L'auteur : ddfutmb
La course : Trail de la Côte d'Opale - 62 km
Date : 8/9/2013
Lieu : Wissant (Pas-de-Calais)
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Distance : 62km
Matos : Ensemble noir et rouge salomon
Camel Bag Lafuma Cinetik 5 pro
Chaussure Salomon S-Lab Rouge
Casquette Raidlight
Objectif : Faire un temps
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Dimanche 8 septembre 2013, 5h.
Ca y est, il est l'heure de lever. Une très courte nuit, à peine 2h d'un sommeil agité et déjà l'heure d'entamer la préparation. Petit déjeuner, s'habiller, vérification du camel-bag...Tout semble prêt. Je prends un smecta et deux spasfons avant de prendre la route également. Malade depuis 10 jours, c'est probablement une des rares chances de faire la course dans de bonnes conditions. Le traitement antibiotique lui attendra l'après-course. Peut être une mauvaise décision...Mais je me suis trop entraîné depuis cet été sous une chaleur éprouvante pour me faire refréner par de stupides maux de ventres.
Arrivée a Wissant, le dossard est récupéré assez rapidement et l'heure du départ approche à grand pas. A 7h50, il ne fait pas bien chaud, peut-être 13 voir 14 degrés mais on devine aisément que la journée sera belle. Le ciel est magnifique, quasiment pas un nuage ce qui nous permet de voir les côtes anglaises. Je discute quelques instants avec un compère rencontré sur l'Ardennes Méga Trail 2013. On avait fait les 40 derniers kilomètres ensemble.
On démarre ainsi ensemble ces 62 kms / 1450m du trail de la Côte d'Opale. Coureur assez roulant, il me décroche très rapidement. Sachant qu'il venait de m'avertir qu'il souhaitait boucler l'épreuve en 6h ou un petit peu moins...Personnellement, de 7h, mes objectifs se sont réduits à terminer l'épreuve dans de bonnes conditions pour finalement se rabattre sur l'idée suivante : "aller au 2e ravito et on verra"! Quand on a été « souffrant » pendant 10 jours avant l'épreuve, comment peut-on se fixer un objectif précis? J'ai confiance en ma tête mais pas question de me mettre en péril physiquement. Être mis en difficulté, je veux bien car finalement, c'est ce que l'on recherche. Mais de là a y laisser la santé...Proches et amis m'avaient d'ailleurs conseillé d'annuler. Mais un trail sur mes "terres d’entraînements", c'est trop tentant. Puis je connais le site qui, lorsqu’il est baigné par la lumière du soleil est magnifique.
Le début de course se passe finalement pas trop mal. J'ai très rapidement chaud, mon coupe-vent étant de trop. De plus, la vitesse des leaders semblent avoir aspiré les traileurs qui se sont agglutinés dans leurs roues. Personnellement, voir ma montre indiquait 11,5 km/h sur les premiers hectomètres m'inquiète rapidement. J'ai encore en tête la liste énorme d'abandons de l'année précédente. Pas question de se griller. Je ralentis très rapidement et me fait ainsi doubler par un nombre incalculable de personnes. Tactique gagnante? La vérité est que j'ai de réelles doutes sur mes capacités en ce jour. Bien sur dues aux explications précédentes mais également aux profils de mes entraînements. Ayant débuté le trail il y a 2 ans, j'ai axé le travail sur le dénivelé. Espérant a moyen terme pouvoir m'inscrire sur des ultras de 100kms et 6000m et ultime défi, de participer et finir la diagonale des fous. On pourra me dire que c'est cliché mais la passion du trail m'est venu en regardant un simple reportage à la télé. Un intérieur sport "la diagonale des fous" qui a été un déclic. Depuis, j'ai participé a quelques courses que je recommande par ailleurs : le trail des poilus 2012, l'ardennes mega trail 2012 et 2013, l'Albératrail. A chaque fois finisher et dans des temps qui me semblent raisonnables. Pas de quoi pavoiser mais suffisant me rendre heureux et me donner l'envie de toujours progresser. Mais ce trail de la CO a un profil beaucoup plus roulant en apparence. 62kms/1400m. Pour finir en 7h comme l'estime softrun pour moi, cela signifie que je dois avoir une constance a 9kms. Est-ce que je vais tenir? Le plus sincèrement du monde, j'en ai aucune idée. De plus, j'ai eu la bonne idée de me laisser entraîner dans un match de foot 4 jours plus tôt. 45min, une mi-tps, le temps de me sentir très mal, de "rendre" le goûter et d'avoir la sale impression d'être vidé. Sensation sympathique...
