Récit de la course : Le Grand Raid des Pyrénées 2014, par long-range

L'auteur : long-range

La course : Le Grand Raid des Pyrénées

Date : 22/8/2014

Lieu : Vielle Aure (Hautes-Pyrénées)

Affichage : 3240 vues

Distance : 160km

Objectif : Terminer

2 commentaires

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GRP 160 - édition de rattrapage 2014

GRP 160 - édition de rattrapage 2014

Bon  cette année, je n’ai pas manqué la date et me revoilà sur le tarmac de l’aéroport de Lourdes prèt à en découdre !

Vendredi, 05 h du mat, c’est le départ sous la pluie. Qu’on se rassure, elle était prévue. Et puis qu’importe, une amélioration est programmée dans 24h, donc tout va bien, le moral est intact.

Ambiance bien cool sur le départ, on est loin du stress sur l’UTMB, ici tout le monde est décontract. Et pourtant, on commence par une montée de + 2000m. Direct sans préavis. Grimpette à vitesse mesurée, pas de coup de coude dans le peloton, tout avance bien.

Lever du jour et la pluie cesse rapidement, ce n’était qu’une mise à l’épreuve. 1er ravito à Merlans. Pas le temps de s’attarder, l’atmosphère est fraiche.

L’ambiance générale devient montagne et ça grimpe vers le col de Bastanet (2507 m). L’allure est raisonnable, il y a pas mal de gros cailloux dans tous les sens. 8h45, je suis en légère avance, et ça bascule de l’autre côté. Les affaires se compliquent pendant une heure car les blocs abiment les pieds, genoux et ma cheville droite à peine convalescente suite à mon entorse de juin. Le soleil perce : on sort le short et la casquette. Puis le chemin devient très roulant. 11h00, on est en bas au ravito d’Artigues (kilo 34). Pleine forme.

Finalement la météo tient bien et on reprend notre ascension après un bol de soupe. Délicieux. Au programme : + 2500 m. Bonheur.

On traverse les estives, les troupeaux de vaches, on passe du pastoral à la montagne. Sous le col de Sencours, une puis deux averses vers 14h. La troisième douche persiste, le froid et le vent s’installent. J’ai un peu trop tardé à me couvrir (Gortex, gant et bonnet). Au bilan, il me faut me réfugier au col / ravito de Sencours pour sérieusement m’habiller et prendre une soupe. La poursuite de la montée au Pic du Midi de Bigorre s’annonce rude : pluie à l’horizontal. Encore une heure de montée pour avaler les 500 m de D+ jusqu’au sommet (2877 m), et là c’est « glagla »…inutile de rester, trop froid, et on redescend par la même route. On se croise entre ceux qui montent et ceux qui descendent…quand je pense que sur le forum, certains ne voulaient pas monter, quel dommage, le détour par le sommet fait vraiment partie du truc. (les retardataires pouvaient éviter l’ascension moyennant une pénalité de plusieurs heures).

La pluie se calme à peine, mais le vent tombe. Enfin on continue et on franchit un 1er col, puis un second (Aoube), puis on contourne le Lac Bleu. Le chemin surplombe le plan d’eau, dangereux par endroit (j’apprends qu’un mec avait une année dévissé dans le lac et finit le raid…en hélico). Puis on remonte au col de Bareilles, puis encore la Hourquette d’Ouscouaou. 4 cols et 4 douches. Voilà maintenant 4 heures qu’on porte haut la capuche entre pluie, vent et brouillard. Ambiance de désolation, ciel gris, plafond bas, bruit d’eau – on est cerné par les torrents, on se croirait en écosse, personnellement je trouve ça super. Et puis quelque soit le temps, nous n’en sommes qu’au kilo 59, il faut vaut mieux être frais, se délecter de l’ambiance quand bien même humide.

Globalement le cheminement est très roulant. Au ravito Hautacam, je ne m’attarde pas non plus, trop étouffant à l’intérieur. j’ai grande envie de gagner le bas de la vallée avant la nuit. J’enclenche la grande vitesse mais le brouillard aura raison de mes prétentions. La boue s’invite et la nuit tombe. On persiste à tenir un bon rythme mais on ne gagnera Pierrefitte qu’à 22h30. Là j’ai pris du retard. La descente m’a un peu trop sollicité mais après un bon repas et un changement de fringue je suis de nouveau opérationnel. Je croise Joël : il jette l’éponge. Je redécolle sans trop de problème.

Voilà, on a fait +5500 et 84 km et maintenant les opérations continues. Effrayant dans un sens (on a fait à peine la moitié et la méteo est vraiment moche), et d’un autre côté, c’est MAINTENANT que ça commence, l’aventure de la nuit. Le moment est venu de « s’expliquer » avec soi-même et la montagne.

Au programme, une grimpette sur le pic de Cabaliros (+2000 D+). On quitte donc la base vie à 23h30 avec grand courage, capuche vissée sur la tête tant le brouillard est dense et mouillant. Avec les gus, on jacasse sur nos éditions respectives à la Réunion. On parle de Bélouvre…on en reparlera !

D’ailleurs, 600m plus haut le chemin disparait. Maintenant il faut se tirer de rubalises réfléchissantes en rubalises, dans la nuit. 1h du mat et le grand jeu de piste à la frontale commence, dans le brouillard. Pour corser le tout, on progresse dans les pédiluves des vaches. Si l’on ne fait pas attention, on est dans la boue jusqu’au mollet…super la ballade…ça devient lourd.

Au ravito de Pouy Droumide, on souffle un peu, heureusement sous la tente, à l’abri des intempéries. Ambiance cosy, soupe, café, que du bonheur….mais ne tardons pas, la route est longue.

