Récit de la course : SwissPeaks Trail - 170 km 2020, par PascalS

L'auteur : PascalS

La course : SwissPeaks Trail - 170 km

Date : 3/9/2020

Lieu : Le Bouveret (Suisse)

Affichage : 2210 vues

Distance : 170km

Objectif : Pas d'objectif

7 commentaires

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SwissPeaks 170 km 2020

En attente de l'insertion des photos. Je galère.


La Préparation

Après 1 première expérience fantastique sur du long avec l'UTC Corsica en 2018 puis la frustration de ne pas avoir bien profité de l'X-Alpine en 2019, l'année 2020 sera un test si j'arrive à me faire plaisir sur ces distances. Après tout, aucun mal à ne pas faire d'ultra. Pour moi par exemple les formats autour de 60 km sont ceux qui me réussissent le mieux.

Étant d'un naturel prévoyant, je m'inscris très tôt fin 2019 pour la Ronda, je réserve l'hôtel et je planifie les vacances. Bien sur tout tombe à l'eau au printemps et il me faut trouver un nouvel objectif. Ce sera la SwissPeaks 170 début septembre.

168 KM-11'200 m D+ / 13'000 m D-

Côté entraînement quelques changements cette année avec tout d'abord l'arrêt du cardiofréquencemètre. Je commence à bien repérer mes plages d'effort cardiaques. De plus, je stoppe aussi les séances de VO2 max.

Je teste des nouvelles séances proposées par Antoine Guillon dans son livre « Le plaisir du trail sans contrainte » : des séances de Hamster avec 6 à 10 répétitions de la même côte de 100 m de D+ à allure seuil 1. C'est monotone alors que je pratique le trail pour les paysages et que là où j'habite (Chambéry) je peux varier mes parcours à chaque entrainement.

Je réaliserai aussi régulièrement des séances d'1H30 avec 1 montée du Malpassant (550 D+) au seuil 2 et le reste de la séance en aisance respiratoire. Une façon de ne pas trop perdre en VO2.

Pas de dossard cette année. J'arrive à m'organiser pour faire 3 belles sorties à la journée à une allure rando-course : entre 45/ 55 km et entre 3300/4300 D+.

Ces grosses sorties à la journée ont été top pour garder la motivation. Rien de mieux pour garder la motivation même si il me manquera probablement une plus grosse sortie avec un temps de course de nuit.

Au niveau alimentaire j'arrête l'alcool et les fromages les 2 derniers mois. Je perds au final 2 ou 3 kg : c'est bien pour compenser le poids du sac qui fera 3Kg5 avec les flasques remplies. Je cherche aussi à faire des bonnes nuits les 2 semaines avant la course.

La Course

J'arrive au Bouveret mercredi après-midi pour retirer le dossard. Petit échange avec El Numax avant de prendre le car qui nous emmènera au lieu de départ du barrage de Grand Dixence. Dormir sur place la veille va me permettre de faire une bonne dernière nuit et d'attendre dans ma chambre jusqu'au départ alors que pour d'autres il faudra prendre le car à 6H au Bouveret puis patienter plus ou moins confortablement sur la ligne de départ jusqu'à 10H.



Premier tiers : le Haut Valais.

Nous sommes environ 320 à prendre le départ. J'apprécie car j'ai du mal avec les gros pelotons. Pour ne pas subir je me force à partir lentement je me répéterai pendant 15H « je dois arriver frais à Finhaut ». Du coup je dois être dans les 20 derniers au col de Prafleuri.

Le temps est au beau fixe et la neige tombée le we dernier donne une lumière et des paysages magnifiques. Pas de vent et une température parfaite.





La neige n'a pas fondu totalement et un petit ralentissement s'installe. J'en profite pour doubler les moins à l'aise. Un traileur casse déjà un de ses bâtons. Sur le coup je me félicite de ne plus courir avec ces artifices depuis 3 ans mais je ne dirai plus la même chose en fin de parcours.

Plusieurs récits parlent d'un section minérale (c'est vrai), technique (vrai aussi mais tout le monde est frais). La descente sur Plampro est longue mais très jolie avec le massif des Combins face à nous. On alterne pierriers et sentiers biens marqués.

A partir de ce moment nous commençons à rattraper des concurrents de la 360. J'arrive au premier vrai ravito de Plampro vers 14H30. Super ambiance entre bénévoles et concurrents. Raclette pour les amateurs.