Mais je garde espoir en ce dimanche! J'arrive sans encombre au km5 qui correspond a la fin du tracé "plage". 5 kms de mis en bouche avec vue sur les côtes anglaises et de petites flaques qui viennent déjà humidifier nos pieds. Il est temps désormais de monter le cap blanc nez. Aucune surprise pour moi qui m'entraîne dessus chaque semaine ou presque. Je marche dès que ça monte et j'en profite par ailleurs pour me ravitailler. Là encore, beaucoup de coureurs me doublent et montent le cap blanc nez en courant. Je suis un peu surpris et soucieux à la fois. Deux possibilités, soit je suis officiellement "à la rue" physiquement, soit certains coureurs sous estime la course. Forcément, d'autres courent en montée et finissent en moins de 5h mais je parle ici des humains... :-)
Je ne change pourtant pas d'un iota ma ligne de conduite. De plus, je profite toujours du spectacle magnifique du cap baigné par le soleil. En haut du cap blanc nez sans difficulté, je poursuis en reprenant un rythme de course tranquille, plus ou moins 10km/h. Je suis par ailleurs un jeune couple, un peu inquiet de la vitesse du départ et de s'être un peu fait embarquer dans ce "tourbillon" de vitesse. Je leur confirme que pour moi également, le départ a semblé rapide. Trop rapide. Actuellement, nous sommes a 10 voir 10,5 a l'heure et cela semble les satisfaire. Après s'être échangé quelques amabilités, nous reprenons chacun notre course et arrive finalement rapidement le panneau des 10kms. Au moment de passer devant le panneau, ma montre vibre et m'indique 1 heure de course. 1h pour boucler les 10 premiers kilomètres. Dans mon esprit, c'est impeccable! Pas trop vite, pas trop lent, les montées/descentes aux profils casse-pattes qui orneront la course et qui ont décoré ce premier tronçon sont passés comme une lettre a la poste. Et pour couronner le tout, pas de trace d'un quelconque mot de ventre ou autre problème.
Après m'être rassuré grâce à ces 10 premiers kilomètres, il est déjà l'heure d'enchaîner. Mais avant ça, petit ravitaillement personnel. Du salé, des gels, des barres de céréales, tout est à disposition dans mon camel bag. Je suis parti trop chargé, c'est une certitude. Erreur de ma part mais un ami m'avais prévenu qu'en raison du faible nombre de ravitos (2 sur 62 bornes! ... ! ...je vous laisse deviner ce que j'en pense mais on y reviendra...), il valait mieux partir chargé. Et notamment pour le liquide. Une chance pour nous, il fait un bon 8 degrés de moins que l'année dernière où un nombre incalculable de coureurs avaient soufferts de la chaleur selon mon ami. Pour avoir échangé avec plusieurs coureurs pendant la course, je ne peux que valider l'hypothèse.
