Récit de la course : Trail de Côte d'Or 2018, par cyrille71

L'auteur : cyrille71

La course : Trail de Côte d'Or

Date : 26/5/2018

Lieu : Marsannay La Cote (Côte-d'Or)

Affichage : 1025 vues

Distance : 65km

Matos : Inov-8 trail talon 200
Hoka evo race 17L

Objectif : Faire un temps

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Philosophie de l'ultra sur l'UTCO

La course à pieds en général et le trail en particulier sont une affaire de physique (musculaire, pas quantique), d’entraînement mais aussi, voir même surtout, de mental. Si de mauvaises jambes ne permettent pas de monter sur la boîte à l’arrivée, un mental défaillant ne permet tout simplement pas parfois de la rallier cette arrivée. Tout ça pour te dire, oh toi fidèle lecteur de mes pérégrinations sportives et que j’avais laissé dans une attente insoutenable lors de mon dernier récit de course, enfin si tant est qu’il y en ait au moins un qui lise mes pavé jusqu’à la fin...Bref tout ça pour te dire qu’après cette période sportive difficile post marathon de la Côte Chalonnaise et ce rebond au trail du chemin des moines, il me tardait de voir si la dynamique positive enclenchée allait perdurer sur les prochains trail sur lesquels j’avais prévu de m’aligner.

C’est donc avec un mental tout neuf que j’ai abordé l’Ultra Trail de Côte d’Or (UTCO, petit nom original, n’est-ce pas) format 65km le 26 mai dernier au départ de Marsannay la Côte. Une nouvelle distance sur cet évènement que je connais bien pour avoir déjà disputé deux fois l’épreuve de 45km. Particularités de ce trail ? Un départ à minuit et donc une course qui se déroule de nuit sur les cinq premières heures, une nuit blanche à gérer car me connaissant impossible de dormir avant le départ et enfin un tracé en commun avec les coureurs solos et relais de l’épreuve de 83km, eux repartiront pour une dernière boucle après avoir terminé le parcours du 65km.
Je venais sur cette course sans pression et sans appréhension, je sais que mon entraînement est vraiment léger pour me lancer sur un ultra et j’estime alors mon autonomie à une cinquantaine de kilomètres. Il en restera donc une quinzaine à boucler au mental, ce fameux mental retrouvé après le trail du chemin des moines. Mais au delà de toutes considérations chronométriques, ce qui m’intéressait sur ce trail c’était le format ultra et le départ à minuit, même si ça reste un petit ultra avec un dénivelé limité de 1700m. D’un côté je trouvais dommage de m’élancer de nuit sur ces beaux sentiers entre chemin Batier, forêt de Plombières, combes et Mont Afrique. Mais d’un autre côté, pour le coup un peu plus obscur, l’idée d’une course avec un départ à minuit me séduisait. Et si ce départ nocturne assez inhabituel et même inédit pour moi m’attirait c’était justement pour l’aspect mental qui allait en ressortir. Finalement c’était même l’occasion d’aller chercher au plus profond de moi des ressources comme on doit le faire sur des courses beaucoup plus longues, comme j’avais pu le vivre l’année dernière sur la TDS et ces 26h de course par exemple. Un mini format dans le monde de l’ultra mais il fait le maximum !

Mais ce maximum de quoi s’agit-il exactement ? Et bien il s’agit tout simplement de ce que je recherche sur un ultra. C’est le fait de partir pour une forme d’aventure intérieure, de me sentir coupé du monde, de ses contraintes, de son rythme qui nous dicte le nôtre. C’est le fait de me recentrer sur moi-même, sur mes sensations, de sentir fonctionner mon corps et de savoir que pendant les sept ou huit prochaines heures je serai seul maître à bord avec des temps forts et des temps faibles à gérer.
Sur ces formats de courses et plus particulièrement de nuit, moment si particulier qui modifie notre perception des choses et de la vitesse, qui nous amène plus rapidement à des niveaux de fatigue insoupçonnés, ce qui compte ce n’est plus la gestion de l’allure et du potentiel physique. L’important se situe alors dans la gestion de la fatigue et du potentiel mental, dans la gestion des points de bascule entre le trop et le trop peu. Trop de vitesse et d’intensité au risque de faire intervenir trop tôt dans la course ses ressources mentales, trop peu d’engagement avec en toile de fond un esprit qui somnole et qui ne permettra plus le moment venu de repousser plus loin les frontières de ce que le corps se croit capable de faire. Et bien évidemment le plus grisant c’est de se retrouver sur l’un de ces points de bascule et de flirter avec les limites ! On atteint là alors un moment de grâce dans la course, une sensation de plénitude et d’accomplissement que l’on voudrait prolonger le plus loin possible. L’impression unique de sentir tous ces muscles fonctionner en souplesse, de survoler le terrain sans le subir, d’enrouler les chemins comme s’ils avaient été tracés pour soi. Ce sont des instants très personnels et très intérieurs, qui sont très difficiles à retranscrire, une sorte de bonheur intérieur lié à sa seule présence au monde et au miracle de ce mouvement de la course à pieds comme un retour à une mécanique humaine originelle.
Ce que je cherche sur un ultra et ce que j’ai retrouvé de manière épisodique sur cet UTCO c’est cet état de l’être où plutôt ce sentiment d’être tout simplement. Autant le dire tout de suite, sans un état d’esprit positif, sans envie, impossible de trouver et maintenir cet état d’équilibre d’où l’importance vraiment prépondérante du mental sur les courses longues. Voilà pourquoi il était important pour moi de retrouver la dynamique du plaisir avant de m’engager sur des distances plus importantes comme celle-ci.