Maintenant l’organisation nous impose de partir en groupe et nous éconduit prudemment sur le chemin du départ en nous glissant à l’oreille : « c’est par là ». Ah ! En effet, on ne voit strictement rien ! Le gars qui est avec moi cherche les balises à gauche, moi devant. On progresse à tâtons. Sur 10 km, ça commence à fatiguer notoirement. Il est 3h du mat.

A l’approche du sommet de Cabaliros, on sort de la mer de nuage et la voute céleste avec sa froidure s’impose. Mais 5’ après à peine, on replonge pour la descente et le brouillard. Le halo des frontales dans la brume est aveuglant. On ne voit même pas ses pieds, et pourtant la descente est brutale, glissante à souhait, une patinoire dans la boue, la flotte…. Les affaires deviennent maintenant très pénibles. Bélouvre le retour !!! Un enfer sur 1000 m de descente. On serre les dents, le jour se lève et j’atterris sur Cauterets à l’heure du laitier dans une grisaille indescriptible. Café, repos, changement de chaussettes, le répit est salvateur. Je croise des regards qui interrogent du genre « où est la navette, faut-il abandonner… ? ».

Pas le temps d’y penser. Cauterets c’est le demi-tour, cap à l’Est, le décompte commence, on a franchi les 100 kilo – il en reste 60. On ne lâche rien. Et c’est reparti. Même pas mal.

Ce n’est pas la grande forme physique (des frottements, des jambes et des pieds raids comme des bouts de bois) mais je sais que le lever du jour est une bonne source pour le moral. Ça marche au poil. D’ailleurs, les nuages se déchirent, et le soleil commence à nous baigner de ses rayons. On ferme la page sur 24 heures d’intempérie. Ouf.

Le col de Riou est finalement vite franchi. Descente par les pistes de ski de Luz Ardiden. Puis s’en suit un parcours surréaliste hors sentier dans des pentes d’herbe. Chico est-il passé par là ? C’est idéal pour se flinguer ce qui me reste d’énergie dans les guiboles.

La poursuite de la descente sous un beau soleil passe plutôt bien. Sur les portions de bitume, je cours et j’arrive pour midi à Luz Saint Sauveur et sa base vie d’Esquièze. Là on joue le ravito en terrasse : soupe, pâtes, café…et revue de mes ampoules aux pieds. J’en compte 4. Ça devrait aller.

Il ne nous reste plus qu’un marathon à faire. C’est le point km où l’on sait maintenant que franchir la ligne d’arrivée est une hypothèse crédible. L’affaire n’est pas dans le sac, mais pas loin quand même, on le sait. Il est tant de repartir, mais je suis abîmé. Mes pieds, mes frottements me transforment en robocop. Ne parlons plus de vitesse.

Allez, encore une côte, une descente, et c’est fini. Il y a juste +2000 et 35 kilo à avaler.

Sous le soleil on grimpe un chemin bien vertical, et dans un virage, je tente sans préavis une sieste de 10’ dans une herbe grasse. Bonheur absolue, la machine se met sur pause. On poursuit, avec une belle portion de route, alors je cours mais sans aucune vélocité. Enfin le ravito de Tournaboup au pied du col du Tourmalet. Encore des pompiers qui évacuent un mec…Hors de question de stopper plus de ¼ h ou mes moteurs caleront.

Les cailloux sont disposés de façon atroce. La montée commencera par une heure de douleur intense. Mes pieds ne supportent plus d’être posés par terre ! Rien que ça. Inflammations, traumatismes… Pas top. Un mec voit mon errance et me dit que c’est normal. Que faire ? « Pense à ta chanson préférée et ça passera ». Sympa le mec. Le pire c’est que ça fonctionne et je reprends du poil de la bête. On assistera à un magnifique coucher de soleil tout au long de la montée vers la Hourquette Nère, et puis le brouillard s’invite, drôle d’habitude. Mais c’est comme ça les Pyrénées.

On franchit le col enfin vers 21h00 à 2465 m. La descente de 5 km s’entame de nuit, dans un dédale de caillasses peu sympa. Une fois encore, il va falloir se tirer sur les rubalises réfléchissantes tant le chemin n’est pas marqué. Impossible de courir. Enfin des hallucinations m’incitent à demander au gars derrière à passer devant…moi j’ai l’impression qu’on tourne en rond et d’être déjà passé par là…

On finit par toucher le dernier ravito. C’est notre dernière nuit, il faut en profiter. Une fois encore, l’organisation nous demande de repartir en groupe. Mon groupe a plutôt une allure soft, tant mieux pour ce final de 13 km. On redescend les pistes de ski, on prend des routes, des chemins de traviole, je lâche tout le monde sur les derniers kilo pour finir en courant à 5h30 du mat, en pleine forme. Incroyable. (après la ligne d’arrivée, il me reste encore 2 km à pied pour rentrer me coucher). En mangeant un truc toutes les heures, je n’aurais eu aucun coup de mou. Finalement c’était tranquille. Beau voyage, bons vols de nuit.

Après 48h34 de course, 164 km et 9 800 m de dénivelé, pour la 4ème fois sur un Ultra, j’ai le sentiment du devoir accompli. (379 sur 404 arrivants, et près de 400 abandons).

 

 

2 commentaires

Commentaire de caro.s91 posté le 30-08-2014 à 22:59:51

Si j'en crois la fin de ton récit, " Finalement c’était tranquile." ;) En tout cas bravo pour avoir fini la course !

Commentaire de long-range posté le 31-08-2014 à 12:25:03

oui, l'UTMB et la G2R sont plus dures. Et puis mon chrono était quand même pas très tendu, donc tranquille !!! :-)

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