Ravitaillement terminé, j'enchaîne sans trop de problèmes les kilomètres qui sont censés nous amener au ravitaillement 1/2, au 21e km. Entre nouvelles montées/descentes, chemins monotrace, route, le parcours offre une diversité intéressante et moins de monotonie que ce que j'aurais pu penser. J'arrive ainsi au ravitaillement du km21 après un peu moins de 2h15 de course. J'en profite ainsi pour prendre tout est n'importe quoi. A chaque début de course je me dis :" au ravito, vas y doucement et ne te jette pas sur tout et n'importe quoi pour créer un désordre dans l'estomac". J'ai envie de dire que ce conseil prévaut encore plus aujourd'hui. Mais impossible de me retenir. Entre une envie incompressible de recharger les batteries et le souhait de perdre le minimum de temps, ce ravitaillement se transforme rapidement en "sers toi et regarde pas" : 2 gobelets de boissons énergétiques, 1 coca, 1 gobelet d'eau et trois quartiers d'orange. Pas forcément dans cet ordre...Je décide de repartir vite et ainsi, de battre le fer tant qu'il est encore chaud. Les soigneurs m'interpellent, je venais de laisser tomber une pochette de mon camel bag sans m'en rendre compte. Celle-ci contenait mes cacahuètes, indispensable élément salé m'évitant la saturation au sucre trop rapidement.
Après ce faux départ, je débute par une petite marche tranquille en montée, histoire de bien assimiler l'ensemble des aliments et liquides avalés au ravito. Après 20kms déjà, difficile de croiser quelqu'un en train de courir en montée. Le contraire m'aurait étonné. Je ne sais absolument pas me placer parmi les 500 coureurs et mais je dois facilement être dans le dernier tiers. Même si la plupart des coureurs ont encore le sourire, la première partie de la course a semble t-il laissée quelques traces sur les organismes. Pas de quoi s'inquiéter outre mesure mais quand même, il en reste au moins 40 de kilomètres! Je garde mon rythme, alternant course et marche, découvrant par ci par là des passages dunaires, difficile pour les mollets. Ayant la plage a proximité, je m'étais entraîné à cet exercice que je saurais compliqué. Par bonheur, le soleil n'est pas encore a son zénith et même si cela s'avère difficile, je passe l'étape sans encombre.
Mine de rien, je continue d'avancer sans trop de difficultés et j'ai même l'impression que le corps réagit très bien. En l'espace de deux ans, et même si il me reste énormément de travail, j'ai acquis une expérience solide sur l'écoute de mon corps. Savoir quand on peut aller de l'avant, quand il faut ralentir voir s'arrêter et marcher. C'est une base pour les courses longues et cela, je l'ai remarqué assez rapidement. Quand tu dépasse notamment les 10heures de course selon moi.
Je poursuis ma route et me voici arrivé au km 35. Tout va bien, mon mp3 a laissé place a un reportage audio sur la vie de Zidane. Un reportage de 1h30 que j'ai mis en route et qui devrait s'achever au prochain ravito. Petit calcul bête mais au moins la compagnie est bonne et je me laisse guider a la fois par la route mais également par le son de mon mp3. Malheureusement, mon premier couac va vite arriver. Km37, en voulant prendre de l'eau, je m'aperçois que mon camel bag est vide. Je l'avais complètement rempli au ravito mais cela n'a pas été suffisant. Il me reste donc 7 kms jusqu'au prochain ravitaillement, sans eau. L'envie de demander de l'eau a un autre coureur me tâte mais je me dis que c'est de ma faute. Et que je ne dois pas faire payer cela a quelqu'un d'autre. Par bonheur, le ravitaillement prévu initialement au km 44 se situe au km 40. Donc finalement, pas le temps de souffrir et ça, c'est quand même une bonne nouvelle. 4h20 de course, ravitaillement numéro 2. Tout va bien!
A l'image du premier ravitaillement, je prends tout ce qui me passe sous la main en insistant sur les quartiers d'oranges. Je remplis mon camel bag d'eau avant de repartir. En sortant du ravito, je croise ce couple avec qui j'avais pu échanger peu avant le km10. Je décide de me joindre a eux pour la suite de la course. Car même si je me sens encore en forme, je sais que le plus dur commence. Machinalement, je sais que c'est la dernière portion de la course et que nos corps et nos têtes vont être mis à rude épreuve. On en profite tous les 3 pour échanger sur la course et ses difficultés. Ils m'annoncent d'emblée qu'ils sont heureux d'être là mais qu'ils ne tenteront pas l'expérience une seconde fois. La course est trop difficile selon eux. Il est vrai qu'entre la chaleur, les dunes et pour moi le manque de ravitaillements, il n'est pas simple d'aller au bout de l'épreuve.