Et la course dans tout ça ? Comme à chaque fois que je termine un ultra-trail j’ai beaucoup de mal à reparler de ma course à posteriori et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord difficile de garder en mémoire un aussi grand nombre d’heures de course ainsi que tous les évènements, tous les terrains, toutes les sensations ou rencontrent qui les émaillent. Ensuite l’esprit possède cette faculté particulière de fixer les moments positifs et d’effacer rapidement les autres ou tout du moins de les minimiser. Et puis cette aventure personnelle et intérieure se vit beaucoup plus qu’elle ne se raconte, aux sensations de la course s’imbrique toute une imagerie mentale, chacune cherchant à tromper l’autre dans un curieux manège du corps et de l’esprit. Quelque part ce petit manège qui cherche son harmonie représente la magie de l’ultra, le petit mystère qui nous pousse à revenir pour tenter d’attraper le pompon et d’obtenir un tour gratuit.
Il pourrait alors ressortir de ma déambulation nocturne vingt premiers kilomètres en plein sur la bascule, des sensations de folies tout en me sachant sur la limite. Puis dix kilomètres plus difficile à gérer un temps faible et en ayant en tête de me préserver jusqu’au 40ème ou une grosse côte m’attends. Et puis miracle de l’esprit aux environ du 30ème kilomètre, je double un concurrent en délicatesse avec un genou et qui m’annonce être deuxième du 65km. J’atteins à la faveur de cette information un nouveau point de bascule, corps et esprit s’harmonise de nouveau pour me porter jusqu’au 50ème kilomètre où comme attendu je commence à manquer d’essence, de caisse comme on dit aussi. Reste 15km avec la montée du Mont Afrique au lever du jour qui me demandera beaucoup de ressources mentales pour rester dans la course. Au sommet je me fais rattraper par la première féminine, il reste 10km en descente jusqu’à l’arrivée, la perspective du podium me pousse à ne rien lâcher. Je franchi la ligne d’arrivée de ce trail en 7h06min, à 5min de la deuxième et à 15min du premier. Résultat incroyable pour moi et premier podium au scratch ! Je retrouve David à l’arrivée avec qui j’ai fait un bout de course, parti sur le 83km il s’arrêtera finalement au 65ème kilomètre sans repartir sur la dernière boucle. Un très chouette moment de partage avec Xavier et tous les copains de Courir Moroges présents sur les différentes courses de la journée, des podiums aussi pour Manon, Camille et Elodie, vivement la prochaine !

Parlons-en justement, deux semaines plus tard je m’aligne sur le 30km du trail des cadoles à Brancion. Une course coup de coeur que j’ai déjà disputée sur ses différents formats. Cette année toutes les courses sont organisées le samedi soir, départ donc à 18h avec pour objectif d’arriver avant la nuit bien sûr ! Petit papotage avec les copains avant le départ, Stéphane notamment qui fera une très belle course sur le 10km. Il fait chaud, très chaud même, je décide quand même de partir vite, car pour bien connaître le parcours je sais que les premiers singles vont très vite arrivés et qu’il faut donc être bien placé pour ne pas bouchonner. Chose faite et à l’entrée du premier single j’ai la surprise de me retrouver en deuxième position, le premier étant une cinquantaine de mètres devant moi. Nous nous faisons doubler par deux concurrents dans la première montée de la course, je suis donc 4ème et les choses vont en rester là jusqu’au 15ème km. Pendant cette première moitiée de course je vais gérer la chaleur qui reste très présente. Je vais aussi rapidement me rendre compte que je grimpe mieux que le concurrent devant moi mais que lui relance mieux. Comme personne ne revient de derrière je me met à penser au podium, la mécanique cérébrale se met en marche et j’élabore une stratégie de course. Je reste donc en gestion en gardant le 3ème en visuel devant moi, l’objectif est de hausser le rythme dans la montée vers le 20ème kilomètres pour le doubler et faire le trou avant de mettre plus d’engagement dans les singles qui suivent, successions de petites montées et descentes, de traces virevoltantes entre les arbres, les rochers et les murets. Je connais bien cette dernière partie de course et je suis confiant quand à ma capacité à mettre de la vitesse dans ces portions très techniques.
Encore une fois le mental fait des merveilles et je mets en pratique cette stratégie sans faiblir, je suis dans une dynamique positive donc tous les signaux négatifs que peuvent m’envoyer mes muscles sont bloqués. De nouveau sur la bascule peut-être mais sans tomber du mauvais côté, j’arrive dans l’ultime montée sous le château de Brancion en ayant sécurisé ma troisième place et avec même la surprise en attaquant le tour des remparts de voir le deuxième en terminer seulement deux minutes devant moi ! Trail bouclé en 2h53min pour 30km et 1100m de dénivelé et nouveau podium au scratch ! Petite interview à l’arrivée, de la science fiction pour moi ! De nouveaux de supers moments partagés après la course avec Véro, Michel et Xavier, ce dernier finissant également 3ème du 18km.

Décidément c’est une période fast, deux course en deux semaines et deux fois troisième, du jamais vu ! Cap maintenant sur l’Ultra Trail du Morvan, 83km et 3300m de dénivelé le 30 juin prochain. Un nouveau voyage intérieur, il faudra encore une fois faire parler le mental !

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