L'auteur : Amiral
La course : Trail Verbier St-Bernard
Date : 12/7/2014
Lieu : Verbier (Suisse)
Affichage : 2943 vues
Distance : 104km
Matos : Salomon Speedcross
Batons 4 brins alu Gripons
Suunto Quest + GPS pod
Sac Salomon 20L
Veste Trangoworld goretexlite
Objectif : Terminer
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Samedi 12 juillet, 3h50 le réveille sonne. Pas énormément dormi, cette X-Alpine est un gros morceau, j’en suis conscient et j’ai pas mal cogité avant de m’endormir. Vu la météo nous ne passerons pas à Catogne et gagnons une heure de sommeil mais il faudra tout de même avaler les 105Km et 7300m sous la pluie et des températures automnales. Je sais que la course va être très difficile, le parcours est cassant et le profil me fait peur, je suis plus à l’aise sur les profils un peu plus roulants. Je laisse Estelle dormir 10 min de plus, mange mon gâteau sport fétiche, des céréales, de la brioche, du thé, du jus d’orange et un café….Je ne change pas mes habitudes !!
Coté équipement, rien d’extraordinaire, T shirt + manchette et un ¾ + compressport. J’ai des crampons sous la semelle avec ces speedcross presque neuves. Avec le recul ces chaussures seront sans aucun doute mon meilleur atout. Estelle se lève courageusement pour m’amener au départ car nous avons dormi au Châble dans un hôtel/Studio charmant (la Ruinette) que nous recommandons. 4h25 nous quittons l’hôtel, et arrivons sur la ligne de départ 15 min plus tard. Déjà du monde. Quelques égarés sortant de boîte un verre à la main, s’étonnent de nous voir si nombreux habillés ainsi comme des clowns à cette heure ... Nous sommes je crois 450 sur ligne en solo + les relais. Eric et Raph arrivent et s’étonnent de voir Estelle et son ventre qui s’arrondit de jour en jour présente pour ce départ. Un petit bisous, entrée dans le sas, je souhaite une bonne course à mes camarades et m’avance un peu de la ligne. Je suis étonné de voir la tenue de certains et certaines : short, petite jupe, T shirt, et chaussures type minimalistes…le speaker fait d’ailleurs la remarque sur les tenues légères pas vraiment appropriées vu les prévisions. Je me dis qu’ils ont dû prévoir plus chaud pour la nuit. Quelques mots de l’organisation qui rappelle que les conditions sont vraiment difficiles, que le parcours est alpin et qu’il ne faut pas prendre de risques, le décor est planté !!!
Verbier - Champex
Départ 5h pétante, précision Suisse oblige, petit détour dans la rue piétonne en descente puis nous prenons rapidement à droite pour attaquer une petite montée agréable en sous-bois. Pas mal de monde évidemment, nous avançons tranquillement, de toute manière la route est longue et ça ne sert strictement à rien de jouer des coudes. Il fait bon, j’ai presque chaud, première descente et le verdict tombe. Ça glisse vu les pluies de la semaine, mais je suis en confiance malgré une cheville gauche fragilisée, mes chaussures accrochent et je double quelques petits groupes dont certains jouent aux équilibristes. Nous regagnons rapidement Sembrancher où nous attend le premier ravito. Je bois juste un verre et attrape quelques raisins secs, je ne m’attarde pas. Je repars dans la rue en marchant tout en dépliant mes bâtons. Nous évitons Catogne mais une montée de 700m nous attend pour rejoindre Champex. Je pars sur un rythme assez rapide, peut-être trop me dis-je, la route est longue, je décide de ralentir un peu. A ce moment le frère de Julien me double, il s’est classé 30ème l’an dernier, je me dis donc qu’il vaut mieux être sage si je veux finir…Nous traversons quelques hameaux, je fais l’effort de trottiner sur les nombreux faux plats. La dernière portion est assez raide et je double ici quelques concurrents qui semblent déjà un peu fatigués. Arrivée à Champex, nous courrons le long du lac dans le brouillard, des pêcheurs sont déjà en place. Je ne me sens pas hyper bien tout à coup j’ai un peu froid et du mal à envoyer sur ce plat. Je n’ai pas de supers sensations après ces 2h40 de course et 20km seulement. Le ravito est vite passé, j’en profite pour boire un thé et manger salé. Je repars et le téléphone sonne, Ma Mère et Bernard sont levés et m’encouragent.
