Récit de la course : Le Grand Trail du Lac - 75 km 2019, par LiliRun

L'auteur : LiliRun

La course : Le Grand Trail du Lac - 75 km

Date : 20/10/2019

Lieu : Le Bourget Du Lac (Savoie)

Affichage : 2042 vues

Distance : 75km

Objectif : Terminer

3 commentaires

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Grand Trail du Lac 2019

"Une souris bleue
Qui courait dans l’herbe
On l’attrape par la queue,
On la montre à ces messieurs
Ces messieurs lui disent :
Trempez la dans l’huile
Trempez la dans l’eau
Ça fera des cuissots
Tous chauds"


Une petite comptine (avec en italique les libertés prises avec la version originale) pour démarrer ce récit de course, le suspense étant de savoir si la souris bleue finit par se faire croquer par la dent du Chat…
En effet me voilà partie pour faire le tour du lac du Bourget en 15h max, en partant à 5h du matin du Bourget du Lac.


Le profil de la course est le suivant sur le papier : 11km de plat sur route pour rallier Aix les Bains, puis 880m de D+ pour aller au ravitaillement de la Chambotte, 410mD+ et environ 1000m de D- pour celui de Chatillon, quelques km de plat puis une montée raide pour arriver à Chanaz, encore 690m de D+ pour Ontex puis 350mD+ jusqu’au le Col du Chat. Et là au 60eme km nous attend l’ascension de la fameuse Dent du Chat 860m de D+ en 4,9km… Et pour finir 1260m de D- en 8.8km…
Le profil complet de la course est imprimé sur le dossard et très bien détaillé


Pour remettre la course dans mon contexte, après un marathon réussi en avril et le coup de mou classique qui en a résulté, j’ai réussi à terminer le GR73 en mai.
Mais l’été est passé avec son lot de contraintes perso et je n’ai pas vraiment trouvé la motivation pour m’entrainer sérieusement. J’ai fait malgré tout quelques jolies sorties trails et randos course mais juste pour le plaisir, sans course officielle qui m’aurait motivé à intensifier mon entrainement.
Et puis au mois d’aout, je me secoue et je décide de m’inscrire au GTL (Grand Trail du Lac) 75km 3600mD+ pour fin octobre afin d’avoir un objectif un peu ambitieux à préparer.
J’enchaine par 15 jours de vacances début septembre avec du trek (sac de 15kg et quelques étapes > 20km avec bon dénivelé) et puis je me remets à la course à pied comme je peux en rentrant. Mais au final je ne fais pas beaucoup de volume : à peine deux semaines à 3 entrainements, le reste à 2 seulement…
Bref le jour de la course approche et je commence à me sentir un peu light, surtout quand je contracte une gastro qui va m’empêcher de manger de J-12 à J-7…


Et c’est le jour J, réveil à 3h30 pour petit déjeuner et être à 4h30 au Bourget du Lac pour la petite souris bleue qui se demande bien ce qu’elle fait là. Elle a très envie de se trouver un petit trou pour se cacher quand elle voit les traileurs affutés et motivés qui l’entourent…
Mais prenant mon courage à deux jambes, me voilà partie dans la nuit noire sur la piste cyclable en direction d’Aix les Bains. Le rythme est régulier : environ 9.5km/h comme convenu, les sensations ne sont pas folles mais ça va.
L’itinéraire est monotone dans la nuit, surtout pour un trail. Mais c’est sympa quand même car on est au bord du lac et surtout ça permet de vraiment étaler le peloton. Au point que quand on arrive dans les petites rues d’Aix les Bains, je suis pratiquement seule. Un coup d’œil derrière : il y a encore du monde qui suit.


On arrive enfin au premier sentier et cela commence par des marches en béton à gravir puis un sentier parfois bien raide. Et là les sensations sont clairement mauvaises, j’en chie déjà alors qu’habituellement j’adore grimper. J’avance quand même mais j’ai aucun jus dans les pattes et le cardio est au max. Je me dis que si ça continue comme cela, ça va être une journée compliquée.
Je m’accroche néanmoins en me disant qu’il est encore très tôt, que je ne suis pas trop bien réveillé. Effectivement la nuit est encore profonde et comme on est dans la forêt j’ai l’impression que le jour ne va jamais se lever, on se croirait en pleine nuit…
Sinon objectivement les sentiers empruntés sont très sympas, quasiment que du single dans les bois. Le terrain est assez gras à cause des pluies des jours précédents, ce qui rend certains raidillons glissants à la montée et qui laisse craindre de mauvaises conditions pour les descentes à venir.
On finit par arriver à un premier ravitaillement, je prends un verre de Coca en espérant que la caféine me réveille un peu.
Le jour se lève enfin et on arrive peu à peu sur les hauteurs où se dévoilent de magnifiques vues sur le lac avec un très légère brume : c’est fantastique ! Je savoure quelques instants mais je ne traine pas trop car il y a un peu de vent et la route est encore longue.
A la Chambotte le second ravitaillement est solide et liquide mais on nous demande de nous désinfecter les mains. Du coup je me retrouve avec les mains toutes gluantes alors je ne savoure pas vraiment les noix de cajou que je viens d’attraper. Bon tant pis, les bénévoles sont aux petits soins alors je garde mon sourire et je fais remplir ma poche à eau, je bois un peu de St Yorre et je mange de la banane.
Je repars assez motivée, la vue est belle, la journée commence enfin, le temps est parfait : tout ça permet d’envisager une belle aventure autour de ce joli lac.