La chaleur se fait sentir mais c'est encore bien tenable. On reprend pour une longue montée à la cabane de Mille. Je croiserai un papy qui s'occupe de sa cabane :

-  « Vous allez où comme en courant ? »

  • « Jusqu'au lac si tout se passe bien. »

  • « Bien, vous êtes bientôt arrivé alors. »

  • « Pas vraiment. On va au Léman là, pas à Fionnay. »

  • « Mais c'est pas possible, vous me faites marcher! »

Au final, pas sur qu'il m'est cru. J'arrive à la cabane encore frais et de jour cette année (j'étais passer de nuit l'année dernière lors de la X-alpine). Le massif du Mont-Blanc est face à nous.

Grosse descente vers le fond de vallée avant de remonter vers la première base vie de Champex. Il me manquera 45 min pour arriver de jour. La température chute d'un coup et l'humidité rend la situation pas très confortable. Je récupère mon sac d'allègement. La tente à cette heure est un beau bordel : pas assez de place, trop d'accompagnants, de l'eau par terre. J'arrive à faire abstraction mais je ne m'attarde pas. Je mange un peu de riz à la tomate, je me change pour la nuit qui va suivre et je repart à 21H45 pile dans mon tableau de course. Je commence un peu à subir.

Pas de photo perso de la fenêtre d'Arpette mais on est bien en terrain montagne. Je mets les mains à plusieurs reprises et idéalement je me fais tirer par un traileur à la montée et j'assure le tempo à la descente pour un petit groupe.

 

Fenêtre d'arpette de jour

L'inconvénient majeur pour moi des trails longues distances est de courir de nuit et de passer à côter de superbe paysages. Le format trails à étapes m'attire de plus en plus mais difficile à caser dans nos agendas surchargés.

Le terrain est plus technique que prévu et je commence à perdre du temps sur les prévisions. Je puise trop à mon goût à ce moment. Le ravito de Trient est déplacé un peu plus bas et les 2 bénévoles ont un humour second degré qui me plaît bien. Un anglais abandonne sans regrets. Je repars et je reconnais la section parcourue la veille par les 2 premiers du 360 lors d'un live vidéo de l'organisation. Je ne progresse pas du tout au même rythme ! On descend par des gorges : escaliers, grosses marches, humidité et ambiance glauque.

Deuxième Tiers : le massif des dents du Midi

J'arrive à Finhaut vers 4H15 et je me fais la réflexion que je n'ai pas respecté à la lettre ma promesse d'arriver frais à ce ravito. Sur le papier, c'est un bon endroit pour dormir : gymnase, tapis de sol à disposition. En fait je me suis posé 45 min mais sans pouvoir dormir car la lumière et un peu d'animation m'en empêche. C'est je pense un ravito clef avant la section qui suit et qui mériterait d'être tenu par des bénévoles au fait des demandes des traileurs. Là les bénévoles sont sympas mais la diversité des choses proposées est un peu juste.

Le jour se lève lorsque j'arrive au col de Fenestral qui est aussi une nouveauté cette année. La vue sur la chaîne du Mont Blanc est magnifique. Heureux d'être en montagne.





La descente sur Emaney est glissante. Je ne peux pas courir sur le haut et il faut bien mettre les mains à 2 ou 3 reprises. Je pense alors aux fusées du 90 Km qui vont voler dans cette section d’ici quelques heures.

Je me change et je troque le collant long pour le short à l'alpage d'Emaney (de l'eau à disposition). La deuxième journée sera chaude et belle encore.



Auberge de Salanfe. J'avais un peu d'appréhension sur ce ravito après avoir lu quelques compte-rendus négatifs (froid, humide, rien à manger). Mais là rien à craindre : quelques lits de camps, des couvertures pour barrer le vent et des produits locaux dont un fromage de l'alpage d'Emaney succulent. Un bon point de repos et des bénévoles aux petits soins.

Le col de Susanfe passe facilement avec une météo comme cette année. A noter que je me fais doubler par un concurrent de la 360 pour le première fois. Allez, on continue pas à pas. Je profite du paysage et du massif que je connaissais pas. Dans ces conditions le pas d'Ancel se descend tranquillement mais il vaut mieux le passer de jour et avec un peu de lucidité.



On arrive à Barme, une carte postale vivante. Encore un ravito au top. J'ai envie de fruits frais et çà tombe bien il y a de la pastèque et des quartiers d'orange. Je retrouve beaucoup d'accompagnants. C'est aussi un ultra pour beaucoup d'entre eux qui ne dormirons pas beaucoup pendant 2 jours.

