Récit de la course : Chaberton Marathon 2009, par Crapahut 26

L'auteur : Crapahut 26

La course : Chaberton Marathon

Date : 2/8/2009

Lieu : Montgenevre (Hautes-Alpes)

Affichage : 1614 vues

Distance : 20km

Objectif : Se défoncer

9 commentaires

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LA K22 L'ENFER DE DANTE !

 

CHABERTON  MARATHON -  2 AOUT  2009 : DANTESQUE !

« Si tu savais, Chantal, la chaleur qu’il a fait aujourd’hui à Pierrelatte ! J’ai cru mourir de chaud ! » « Eh bien moi, maman, aujourd’hui, j’ai cru mourir de froid ! » Discussion téléphonique anachronique au soir de la 2ème édition du « Chaberton Marathon ».

 

 

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Titifb : "On va y aller !"

5h30, lever difficile : je suis au plus mal après une bonne partie de la nuit passée dans les toilettes. Des semaines d’entraînement pour arriver en super forme … et une gastro qui s’invite le jour J ! Je suis effondrée et, la mort dans l’âme, je préviens Titifb, mon coatch et partenaire d’entraînement, elle-même victime d’une bronchite, que mon état m’oblige à déclarer forfait. Mais Titifb m’a toujours confondue avec Superwoman et me voilà embarquée à l’insu de mon plein gré dans la Titimobile en direction de Cesana, en Italie, d’où partira la course. Ah ! nous formons une belle équipe toutes les deux avec nos mines de déterrées !

 

8h55 : sur la ligne de départ de la K22, nauséeuse et les jambes flageolantes, j’apprends qu’en raison du mauvais temps (il neige sur le Chaberton et le tonnerre gronde dans le lointain), nous n’accèderons pas au sommet comme prévu, mais basculerons directement du col vers le versant français. Je parcours les premiers kilomètres dans un état semi-comateux qui va petit à petit s’estomper dans la fraîcheur et l’humidité ambiantes. Ayant rejoint Isabelle Guillot, je lui fais part de mon angoisse face à l’orage qui tonne au-dessus de nous. Elle n’en mène pas plus large que moi et pense que la course sera peut-être neutralisée aux Fenils. Vain espoir ! C’est sous une pluie de plus en plus forte que l’épreuve continue.

 

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Avec Isabelle...après la course !

La suite, ce sont des conditions qui se dégradent jusqu’à devenir dantesques. Pluie, grêle, neige, vent glacial, sol glissant … Petit à petit, nous croisons un nombre croissant de coureurs qui redescendent, découragés par les conditions climatiques : Serge Moro, qui récupèrera Isabelle, Karine Herry ( partie une heure avant nous sur le marathon), et d’autres, tous plus trempés et plus transis les uns que les autres  … Je suis perplexe, mais je persévère toutefois, malgré le froid qui commence à me tétaniser. Je ne suis pas du genre frileux, mais là, je suis partie en short et tee shirt manches courtes. J’ai un kamel-back et des gels, mais je ne peux rien absorber sans avoir de suite la nausée et envie de trouver un coin discret (et je me gèle trop pour ça !). C’est sous le col que je vais atteindre mes limites pour la première fois dans ma carrière de coureuse à pied. Une tenue trop légère, un organisme incapable de lutter contre le froid par manque de calories (rien mangé depuis 24 h) et déshydraté ! Je suis mal, j’angoisse, j’ai peur de faire un malaise et de sombrer dans l’hypothermie, je pense aux victimes récentes du Trail du Mercantour …

Je cours isolée, comme la plupart des coureurs éparpillés dans les sentes raides et caillouteuses, courbant la tête sous les assauts de la tempête. J’arrive toutefois à rejoindre un garçon ; mais il chute sur le petit névé juste avant le dernier replat où, désespéré, il m’annonce en italien (dans ces circonstances, la langue est internationale !) qu’il est à bout et m’invite à redescendre avec lui. Je m’arrête, regarde vers le bas, vers le haut… Tout se joue maintenant dans ma tête. Choisir la meilleure option : suis-je plus près (en durée et en souffrances) de Clavière ou de Cesana ? Dois-je écouter la voix (la voie !) de la raison et redescendre avec tous ceux qui continuent à abandonner ? Je pourrais retrouver Titifb et l’inciter à se replier (si ce n’est déjà fait) avec moi car je sais que pour elle, aujourd’hui, les conditions sont impossibles. Mais j’ai horreur de renoncer, surtout après tous ces efforts, et me voilà à invectiver ce ciel noir qui déverse sa colère sur moi, ce col si proche et si inaccessible à la fois, ce corps qui se pétrifie peu à peu … Non, je n’ai plus le choix : c’est « marche ou crève » !

Allez, bouge-toi et tu te réchaufferas ! Ton salut est juste au-dessus, là où les brumes laissent apparaître les silhouettes des bénévoles transis eux-aussi, mais qui m’encouragent de la voix.

