Récit de la course : Marathon de la baie du Mont-St-Michel 2010, par lafeuille17

L'auteur : lafeuille17

La course : Marathon de la baie du Mont-St-Michel

Date : 9/5/2010

Lieu : Cancale (Ille-et-Vilaine)

Affichage : 1810 vues

Distance : 42.195km

Objectif : Battre un record

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Marathon de la baie du mont saint Michel 2010

09 mai 2010, départ du marathon de la baie du Mont Saint Michel, objectif en ligne de mire depuis plus de six mois. Un challenge, un objectif, un retour aux valeurs du sport et de la course à pieds, retrouver la condition physique, bref, ce marathon est très important à mes yeux depuis l'automne 2009. Mon dernier marathon date de juin 2007, justement au mont Saint Michel. Après une blessure au tendon d'Achille, je n'avais jamais repris l'entraînement pour moultes raisons, plus mauvaises les unes que les autres; Et puis mon quatrième enfant est né début 2009. Résultat de cette inactivité, de ce lamentable laisser-aller, en octobre 2009, je pèse 82 kg et suis incapable de courir plus de 1 km, moi qui faisait moins de 3h30 sur 42 km...Le 17 octobre 2009, je repars de zéro, avec comme premier objectif retrouver une condition physique et un poids dignes d'un sportif. Les premières sorties sont pénibles, j'ai honte, j'ai du mal, je souffre. Ça sera 1 km, puis 2, puis 3, puis une demi heure, puis 45 mn. Je change totalement mon mode de vie, mon alimentation, mon hygiène alimentaire. Résultat, le 1 er janvier je pèse 65 kg et suis capable de courir une quinzaine de kilomètres sans aucun problème et sans aucune fatigue ni douleur. Ça va pouvoir commencer..!! Dès la fin du mois de novembre, je m'étais inscrit au marathon du mont saint Michel. Je savais qu'en conséquence, je devrai débuter une préparation spécifique au début du mois de mars 2010. Et pour cela, il fallait qu'à cette date je sois en pleine forme, et apte à encaisser 12 semaines d'une rude préparation. Je m'étais fixé trois phases : 1 ère retrouver une condition physique et un poids permettant de reprendre l'endurance – 2 ème retrouver des sensations et un niveau de performance suffisamment intéressants pour se fixer un objectif de temps au marathon – et enfin la 3 ème phase , la préparation spécifique avec un plan d'entraînement sur 12 semaines. Début janvier, j'attaquais donc la seconde phase en multipliant les footings qui devenaient quotidiens, en y ajoutant 3 séances de natation par semaine et quelques séances d'abdominaux de temps en temps. A la mi février, je me sens en parfaite forme pour entamer une prépa marathon. Je m'octroie deux semaines de repos total, j'en profite pour arrêter de fumer, et le lundi 1 er mars 2010 je commence un plan d'entraînement sur douze semaines qui doit me conduire à ce dimanche 09 mai 2010. Ce sera un plan avec 6 séances par semaine et avec pour objectif 3 h 15 . Mon record date de 2007 en 3 heures 27; et quitte à reprendre autant se fixer un objectif de performance. Ces six séances seront découpées de la façon suivante : deux séances de fractionnés ( 400 m, 800, 1000m, 2000 m), des séances de footing, des footings à allure marathon, et une sortie longue. Un jour sera consacré au repos total. J'inclus en plus trois séances ( lundi, mercredi et vendredi midi) de natation, où je ne ferai que de la palme, soit 40 longueurs à chaque séance. Voilà quel fut mon quotidien pendant 3 mois, ce fut dur, parfois pénible, souvent fatiguant, mais je m'y suis astreins sans manquer une seule séance. Je me suis entraîné les matins de bonne heure avant l'embauche, les midis, et le soir après le boulot. Il a fallut braver des conditions climatiques catastrophiques pour la saison ( froid, vent, pluie)Mais cet objectif de revenir sur la distance du marathon après un arrêt de trois ans, à 43 ans, et le faire en 3 heures 15 après aussi avoir perdu plus de 20 kg, décuplait ma motivation chaque jour, chaque matin, chaque soir lorsque je me couchais. Même si je faisais extrêmement attention à mon alimentation depuis des mois, 30 jours avant le marathon, soit le 09 avril, date hautement symbolique puisque c'est mon anniversaire, je me suis organisé un régime digne d'un sportif de haut niveau. Au menu, protéine, féculents, fruits, légumes, et pour ne pas être victime de carences, je prenais des compléments alimentaires ( oligo-éléments et minéraux). Depuis l'automne, mon alimentation ne comportait plus aucune graisse; résultat je me présente au marathon du mont saint Michel avec un poids de 60 kg, une IMC à 19,8, une IMG à 2% et une fréquence cardiaque au repos à 45. Je suis en tous points totalement méconnaissable par rapport au début d'automne 2009... depuis fin avril, je suis impatient, je ne pense plus qu'au marathon, ne vit que pour le marathon, ne rêve qu'au marathon. Ma préparation s'est passée sans encombre, j'ai pu suivre sans problème toutes les séances prévues. J'ai tout de même quelques bobos, dus à l'entraînement, et à la fatigue, mais je me refuse de les soigner pour ne pas mettre en péril ni la fin de ma préparation, ni ma participation au marathon. J'ai un problème ligamentaire à un orteil du pied gauche, à un moment on a même pensé à une fracture, et également une tendinite au niveau de l'épaule droite. Cependant je suis confiant pour atteindre mon objectif pour plusieurs raisons. Mon dégré de performance est supérieur à celui de 2007; j'ai battu tous mes records au cours de cette préparation ( 36 minutes au lieu de 39 sur 10 km, 1 heure 27 au lieu de 1 heures 35 sur semi marathon, un trail de 18 km en 1 h 09), j'ai exécuté pratiquement toutes les séances à un niveau supérieur que ce qui était préconisé sans difficulté, à 60 kg, je suis 5 kg en dessous de mon poids de 2007. Intérieurement, je me dis que peut être je pourrais faire mieux que 3 h 15, mais je me garde bien de le dire, d'abord parce qu'il faut rester humble par rapport à une telle distance et une telle épreuve qu'est le marathon, et ensuite je reviens de loin, il y a encore quelques mois, je ne courrai même pas un kilomètre. En théorie, mon plan d'entraînement doit m'amener à une performance de 3 heures 15, soit une moyenne de 12,98 km/h, donc 4 mn 37 au km. Cependant au regard de mon état de forme, j'élabore trois semaines avant la date fatidique une stratégie de course différente de ce que j'avais prévu initialement. Le premier semi, je vais le courir en « négative split », je ne vais absolument pas chercher à courir plus vite que 13 km/h, disons même que je vais me forcer à ralentir. C'est bien là toute la difficulté du marathon, ne pas s'enflammer, ne pas partir trop vite, savoir gérer.... Ensuite, au semi, je fais un chekup, j'écoute mon corps, j'analyse mes sensations et j'augmente juste de 0,5 km/h jusqu'au 30 ème. Là, à nouveau je fais un point, et si les sensations sont bonnes je me lâche. Ainsi, j'espère finalement faire moins que 3 heures 15. J'arrive au bout de mon plan d'entraînement, quinze jours avant le 09 mai, dernière sortie longue de 29 km que je fais sans aucune difficulté en 2 heures 09 ( préconisée en 2 heures 30 ), puis une semaine avant , un dix kilomètres pour me faire plaisir que je termine en 36 minutes. Ne reste plus que une semaine, la plus longue,; celle qu'on voudrait ne pas voir s'éterniser, vite vite, que le marathon arrive. Ma dernière semaine va être entièrement consacrée à deux choses: la clôture de la préparation avec le régime scandinave dissocié et l'étude permanente de la météo... Lundi, mardi et mercredi, je cours à peu près 45 km sur les trois jours, j'épuise mes réserves de glycogène, je ne mange aucun sucre lent, aucun féculent, que des protéines; lundi du poisson, mardi des oeufs et mercredi de la viande blanche. A partir de mercredi , repos total, je ne chausserai mes baskets que dimanche matin. Par contre, riz tous les midis, et pâtes tous les soirs.