Le sentier continue en single parfois raides à la descente avec quelques cordes pour s’aider puis regrimpe, on n’avance pas bien vite mais c’est chouette. Par contre je commence à m’inquiéter pour la grande descente à venir, j’ai peur qu’elle soit glissante est que ce soit un calvaire.
Mais ça y est on se lance enfin dans la pente et là c’est que du plaisir : le sentier descend juste comme il faut pour bien dérouler, il n’est pas gras : ça accroche nickel sous les chaussures. Du coup les virages s’enchainent à toute allure, je double à foison, en plus il y a un gars en vert qui suit mon rythme. Je m’éclate tellement que j’ai bien chaud, le souffle bien sollicité et je transpire presque plus que dans les montées précédentes. En plus j’ai bien pris soin de rester un maximum décontractée et mes quadris sont pas trop cuits. Je discute un peu avec le gars qui me suivait pour partager le plaisir que l’on a eu à faire la descente ensemble.
En bas on arrive sur la route pour quelques km, j’essaie de courir un maximum pour arriver au plus vite au ravitaillement de Chatillon mais les jambes commencent déjà à être lourdes. Celui-ci se trouve au bord du lac, sur une petite plage. L’endroit est super chouette, en plus il y a de la bonne soupe chaude et salée (il n’y a rien de meilleur à 10h du matin…). Du coup je prends le temps de m’assoir face à la vue pour déguster ce moment. Je regarde mon dossard pour voir la suite jusqu’à la barrière horaire de Chanaz et ça me parait large : il est à peine 10h30 et la barrière horaire est à 8km à 13h.
Le gars à côté de moi me parle de la montée à la dent du Chat et mets en garde la petite souris sur le fait de ne pas la sous-estimer, en effet il me dit que l’année dernière il a mis 2h30 pour y monter… Je garde ça en tête et je décide de pas trainer plus et de repartir du ravito.


On continue un bon moment sur la route, j’ai retrouvé des jambes mais je ne m’enflamme pas.
On descend ensuite le long d’un canal très bucolique, je continue à trottiner car je sais qu’après il doit y avoir un petit raidillon. C’est un peu long mais on finit par y arriver.
Et là c’est droit dans le pentu au milieu des taillis et d’un sous-bois de buis mort, et ça grimpe raide. Qu’est-ce que c’est dur aujourd’hui ! Je souffre de ne pouvoir avancer comme il faut dans les montées comme à mon habitude. Mais je me rends compte que je ne me fais pas vraiment doubler, on est un peu tous dans le même rythme malgré tout. Et c’est long, on n’en voit pas le bout dans cette micro forêt.
Le sentier a l’air d’avoir été créé au milieu du bois uniquement pour la course. Alors quand on entend un chien de chasse aboyer à environ 200m avec sa petite clochette, on n’est pas trop trop rassurés (surtout qu’on avait entendu des coups de feu au loin dans la matinée).
La petite descente sur Chanaz est un peu glissante et il y a quelques passages raides avec un câble alors je prends le temps de descendre en sécurité.
On arrive enfin au ravito mais là pas de soupe reconstituante, rien ne me dit mais il faut que je me pose un moment quand même alors je m’assois pour grignoter mes fruits secs salés. Il n’y a plus non plus d’eau gazeuse alors je bois du Coca. Bon je commence à être sacrément cuite et on a fait que 42km et surtout je n’ai qu’une heure seulement d’avance sur la barrière horaire.


