Récit de la course : La 6000 D 2005, par ironcyril

L'auteur : ironcyril

La course : La 6000 D

Date : 31/7/2005

Lieu : Aime (Savoie)

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Distance : 55km

Objectif : Faire un temps

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CR 6000D 2005

Samedi : J-1
Arrivé à Aime, après avoir posé les bagages, je monte rapidement à La Plagne Bellecote pour aller chercher mon dossard. J’ai hâte de me mettre dans l’ambiance et de pouvoir écouter le récit d’autres coureurs qui ont déjà participé à la course. Dossard N° 75 : ça ne s’invente pas, pour un parisien ! Une fois le rituel de l’inscription effectué, je me rends à la pasta party où règne une super ambiance : plus de 500 personnes sont prévues sous le chapiteau prévu à cette fiesta. Car il s’agit bien d’une fiesta : spots, musique avec chanteuse, buffet…
Je constitue mon plateau repas en restant raisonnable : pâtes, tome de Savoie, et crumbles. Je laisse de côté la sauce carbonara, le saucisson et le pamplemousse (j’ai pas envie de le payer le lendemain). Je me retrouve avec un Italien pour qui ce sera aussi la première participation à la 6000D, mais qui pratique le trail depuis pas mal de temps. Je retiendrai pour le lendemain son commentaire : « un trail ça se gagne en descente et pas en montée ». Un autre concurrent nous rejoint, pour qui ce sera la 2e participation. Un voisin ! qui habite à Gouvieux à 15’ de chez moi : décidément le hasard fait bien les choses. Il me donne plusieurs conseils tout à fait humblement du fait de son temps établi l’année dernière en 8h30. Mais on n’est pas là pour se talonner, ni pour se mettre avec des gars de son niveau. D’ailleurs, on ne sent à aucun moment l’esprit de compétition : l’esprit Trail, c’est avant tout le goût de la nature et de l’aventure. Avant de dépasser les autres, on cherche à se dépasser soi-même. Il me donne sa technique pour ne pas attraper d’ampoules au pieds : crème anti-frottements sur tout le pied. Cela m’étonne mais à posteriori je me rendrai compte que tout le monde utilise la même pratique. Et cela change la vie, en tout cas celle de mes pieds…
Il est temps de se rentrer et de se reposer. Dodo à 23h, après avoir vérifié tout le matériel et attaché le dossard. Dans mon sac à eau, je remplis 2 litres de boissons énergétique, insère 3 tubes de gel de glucose, 1 barre de céréales et 1 barre fruitée. J’hésite à en mettre davantage, mais on a toujours tendance à en prendre de trop… il y a tout de même 4 ravitaillements et 3 points d’eau sur le parcours.


Récit de course le jour J : « un trail, ça se gagne en descente bien plus qu’en montée »…