Dès le lundi, la météo me perturbe, me tracasse, et m'angoisse. Je ne vais plus penser qu'à elle pendant sept longs jours jusqu'au dimanche 8 heures 30. Dès le lundi, il est prévu du vent. En soit, rien d'exceptionnel, car sur le littoral nord de la Bretagne, il y a toujours du vent. Mais , habituellement ce vent est toujours orienté ouest-nord ouest. Donc, en partant de Cancale en direction du Mont, on a normalement le vent dans le dos ou de trois quart arrière. Or là, il prévoit chaque jours, chaque mise à jour du site météo france, et ce depuis le lundi, un vent d'est !!!! Donc de face. Ca me rend malade, m'empêche de dormir, me démoralise, je me dis «  tous ces efforts mis à mal par un p... de vent » car je sais ce que c'est que de courir face au vent; en Charente maritime, du vent il y en a tout le temps; 70 % de mes entraînements se sont déroulés avec le vent; et je sais combien il est pénible, fatiguant et usant de lutter contre lui lorsqu'on se donne un objectif de vitesse. De colère, je dis plusieurs fois à mon épouse dans la semaine, « je n'ai plus envie d'y aller, à quoi bon, à cause de ce vent je n'arriverai pas à atteindre mon objectif.. » Elle me remonte le moral, mais rien n'y fait, ce vent sera mon obsession durant 7 jours et 6 nuits. Mes parents sont sur place depuis le jeudi, chaque jours je les appelle pour connaître la météo et surtout le vent. Pour une fois, la météo ne se trompe pas, il y a bien du vent. Par contre il fait beau, froid mais beau. Sincèrement, je préférerai de la pluie plutôt qu'un vent de face pendant 42 km.

Nous prenons la route le samedi à 08 heures en famille ( mon épouse et mes deux plus jeunes enfants). Nous arrivons vers 13 heures à Saint-Malo, il fait beau, mais ....il y a du vent.... j'en deviens totalement obsédé, je regarde en permanence les arbres. Nous sommes au village marathon. J'adore cette ambiance; Nous faisons le tour de tous les stands, prenons quelques prospectus, la tète est déjà dans la course, on sent une effervescence, une même passion qui lie tous les gens présents dans ce village. Je fais remarquer à mon épouse qu'ici il n'y a que des maigres et aucun jeune....que les coureurs sont en famille, accompagnés de leurs femmes et enfants, bref des marathoniens. Le moment tant attendu, je retire mon dossard; je vais l'avoir dans les mains....à ce moment j'ai une pensée sur les six mois qui viennent de s'écouler; tant de choses ont changé...On me donne mon sac avec mon dossard n° 957 et ma puce. Quelques photos dossard en mains avec mes enfants, et nous quittons le village vers 14 heures 30. Je propose de nous rendre à cancale, pour deux raisons. D'une part le départ habituel à changé, ce sera du port et donc le marathon commencera par une montée de 2 km, et je veux la découvrir avant de la monter en courant. Ensuite, je souhaite faire le parcours en voiture pour constater le vent, sa force, sa direction, bref bien me casser le moral.