Je repars en cogitant et en calculant, je commence à me dire que ça risque d’être chaud. Surtout que l’énergie ne revient pas et ne risque pas de revenir vu les kilomètres déjà faits…
Je mange mon sandwich et ça me réconforte un peu.
Je passe un panneau Attention chasse en cours, et je me demande de nouveau si les forêts ne sont pas assez grandes pour qu’ils puissent trouver un coin où il n’y a pas une course avec 400 personnes… Franchement soit ils font exprès soit les organisateurs de la course n’ont pas assez bien communiqué. En plus j’imagine bien que pour eux non plus ça ne doit pas être idéal car on doit aussi faire fuir le gibier à courir à la queue leu leu en habits de traileur fluo. Bref parenthèse à refermer, je ne veux pas relancer le débat…
Je m’aperçois que je croise quasiment toujours les mêmes personnes depuis ce matin. Je les double aux ravitos où je m’arrête assez peu mais ils me rattrapent dans les montées où j’ai l’impression de rester scotchée. Dans la tête c’est dur mais je me dis que tant que j’avance, un pas après l’autre, c’est le principal.
En tout cas l’ambiance entre coureurs, à mon niveau, est assez bonne, ça ne parle pas énormément mais toujours un petit mot pour ceux en difficulté ou pour s’encourager mutuellement.
Je croise des bénévoles dans les bois qui me disent qu’on traverse une petite forêt sur un petit sentier et qu’on arrive à Ontex. J’imagine qu’on arrive bientôt mais en fait non, c’est long, ça monte, ça descend mais on n’y est toujours pas… Les sentiers sont sympas quand même mais ça fait un moment qu’on n’a pas vu le lac.


Bref on finit par arriver à Ontex au moment où l’horloge sonne les deux coups. Je me pose, je suis rincée mais je ne suis pas la seule, je prends une soupe mais il y a trop de pâte dedans. Je fais mes calculs, si je veux avoir un peu plus de marge par rapport à l’ascension de la Dent du Chat, il faut vraiment que je sois avant 16h au col. Je me remotive, ça va le faire, dans tous les cas je vais au moins pouvoir monter là-haut.
Je reprends un morceau de banane et du coca et je ne traine pas plus. Et ça continue dans les bois, je me refais doubler de nouveau par les mêmes que d’habitude mais je m’accroche à l’envie de passer la prochaine barrière horaire pour monter tout en haut. J’essaie de courir quand c’est plat et en descente. J’avance comme je peux, au mental depuis quelques heures. Je me retrouve seule pendant un bon moment, je regarde un peu les panneaux de randonnée et j’ai l’impression de ne pas aller plus vite que les temps indiqués alors que je fais mon maximum.

Et puis finalement ça y est j’arrive au col, deux gars repartent du ravito mais sinon je suis seule. Les bénévoles sont aux petits soins et j’ai les larmes aux yeux tellement je n’y croyais plus. Ils me disent de prendre mon temps, que j’ai 30min d’avance sur la barrière horaire. La fille en rose que j’ai croisé toute la journée arrive enfin, je lui demande si son genou va mieux et on demande combien de temps il faut pour monter là-haut. Les bénévoles essaient de nous rassurer, ce n’est que 5km…
Je me rends compte que la course n’est pas finie et qu’il va falloir batailler encore pour aller au bout alors je repars, le mors aux dents, bien décidée à ne pas me faire croquer par le Chat.
Devant moi, 860m de D+, je me mets en mode warrior, je donne tout, c’est la dernière montée. Je grimpe, je grimpe et je finis même par rattraper quelques gars devant. Je pousse sur les jambes et les bâtons, je m’encourage, je prends enfin du plaisir à sentir que j’avance bien alors que je devrais être cuite. J’aime ça la montée et je ressens enfin comme d’habitude cette sensation de quête d’altitude. Je veux arriver en haut, voir la vue, le lac, je ne pense plus qu’à ce sommet.
Après un passage exposé en traversée mais sécurisé par des cordes mises par les bénévoles, on s’approche de la pente finale. Il y a un photographe qui nous attend dans le vent, la vue est époustouflante (surtout qu’on n’a pas vu le lac depuis Chatillon). Ça vaut le coup de faire tout ça, je ne regrette rien, quel bonheur d’être en haut !
Par contre il y a pas mal de vent et je suis toujours juste sur la barrière horaire alors je ne fais même pas le détour jusqu’au point de vue. J’enchaine le sentier sur la crête en espérant rallier rapidement le relais de l’Aigle. Mais plus j’avance moins je le vois. Heureusement on est un peu à l’abri du vent avec les arbres (mais je dois quand même retenir mon dossard plusieurs fois pour qu’il ne s’envole pas), mais je ne vois pas le bout, Je suis seule à me battre contre les éléments et le temps qui défile, cela me parait interminable.