Réveil à 6h avec pour unique petit déjeuner mon gâteau sport, et j’avale un bon litre d’eau jusqu’au départ de la course. Nous partons avec mes supporters, qui vont m’être d’un grand soutien sur cette course, d’autant plus que je ne connais personne qui y participe.
Arrivés au plan d’eau de Macot, j’enfile ma tenue et me badigeonne uniquement les doigts de pieds de crème anti-frottements.
Je profite d’être un peu en avance pour faire quelques foulées afin de réveiller les muscles et d’ajuster les sangles du camel-back. Je croise Simon Booth, vainqueur de plusieurs éditions : il paie vraiment pas de mine ce gars là, mais respect tout de même !
Je me rends dans l’aire de départ parmi les 790 partants pour cette éditions 2005 : il y a beaucoup d’émotion, voire un peu d’appréhension. Le regard de ma chérie me fait le plus grand bien, car elle a confiance en ma réussite. Allez, un dernier coup d’œil sur l’arche de départ et…
« 5, 4, 3, 2, 1, partez » Tout le monde s’élance, chacun à son rythme, et se met en jambe pour les 3 premiers kilomètres de plat. Parti en queue de course je prends une bonne petite foulée à environ 12km/h qui me permet de me positionner dans un bon wagon à l’approche de la montée. A la croisée de la route qui mène à La Plagne, la fameuse ascension avec ses 21 lacets, c’est parti pour une montée qui va nous mener à Aime 2000. Un premier kilomètre avec une petite inclinaison pour mener à Bonnegarde, puis les choses sérieuses peuvent commencer : 1370 de montée sèche sur 7km. Je me sens bien et dans l’euphorie de la course je me permets des dépassements tout au long de cette « grimpette ». Pour ma première participation, je n’entreprends pas une gestion de l’effort rigoureuse, et du coup je privilégie mes sensations du moment : avec l’expérience, cela viendra au fur et à mesure. En revanche, je n’oublie pas de boire à intervalles réguliers (toutes les 20’), et de m’alimenter (toutes les 45’), en tout cas dans la première partie de la course. Dans les 2 premiers tiers de cette montée, il y a quelques passages humides et je prends garde de ne pas mouiller les chaussures afin de garder les pieds au sec. Le temps est un peu frais et dans les sous bois, je redoute un peu la température qu’il va faire sur la partie haute du parcours. Dans le dernier tiers de la montée, les pentes sont plus raides. On remonte des pistes de ski et les commentaires des autres raideurs y vont bon train sur l’inclinaison du parcours : certains me font rire, d’autres me rassurent. Un des gars a sur lui un altimètre et nous informe sur l’altitude : plus que 300 m de dénivellation avant d’atteindre Aime 2000. Je fais la course avec lui et son partenaire jusqu’au bout de cette ascension : leur objectif étant situé autour de 7h, pile poile comme moi. La station est en vue.
Au point de contrôle d’Aime, nous enchaînons sur une bonne descente qui nous mène directement à Plagne centre. Je ne méninge pas mon effort et effectue une bonne descente qui me permet de remonter quelques concurrents. Ces 1,5km sont donc vite avalés et nous voilà au premier ravitaillement : la foule est bien présente et les encouragements sont super euphorisants, surtout ceux des copains, et encore plus le bisou de ma femme. Une poignée de raisins secs, quelques accolades, un coup d’œil au chrono (1h44 de course pour 13km de course, 1300m de dénivelée positive) et je repars très confiant sur la suite de la montée. J’ai hâte d’approcher la Roche de Mio pour profiter des paysages : malheureusement le temps n’est pas de la partie pour m’apporter ce plaisir. En revanche c’est le temps idéal pour courir dans les meilleures conditions : pas de vent, et frais tout au long de l’ascension. Le lac des Blanchets ne se dévoile donc pas sous ses meilleurs jours. J’y passe sans encombre et continue de remonter pas mal de coureurs. Certains ont l’air déjà fatigué : ça me rassure et me motive à garder ce rythme. La roche de Mio approche et voilà la première surprise à laquelle je ne m’attendais pas : la possibilité de couper tout droit dans les pierriers pour économiser plusieurs mètres. Un choix s’impose : suivre les lacets du chemin ou empreinter ce mur. Dans le premier cas je perds sans doute du temps, mais les jambes souffriront beaucoup moins et me le rendront bien sur la suite du parcours. Deuxième option : je m’arrache et on verra bien ensuite. Qu’est ce qui se passe dans ma tête à ce moment là ? « Vas-y, fonce », après tout je suis venu pour en baver un peu, non ?