C'est vrai que ce nouveau départ au port de la houle à CANCALE ajoute une touche pittoresque au marathon. Et puis là pour le coup, du départ, on voit réellement l'arrivée, effectivement le mont Saint Michel nous apparaît au loin petit, tout petit. La cote est terrible, nous la montons en voiture, je la compare à celle du pont du Martrou chez nous à Rochefort, en beaucoup plus longue, puisque ça grimpe sur 1,8 km. Sacré difficulté pour débuter un marathon. Je m'interroge comment la gérer, comment gérer la mise en allure sans se mettre dans le rouge dès les premiers kilomètres. Je me dis que je réfléchirai à ceci le soir, car pour l'heure ma seconde préoccupation et non la moindre c'est le vent. Nous parcourons les trois-quarts du parcours, et force est de constater que malheureusement nous aurons bien le vent dans la figure.....j'en suis malade. Nous finissons l'après midi par la visite du mont saint Michel, passage obligé, et une première pour mon épouse. Nous retrouvons mes parents qui sont chez des amis qui vont également nous accueillir pour le week-end. Je repars avec mon père vers saint malo où je dois retrouver un collègue de travail que j'ai convaincu de courir son premier marathon.....Nous faisons à nouveau le circuit, mais à l'envers, pas de secret, il va falloir lutter contre le vent et faire avec. Je retrouve donc Philippe, et nous nous donnons RDV pour le lendemain matin 7 heures à cancale. Le soir, je mange pour le troisième soir de suite mes pâtes accompagnées de tomates et de basilic. A 22 heures je suis couché...Je lis les derniers conseils de Dominique Chauvelier, et en particulier concernant la cote du départ. Ne pas se mettre dans le rouge, ne pas regarder le chrono, la monter tranquille en regardant le bitume, et se dire que le marathon débutera réellement en haut et qu'on sera fin prêt et chaud pour l'attaquer. Je dors très peu, en fait 3 heures, je pense, en tout cas je suis réveillé à 2 heures ; j'envoie un texto à mon fils aîné et à quelques amis. A 3 heures, je me lève et m'incurgite 300 à 400 grammes de pâtes, je me presse quatre oranges et m'installe devant la télévision. Finalement à 5 heures, je tombe de fatigue dans un sommeil profond. Mon père me réveille à 6 heures, une demi heure plus tard nous partons en direction de CANCALE. En une demi heure, je bois 2,5 litres. A partir de sept heures je ne boirai plus rien, la prochaine fois que je le ferai ce sera au premier ravitaillement au km 5. De 7 heures à 8h15, je vais uriner en permanence, il faut que je commence le marathon la vessie vide. Je m'étais fait avoir sur mon premier marathon, et au km 2 j'étais déjà arrêté pour pisser. A 7 heures, je retrouve Philippe. On se prépare, on se mets en tenue, on se couvre d'un puncho genre sac poubelle, et mettons nos affaires dans un sac que nous remettons à la consigne. Mon père nous quitte, je le retrouverai le long du parcours. Nous descendons sur le port de la Houle et découvrons l'aire de départ. Il y a du monde, c'est une fête, on sent une osmose entre tous ces coureurs, une grande famille en sorte. Nous nous baladons, sur le port, urinons, urinons toujours et encore, rentrons dans un café pour utiliser des toilettes. On croise certains qui courent déjà... certains s'échauffent, je n'en vois pas l'utilité, mais bon chacun fait comme il sent. Je regarde en permanence les drapeaux, cette fois c'est sur, il va falloir composer avec le vent. La fièvre monte d'un cran à une demi heure du départ, on ressent chez tout le monde une certaine impatience à partir. C'est vraiment une ambiance particulière les marathons, totalement différentes des courses hors stade style les 10 km. Ici, on a l'impression que tout le monde se connaît, tout le monde se congratule, tout le monde s'encourage, on plaisante ensemble; bref on se parle. 8 heures 10, les meneurs d'allure se mettent en place dans le sas. C'est à ce moment là qu'avec Philippe nous décidons de nous positionner, lui avec les « 4h », moi avec les « 3h15 ». On s'encourage une dernière fois, on se souhaite bonne chance. J'enlève mon puncho, je garde un vieux sweat-shirt sur ma tenue. Je vais courir ce marathon avec de nouveaux équipements que je n'avais pas trois ans auparavant. Un haut compressif blanc, il fait office de seconde peau, aucun problème de frottement, permet une bonne transpiration; à chaque sortie longue où je l'ai mis, ça a été un réel plaisir. J'ai également un cuissard compressif blanc, des bas compressifs blanc sur les mollets, une paire de chaussettes spéciales longues distances avec distinction pied gauche et droit, et enfin ma bonne paire de Mizuno dont je suis parfaitement satisfait. Je me la suis procuré en octobre 2009, j'ai parcourus 1300 km dont 1000 en 2010 avec sans avoir aucune ampoule, ni aucun problème. Je sais qu'elle partira à la poubelle après le marathon et sera remplacée par un modèle 2010 plus récent toujours de chez Mizuno dès la fin du mois de mai. Mais la principale nouveauté, qui pour moi a été une