Récit de la course : Marathon de Lyon 2005, par Marco570

L'auteur : Marco570

La course : Marathon de Lyon

Date : 17/4/2005

Lieu : Lyon 01 (Rhône)

Affichage : 2472 vues

Distance : 42.195km

Matos : Asics gel 2090 GT

Objectif : Faire un temps

1 commentaire

Partager :

Récit du Lyon Marathon du 17 avril 2005

Ca y est, je suis sur la ligne de départ (avec mon sac poubelle !). Voilà un an que je me prépare pour cet objectif, comme certainement beaucoup d’autres aujourd’hui. Finalement, cette année sera vite passée, sauf le dernier mois où j’avais hâte d’en découdre. Je me souviens du passage qui a été le plus difficile. C’était au mois de Janvier lorsque j’ai repris la course après un épisode grippal : il faisait systématiquement entre -2 et°-4° le soir. Et que dire de Février qui n’en finissait pas ! Et de Mars, dernière contre-attaque de l’hiver avec encore de la neige ! Mais je n’ai craqué à aucun moment et j’ai respecté mon programme à la lettre. Je n’ai rien laissé au hasard sur ma préparation physique et mentale : plan d’entraînement détaillé sur Excel, équipement acheté après de minutieuses et interminables études, diététique assez stricte, documentation sur Internet et lecture de 3 livres, prise de vitamines, homéopathie, « régime aux spaghettis », etc... Peut-être même un peu beaucoup ?! Ce n’est pas le championnat du monde, que diable ! Mais, que voulez vous, on ne se refait pas, c’est mon côté maniaque, et à quelque part, c’est ma coupe du monde. Il faut que je me prouve (et aux autres) que j’en suis capable. Pourquoi ? Finalement, je n’en sais trop rien. Certainement, pour le simple plaisir de me surpasser, de flirter avec mes propres limites (Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort – Nietzsche).

Bref, si je ne suis pas prêt, en ce jour tant attendu, alors personne n’est prêt ! Du coup, comme la préparation a été bonne et que je n’ai pas de maux de gorge (c’est ma fragilité), moi qui suis si anxieux en temps normal, je suis en confiance et j’arrive, contrairement aux jours passés, à bien gérer mon stress (les quelques comprimés à base de Valériane et d’Aubépine que j’ai pris pendant la semaine y contribuent certainement...).

Maintenant que le fait de parvenir au terme des 42 kilomètres semble acquis (sauf problèmes “ mécaniques “ tels que claquage, crampes, ...), il reste cependant une inconnue de taille. Le temps que je vais mettre car il s’agit de mon 1er marathon. D’après mes chronos à l’entraînement, il me semble que 3h30mn est envisageable. Tous les paramètres sont réunis pour que j’atteigne cet objectif. Tous sauf un. La météo ! C’est le déluge, l’apocalypse, la fin du monde !! Pluie diluvienne, 5° et vent à 30-40 km/h. Durant un an, je n’avais jamais rencontré de telles conditions lors de mes sorties. Il faut que ça arrive aujourd’hui ! Mais qu’importe ! Il pourrait y avoir de la neige et faire -20°, je le ferais quand même ! J’ai bien fait de me préparer à toutes les éventualités (Le pire n’est jamais décevant). Par contre, ce temps de m.... aura-t-il une incidence sur le chrono ? Certainement, mais il faudra faire avec. Je trouve là, une motivation supplémentaire et je tente de me consoler en me convaincant qu’il serait plus pénible d’avoir un vent violent.



Je me suis positionné dans le premier tiers de la zone de départ afin d’éviter d’avoir à doubler trop de coureurs comme cela c’était produit au semi de septembre. Le départ est imminent. Je me débarrasse de mon pull et de mon sac poubelle. Le coup de pistolet vient de retentir. C’est parti !! Je m’élance à l’assaut de la distance mythique. Dans les premiers kilomètres, j’arrive assez bien à éviter les piétinements et les bousculades. Aussitôt, je veille à maîtriser mon allure et je me répète mes conseils maison :
« C’est la course dans la course ; pas grave si je me fais doubler ; ce qui compte c’est mon temps »
« Rester concentré ; bien surveiller mon rythme et ma respiration »
« 42 km pour concrétiser tout le travail fourni avant. Je n’ai pas le droit de craquer »
« Ne pas accélérer avant le 30ème km »

J’ai hâte que les dix premiers kilomètres soient passés car je suis un vrai diesel, il me faut toujours beaucoup de temps pour trouver mon rythme. Bizarrement, malgré l’importance de l’évènement (ou à cause justement), j’ai du mal à rester bien concentré. Il faut dire que je me suis mis une telle pression les jours précédents (ou les semaines...), j’ai joué la course dans ma tête tellement de fois, qu’à présent, je n’arrive plus à être totalement dedans.