Alors je monte : il faut s’aider des mains à plusieurs reprises, et s’y prendre à 4 pattes pour ne pas déraper. Ca paraît long, bien que sur la 2eme partie on se sent happé par les encouragements des supporters postés en haut de la côte : je constate effectivement que l’on gagne beaucoup de temps en coupant.
Arrivé au sommet sur la roche de Mio, on enchaîne sur la descente direction le col de la Chiaupe : j’y vais prudemment et stabilise le classement. Les gars avec qui je me trouve n’ont pas l’air d’être à leur première épreuve. De plus, les jambes commencent à devenir lourdes : c’est dans ces moments là que l’on se met à se poser des questions. Je décide de ne plus forcer jusqu’au point culminant.
Une fois passé le ravitaillement en ayant pris soin de bien ingurgiter quelques abricots secs, dans la montée je croise les premiers concurrents. Les anglais sont aux avant-postes : je suis déçu de voir que le local de l’épreuve, Marc Maroud, n’est pas au top. Ce gars, c’est l’archétype même du coureur de montagne, tel que je l’imagine : un mec simple, qui sourit quand il court, qui fait son boulot comme monsieur tout le monde (vous le croiserez sans doute si vous faites vos courses à la supérette d’Aime), et attention, qui trouve le temps de t’encourager quand il te croise dans une descente périlleuse. Incroyable ! Alors que je commence à trouver le temps long à ce moment de la course, quand je le croise, il me lance un « allez courage ». J’ai à peine le temps de prendre mon souffle pour le remercier, qu’il est déjà bien loin. C’est tout de même impressionnant de voir les premiers descendre : de vrais cabris, et lui qui en plus y met une touche d’humanité, c’est ça pour moi le vrai champion.
De mon côté j’ai plutôt le sentiment d’avancer comme une tortue, d’autant plus que je ressens une douleur à l’intérieur de la cuisse droite. A ce niveau de la course, je ne peux pas dire que je gère la course : je ralentis naturellement le rythme. La dernière montée est terrible : on est dans un paysage lunaire, c’est raide et ça paraît très long. J’ai mal, je perds souvent l’équilibre, et m’inquiète pour la suite de la course. Une seconde fois, les encouragements des personnes postées au sommet me font le plus grand bien : m’y voilà ! Le temps de boire quelques bonnes gorgées d’eau, de regarder le chrono (3h37), de constater qu’au niveau panorama c’est le brouillard, et de chercher mon copain Hervé, qui finalement va me louper pour quelques minutes. Dommage.
On se dit que c’est fini de grimper une fois passé ce point de passage, mais non ! Encore une côte, moins ardue certes, mais qui fait tout de même bien mal aux jambes. Ca y est le point culminant est passé : 3100m, au bout de 30km de course. On s’engage alors dans une longue descente. La douleur dans la cuisse disparaissant, je n’hésite pas à couper entre les lacets de la descente quitte à prendre quelques risques. Mais je me sens de mieux en mieux, et de remonter à nouveau quelques concurrents me donne le moral. J’avale très vite, trop sans doute, les 5km qui suivent, et de croiser les concurrents qui montent, ça aussi ça donne la pêche : je suis particulièrement heureux d’y trouver mon voisin de tablée de la veille. A nouveau le ravitaillement au col de la Chiaupe : j’en profite pour faire une vrai pause. Je mange tranquillement des figues et en profite pour remplir mon camel-back de boisson énergétique. Après une petite minute je repars avec un coureur en ligne de mire. Au moment de le rejoindre, je lui demande s’il a une idée du rythme auquel il court : il me dit qu’il est sur les bases de 6h. L’objectif de faire moins de 7 heures est donc largement à ma portée et le chiche d’être en dessous des 6h semble atteignable. Malheureusement je vais connaître une réelle défaillance pas beaucoup plus loin. Les jambes commencent à sérieusement se raidir. Je vais commencer à payer mon manque d’expérience sur la longue distance. Avant d’atteindre la dernière difficulté ascendante de la course, je trouve des difficultés à relancer dans les parties roulantes. Les coureurs qui étaient en point de mire s’éloignent de plus