révolution dans ma préparation est le GPS de poignet. Cet appareil me donnera en permanence ma vitesse instantanée, la distance parcourue, le temps. Je décide de ne pas mettre la fonction cardio. En fait, le cardio, je ne m'en suis servi que lorsque je faisais mes séances de fractionnés pour la récup entre chaque séries. Je sais que sur un marathon, à 13 km/h je ne dépasserai pas les 140 – 150 puls; donc aucun intérêt de s'enquiquiner avec le cardio. La grande difficulté va être de ne pas consulter les infos données pendant les deux premiers kilomètres, en tout cas de ne pas se prendre la tête à cause de cette fichue montée. Ce dernier quart d'heure paraît une éternité, on attend tous le coup de feu libérateur, on regarde l'heure toutes les minutes, 8h20, 8h22, 8h25... Cinq minutes et ce sera parti, on va savoir si l'entraînement va porter ses fruits. Mon voisin me dit quelques mots sur ses objectifs, un autre me demande si je suis satisfait de mes lunettes de soleil; à un autre qui a un flocage de la Creche dans le 79, je lui demande s'il est bien des deux sèvres. Tout le monde s'encourage, on plaisante sur le vent, c'est vrai que vaut mieux en rire qu'en pleurer, de toute façon on n'a pas d'autre choix que celui de faire avec ou d'abandonner.....8 heures 30 précises, le coup de feu libérateur est tiré. Comme à chaque départ de marathon, il est accompagné d'une bronca et d'un tonnerre d'applaudissements... Ce sont les premiers piétinements, je ne déclencherai mon chrono que lorsque je passerai la ligne de départ. En fait, je la passe à peine 45 secondes après le départ réel. Je déclenche mon chrono, et me lance comme les 5000 autres participants dans mon marathon, celui auquel je pense depuis des mois, celui pour lequel je me suis préparé, celui où je veux battre mon record sur la distance... Après 500 mètres sur le port de la Houle, à hauteur du dernier commerce, un gouleau d'étranglement qui annonce le début de la montée sur une route extrêmement étroite ( du reste à sens unique). Je suis calé juste derrière le meneur d'allure. Une difficulté que je n'avais pas envisagé vient s'ajouter à la gestion de l'effort de la cote : doubler tous les coureurs qui se sont mis devant au départ mais qui en réalité ne sont absolument pas à leur place eu égard à leur performance. C'est réellement une difficulté, car d'une part la route est vraiment très très étroite, et nous courons épaule contre épaule, mais en plus pour ne pas perdre le meneur d'allure il faut à chaque dépassement produire un effort court et violent pour rester dans le rythme. Au bout de 500 m de montée, ça commence à se niveler, me concernant rien de spécial, finalement je monte la cote facilement, j'en rigole même en pensant à ce qui restera à courir ensuite. Et puis pendant trois mois, j'ai monté chaque jours et certaines fois plusieurs fois par jour le pont du Martrou qui enjambe la Charente, alors finalement cette montée ne me semble pas si terrible que ça. Je ne peux m'empêcher de regarder mon poignet, on est à 12 de moyenne, donc RAS, le km/h qui manque sera aisément repris dans la descente, la seule descente du marathon qui va suivre au km 2,5. Finalement cette montée va se passer tranquillement, on discute même entre coureurs, moi j'ai la tête baissée, je regarde mes chaussures, je m'interroge, me questionne : est ce que je me suis bien préparé, suffisamment entraîné après tout en octobre je n'arrivais pas à courir 2 km; est ce que je vais réussir à atteindre mon objectif, vais je battre mon record, le vent ne va-t-il pas anéantir tous mes efforts et mes espoirs, vais je pouvoir appliquer la tactique que j'ai mis sur pieds; et puis je ne veux pas décevoir ma famille, mon épouse, mes parents, mon fils aîné... non je suis condamné à réussir mon marathon et ce quelles que soient les circonstances de courses...Voila, le temps de se dire tout ceci, et nous sommes déjà en haut où, et c'est une surprise, nous sommes encouragés par Dominique Chauvelier en personne. Je vais attendre le km 5 avant de faire un point de situation sur ma vitesse de croisière. Je n'ai pas pris de bracelet d'allure, je suis resté « traditionnel », et me suis inscrit sur l'avant bras gauche mes temps de passage prévus. Donc pour le faire en 3h15, ça fait du 4:37 au kil, avec la cote je n'avais pas marqué de temps de passage pour le 3 ème mais le 5 ème que je dois passé en 23:06. Je me suis également inscrit les temps du 10km, 15 km, du semi, 30 ème et du 39 ème qui correspond au virage de Beauvoir juste avant d'attaquer la ligne droite finale sur la digue. A la fin de la descente, je suis légèrement devant le meneur d'allure, une quinzaine de mètres. En fait, il y a trop de monde , et j'ai horreur de courir en groupe; ça me perturbe, j'ai du mal à gérer mon allure et rester concentré sur ce que j'ai à faire. Je suis adepte de la course solitaire; du reste le running n'est il pas un sport individuel.. mais bon chacun voit midi à sa porte. Je passe le km 5 en 22 mn, temps prévu 23:06.