La section suivante n'est pas très fun mais il faut relier la deuxième base vie de Croset. Mention spéciale pour les 4 km de plats. Un gars frais qui peut encore courir à ce stade peut gagner pas mal de temps. Moi je marche en me recentrant sur ma motivation pour faire ces courses. Ces moments de vie qui seront en nous à jamais. Et je repense aussi à notre chauffeur de car mercredi soir qui nous disait « Surtout n'oubliez-pas que vous avez payé pour faire cette course, aucune excuse pour raler ! ».



Troisième partie : le Chablais.

La base vie du Croset est bien aménagée. Je prends une douche, je me brosse les dents (top à ce moment) et je me pose 1H en dortoir mais toujours sans pouvoir dormir. Si vous avez des conseils pour apprendre les micro-sommeils je suis preneur. Je me suis bien reposé quand même. J'ai abandonné mes ambitions de finir en 42H mais le moral est toujours là. Je reprends, doublé à quelques occasions par les premiers du 90 km. Je me surprends à reprendre du rythme avec le cardio qui ne subit pas trop. Les cuisses sont encore en bon état, seulement 1 ampoule au pied droit. J'arrive à Morgins à la nuit. Le ravitaillement se fait dans un restaurant dans des conditions de confort bien appréciables. Au menu : pâtes à la sauce tomate et yahourt aux fruits.

On rentre dans la deuxième nuit. La fin sur la papier paraît beaucoup plus simple mais c'est sans compter sur la réalité du terrain. Des traceurs fous qui ne connaissent pas la notion de traces progressive. Droit dans la pente montée comme descente. Je comprends maintenant pourquoi mes collègues ont des bâtons. Les pistes d'alpages qui sur le papier semblent débonnaires mais qui s'avèrent jonchées de cailloux qui roulent et qui te défonce la plante des pieds. Et puis toujours cette frustration de ne pas pouvoir profiter de la vue qui doit être top.

J'arrive au ravito de Conches et j'ai faim. Je m'enquille 5 crèpes devant un concurrent du 90 km qui est au bord du vomito. Désolé du spectacle mais depuis quelques heures je n'arrive plus à manger mes barres sucrées et je crois qu'un cassoulet aurait été accueilli avec joie à ce moment.

Je commence à sentir la fin et je m'accroche pour finir avant le levé du jour. 15 km jusqu'au prochain ravito mais un long parcours de crête en dents de scie qui ne te laisse aucun moment de répit puis une très longue descente qui fait qu'à ce stade si tu ne coures plus, tu peux vite perdre beaucoup de temps. Passage d'un pont suspendu puis direction le col du Blansex en compagnie de Fabrice. On se tire l'un l'autre naturellement. Il me dit avoir déjà fait le 90 et abandonné l'année dernière sur le 170. Il trouve le parcours encore plus dur cette année avec les modifications du parcours (fenêtre d'Arpette, traces droits dans le pentu).

Je ressens bien le manque de sommeil maintenant. Des coureurs du 360 veulent en finir au plus tôt et accélèrent. On a l'impression qu'ils/elles pourraient continuer encore des jours sur leur lancée. Nous nous encourageons tous les uns les autres entre participants du 90, du 170 et du 360.

Il est 4H30 et j'arrive au dernier ravito de Taney. Je fais une pause 3 min sur un lit de camp qui me permettra de reprendre un peu de lucidité pour la dernière descente. Quelques bonbons acidulés bien chimiques qui me boosterons et direction le lac. La descente sera longue mais plus roulante que le reste du parcours. J'arrive aux premières maisons au levé du jour et j’éteins ma frontale. On m'encourage à finir en courant mais mon cerveau me dit stop, je vais finir tranquillement en marche rapide.





Je passe la ligne en 44h37. On m'invite direct à boire une bière. Je décline la proposition. Je suis au bout, toute la tension s'est relâchée et en légère hypo je pense. Je récupère mes sacs, ma dotation finisher et je vais prendre une douche et dormir dans l'abri anti-atomique mis à disposition pour la course. Facile ? Non.



Bilan

Au final je suis content de cette course : j'ai gardé le moral du début à la fin. Le parcours est difficile mais splendide. C'est une première pour moi sur cette distance. Je ne pense continuer encore de nombreuses années sur des parcours aussi exigeants mais je garde l'envie de courir. J'ai encore 2 ou 3 objectifs à cocher à commencer par la PicaPica et le grand raid de la Réunion l'année prochaine si possible.