en plus et certains commencent à me remonter. Arrivé au point d’eau du chalet du Carroley, je m’arrête pour déchausser mon pied gauche : j’ai fait toute la descente avec un échauffement sous le talon, et cela commence à me faire vraiment mal. Je regrette de ne pas avoir mis la crème Noc sur l’ensemble du pied => bien badigeonner partout la prochaine fois. Il va donc falloir terminer la course avec cette ampoule. La montée s’annonce très difficile (400m d+ sur environ 4km). Je monte tant bien que mal et 3 coureurs me passent sans que je puisse les suivre. Le lac du Carroley se montre heureusement sous son meilleur jour : le temps s’est bien dégagé. Le soleil fait son effet sur le paysage, mais aussi sur l’organisme, ce qui n’arrange pas mes affaires. Un gros groupe me fond dessus et par orgueil, je tente d’accélérer le train sur la fin de la montée. Chose faite, je peux enchaîner sur la descente à travers champs pendant les 4 km qui mènent à Bellecote. Il fait de plus en plus chaud et l’ambiance aussi monte à mesure que j’approche de la station. J’ai hâte de voir ma femme et mes enfants qui sont venus aussi m’encourager : mes jambes me font de plus en plus mal et le moral commence à flancher. La fin de la descente qui nous fait entrer dans la station est terrible. Je vois le visage de mes proches et ça c’est ce qui va me motiver pour la fin de la course. Encore 11km et j’en suis à 5h11 au chrono : il est clair que les 6h ne sont plus une priorité. Il va falloir finir raisonnablement et assurer la fin de course. D’autant plus qu’après Bellecote il y a encore des faux-plats, qui ressemblent plus à des talus d’ailleurs. Les derniers kilomètres sont interminables et malgré les encouragements des chasseurs alpins à chaque croisement de route, je baisse à chaque fois d’un cran ma vitesse : impossible d’avoir un rythme ajusté à la pente. Chaque pas devient une souffrance et j’en suis contraint à m’arrêter pour faire des étirements sur les dernières portions de course. « Encore 5 km », « plus que 4 km », « tiens bon encore 3km », « allez c’est la fin » … le soutien des personnes croisées est salvateur. Mais que dire de mon compagnon de fin de course : Fafa. Et oui, heureusement mon ami de toujours a accepté de terminer avec moi cette course. Il est là juste à côté de moi, à me rassurer, m’encourager, me soutenir : il est là et ça aussi ça me permet de tenir encore debout. Car le flux des coureurs qui me doublent tout au long de la descente m’use et me lasse. Tous ceux que j’avais croisé plus tôt dans la course n’arrêtent pas de me passer, sans que je ne puisse réagir : je n’ai absolument plus de jus. Je me sens complètement vidé. Dans les 2 derniers kilomètres, je suis pris d’une émotion intense : je me mets à pleurer. J’ai envie de voir l’arrivée et tous ceux que j’aime. Enfin je peux entendre le speaker. Le dernier kilomètre se fait sur le bitume et je retrouve un peu de dignité pour terminer sur un rythme un peu plus présentable. Ca y, je vois l’arche d’arrivée et les amis qui m’attendent. Mes 2 enfants me rejoignent pour franchir la ligne avec moi. Je suis tellement fatigué que ces ont eux, du haut de leur 4 et 6 ans, qui me traînent. A ce moment tout se mélange dans ma tête et j’en perds un instant mes esprits.
Le chrono affiche 6h23’42. Que la descente a été dure : 1h12 pour courir ces 11km d’enfer.
L’organisation est rôdée : pas ou peu d’attente aux soins. Après avoir baigné les jambes dans l’Isère, quel plaisir de se faire masser. Finalement pour les pieds plus de peur que de mal : seulement 2 ampoules dont 1 grosse sous talon, mais pas percée. Direction la restauration et finalement j’apprécie un hot-dog après toutes ces boissons et ces barres sucrées ingurgités pendant la course.
Ayant déjà quelques remords sur cette fin de parcours, je me satisfais finalement d’avoir franchi les 7h pour cette première participation. Et comme l’anecdote de la veille prend tout son sens : « un trail se gagne en descente ». Je reviendrai sur la 6000D mais avec un entraînement spécifique : pour cela rien ne vaut d’habiter en montagne. Il faut y songer !

Les temps de passage :
Plagne centre »km13: 1h47
Glacier de Bellecôte : 3h37 - 146e
Plagne Bellecote : 5h11 - 143e
Arrivée : 6h23’42 – 189e

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