Récit de la course : Ventoux Beaumes de Venise - 170 km 2005, par jobaco

L'auteur : jobaco

La course : Ventoux Beaumes de Venise - 170 km

Date : 4/6/2005

Lieu : Beaumes De Venise (Vaucluse)

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Distance : 102km

Matos : Veneto altec2+ et ksyrium SSC SL.
34*23

Objectif : Se défoncer

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Le récit

On n’aborde pas une journée sur le Ventoux comme n’importe quelle autre. Le Ventoux te surplombe de sa superbe : dès que tu pénètres sur ses terre, le Mont Chauve t’observe, comme un enfant observe des fourmis. Mais ce n’est pas un enfant, le Géant. C’est une très vielle montagne qu’il faut respecter si tu ne veux pas qu’elle te mange. Et le respect passe par le sacrifice.
Ce matin-là, Benoît et moi avons quitté le doux lit de notre ferme du Lubéron, laissant là femme et enfant, pour aller guerroyer à la Ventoux-Beaumes de Venise. Nous avions choisi le parcours senior (102 km), au lieu du master que nous avions fini carbonisés l’année dernière.
Nous voilà lancés sur les routes provençales, au petit matin, pour rejoindre le départ. GPS en main, nous y voilà ¾ d’heure plus tard. Et là c’est déjà l’ambiance de cyclo qui nous saisit : un vague stress dans la bonne humeur ambiante. Les blagues des marseillais, toujours prompts au bons mots, les retrouvailles entre amis, les cris et les rires qui permettent d’évacuer l’angoisse, les saluts, discrets mais chaleureux, de ceux qui vont galérer ensemble… c’est tout ça qui fait aimer le vélo, et y retourner à chaque fois !
Un échauffement bien mené, les derniers préparatifs mis au point, nous nous rendons sur la ligne. « Sur » est un bien grand mot, puisque le paquet du petit parcours part derrière le paquet du grand (600 cycliste dans chaque, globalement), et que nous sommes nous-mêmes à l’arrière du second paquet ! Mais ce matin-là, la place dans le sas de départ compte moins que d’habitude : on aura 18 km à près de 7% de moyenne, depuis Sainte-Colombe, pour remonter.
On profite de l’attente pour regarder les vélos qui nous entourent : c’est la fête du carbone, un peu comme si on était au salon du cycle. On rigole sur les bonnes roues à prendre en voyant les mecs affûtés comme des lames. On est un peu tendu, mais il fait beau, pas de vent ou si peu, il est huit heures et on s’apprête à monter une des légendes du vélo, entre condisciples de la même folie ! Benoît et moi partageons une dernière banane et la longue procession s’élance. Passage sur le tapis de chronométrage, et les avions sont lancés !
Je fais tout de même le départ. Je suis bien échauffé, et les jambes tournent comme il faut. Je remonte donc la longue file des cyclistes sur les faux plats qui précèdent Bédouin. Une petit côte permet aussi de se mettre en condition « petit plateau ». A Saint-Estève, un moment de répit et un cyclo qui était dans ma roue depuis un petit moment vient à ma hauteur : « on a bien remonté, hein ? ». Je souris en acquiescant, mais je suis trop conscient de la vanité d’une minute gagnée sur le plat quand on s’apprête à gravir le Ventoux pour en rajouter.