Champex-Orny
Montée vers la cabane Orny et première vraie difficulté, nous montons à 2800m et 1400m de deniv nous attendent. Il fait bien jour désormais mais malheureusement, vu le brouillard épais, pour les paysages nous repasserons…J’ai l’impression que cette ascension passe assez vite bien que je mette plus de 2h à gravir ces 1400m. Sur la dernière portion bien technique nous croisons les premiers qui redescendent par le même chemin, à ce moment je me pose la question de mon classement. Je croise le frère de Julien 5min avant d’arriver au somment, j’estime alors que je suis dans les 70 premiers. L’arrivée sur la cabane est magique, car je profite à cet instant d’une éclaircie et d’une vue bien dégagée. Arrivée au ravito. Je me rends compte que j’ai laissé pas mal d’énergie dans cette montée, la tête tourne un peu, je décide de faire une pause plus longue cette fois, remplie la poche et mange, salé toujours.
Orny-La Fouly
5h de course déjà ; après avoir plié mes bâtons dans le sac pour la descente je repars. Descente technique dans les rochers, sur les premiers 500m je croise les autres concurrents qui montent, j’ai très froid aux mains, puis dans le haut du corps. Heureusement nous perdons assez vite de l’altitude et je me réchauffe. Un SMS ; Bernard m’annonce que je suis classé 49eme en constante progression depuis le départ. Cette nouvelle me rebooste le moral d’autant que la descente devient un peu moins technique, je me sens bien, mais c’est long très long : une dégringolade de 1700m jusqu’à Saleinaz. Néanmoins cette descente me plaît je suis à l’aise. Nous traversons alors un pont au-dessus d’une retenue d’eau. 2 concurrents me doublent alors sur un bon rythme, je leur emboîte le pas. Nous nous engageons alors dans une montée ou l’herbe a été fraîchement fauchée. L’ascension n’est pas facile, je fais l’effort pour rester au contact. Après 20min de montée nous atteignons une paroi rocheuse bien raide, des chaînes nous aident à monter, ça glisse, je me dis que cette grimpette est vraiment dangereuse et qu’un baudrier et des longes n’auraient pas été de trop !!!! Après peut être 30m d’ascension, nous nous regardons avec mes 2 collègues….Nous ne sommes pas sur le bon chemin c’est évident, c’est bien un GR mais cela fait un moment que nous n’avons pas vu de balises, et personne aux alentours…Demi-tour, nous redescendons cette paroi dangereuse, mes prédécesseurs sont plus rapides, je peste en redescendant, je suis un idiot, c’était évident pourquoi les ai-je suivi. La descente est interminable d’autant que je ne sais pas exactement à quel endroit nous nous sommes trompés. J’aperçois alors ce fameux pont et les autres concurrents qui bifurquent à gauche alors que nous sommes partis tout droit…Je reconnais alors certains que j’avais doublés dans la première descente avant Sambrecher. Super, 40 min de perdu et tant d’énergie laissée alors que je vais certainement en manquer…Je m’en veux, le moral est en berne. La descente n’était pas complètement terminée, nous regagnons Saleinaz, je m’énerve, vais trop vite pour rattraper le temps perdu alors que cela est totalement inutile. En haut de Saleinaz nous prenons à droite, des personnes sont venues nous encourager à l’intersection, puis c’est la montée vers la Fouly. Ce chemin je le connais, c’est assez vallonné, il faut relancer sans cesse. J’essaye de me raisonner, l’essentiel est de finir mais cette erreur m’a déstabilisé. La première partie est assez rapide, je cours, et croise de nombreux randonneurs Chinois qui nous prennent en photos, je dois tirer une tronche !!!.Le téléphone sonne, mes neveux m’encouragent, Le soleil fait son apparition et la T°C s’élève rapidement. Sur la deuxième partie de montée, le coup de barre, je cogite. Le chemin qui longe le lit d’un cours d’eau est large, j’ai l’impression d’être sur une autoroute mais je n’avance pas, je paye les efforts de l’heure passée. Estelle m’appelle, je lui explique ma mésaventure, elle me dit qu’elle m’attend à la Fouly. Deux concurrents me doublent à ce moment, je ne parviens pas à les suivre, je pense réellement à l’abandon, j’avale un gel, mais je n’ai plus d’eau et la sensation du gel colé dans les dents est désagréable. Arrivée à la fouly je vois Estelle sur son vélo présente comme convenu, elle m’encourage avec sa bonne humeur habituelle et me suit jusqu’au ravito. J’essaye de m’organiser, remplis la poche vide, prends un bouillon vermicelle et me dirige vers les tables ou certains ne semblent pas au mieux. Je ne suis pas bavard, elle me demande si ça va, je lui répond bof, et vais lui chercher à manger. L’expérience me dit que le passage à vide va passer, elle m’encourage en me disant que je vais rattraper mon retard car je suis ‘’fortiche’’ comme elle me dit souvent. Je hoche la tête pour lui faire plaisir mais ne suis pas plus convaincu que cela. Je suis 110 eme, j’ai donc perdu 60 places dans cette escapade. Je sors du ravito, 8h de course maintenant, elle m’accompagne jusqu’à la sortie du village, en bas du télésiège nous prenons à gauche et je l’abandonne là.