Quoi qu'il en soit, nous avançons a un bon rythme. Nous enchaînons parties bitumées et sables sans trop de difficultés. Un panneau se présente, il reste encore 17 kms. J'avoue que pour moi, c'est un petit coup au moral. Je pensais qu'il en restait 14 ou moins. Je suis légèrement moins bien, pas forcément dans le rouge mais les tracas de la semaine qui ont entraîné une grosse fatigue re-surgissent. Je me sens un peu vidé et la tête commence à avoir du mal à suivre. Malgré tout, j'enchaîne et je me surprends a lâcher ce gentil couple. J'avais ralenti deux ou trois fois pour les attendre mais je me dis que je ne leur rends pas service et encore moins à moi. Je pars donc seul à l'assaut des 15 derniers kms. Sables, galets, dunes, la course reprend de plus belle.
Mais cela devient clairement difficile. Le soleil est quasi à son zénith et j'essaie d'économiser mon eau. Les articulations commencent à souffrir avec l’enchaînement de montées-descentes "cassent pattes". Je double tout de même quelques personnes qui semblent au bout du rouleau. Je progresse tant bien que mal en visualisant l'arrivée. Car pour être franc, si on m'avait dit qu'au km50, tu te sentiras plus ou moins bien, je ne l'aurais pas cru une seule seconde. J'essaie donc de relativiser ces petits moments compliqués. J'en ai eu d'autres sur des courses qui étaient beaucoup plus violents. Il m'est arrivé sur mon premier ultra-trail, à un moment précis de vouloir être blessé pour stopper la course tellement la tête saturée. Ça ne m'est plus jamais arrivé et c'est tant mieux. Car quand on se blesse vraiment...
Malgré tout, la fin approche et je suis quasi au bout du rouleau. Encore 7km d'après un bénévole qui est venu à sa position de signaleur avec de l'eau et du coca pour les coureurs. J'en profite pour boire un peu a sa bouteille et conserver la mienne dans mon camel bag! L'arrivée est proche, 5 kms et on pourra lever les bras au ciel. Mais avant ça, encore des galets. Ça me pousse à bout car il faut être concentré d'une part pour éviter une entorse et solide pour s'empêcher de marcher. Mais je tiens bon, je sens que je vide mes dernières forces, je rattrape énormément de coureurs. Ça y est, on voit les personnes près de l'arrivée, je suis quasi en sprint (14km/h, pas vraiment du sprint mais on fait ce qu'on peut après 62 bornes), j'aperçois enfin ma compagne, je lève les bras au ciel tellement je suis heureux et franchi la ligne d'arrivée en 7h04, en 135e position sur 400 et quelques...
Et après la course... Après avoir franchi la ligne d'arrivée, c'est le coup de pompe énorme, mon corps me dit stop, je n'ai même plus la force de marcher ou même de me déplier. Je suis allé au bout du bout cette fois-ci, je suis au bord des vomissements et de l'évanouissement tellement je me sens mal. Je n'ai même pas la force d'aller récupérer mon sandwich d’après course. Je vais à peine boire un coca. Je ne tiens plus debout. Mais je suis fier de l'avoir fait. D'aucun dira que ce n'est pas nécessaire de se mettre dans des états pareils. Je suis d'accord mais je reste fier d'avoir été au bout de moi-même et d'être fînisher. La course peut être dur voir terrible par moment, mais franchir la ligne d'arrivée efface tout.
1 commentaire
Commentaire de Mokiloque posté le 06-03-2015 à 10:25:42
Je n'avais pas lu ton récit du TCO, sur le début de course je me reconnais totalement dans les sensations... Des gens qui partent comme des fous, des moments de doute et de sérénité car connaissance parfaite du parcours.
Chapeau pour ton temps car en étant malade comme ça c'est un exploit :-/
A bientot :)
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