(profil par www.salite.ch)
Et puis tout s’enchaîne. Quelques hectomètres avant le fameux virage en épingle qui sonne le glas du cycliste, un arrêt « naturel » et tout de suite après, dans le bain. La joyeuse ribambelle de cycliste se tait d’un coup. Dans la forêt, on n’entend plus que les klaxons, les motos et le souffle court des cyclos arc-boutés sur leur machine. J’ai un compact de 34 devant, donc j’emmène assez souple. Mais la pente et sans répit. A chaque virage, elle se dresse à nouveau devant soi. Alors on se fixe des objectifs : le gars en rouge, le gars en vert… mais tout le monde monte à son rythme : la pente régule naturellement l’allure. Un petit coup au moral quand je m’aperçois au bout de quelques kilomètres que je suis déjà sur le 23, alors que je pensais avoir une dent de réserve !
Je passe la forêt avec beaucoup d’envie. Je suis venu faire un temps. J’ai déclenché le chrono au panneau des 18 km. Je m’accroche. Je relance, concentré sur le coup de pédale : tirer… pousser… tirer… pousser… Et finalement le Chalet Reynard vient assez vite, après le petit replat de la cabane. Je passe sans un regard pour le ravito, pour ne pas être tenté, ni un regard vers le sommet, pour ne pas être effrayé. Le Chalet Reynard permet de récupérer un peu, mais tout de suite après la pente reprend, monstrueuse. Je commence à piocher.
Les deux-trois derniers km me feront vraiment très mal. Je suis à la peine, la faute à la montée soutenue du bas de l’ascension. J’essaie de ne pas me désunir, mais c’est dur, quelques cyclistes me passent un peu trop vite à mon goût.

La bascule se fait rapidement : le temps d’avaler une potion magique et on est tout de suite à 60 à l’heure. Le revêtement est magnifique : je flirte avec les 85 km/h au compteur, et pourtant un type me dépasse comme une fusée. Il paraît que les meilleurs font péter les trois chiffres ! Arrivé au mont Serein, le « Chalet Reynard » du côté de Malaucène, je me rends compte que j’ai oublié d’arrêter mon chrono au sommet. Une heure 41 ! Je ferai un savant calcul pour voir combine j’ai mis vraiment, mais là, pas le temps de sortir le boulier : les virages clairs s’enchaînent à un bon rythme. Contrairement à l’année passée, la différence de température est moins sensible entre le haut et le bas, et je ne ressens pas cette impression de chape de plomb une fois parvenu au pied de la descente.
La transition fait quand même mal, et les premières relances font apparaître les prémisses de crampes. Il faut que je boive et que je mange. Il reste 50 bornes, loin d’être plates. Arrivé au ravito, en compagnie de deux collègues catalans de Sabadell, je fais le plein : quartiers d’orange et demi-bananes, pâtes de fruits et boisson énergétiques. Nous repartons en devisant quand les routes étroites et vallonnées nous le permettent. Chacun pense à bine récupérer. Je me sépare de nos compatriotes à l’embranchement entre le petit et le grand parcours. ‘deu !...
Difficile de fédérer un groupe quand on a tous le Ventoux dans les jambes. On essaie de faire tourner, mais ça casse souvent. Chacun sait que ces routes ne pardonneront pas ceux qui ont fait le Ventoux avec trop d’ardeur. Je suis de ceux-là. Dans les dentelles de Montmirail, j’explose dès le pied. Mais je réussi à monter à ma main, et je reprend un à un ceux qui sautent du groupe dans lequel nous nous trouvions. Parfois un (ou une !) flèche ma passe : la gestion de l’effort est vraiment primordiale en vélo ! Ce sont des leçons à retenir pour l’Ardéchoise et l’Étape du Tour.
Mètre après mètre, l’arrivée se rapproche. A moins de 10 km de l’arrivée, on se laisse glisser jusqu’à Beaumes de Venise. Ceux à qui il reste quelques chevaux les lâchent. On s’organise dans ces longues lignes droites pour grappiller encore quelques secondes. Je suis satisfait, mon temps est bon, me semble-t-il. Quatre heures et 20 minutes. 150ème. J’ai mis une heures de plus, quasiment, que les meilleurs, mais je constaterai plus tard qu’en gagnant 20 minutes (ce qui est déjà un monde), je pouvais gagner presque 100 places. Au-delà, c’est un autre monde. On verra, qui sait, l’année prochaine !
Benoît arrivera quelques minutes avant les premiers du grand parcours. Là encore, un autre monde, voire une autre galaxie !
C’est toujours bon de se retrouver après un tel effort. On se raconte sa course devant un plat de pâtes, on discute avec d’autres cyclos, on est tous un peu unis par la même expérience. Tout cela donnera envie de rouler cet hiver sur les routes gluantes d’Île de France…
Mais en attendant, il faut rentrer : la piscine nous attend !

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