La Fouly-Gd saint bernard
Commence alors l’ascension vers le col fenêtre. Le parcours m’est maintenant un peu familier puisque j’ai participé à la Fouly-Verbier il y a 3 ans. Je ne sais pas pourquoi mais cela me rassure un peu. La première partie est un large chemin en lacet un peu monotone, nous sommes une dizaine éparpillés. A chaque lacet je constate que les écarts sont constants. Chacun monte plus ou moins au même rythme. Après avoir passé une ferme ou 2 personnes s’affairent à réparer des cloches nous traversons un passage vraiment boueux puis les balises nous indiquent de prendre à gauche. La seconde partie est nettement plus raide et technique. Je vois soudain devant moi un concurrent assis, manifestement dans le rouge. Il sort une barre de sa poche, et je reconnais mon compagnon d’infortune qui a aussi dû laisser trop d’énergie dans la bataille. Je lui demande si ça va il me répond oui, je continue. Je me sens étonnamment bien, j’aperçois maintenant le col et des petits points au loin dans la neige, qui sont autant de participants qui en terminent avec cette ascension de 1000m. Nous passons les lacs de fenêtre et attaquons désormais les parties enneigées, le paysage est magnifique. J’ai rejoint mon second compagnon d’infortune, il n’est pas au mieux, nous échangeons quelques mots, et je décide d’enfiler ma veste car la pluie fait son apparition. Mes bâtons s’enfoncent bien trop dans la neige et je ne progresse pas très efficacement. Malgré l’absence de soleil la réverbération est assez forte, cela me gêne un peu, je regarde loin devant. Plus que quelques dizaines de mètres, des bénévoles m’encouragent au sommet, nous basculons pour la descente vers le col du grand saint Bernard, je prends le temps de ranger mes bâtons. Comme depuis le début je suis à l’aise en descente, et double quelques concurrents, mais la météo se gâte, la pluie est maintenant continue et le froid se ressent, nous sommes à 2600m d’altitude. L’arrivée au col et par la même occasion au ravito chaud se fait par une dernière ascension en contre bas de la route dont tout le monde voudrait se passer à ce stade je pense. 11h de course j’atteins enfin la tente, mais la pluie redouble d’intensité. Je ne change pas mes habitudes, plein d’eau, bouillon vermicelle et gâteaux salés. Je décide au dernier moment de changer de Tshirt, celui au fond du sac n’est pas beaucoup plus sec que celui que je porte mais au moins il a des manches longues, ça me rassure…Je vois un bénévole décrocher la puce de mon voisin de gauche, celui-ci a décidé d’abandonner. Mon voisin de droite visiblement transi de froid annonce lui aussi qu’il jette l’éponge…Je décide de ne pas rester plus longtemps ici et repars conscient que la suite va certainement être compliquée.