C'est le moment du premier ravitaillement, je prends sans m'arrêter deux verres de glucose dont un que je bois immédiatement pour libérer une main qui va me servir à prendre un quartier d'orange et deux ou trois morceaux de banane. Je bois le second verre de glucose, puis mange la banane. Ensuite je mâchouille le quartier d'orange. Je vais répéter ce rituel à chaque ravitaillement jusqu'au dernier. Je ne m'arrête pas, je continue à courir; d'une part ça ne me pose pas de problème particulier ( je me suis entraîné à m'hydrater et m'alimenter en courant) et d'autre part je ne veux pas perdre de temps et mettre à mal ma gestion du temps. C'est bon maintenant, que je suis dans les temps, que et la montée et la descente ont été gérées pour rester dans le tempo prévu, je vais pouvoir correctement régler ma vitesse de croisière qui doit être de 13km/h. Je sais que jusqu'au km 25, nous allons courir le long de la mer, et allons traverser plusieurs villages. Malheureusement dès le km 6, nous sommes dans le vent, et à ce moment là, je ne sais pas que nous allons en souffrir jusqu'au bout et que ça va aller crescendo. Je discute avec un coureur qui porte un paillot « Soulac sur mer », je connais, ma famille paternelle est de Soulac; et je sais qu'un autre collègue de Soulac justement court le marathon. Je lui demande donc s'il connaît Martial, il me dit « oui, c'est un pote du même club ». On discute pendant une bonne dizaine de mn. C'est un sacré loustic; il me raconte les chouilles qu'il fait, les excès qu'il commet et en plus il me dit « je suis fumeur », mais il a malgré cela un temps de référence de 3h45. On se sépare après s'être encouragés, je le laisse derrière moi. Je pense à mon autre collègue pour qui commence aussi son premier marathon. Je pense à lui car je l'ai vu le Philippe prendre un café une demi heure avant le départ, et ne suis pas sur que ce soir vraiment sain; et puis au lieu de manger des pâtes la veille au soir, il s'est tapé une pizza; j'espère qu'il ne va pas trop souffrir. Par contre, je ne doute absolument pas de sa réussite, je le connais, il est jeune, en pleine forme, sportif aguerri, il ira au bout ça ne fait aucun doute. Jusqu'au km 25, c'est un tracé plutôt agréable, on traverse pas mal de villages, il y a énormément de monde sur les bords de la route, des animations dans chaque villages, des fanfares, des orchestres, etc. Et puis le fait d'avoir notre prénom sur le dossard, ça permet des encouragements nominatifs qui font toujours plaisir. Moi, ce que j'apprécie particulièrement, c'est de taper dans les mains des gamins qui tendent leur main. Ils sont heureux, et qui sait peut être qu'un jour, ce seront eux qui courront le marathon.

