Récit de la course : Ultra Trail du Mont-Blanc 2021, par Tabaz

L'auteur : Tabaz

La course : Ultra Trail du Mont-Blanc

Date : 27/8/2021

Lieu : Chamonix Mont Blanc (Haute-Savoie)

Affichage : 1649 vues

Distance : 171km

Matos : Hoka SpeedGoat.

Objectif : Terminer

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UTMB 2021

Récit


UTMB, Préparation

Physiquement : hors norme. Pour causes de douleurs récurrentes j’ai reporté mes entrainements sur le vélo (pour l’endurance), la natation (pour la mobilisation de l’ensemble du corps, notamment le haut parce qu’il allait falloir pousser fort et longtemps sur les bâtons), et les soins kiné/rhumato pour renforcer les muscles (quadri/ischio) en limitant les mouvements douloureux. Pressentant qu’en ultra-trail les caractéristiques physiologiques du sportif ne semblent pas prépondérantes (je m’attends à des débats animés !) j’ai focalisé le travail sur les 2 points suivants. Un sacré pari !

 

La gestion de course : beaucoup de recherches bibliographiques (S. Ehrström, G. Millet, A. Coates…) sur l’alimentation, l’hydratation, les postures, le sommeil, la douleur, … tests et adaptations spécifiques à ma sauce.

Le mental : travail introspectif, ancrage, lectures (le livre de Philippe Propage …)

Quelques consignes que je m’impose : pas de téléphone ni de photos pendant la course pour ne pas être distrait, vitesse limitée au départ à 10km/h, vérifier la consommation d’eau et son évacuation 😉

 



UTMB, la course

Je suis à Chamonix depuis le week-end précédent avec ma plus jeune fille pour les vacances. Détente au programme.

Ma préparation mentale semble fonctionner, puisque je dors bien la nuit précédente et fait 2 siestes le jour de la course, une le matin et une l’après-midi. Serein donc.

En fin d'après-midi nous sommes rassemblés dans 3 sas de 1000 concurrents dans un champ (mesure COVID), je suis dans le deuxième. On nous amène ensuite derrière la ligne de départ au centre de Chamonix. Le commentateur fait le job et monter la pression. Le départ est donné. L’ambiance est extraordinaire sur plusieurs kilomètres et dans tous les villages traversés, sacrés savoyards ! 



La nuit tombe, boum. 



Des milliers de frontales dessinent dans les reliefs environnants et en pointillé le long tracé que je vais emprunter. C’est joli mais impressionnant, va-t-on atteindre les étoiles !

Dans la montée du col de Seigne (60km environ, à la frontière Franco-Italienne), énorme coup de mou. Celui-là je le connais, je pense qu’il s’agit de l’équivalent du mur des 30 km chez les marathoniens. Je sais que ça va passer mais c’est très dur pour le moral. Je puise dans mes ancrages et j’attends que le jus revienne. Au passage du col l’humidité et le vent fort rendent la progression difficile. Je m’autorise une halte dans un refuge où 4 infirmières bénévoles se réchauffent devant un feu de cheminée. Sacrée vision, ça réveille ! 



Je repars, le soleil se lève. Je ne connaissais pas ce versant du Mt Blanc à couper le souffle. La tentation de prendre des photos est grande mais je reste discipliné.

Au lac Combal je rencontre Nicolas Bernard. Chouette surprise ! On doit se retrouver à la base de Champex le soir pour une assistance. Le moral remonte en flèche. Une petite chute sur le derrière dans une descente sur des rondins mais comme le moral est au top j’en ris.



Courmayeur, 80km, base de vie. Je pioche dans mon sac de mi-course le change nécessaire, lave mes pieds, NOK, chaussettes propres… et attaque en début d’après-midi la montée au refuge Bertone, courte, mais raide, et chaude, fatale à de nombreux concurrents. Sur ce type de profil j’avais décidé de suivre les conseils de François d’Haene et opte pour une foulée très courte, régulière, économe, et très efficace.