Col du gd saint Bernard – Bourg Saint Pierre
A la sortie de la tente je suis frigorifié, sur les premiers mètres je grelotte, puis recommence à trottiner. Après une courte portion de bitume ou des spectateurs m’encouragent nous attaquons la montée vers le col des chevaux. Je sais que ce n’est pas très long, environ 300m d’ascension. C’est assez raide et technique par endroit mais au moins ça me réchauffe. Je distance rapidement les personnes avec qui je suis sorti du ravito jusqu’à les perdre de vue. Au sommet un bénévole nous attend, j’échange quelques mots, il me demande comment je vais, et me prévient que la descente vers Bourg Saint pierre est assez longue, environ 1100m de descente. Dans ma tête Bourg Saint pierre est l’endroit stratégique ou je saurai certainement si je finis ou non cet Ultra. Je vais retrouver Estelle, pouvoir me changer et manger tranquillement au chaud. Mais c’est aussi l’endroit où beaucoup décideront d’abandonner. La descente s’amorce, dès le départ je rejoins un groupe de 4-5 coureurs que je double rapidement, je regarde leurs dossards, ils sont verts, donc aussi sur la X alpine Solo. Un d’entre eux me suit jusqu’à un point de contrôle ou un courageux bénévole scanne notre dossard, nous sommes à combe de drône. La section qui suit est large et roulante, je suis en forme et avance relativement vite. Estelle m’appelle, elle m’attend à Bourg saint Pierre avec son amie Céline venue encourager son beau Frère Raphael lui qui finit 30eme l’an dernier. L’arrivée dans le village est toujours motivante, des cloches, des personnes sur le bord de la route qui vous encouragent, j’entends allez Vinzou, et vois Estelle et Céline juste avant le portique. Je suis content de les retrouver. Nous entrons dans la salle, je vais récupérer mon sac avec mes affaires sèches. Nous en sommes à 13h40 de course, 71km. Les filles me félicitent en me disant que j’ai regagné 30 places, que je suis 72 eme et que j’ai descendu aussi vite que Raphael. Je mange un plat de pâte, enfile un maillot plus chaud, des chaussettes sèches. Pour le bas je ne change rien et garde les mêmes chaussures, que je ne veux surtout pas quitter. Je pense déjà à repartir, Estelle se charge de remplir ma poche et je fais le plein de barres et de quelques gels. Je constate soudain qu’autour de moi certains discutent tranquillement attablés et je comprends qu’ils n’iront pas plus loin. Je décide de quitter la salle après 20min environ, Estelle m’accompagne dehors, je lui dis de rentrer à la maison et de se reposer. Enceinte de 5 mois je ne veux pas qu’elle se fatigue davantage. Elle insiste pour venir me voir à l’arrivée qu’elle pense maintenant acquise, mais pour moi rien n’est moins sûr, j’essaye de l’en dissuader.
Bourg Saint Pierre – Cabane Mille
Sur les premiers mètres j’ai vraiment froid, symptomatique des arrêts prolongés, mais je sais que ça va passer rapidement avec les 1000m d’ascension qui m’attendent pour atteindre la cabane mille. Je regarde de nouveau le parcours pour calculer le dénivelé prévu sur la dernière ascension de La chaux. Il y a 1200m, pour une fin de parcours c’est énorme me dis-je. Je me remémore alors la TDS l’an passé et la dernière montée au col Tricot qui avait été vraiment difficile. Je fais l’analogie avec les contamines et me dis que si j’arrive à Lourtier dans un état correct je finirai cette course. Il faut donc que je me préserve. Rapide calcul, il reste encore 8-9h de course, c’est long peut-être trop pour moi. La première partie de la montée est bucolique, j’entends des cascades sur ma gauche mais la visibilité est vraiment médiocre, je ne vois pas à plus de 5m. Le bruit de l’eau me berce, j’ai sommeil, je suis seul, personne ni devant, ni derrière. La végétation devient moins dense, nous sommes vers les 2000m je pense et le col mille est indiqué tout droit à 2h de marche, cependant les balises nous disent de prendre à gauche. Nous passons un ruisseau, peut-être le 20ème depuis le début de la course mais vu la météo je n’essaye même plus d’anticiper le bon rocher d’appui pour éviter de me mouiller, et je passe tout droit. Nous nous engageons alors sur un balcon assez étroit, à certains endroits des chaînes sécurisent le passage, je regarde le vide sur la gauche et me dit que cet endroit n’est pas des plus sécurisant. Je me remémore alors la traversée il y a 3ans j’ai bien