D’autant plus que mon père doit m’attendre sur le début du parcours. Je ne voudrais pas le rater et j’y pense souvent. Justement, me voilà sur le cours Jean Jaurès (km 3 ou 4) et il devrait être bientôt là. J’ai bien regardé mais je ne l’ai pas vu. J’aurai une seconde chance tout à l’heure puisque cette boucle est à faire 2 fois.

Passage des 5 km en plein dans les temps : 10 secondes d’avance. Bonne surprise, il y a de l’Isostar aux ravitaillements. J’ai envie de me prendre une petite marge de sécurité. Je double donc le ballon jaune des 3h30. Et vlan ! Le ciel nous tombe sur la tête. La pluie nous avait épargné miraculeusement depuis le départ mais là c’est bien parti. Je rate une nouvelle fois mon père. Je pense qu’il a du avoir des problèmes pour venir avec ce mauvais temps. Hier il y avait 40 cm de neige sur l’autoroute de Grenoble !

Passage des 10 km, dans les temps. Maintenant, je rentre dans la partie du marathon que je préfère (de 10 à 30 km). Pourtant, vient se greffer une autre contrariété. En plus de mon manque de concentration, j’ai des débuts de « points de côté». Par la suite, j’analyserai ce souci par une trop grande absorption d’eau aux ravitaillements. Je veux tellement éviter la déshydratation et les crampes que je bois certainement trop. Avec l’humidité qui est dans l’air, de petites quantités d’eau suffiraient. Erreur de jeunesse, mais sans gravité. En effet, j’arrive sur les bords de la Saône (km 13), et ces problèmes mineurs se résorbent.

J’affectionne les grandes lignes droites et je profite du tracé rectiligne des quais pour rentrer véritablement dans la course. J’accroche du regard les barrières en enfilades et ne les quitterai plus des yeux. Je commence (enfin !) à dérouler.

Vers le km 18, l’accompagnatrice en vélo d’un coureur commence un peu à m’énerver. Il n’y a pas beaucoup de place et sa présence est gênante. Je veux garder l’esprit dans ma course alors je ne dis rien mais je n’en pense pas moins. Heureusement, un policier posté à la sortie de St-Jean, la fait sortir du parcours.

Bientôt, le passage du semi. Le tronçon entre le pont de la Feuillé et le pont Koenig connaît les pires conditions climatiques. Voilà à présent le vent qui s’invite à la fête ! Mince, j’ai raté le km 20. Mais pas de panique, le semi est également indiqué ; je pourrai faire le point car c’est important à cette distance de savoir si je suis dans mon timing. 1 h 39 mn : parfait, je suis en avance de 3 mn.
Avec mon père, nous avions convenu d’un second point de rencontre, à la mi-parcours. Justement, j’y suis. Cette fois, je n’ai pas droit à l’erreur, je dois le voir (et vice-versa) et je sais qu’il sera là. Le peloton s’est étiré, je ne peux pas le rater. Ca y est, je le vois !! ...et je ne le vois plus ! Je suis déjà plus loin. Ca c’est passé en un éclair : j’ai tout juste pu l’interpeller et lui taper dans la main. Mais ça suffit pour me donner du baume au cœur.

Rien de spécial du 20ème au 30ème kilomètre, ...si ce n’est mon vélo qui m’a retrouvé ! Mais pas pour longtemps car j’arrive à le distancer. La traversée de la Presqu’île se passe bien. La pluie est toujours présente. Je prends régulièrement mes gels et mes comprimés de Sporténine.

A l’entrée du parc de la Tête d’or (km 30), j’avais prévu de m’arrêter 30 secondes au ravito afin de reprendre quelques forces. Mais je décide de tirer tout droit. Je possède toujours environ 3 minutes d’avance. Le peloton est de plus en plus étiré. Il y a des petits paquets de coureurs qui se suivent avec quelquefois plus de 100 mètres d’intervalle. Je m’accroche à un coureur, - ou du moins c’est lui qui vient se scotché à mes côtés. C’est la providence qui l’envoie car il devient difficile de trouver du soutien. J’ai un peu du mal à le suivre. A la sortie du parc, je profite de son arrêt au ravitaillement pour le doubler. J’ai perdu un bon lièvre mais ça fait du bien au moral d’être devant. Je double aussi un « papy » au km 35. Respect ! La fatigue commence à se faire sentir, les jambes deviennent pesantes. La traversée du parc a été difficile.