Côté organisation. Je pense que la machine commence à bien être rodée et les reproches d'il y a 2 ou 3 ans ne sont plus d'actualité. La composition des ravitos est en adéquation avec un ultra, les balises GPS fonctionnent mieux. Le site du Bouveret est super avec le lac, le restaurant d'après course et son village trail. Mais on ne bascule pas dans les gros barnums qui ne me correspondent pas. On sent que l’événement prend de l'ampleur avec beaucoup d'étrangers mais aussi des locaux qui reviennent. Un taux d'abandons quand même assez élevé malgrè la météo idéale qui indique la difficulté du parcours : 65% Pour finir, je reprendrai la phrase au dessus du profil donné lors du premier jour qui prend tout son sens aujourd'hui :

« Découvrez ces montagnes et ces vallées que nous aimons tant sur des parcours riches et variés sans compromis »



 

7 commentaires

Commentaire de bubulle posté le 06-09-2020 à 19:14:00

Je reconnais des morceaux, avec qq part un petit regret de ne pas avoir décidé d'y aller à la dernière minute car j'ai une revanche avec cette course (tu as du lire le CR car des descriptions du ravito glauque de Salanfe et de Susanfe dans la tempête, je ne suis pas sûr qu'il y en a d'autres sur Kikourou).

J'apprends en lisant ton CR les modifs de parcours avec le passage à la FEnêtre d'Arpette et le Col de Fenestral qui, si je comprends bien, évite le crochet un peu long par Emosson. Cela a l'air d'être des modifs intéressantes. Il faudrait que j'arrive à revenir!

En tout cas merci pour le récit, il donne envie! Dommage que le suivi live ait été si difficile à faire....

Commentaire de PascalS posté le 06-09-2020 à 19:23:49

Merci Christian. On se voit à la PicaPica normalement l'année prochaine.

Commentaire de Lécureuil posté le 07-09-2020 à 09:12:20

Bravo pour cette belle course
Une bonne prépa pour les cailloux de la Pica ))

Commentaire de Zorglub74 posté le 07-09-2020 à 09:38:05

Merci pour ton récit et bravo pour ta belle gestion. Les ressentis sur la difficulté et la technicité du parcours sont les mêmes que toi. Heureusement que les conditions météo étaient parfaites car le plaisir en aurait été grandement diminué. Je suis admiratif de celles et ceux qui enquillent deux nuits sur de tels parcours.... Récit à suivre sûrement en fin de semaine.

Commentaire de volto71 posté le 07-09-2020 à 14:17:13

Un grand bravo !!! et merci pour ce CR qui me rappelle quelques souvenirs (dont cette horrible descente dans les Gorges de Tête Noire 300D- avant de remonter sur Finhaut ha ha). Concernant les modifications de parcours : Fenestral au lieu de Emosson/Barberine, j'ai la confirmation de l'orga que c'est pour éviter un danger - potentiellement mortel - dans la descente de Barberine, que je n'avais pas relevé en 2017... mais la configuration des lieux a peut-être évoluée dans l'intervalle. Il fallait trouver une solution plus intéressante que la montée directement par le vallon d'Emaney proposée en 2018 et 2019. Fenêtre d'Arpette... je soupçonne que ce soit lié à l'obligation de trouver une autre base vie à la suite de l'annulation cette année d'une course de quartier de/à Chamonix, dont l'orga pouvait profiter des infrastructures pour sa base vie. Le passage par la Fenêtre d'Arpette et aux abords du glacier de Trient est très éprouvant et mériterait d'être passé de jour pour s'en mettre plein la vue ;-)

Commentaire de Free Wheelin' Nat posté le 07-09-2020 à 18:42:38

Belle perf!!
Ne pas faire cas des inconforts rencontrés aux ravitos ou la "glauquitude" d'un passage est un point fort , des détails de ce genre peuvent faire plonger trop facilement.. Tu as snobé fort bien tout ça et super bien géré ta course.
bravo!!

Commentaire de PascalS posté le 07-09-2020 à 21:26:57

Merci à tous pour vos commentaires. C'est mon premier compte-rendu mais j'y tenais car je lis les votres depuis des années et ils alimentent ma motivation à longueur d'année.
"Tout de bon".

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