en tête cette partie et ce balcon avant d’atteindre la cabane Mille, sauf que j’ai manifestement oublié que la route est plus longue que prévue. Je rattrape alors un groupe de coureurs en difficulté. Ils n’avancent plus, l’une des filles a l’air complètement épuisée. Je leur demande si tout est Ok, ils répondent d’un hochement de tête, sans davantage de conviction et je m’aperçois qu’ils portent des dossards bleus… ils font donc la traversée soit le petit parcours. Cette partie est interminable, et bien plus longue que dans mes souvenirs, ça remonte doucement et nous atteignons enfin un col, la cabane Mille ne doit plus être loin désormais, un panneau indique col mille 50m !! chouette nous sommes arrivés. Je ne reconnais pas vraiment les lieux, ça redescend puis j’aperçois au loin une dizaine de coureurs qui remontent droit dans la pente ?? Je réfléchi, ou du moins j’essaye. Un panneau indique rarement la distance mais plutôt le temps, j’ai lu 50m mais il s’agissait en fait de 50min… 50min pour un randonneur donc vu mon état il reste encore un bon 30min. Bref je me fais une raison, double encore quelques dossards bleus bien en peine, et j’atteins la cabane mille après environ 2h40 d’ascension. Le vent glacial souffle, il pleut. J’entre dans la cabane, l’endroit n’est pas très spacieux. Bon nombre de coureurs ayant décidé d’abandonner se sont réfugiés autour du poêle à bois qui réchauffe un peu la pièce et l’atmosphère. Les bénévoles essayent de plaisanter et de nous remonter le moral. Je bois un thé, pas de bouillon ici, je n’ai pas trop faim mais me force à manger. Je visse ma frontale sur la tête, mes mains sont tellement engourdies par le froid que j’éprouve des difficultés à appuyer sur le bouton pour l’allumer. Je range mes bâtons mais suis incapable de plier le dernier brin, je peste, puis enfile mes gants. 4-5 coureurs sur ma droite se changent et s’habillent plus chaudement, j’ai bien une autre couche dans mon sac, j’hésite, et puis finalement je décide de repartir sans me changer juste après eux.
Col Mille - Lourtier
La sortie de la cabane est un enfer, nous courons sur environ 50m avant de basculer dans la descente, je suis transi de froid, tremble de tous mes membres, mais je fais l’effort de courir tout en poussant des cris. Début de la descente, 1400m de dénivelé à encaisser jusqu’à Lourtier. Pas de vent sur ce versant c’est déjà ça, je me réchauffe très vite. Il n’est que 21h30, mais la frontale est indispensable et la visibilité très mauvaise. J’adopte la foulée économique, de petits pas rapides histoire de préserver mes articulations et cuisses pour ce qu’il en reste. La pente n’est pas très raide c’est assez agréable et roulant, je rattrape le groupe sorti juste avant moi de la cabane mille et le double, ils n’ont pas l’air à l’aise. Cette descente me plaît, c’est ludique, je m’amuse, ça glisse pas mal mais j’ai confiance. Puis la pente devient plus raide et boueuse, beaucoup de coureurs sont en difficulté et n’avancent plus. La nuit s’installe. Ma partie de Pacman comme j’ai pu lire dans un autre récit peut commencer. Tel le petit bonhomme jaune J’avale un à un mes amis coureurs, 10, 15 20 personnes je ne sais pas trop, maintenant ceux de la traversée sont mêlés à ceux de la X alpine. Il y a 3 ans, j’avais énormément souffert des cuisses et des genoux ici, mais pour cette fois, tout va au mieux. Mon moral est reboosté, sur la dernière portion de faux plat menant à Lourtier, je cours, jette un œil sur le GPS, 14Km/h.., ouahh !! qu’est ce qu’il m’arrive ?? Puis j’entends 3BIP, le GPS lui jette l’éponge après 18h20 de course mais moi je suis plus rechargé que jamais. Nous arrivons à la salle de Lourtier, très grande et bien organisée. Je n’ai pas envie de m’attarder ici, j’avale ma portion habituelle de bouillon, gâteaux salés, remplis ma poche d’eau et prépare mes bâtons. Une bénévole nous dit alors : ‘écoutez la montée à La chaux est un enfer c’est glissant il fait froid et il pleut. Beaucoup ont décidé d’abandonner la haut, ou redescendent. Si vous ne le sentez pas il vaut mieux rester ici’. L’un d’entre nous visiblement à bout de force suit ses conseils. Abandonner maintenant ? Impossible, je ne me suis jamais senti aussi bien depuis le début !! Je trouverai bien la volonté et l’énergie d’aller au bout. De toute façon ça ne peut pas être pire que le Col Mille.