Au final malgré ma bonne montée j’arrive à 18h au relais de l’Aigle (seulement 30min avant la BH).
Je n’ai plus envie de manger quoi que ce soit mais on me propose un thé et finalement avec un sucre, ça passe bien.
Je discute avec les bénévoles et je leur demande si ce n’est pas trop juste pour descendre dans les temps. Ils me rassurent : 1h30-1h45 et de toute façon la BH n’est pas appliquée strictement. Mais moi je sais que ça va être long avec la fatigue et la nuit qui va tomber et par principe je n’ai pas fait tout ce chemin pour arriver hors barrière horaire.
Il ne fait pas chaud, le temps parait même se gâter au loin alors je repars au moment où un gars arrive au ravito.
Je trottine sur le plat puis le sentier devient raide et surtout il est couvert de feuilles qui cachent les cailloux. J’ai peur de me blesser, je n’aime pas ne pas voir mes appuis, je suis fatiguée alors je n’avance pas. Le gars finit par me rattraper au bout d’une heure, il a mis la frontale, bonne idée… Il ne s’attendait pas à me rattraper dans la descente mais je n’arrive pas à le suivre. En plus j’ai mal au ventre depuis un moment et la descente n’arrange pas les choses. Bref je lutte pour descendre au plus vite quand même. Mais au bout d’un moment je suis obligée de m’écarter du chemin et d’éteindre ma frontale pour faire une pause technique.
Je vois passer un bon groupe et une fois soulagée, je repars avec l’objectif de les rattraper pour ne pas rester seule dans la nuit et surtout me forcer à relancer un maximum car le temps passe. J’en double quelques-uns puis je rattrape la fille en rose et son copain. On rejoint enfin la route, je sais que le timing est serré mais je ne veux plus regarder ma montre, je relance un maximum, je me bats contre moi-même et mon corps qui n’en peut plus.
J’entends le speaker, on passe dans un tunnel et l’arche d’arrivée est là mais déjà par terre, en cours de dégonflage. Le présentateur m’accueille, me fait marcher dessus et j’en ai enfin fini… Il est 19h55, soit 5min avant la BH ! On peut dire que j’ai eu chaud aux fesses. On nous offre des bières car nous sommes les derniers à être dans les temps.
Je suis explosée, carbonisée mais soulagée d’être enfin arrivée…
Finalement la petite souris bleue a réussi à boucler le tour du lac sans se faire rattraper par ces messieurs ni se faire croquer par le chat…


Par contre pas de massage à l’arrivée pour moi, ils sont en train de tout démonter. Je profite quand même d’une douche tiède et du repas. En même temps je comprends : ça fait plus de 7h que les premiers sont arrivés et la plupart des bénévoles sont debout depuis 5h comme nous.

Pour faire un bilan :
-    L’entrainement n’est pas inutile, ça peut même grandement servir pour ne pas subir la course…
-    Le mental peut permettre d’aller au bout quand même et même de retrouver de l’énergie dans la dernière grosse montée alors qu’on s’imaginait vide depuis des km. Au final je suis plutôt fière de moi et surtout d’avoir fini dans les temps.
-    Le parcours était top, j’ai adoré les sentiers : quasiment que des singles, des vues incroyables sur le lac, de belles forêts… et un peu de route mais le plus gros était le matin très tôt et je n’ai pas trouvé ça gênant : au contraire ça permet de se réveiller en douceur et surtout d’étirer correctement le peloton et d’éviter complétement les bouchons.
-    Les bénévoles étaient formidables, toujours là pour nous et à profiter de la course aussi.
-    Le temps idéal (surtout par rapport aux pluies diluviennes annoncées quelques jours avant), pas trop froid, pas trop chaud, avec quelques éclaircies et beaucoup de vent sur la fin. Heureusement car sinon les tentes de ravitaillement auraient été un peu juste pour abriter tout le monde.
-    L’ambiance entre coureurs très sympa : aucune compétition, que du partage et du soutien
Conclusion : une course à conseiller et à découvrir, j’imagine même y revenir une prochaine année un peu mieux préparée…

3 commentaires

Commentaire de Arclz73 posté le 29-10-2019 à 11:20:51

Bravo et merci pour ce récit.
Belle preuve de force mentale cette course.
Dommage qu'ils démontent tout avant la fin du temps imparti quand même...quand on arrive dans les temps c'est quand même symbolique de passer l'arche debout !

Commentaire de cyrille38 posté le 29-10-2019 à 13:49:30

Bravo, tres beau CR.

Commentaire de Benman posté le 30-10-2019 à 07:54:09

Merci pour ce récit qui peut d'envisager cette course un jour. Bravo pour ta ténacité et ton mental.

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