 

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Le Chaberton

 

Enfin le col ! Mais, ô désespoir ! Mon soulagement est de courte durée. Là où je croyais trouver la délivrance grâce à de meilleures conditions côté français, c’est l’enfer qui se présente à moi. Tout se mélange dans ma tête : je croyais avoir atteint les frontières du supplice, mais je n’en étais qu’au purgatoire, et question flammes, je dois revoir ma copie !  Une véritable tempête glaciale, sur le premier kilomètre de descente, tente de m’arracher des flancs de la montagne. J’en pleurerais de désespoir ! Mais je n’ai pas de temps à perdre à  m’apitoyer sur mon sort et le temps est assez humide comme ça ! Comme un zombie, les coudes collés contre mon ventre pour trouver une impossible chaleur, les joues paralysées par le gel, je descends des pentes que je connais bien pour les avoir maintes fois parcourues lors de mes précédents séjours dans le Briançonnais. Les ruissellements sont devenus des torrents que je franchis jusqu’aux mollets sans sentir la morsure de leur froideur ! Puis la familiarité du paysage me rassure peu à peu, je sais que j’ai bientôt fini, des trombes d’eau se déversent sur moi aux abords de Clavière et c’est propre, mais épuisée, que je franchis enfin la ligne d’arrivée.

Je mettrai plus de vingt minutes à me changer tellement je suis frigorifiée et affaiblie par l’effort. Nicole, l’une des organisatrices de la course, vient me réconforter ; elle enveloppe mes pieds nus dans une couverture de survie et m’offre un thé chaud que j’ai du mal à tenir entre mes mains gelées. Elle s’inquiète de mes lèvres violacées et du tremblement irrépressible de tous mes membres. J’apprécie sa gentillesse et essaie de la rassurer : ça va aller, le pire est passé.Mon principal souci maintenant, c’est Titifb. Où est-elle ? J’espère fortement qu’elle a abandonné ; entre la maladie de Reynaud dont elle souffre quand il fait froid et la bronchite qu’elle a traîné tout l’été, je sais qu’elle ne doit pas monter là-haut ! Mais la donzelle est têtue ! Je retrouve son papa, venu nous encourager au départ et à l’arrivée, et nous partagerons pendant plus de deux heures une inquiétude grandissante avant d’avoir enfin des nouvelles rassurantes.

Mais cette partie de l’histoire, c’est à Titifb de la raconter.Plus tard, Nicole nous traitera toutes les deux d’ « ânes » d’avoir pris le départ de cette épreuve dans l’état de santé dans lequel chacune était.

Tu as raison, Nicole, et je sais que tu t’es fait beaucoup de souci pour nous et pour les autres coureurs. Mais, que veux-tu, ta course est trop belle et je reviendrai l’année prochaine. 

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Nicole Toscan, co-organisatrice

Nota bene : je tiens à préciser que, contrairement à moi, les organisateurs ont fait preuve de responsabilité en prenant la dure décision d’occulter le sommet, puis de neutraliser le marathon à Clavière afin de ne pas mettre en jeu la sécurité des coureurs. Bravo aussi à tous les bénévoles qui ont tenu leur poste dans des conditions infernales et merci à ceux qui ont réconforté les plus éprouvés à l’arrivée.   
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9 commentaires

Commentaire de CROCS-MAN posté le 08-10-2009 à 07:48:00

BRAVO Chantal, une sacrée "dure à cuire". Merci pour ton récit.

Commentaire de RogerRunner13 posté le 08-10-2009 à 11:47:00

Merci Chantal pour ce récit, cela fait plaisir de te lire à nouveau, c'est sur qu'avec de telles conditions de course il fallait avoir du cran pour continuer.

Commentaire de taz28 posté le 08-10-2009 à 13:36:00

Tu es une véritable guerrière !!!
Moi, me connaissant, je n'aurais même pas pris le départ malade !!
Non seulement tu fais la course, il fait un temps excécrable, beaucoup abandonnent, mais toi tu termines....

Chapeau bas la Miss,

Bisous à toi et Sylvie !!

Taz

Commentaire de filipe68 posté le 08-10-2009 à 14:36:00

Alors là je suis scotché par ce récit, cette démonstration de courage, de volonté, de ténacité, enfin bref les mots me manquent, car des conditions climatiques telles, affrontées en "petite tenue", perso j'aurais abandonné bien plus tot je pense, bravo...

Commentaire de Françoise 84 posté le 08-10-2009 à 16:44:00

Et bien, ça fait plaisir de te lire à nouveau!! Bon, pour cette course là, c'était pas top, mais la prochaine fois, elle passera nickel! Et je me suis laissée dire (le journal a cafté!) que tu t'es distinguée ce WE dans le Lubéron?!! A bientôt? Bises!

Commentaire de kikidrome posté le 09-10-2009 à 12:06:00

Hé ben, quelle course ! moi aussi, je suis heureuse de te lire à nouveau ici ! Viens tu à Puygiron ce dimanche ? il y a un trail sympa et il ne va pas neiger !

Commentaire de calimero posté le 09-10-2009 à 20:38:00

Quel courage ou quelle folie mais je sais très bien que tu ne lâche jamais rien, chapeau bas Chantal!

C'était quand même plus simple de gagner au Lubéron ce WE, non?

Commentaire de gdraid posté le 11-10-2009 à 15:16:00

Respect Chantal !
Quelle trempe ! dans tous les sens du terme ...

Avec ton palmarès hors du commun, tu n'avais pas besoin de t'exposer si dangereusement sur une épreuve à si hauts risques.
Tu as vérifié, s'il en était besoin, le niveau, lui même hors du commun, de ton mental.

Sylvie et toi, faites une étonnante paire d'héroïnes de la CAP de montagne.
Bises à vous deux !
JC

Commentaire de philkikou posté le 11-10-2009 à 21:02:00

DANTESQUE !!!

C'est sûr que lorsqu'on se trouve dans dde telles conditions, on n'en mène pas large...et rappelle la course dramatique du Mercantour ....

Heureusement tout finit bien pour vous :-)

Vivement le prochain c.r. avec soleil et podium !!!

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