Lourtier – La Chaux
Je sors donc du ravito après 18h30 de course. Je suis seul, ou du moins un fantôme me précède. Je vois une personne 50m devant moi, ma frontale éclaire les bandes réfléchissantes de sa veste. Mais il n’a pas de frontale ? Vraiment bizarre de courir dans le noir, j’hallucine ?. Je le perds de vue et n’éluciderai jamais ce mystère. La montée est assez raide mais en lacets réguliers. J’essaye de me caler sur un rythme qui me permette de franchir ces 1200m de dénivellé en bonne forme. Je vais y arriver, il n’y a pas de raisons. Tout à coup le stress, cela fait un moment que je ne vois pas de balises ?? Franchement je ne vois pas où j’aurais pu me tromper. Je m’arrête cherche la lumière d’une frontale en contre bas, rien, le doute m’envahit. Tout à coup je vois des lumières sur ma gauche au loin, pas bon me dis-je… je décide de redescendre, après 100m je retrouve un coureur, il s’agit du collègue avec qui je me suis perdu avant la Fouly. Je lui demande s’il est sûr de lui pour cette fois !! Il me répond catégoriquement oui, il n’y a pas d’autre chemin pour monter. Rassuré je lui emboîte le pas et nous retrouvons une balise quelques minutes après. Le téléphone sonne, je m’arrête, enlève les gants, ouvre la poche de ma veste le sort de son pochon, c’est ma Mère et Bernard, je n’arrive pas à répondre car l’écran tactile est humide. J’essaye de la rappeler mais je n’y arrive pas ça m’agace. Je range le tout et je repars. Dans la bataille j’ai perdu mon gant ? Heureusement le coureur que je précédais l’a ramassé. J’ai perdu un peu mon rythme, j’en profite pour manger une barre et boire. Je repars, le mobile sonne de nouveau, ce n’est pas vrai !! Vu l’expédition pour le sortir je décide de ne pas répondre, ma sœur m’excusera. Puis 30 secondes plus tard nouvelle sonnerie, énervé, je réponds, c’est Estelle qui m’annonce qu’elle est bien arrivée à la maison à Cruseilles. Malheureusement pour elle, à ce moment, elle en prend pour son grade, tu ne peux pas m’envoyer un SMS lui dis-je ? Je ne suis pas vraiment aimable, elle m’encourage tout de même et m’annonce que je suis désormais 49eme. Au jeu du Pacman et surtout des abandons j’ai repris mon classement d’Orny. Après avoir raccroché je regrette, je suis un goujat, elle qui a fait temps d’efforts pour venir me voir et me soutenir…Je suis néanmoins content et soulagé qu’elle ait pris la décision de rentrer. Je suis seul désormais, j’ai perdu mes camarades mais à chaque lacet j’aperçois leur frontale plus haut. Je mise sur 2h30 de montée, et pour passer le temps je commence à prendre des paris sur l’altitude en fonction de la végétation qui m’entoure. Il y a une chute d’eau bruyante sur ma droite que je ne vois pas évidemment et encore beaucoup d’arbres. Je parie alors sur 1700m d’altitude, me rassure en me disant que j’ai fait plus de la moitié et que pour l’instant l’enfer annoncé n’est pas au RDV. L’environnement change brutalement, nous progressons désormais dans ce qui semble être un alpage. . A cet instant j’entends sur ma droite au loin un bruit sourd et vraiment impressionnant, je m’arrête. Il s’agit d’un éboulement de roches, le bruit s’arrête puis il y a une seconde réplique. Cela cesse et je reprends mon chemin. Je pense alors que le Col La chaux n’est pas loin, car je vois un bâtiment éclairé droit devant. Puis il disparaît et l’ascension continue encore une bonne demi-heure. Nous enjambons alors un ruisseau, les balises se rapprochent, je rattrape un coureur et enfin nous atteignons ensemble le ravitaillement. Le bâtiment est vaste et très bien chauffé, les bénévoles nous accueillent chaleureusement, et s’étonnent de voir notre état de forme. Un samaritain sort d’une salle avec une coureuse emballée dans une couverture de survie. Il nous lance : ‘vous avez l’air en forme vous deux’, pas trop mouillé, pas froid ? car ici c’est l’hécatombe. Nous répondons presque étonnés non, ça va. Mon ami vante les mérites de sa veste qui paraît sèche, nous sommes tous les deux sereins, presque euphoriques. L’arrivée est maintenant proche et notre état physique nous permettra d’aller jusqu’au bout. Après avoir englouti quelques quartiers d’orange, une fois n’est pas coutume, nous repartons.
