accord, d'accord !
La sente sort du bois, longe un mur. J'entends depuis quelques minutes la voix du speaker à l'arrivée : c'est bon pour le moral.
Et enfin, revoilà Nant, la boucle est bouclée : un petit pont sur la Dourbie, descente en bord de rive et une dernière montée assassine entre les maisons. Heureusement en haut, c'est l'arrivée salvatrice avec toujours le public chaleureux : ils ont dû louer des figurants, c'est pas possible autrement.
Le grand chrono rouge indique 3h45 et une poignée de secondes : c'est bon, je l'ai fait, j'ai mal partout, je suis fourbu mais je suis heureux. Une bénévole tout sourire me tend le t-shirt de finisseur, un technique bien cool orange pétard avec des bandes réfléchissantes dans le dos.
Merci pour tout, vraiment. Je ne suis pas rancunier de l'enfer de la dernière heure, au contraire, elle ferme la parenthèse d'un trail d'exception, simplement magnifique, de loin le plus beau des ceux courus dans ma courte expérience de trailer!
Je me suis régalé comme jamais: beaucoup de variété des paysages et décors sublimes, champs désertiques, sous-bois, corniches, mono-traces entre 2 haies de buis, traversées de petits hameaux aveyronnais, passage dans une bergerie caussenarde, des ponts de pierre, une passerelle au dessus de ruisseau à truites, un ravitaillo aux crêpes, des vues sur la vallée à couper le souffle, beaucoup de spectateurs qui encourageaient, un organisation impeccable, des bénévoles hyper-sympas, sans oublier depuis l'arrivée le spectacle magique des guirlandes de lucioles qui descendent sur Nant dans le sous-bois: non mais halo quoi !!!
Vraiment un truc de dingue, ce trail mérite sa très bonne réputation.
Est-il nécessaire de dire que je termine sous la barre du 1er quart, 110ème sur 450, ça me va très bien!
Reste à mieux me préparer à ses exigences avec des entraînements spécifiques au fort dénivelé que je n'avais évidemment pas faits, Kilian Jornet des bacs à sable que je suis.
Car je pense le refaire probablement.
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