Bon, maintenant la situation est simple. C’est tout droit par les quais du Rhône jusqu’à Gerland (environ 8 km). Les choses sérieuses commencent. Je vais vraiment voir ce que j’ai dans le ventre. C’est un long moment de solitude ponctué par les applaudissements d’un public qui se fait rare. Tout comme les coureurs d’ailleurs. J’ai l’impression qu’il y a eu une épidémie ! Le peloton est de plus en plus clairsemé. On ne risque pas de se marcher sur les pieds ! J’apprendrai par la suite que 2 841 coureurs sont arrivés sur 3 500 inscrits. Les pertes furent lourdes.

En général, je finis mieux mes courses que je ne les commence. Pour le marathon, c’est l’inconnu. Mais ça a l’air de fonctionner : je remonte progressivement plusieurs coureurs qui me précèdent. Je me fais juste dépasser par 2 ou 3 gars. C’est enivrant et m’aide à maintenir ma vitesse. Malgré les gants, qui sont d’ailleurs trempés, j’ai les mains gelées et j’ai du mal à ouvrir un tube de gel. Je le fais tomber par terre. Vite, je le ramasse et reprends ma course. Sympa l’orchestre blottit sous le pont qui me redonne un peu d’élan.

Km 40. Plus que 2 kilomètres ! Il faut maintenir le cap. Je ne regarde même pas ma montre. Petit signe aux photographes pour la postérité. Je fais mon entrée dans le parc du Confluent par un petit tunnel. Horreur ! Il est inondé ! Je passe tant bien que mal sur les côtés pour éviter la noyade ! Plus loin encore d’autres flaques (plutôt des lacs !) m’obligeront à passer par la pelouse toute boueuse. Ce n’est plus un marathon, c’est Paris-Roubaix ! J’ai l’habitude de m’entraîner en solitaire, mais, malgré tout, à cet instant, je me sens vraiment seul au monde. C’est maintenant que j’aurais besoin d’encouragements : les spectateurs et les coureurs sont presque inexistants, les zigzags du chemin nécessitent de nombreuses relances, mes muscles sont durs, la fatigue s’intensifie. Allez, on s’accroche !

A la sortie du parc de Gerland, j’ai l’impression de basculer dans un autre monde. Le calme anormal qui m’accompagnait durant ce dernier tronçon laisse brusquement place aux clameurs de la foule. L’arrivée est toute proche, 400 mètres à peine. Je rassemble mes forces pour lancer le sprint. Ce n’est pas tant pour glaner quelques secondes mais pour finir en beauté, pour n’avoir aucun regret, ... et aussi parce que ma famille est là, à m’attendre sous la pluie, les pauvres ! Je ne veux pas les décevoir. Soudain, j’aperçois ma femme et mon père. Je leur tends ma main à la recherche de la leur. Tope là ! Tap ! Tap ! Là encore, tout va très vite. Je n’ai pas vu mes filles. Trop de monde. Il reste 200 mètres. Je donne tout ce qu’il me reste, et je franchis la ligne d’arrivée. Vite un coup d’œil sur ma montre : 3 heures 19 minutes et 03 secondes. C’est inespéré !! Je fais mieux que prévu de quelques minutes avec, en plus, une météo détestable. Je suis content. Je me dirige vers le ravitaillement en attendant ma famille.

Après quelques minutes, je ne peux plus marcher ! On dirait Robocop ! On me tend une médaille. Super. Enfin, j’aperçois Carole et les enfants. Quel plaisir de partager ce moment avec elles. Mais rapidement il faut agir. Je me refroidis dangereusement. Je grelotte de toutes parts. Heureusement, ma femme bienveillante me tend un sweat et un coupe-vent. Je ne sais pas comment font les personnes seules. A mon avis, il va y avoir de la casse à l’arrivée.



Voilà, c’est fini. Mission accomplie. Est-ce que ce résultat va me rendre meilleur ? Je ne sais pas, mais je me suis fait plaisir. C’est encore le plus important. Je profite de l’occasion pour rendre un vibrant hommage à toutes les personnes qui ont bravé les intempéries pour venir nous soutenir. Chapeau !
Et je dédie cette « victoire » à ma petite femme qui m’a soutenu et sans qui la réalisation de ce vieux rêve n’aurait pas été possible.
... et bravo à vous si vous êtes arrivés jusque là !

Le mot de la fin : « Il vaut mieux faire un beau temps par mauvais temps qu’un mauvais temps par beau temps ».

1 commentaire

Commentaire de Karllieb posté le 18-05-2005 à 18:05:00

Bravo ! Super pour un premier marathon. Et pourtant, les conditions étaient éprouvantes. Je le sais... J'y étais aussi. Le plus beau marathon, n'est-ce pas le premier ?
Karllieb

Il faut être connecté pour pouvoir poster un message.

Accueil - Haut de page - Version grand écran