La Chaux-Verbier
Choc thermique à la sortie nous passons de 25°C à 5°C mais le moral est bon. Mon collègue me souhaite une bonne descente et me donne rdv à l’arrivée. Plusieurs 4x4 sur le parking sont manifestement chargés de rapatrier les abandons à Verbier
Je cours alors sur un plat dans l’herbe et la boue sur environ 1Km avant de basculer dans la descente, j’ai décidé cette fois de garder mes bâtons. Le chemin est vraiment impraticable. C’est une ornière très étroite et profonde, la guerre des tranchées !! Je tente alors de prendre sur le côté mais je glisse sur le dévers, et décide de retourner dans l’ornière glissante en gérant au mieux ma vitesse et mon équilibre. Je sais que la descente n’est pas vraiment longue environ 700m et 6km, le chemin s’élargit un peu et permet de relancer un peu. Je rattrape quelques coureurs puis nous apercevons désormais les lumières de la ville en contre bas. La suite est une vraie patinoire d’herbe et de boue. Je tiens debout tant bien que mal, puis c’est la glissade incontrôlée sur les fesses. Pas de mal, je me relève, chute de nouveau 100m plus tard. Il n’y a pas beaucoup de risques car pas de pierres, essentiellement de la boue et de l’herbe, je rigole, les bâtons m’aident pour l’équilibre. Enfin nous nous engageons sur un chemin plus large, je passe les faux plats en trottinant, mes forces sont comme démultipliées, j’ai l’impression d’avoir l’énergie et les jambes du Km 10. Je passe encore quelques coureurs, aperçois le bas du télésiège et m’engage sur le bitume. Nous y sommes, Verbier, la rue qui mène à l’arrivée est en descente, j’avale ma dernière friandise jaune… encore 200M, quelques personnes m’encouragent, je cours, n’ai aucune douleur. Les barrières colorées, le couloir d’arrivée, puis le BIP de ma puce sur la ligne. Comme à chaque fin de course je trouve l’arrêt brutal. Retour à la réalité, finis les calculs, la gestion, les coups durs, la solitude, la nature et les paysages magiques, j’aimerais presque y retourner… Une poignée de main puis je fais la photo finish. Pas beaucoup de monde, il est 3h15. 22h15 de course et 41eme au scratch, je suis content. Je récupère mon cadeau finisher, une bouteille d’eau puis je pars récupérer mon sac. Tout à coup j’entends Eehh Vincent !! J’aperçois alors mes deux amis Eric et Raph partis ce matin avec moi. Ils m’expliquent qu’à Bourg Saint Pierre, assez fatigués ils ne le sentaient pas, et ont décidé d’arrêter. Je sais qu’ils sont déçus et le suis autant pour eux. Je leur explique que le col Mille était vraiment un enfer, le froid la pluie, j’essaye de les réconforter en leur disant que leur décision était certainement la bonne. Nous apprendrons ensuite que 60% des coureurs ont finalement abandonné sur cette édition.
Félicitations aux organisateurs et à tous les bénévoles, j’espère que certains participants se retrouverons un peu dans ce récit et qu’il donnera aux autres l’envie de participer l’année prochaine, sous le soleil et avec Catogne cette fois !!!
1 commentaire
Commentaire de tidgi posté le 17-07-2014 à 20:29:34
Bravo !
Au vu des conditions météo qui n'avaient rien à voir avec 2013, c'est une belle perf. Chapeau !
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