Le tracé qui m’attend maintenant est celui de la CCC que j’avais parcouru en 2018. J’avais une crainte, que connaitre les passages difficiles me démoralise. Oui, mais en 2018 il neigeait, aujourd’hui c’est un soleil éclatant, quel bonheur ! Dans la longue section qui m’emmène à la montée du Grand Col Ferret, très roulante, un concurrent derrière moi me félicite pour ma foulée de pro (c’est vrai, j’imite F. d’Haene dans la vidéo sur youtube !!!), et on papote pendant 2 heures. Il ne voit que mon dos, je n’entends que sa voix, mais j’ai l’impression que c’est une vieille connaissance. Etonnant. 

La montée en Suisse est donc agréable. La descente suivante de 1 500 m d- plus difficile, mes quadris hurlent (faute d’entrainement spécifique). J’ai l’impression d’être un poids lourd dans une descente enneigée avec des freins de vélos, les bâtons m’aident un peu.



Bonheur à mi-descente (ravito la Fouly) où il y a Bérengère, une copine infirmière bénévole. On papote. Une urgence et elle s’éclipse. Je repars revigoré !

Descente encore, puis montée raide à Champex. Nicolas m’y attend avec un sac à viande (mesure COVID) pour que je puisse dormir un peu sur un matelas mis à disposition. Il a une mission, me réveiller au bout de 20 minutes si je m’endors ce que je ne pensais pas possible vu le boucan dans le chapiteau où quelques centaines de concurrents se restaurent. Tu parles, sitôt couché, sitôt au pays des rêves. Le but de cette courte pause n’est pas une illusoire récupération mais d’éviter les hallucinations courantes lors d’une deuxième nuit blanche. Je me sens bien. Nicolas me propose de m’assister aussi à Trient. Ce n’est pas de refus !

Les 3 sections qui m’attendent sont 3 « petites bosses 😉 » abruptes et très techniques. Le premier qui dit que l’UTMB est roulant je l’empale !



Le désespoir me prend parfois, mais je puise encore dans mes ancrages et à chaque fois que je reprends le dessus et me sens plus solide. 



Je tombe de sommeil et j’ai des moments d’absence. Au début de l’avant-dernière descente j’ai l’impression de me réveiller en courant (je sais ça parait impossible), et ma cheville gauche est douloureuse. J’ai dû me la tordre sans m’en rendre compte, probablement une entorse (je constaterai le lendemain qu’elle a doublée de volume). Je poursuis en ralentissant le rythme : 10m de course, 10m de marche. Bon, comme j’ai mal tout le temps, autant courir.



Troisième jour. La montée à la tête aux vents éclairée par les lueurs matinales est splendide. A l’approche de Chamonix des randonneurs et des traileurs se joignent à nous et nous traitent comme des héros, inestimable soutien parce qu’au bout de 40 heures de course on est un peu fatigué !

Enfin la Flégère, ultime ravito avant les 7 derniers kilomètres en descente (1 000 m d-).

Ma cheville est très douloureuse. Je décide d’abréger mes souffrances et d’aller le plus vite possible (5km/h, le fou !). Une coureuse me dépasse avec une superbe foulée avant-pied. Je ne pensais pas cela possible au bout de 160 km. 



Enfin le fond de la vallée. Ma fille m’attend à l’entrée de Chamonix au bord de l’Arve, nous courrons ensemble jusqu’à l’arrivée, mon bonheur est total ! 

Quelques photos sur la ligne, je récupère le gilet finisher, et j’ai envie d’une glace (une triple, tout est permis !).



Je manque de m’endormir sur la table du glacier. Bon, derniers pas vers la voiture, je mets les bas de contention (crampes fréquentes pour moi après course), et c’est le voyage retour. 



 



Merci à celles et ceux qui m'ont encouragés avant et pendant la course, et merci à celles et ceux qui ont participé activement à la course et à sa préparation, je les remercierai chacun(e) de vive voix.

 



Et bonne nouvelle année de trail c’est bientôt la rentrée !

1 commentaire

Commentaire de samontetro posté le 31-08-2021 à 13:14:00

Joliiiii! J'ai suivi tes hauts et tes bas (au propre et au figuré) derrière mon écran! Dommage d'avoir fait une sieste à la Fouly, tu as loupé les hallucinations. Moi j'adore lire les mini-messages d'encouragement virtuels la nuit sur les petits cailloux du sentier, contourner un lion tapis dans un pré à l'orée du bois, passer sous un pont autoroutier au milieu de nulle part....
Il va donc falloir que tu y retournes juste pour vivre ça aussi :-)

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