Je sais qu'au km 16 je vais retrouver mon père, il doit me donner un gel et une bouteille de jus d'orange pressée. A plusieurs reprises, entre le km 5 et le km 15, je me dis tout haut « tu vas trop vite ralentis ». Ce que je fais instantanément; en effet je contrôle en permanence ma vitesse et dès que je suis à 13,5 – 14 km/h, je dois absolument ralentir et revenir à ma vitesse de croisière de 13 km/h. En fait je vais faire cela jusqu'au semi, et m'y astreindre complètement. Ainsi je passe le km 10 en 45mn30 ( prévu 46) et le km 15 en 1h 08 ( prévu 1h 19). C'est une grosse, une énorme évolution chez moi par rapport à mon dernier marathon en 2007. D'une part, je peux grâce au GPS contrôler de manière permanente et instantanée ma vitesse, mais surtout je cours facile, largement en dessous de mes possibilités. En effet, il y a trois ans, pour réaliser mon objectif de 3h 45, ( je calculais en permanence ma vitesse à chaque km parcouru) jamais je ne me suis dit que j'allais trop vite et que je devais ralentir, au contraire je me disais sans arrêt que je devais augmenter ma vitesse. A l'époque, je ne me suis absolument pas brider, au contraire je me boostais pour aller plus vite pour atteindre mon objectif. Il s'agit donc bien d'une révolution, car là cette fois, et malgré le vent j'ai réellement du me ralentir pour rester sur une base de 13 km/h. D'un autre coté, je me suis aussi entraîné dur pour cela, et je sais que je peux allègrement tenir une vitesse de 14,5 – 15 km sur 20 km; que j'ai couru des 10 km à 16; que j'ai eu des pointes à 19,8. Alors se forcer à ralentir sa vitesse, au moins pendant les 21 premiers kilomètres me font dire très rapidement dans ma tête que j'ai évolué dans la gestion de mon marathon, et que finalement avant je n'étais peut être pas encore assez prêt ou mur pour être un vrai marathonien. C'est comme ça au début que je vais me motiver, car le vent me met le moral dans les chaussettes, à chaque fois que nous sommes hors des villages, le long de la mer, je sens très bien que pour garder la bonne allure, je sollicite mon corps pour un effort qui n'est pas forcément prévu au départ. Et ce sera autant d'énergie et de réserves qui ne seront pas disponibles pour la fin... Alors pour ne pas me pourrir le moral avec ça, je positive en faisant de l'auto-satisfaction sur ma gestion d'allure. On trouve ce qu'on peut pour garder le cap..Je discute quelques minutes justement avec un « ancien » qui m'a entendu dire « tu vas trop vite, ralentis!!! ». Il m'accoste et me dis que j'ai raison de gérer ma course en maîtrisant l'euphorie et en ne se laissant pas emporter par ses propres jambes. Il me fait rapidement son auto-portrait : 62 ans, 46 marathons à son actif, dont tous les grands internationaux; son record date d'une quinzaine d'années : 2 h 55. Là il part sur une base de 3h30. Je lui dis tous mes respects, sincèrement il avait une fier allure, et avait l'air hypper affûté. Il me donne un conseil pour le vent, me dis de courir tout le marathon coté droit de la route et d'essayer de se mettre à l'abri des autres coureurs. Le problème c'est que je cours seul, mais bon je vais essayer. Comme à chaque fois, on se quitte en se souhaitant bon courage. Un autre problème, différent de celui du vent apparaît très rapidement comme un souci de plus à gérer : une forte et intense douleur à mon doigt de pied gauche. Mon épaule, elle ça va, en fait je souffre de mon épaule lorsque je suis au lit et lorsque je suis devant mon ordinateur avec la souris...donc là forcément tout va bien. Ce n'est vraiment pas le cas pour mon pied. J'ai mal, c'est sur, très mal même, et forcément je ne pense plus qu'à ça. Dès le km 15, je prends une décision qui va également être une révolution par rapport à mes marathons précédents : je décide d'essayer de ne pas uriner du marathon. Objectif : souffrir de la vessie en espérant que comme ce sera une douleur que je provoquerai, et si elle prend le pas sur la douleur de mon pied, elle sera plus facile à gérer psychologiquement. J'ai déjà bu 6 verres de glucose ( km 5, 10 et 15 ) et je vais avoir une bouteille de 33 cl d'orange au km 16 par mon père. Donc l'envie de pisser va arriver très vite. Habituellement, je faisais un arrêt pipi entre le semi et le km 25. Je cherche mon père du regard. La veille on a mis au point la stratégie du ravitaillement. Mon père sera au km 16 pour un gel et une bouteille, mon épouse, mes enfants et ma mère au semi pour un gel, un stick coup de fouet et une bouteille, mon père à nouveau au km 30 pour deux sticks et une bouteille. Enfin tout le monde se retrouve au km 39, au niveau du virage de Beauvoir pour m'encourager et me donner le dernier coup de fouet « psychologique » pour la fin. Je repère donc mon père et son camarade Fernand sur le coté droit, tel que nous l'avions prévu. Je prends mon gel et ma bouteille, et juste de le temps de dire deux mots «  ça va mais j'ai mal à mon orteil... ». J'ingurgite le gel en quelques secondes. La aussi, il s'agit d'une nouveauté mais que j'avais bien sur testé à plusieurs reprises sur des sorties longues. Puis je bois mes 33 cl de jus d'orange « maison ». L'envie de pisser est arrivée très très rapidement. Moins d'un km après, j'avais envie. Et maintenant, pendant 25 km il va falloir que je gère volontairement la souffrance engendrée par cette envie de pisser. Je peux le dire dès à présent, stratégie gagnante car la douleur a réellement pris le pas sur celle du pied, et j'ai réussi à finir la course sans uriner, mais que cela a été dur, difficile, pénible, douloureux... Nous entrons dans le village de Cherrueix. Je me souviens très bien de ce village car il était noir de monde en 2007, et il y avait une animation et une ambiance du tonnerre. C'est donc un endroit que j'apprécie particulièrement sur le parcours. Et puis en plus j'allais voir ma femme et mes deux loulous, et c'est le semi, donc un cap psychologique important au cours d'un marathon. Cette année, le tracé a été modifié du fait du changement du lieu de départ. Pour garder la distance, il a fallut faire une boucle sur les extérieurs de Cherrueix. Je vois au loin ma femme, j'aperçois furtivement mon fils Titouan, je ne vois pas le dernier. Je cherche ma mère car c'est elle qui a mon ravito.... je la trouve, je vois qu'elle me tend les bras, je passe trop vite, les deux sticks tombent à terre, je suis furax, car je dois m'arrêter subitement en me bloquant sur mes cuisses, me baisser pour les ramasser et repartir. Je m'en veux, je n'ai pas été suffisamment lucide; plutôt que de chercher impérativement à voir femme et enfants, j'aurai du exclusivement me concentrer sur les bras de ma mère...... Sur le coup, ça va me prendre la tète pendant quelques minutes, mais bon pendant ce temps là j'oublie de penser au vent, à ma vessie, à mon pied....Nous arrivons au semi, je savais parfaitement où il se trouvait, je l'avais repéré à deux reprises la veille. Je dois le passer en 1 heures 37; je passe en 1 heure 36. Du reste, c'est la première fois que je me retourne, et vois la flamme du meneur d'allure '3h15' à une centaine de mètres derrière moi. Tout va bien, je respecte parfaitement mon plan malgré le vent, toujours et encore, et mon pied. Cependant, je commence à gamberger et à me demander si les efforts et la dépense d'énergie supplémentaire lié au vent, je ne vais pas le payer dans le second semi. Mais j'étais loin du compte, et loin de me douter ce qui allait nous attendre...La sortie de Cherrueix en direction de la chapelle ste Anne allait être un avant goût de ce que nous allions subir jusque l'arrivée. Un vent qui n'était plus du tout modéré, mais légèrement violent et pleine face. De quoi vous mettre le moral à plat. Je fais un check up complet juste après le semi. Une légère douleur sur la cuisse gauche, une légère douleur au niveau du mollet droit; voilà ce que je décèle à ce moment de la course. Bien sur, elles viennent s'ajouter à mon problème de pied, et mon problème de vessie. J'ai de plus en plus envie de faire pipi. Finalement, la gestion de cette envie va prendre le pas sur toutes les autres douleurs, en tout cas au moins jusqu'au km 37 – 38. Par contre, je me trouve un sujet de satisfaction, ce sont mes chaussettes. J'avais un peu peur, voir la hantise d'avoir des problèmes de frottements. J'ai testé pendant ma préparation et particulièrement mes sorties longues, 4 paires de chaussettes différentes. J'ai eu soit de mauvaises sensations, soit des problèmes de frottements, soit des problèmes de confort avec trois d'entre elles. Finalement, la paire que je porte , acheté chez Le Pape à paris, me donne entière satisfaction , et je me sens parfaitement à l'aise avec.

Nous sortons de Cherrueix et nous dirigeons vers le ravitaillement km 25. Cette fois, le vent a durcit, et nous l'avons pleine face. C'est pénible, et à ce moment là, je ne me rends pas compte des efforts supplémentaires que cela demande pour compenser cet élément hostile à la performance. Après l'incident du ravitaillement avec ma mère, je vais connaître un second problème de ravitaillement qui va me perturber encore quelques minutes. Au km 25, nous quittons la route pour faire un crochet sur notre gauche, passons devant le ravito, puis reprenons la route; ça fait comme une sorte de U. Malheureusement, je trouve que la table de ravitaillement est extrêmement mal placée. D'une part, comme beaucoup, je n'avais pas compris qu'il y avait un ravitaillement, mais en plus en restant à la corde, sur la droite dans le U je suis passé devant sans le voir. J'ai donc fait demi tour, au bout d'une quinzaine de mètres, juste avant de reprendre la route; J'étais très en colère, mais bon je récupère tout de même mes deux gobelets de glucose, mes quartiers d'oranges et de bananes.

Mais bon, finalement ça va vite resté anecdotique car maintenant le vent c'est devenu une vraie galère. Je vois les kilomètres défiler, je regarde en permanence mon chrono, et je commence à comprendre ce qu'il se passe. Je ne m'affole pas, j'attends le km 30 , où je dois retrouver mon père pour faire le point. Je souffre à double titre, je souffre de ma vessie totalement pleine qui ne demande qu'à se vider mais je lui refuse, et du vent, ce satané vent; j'ai l'impression de nager à contre courant, de remonter une rivière à la pagaie, bref de lutter, lutter, dans un seul but, atteindre ce fameux objectif que je me suis fixé. Ce qui est sur, c'est que j'abandonne à ce moment là mon idée de faire mieux que 3 h 15. Ce qui est sur aussi, c'est que la douleur que me procure ma vessie a largement pris le pas sur la douleur de mon orteil. Je passe le km 30 en 2 heures 18 ( prévu 2 h 18 ).

Rapidement , je fais une analyse de ma course. D'une part, j'ai fais un premier semi tranquille, en « négative split », d'autre part j'ai vraiment forcé le rythme à partir du semi malgré la fatigue accumulée. Résultat, alors que j'avais une mn d'avance au semi, je me retrouve pile poil dans le temps prévu pour 3h15 au km 30. Donc, je comprends tout de suite que mes efforts fournis depuis le km 22 ne vont pas me permettre de faire mieux que 3 heures 15, mais simplement de compenser la force contraire du vent. Et encore si je veux finir en 3:15, il va falloir que je produise voir augmente mes efforts encore pendant 12 km; car au vent maintenant va s'ajouter la fatigue des kilomètres déjà parcourus. On a l'habitude de dire que c'est au 30 ème que commence réellement le marathon!!!. Autant j'avais été victime du fameux « mur » à mes deux premiers marathons au km 30 et au km 37, autant là je ne le crains absolument pas, pour deux raisons: d'abord je n'en ai pas été victime à mon dernier marathon en 2007; et d'autre part j'ai toute confiance en mon entraînement sérieux et rigoureux et le respect d'une diététique irréprochable pendant trois mois. Non ce qui me fait peur, c'est la fatigue, le vent, ma vessie, la déception de ne pas atteindre mon objectif, mais pas de rester bloqué, ou de devoir s'arrêter par manque de jus. Je me ravitaille très rapidement au km 30 avec juste un gobelet de glucose et deux morceaux de bananes car je sais que d'ici un km je vais voir mon père. Je sens que j'ai du jus, que mon entraînement porte ses fruits, mais bon sang que c'est dur de maintenir une vitesse de 13 km/h face à un vent ultra défavorable tant par sa direction que par sa force, et tout ça avec déjà 30 bornes dans les jambes. Je gamberge quelques minutes en me disant, «  fais chier si y avait pas ce p... de vent , je serai à 14 – 14,5 km/h...; ». heureusement je vois mon père et son collègue Fernand. Ils me donnent deux sticks et une bouteille de 33 cl de boisson isotonique. Surtout, surtout, mon père m'encourage, il me trouve bien physiquement, mais je lui dit que je souffre, que ce vent me fait c....Il me hurle «  allez tiens le coup, vas y vas y , t'es au bout, reste douze bornes, allez allez...... » je suis déjà parti.... Je profite du kilomètre suivant pour correctement m'alimenter et me désaltérer. J'avale le premier stick puis bois tranquillement la moitié de la bouteille. C'est beaucoup plus facile de boire à la bouteille que dans un gobelet lorsque l'on court. Je prends le second stick puis finis ma bouteille. KM 12, encore un cap psychologique de franchit : ne reste que 10 bornes !!!!! ça fait déjà quelques kilomètres qu'on commence à voir de sacrés défaillances chez certains coureurs, et puis il y en a de plus en plus qui marchent.. Mais ça reste en nombre peu élevé, pour une bonne et simple raison, les coureurs autour de moi devant et derrière sont dans des temps de 3 h à 3h 30, donc forcément des gens entraînés et peu sujets aux grosses défaillances... même si personne n'est à l'abri. Par contre, j'entends de plus en plus autour de moi des gens se plaindre, râler, dire vouloir s'arrêter, abandonner.... Là je me suis surpris moi même, mais pendant les dix km qui vont rester, je ne vais avoir de cesse d'encourager, encore et toujours tous ces concurrents; je vais leur crier «  c'est dans la tête maintenant, on a tous mal, moi aussi j'ai mal, moi aussi je souffre, allez allez, c'est avec la tête qu'on le finit ce p.. de marathon... » En fait, je m'encourageais aussi moi même à voix haute. Je vais tirer également deux trois coureurs jusque la dernière ligne droite; du reste ils viendront me remercier après le passage de la ligne d'arrivée. A un autre, je lui explique la fin du parcours à sa demande. Je lui dis qu'il faut qu'il tienne jusqu'à Beauvoir. La bas, ça va être noir de monde, ensuite il va courir la digue au milieu des spectateurs, et ça va le transcender pour les 4 derniers km. Finalement, durant ces 7 – 8 km jusque Beauvoir, j'ai chercher volontairement à aider les autres soit en les encourageant, soit en les tirant, soit en les informant; mais je me rendais aussi service. D'une part ça m'encourageait moi même, mais ça me permettait d'oublier mes propres souffrances qui devenaient insupportables. La pire était la vessie, car je devais avoir au moins deux litres ingurgités depuis le début du marathon, ajoutés au km, ça commençait vraiment à secouer.. Et puis j'avais besoin de me motiver, de me sur-motiver, d'aller puiser moi aussi au bout de mes réserves, j'avais les yeux rivés en permanence sur mon chrono, totalement omnibulé par mon temps final. Je donnais tout ce que j'avais dans ces longues lignes droites au milieu des champs de carottes dans les polders, mais je ne voyais pas ma vitesse augmenter, elle stagnait entre 12,5 et 13 km/h. Je pestais contre ce vent qui m'empêchait d'être aussi performant que je le voulais....J'avais hâte d'arriver au virage de Beauvoir pour moultes raisons : Faire un point chronométrique, je savais que pour faire 3:15, il fallait que je passe au km 39 en 3 heures piles; ensuite j'allais voir toute ma famille réunie et mes amis ( mon épouse, mes deux loulous, mes parents, Fernand et Annie) et ça allait me booster pour la fin; enfin à Beauvoir, ne reste plus que 4 km de folie dignes d'un col du tour de France avec ces centaines de spectateurs qui applaudissent, encouragent, crient votre prénom.....et à ce moment là, celui qui ne faisait qu'un centimètres il y a encore 3 heures, se dresse majestueusement face à nous : Le Mont Saint Michel est enfin à notre portée.....Je passe le km 39 en 3:00:10, juste juste dans les temps. Mes craintes se confirment définitivement, tous mes efforts depuis le km 22 n'ont servi qu'à une chose: maintenir une vitesse moyenne de 13 km/h en compensant la force contraire du vent ; et ce foutu vent cumulé à la fatigue ne m'ont pas permis d'augmenter mon rythme suffisamment pour pouvoir espérer faire mieux que 3 h 15. Je n'ai pas de regret car je vais tout de même battre mon record de quinze minutes et atteindre mon objectif premier, mais légèrement déçu par la faute du vent... Je ne vois pas mon père dans la foule, mais je l'entends parmi les centaines de gens agglutinés dans le virage, il m'encourage si fort que sa voix prend le dessus sur toutes les autres. Quelques mètres plus loin, je vois furtivement ma mère et ma femme...ça me fait quelque chose car je sais qu'ils sont fiers de moi, j'ai un noeud dans le ventre, les larmes aux yeux car je vais y arriver.... Et comme prévu, ce seront bien 4 km de folie; c'est grandiose, la chair de poule, les larmes aux yeux, je ne cherche plus à gérer ma respiration, je ne cherche plus à lutter contre mes souffrances, c'est fini, je profite de cette ambiance, je donne ce qui me reste, je tape des mains, j'arrive même à dire merci, merci merci à tous ces gens qui nous encouragent... je reste tout de même lucide, je regarde mon chrono, et il me donne la distance qui reste, je donne le dernier coup de reins, et ça y est je vois enfin cette ligne d'arrivée, les barrières, la moquette rouge !!!! Je presse le bouton de mon chrono : 3:13:21 . Je lève les deux poings au ciel !!!

Je craque, je verse quelques larmes, je me baisse pour délasser ma chaussure pour récupérer la puce que je donne à un bénévole. On me met la médaille. Je ne pense qu'à une chose : uriner !!! je descends récupère de quoi boire et manger et rentre dans les toilettes où je vais rester, rester...je ne sais combien de temps. Je récupère ma consigne, félicite et remercie un bénévole, passe mon survêtement et repars vers Beauvoir avec une seule idée, encourager mes deux camarades Philippe et Martial. Je les accompagnerai finalement tous les deux quelques dizaines de mètres en courant vers le km 40 en les encourageant très fort. Eux aussi ont souffert du vent, mais eux aussi ont atteint leurs objectifs; Philippe pour son premier fait 3:59 et Martial bat son record en 3:58.

Quelques heures plus tard, j'étais déjà de retour chez moi en Charente maritime. C'est déjà du passé ce marathon du domaine des souvenirs, mais quel souvenir.... c'était dur, très dur, mais c'était beau, très beau.... Le soir même, je m'inscrivais au marathon de La Rochelle pour le 28 novembre 2010....et je me goinfrais au mac do où je n'avais plus mis les pieds depuis 6 mois.....

3 commentaires

Commentaire de CROCS-MAN posté le 11-05-2010 à 12:55:00

Merci pour ton récit,et surtout BRAVO pour ton combat et pour ta course. Attention il ne faut rien lacher maintenant, ne plus retomber dans le laisser aller. J'ai vécu la même chose, je sais ce que tu as enduré.BRAVO.

Commentaire de Dom 61 posté le 11-05-2010 à 20:22:00

Je pense que je vais finir par le faire ce marathon et ton C.R m'en a donné plus qu'envie!
C'est vrai qu'un marathon demande beaucoup de sacrifices et on le sent bien dans ton texte.
Bravo, objectif atteint malgré ce satané vent.
Bonne récup.

Commentaire de lemou posté le 19-05-2010 à 21:20:00

De mon point de vue, le virage de Beauvoir est le plus bel endroit de ce marathon. Tu vois le Mont Saint Michel bien en face: il est devenu bien grand, bien net, et la route qui y mène est toute droite...

Merci pour ce récit qui m'a fait revivre cet instant magique.

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