Récit de la course : Le Grand Raid du Mercantour 2001, par la linotte

L'auteur : la linotte

La course : Le Grand Raid du Mercantour

Date : 21/7/2001

Lieu : Saint-Martin-Vésubie (Alpes-Maritimes)

Affichage : 1395 vues

Distance : 110km

Objectif : Pas d'objectif

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Le récit

Vendredi 20 juillet, 17h environ...

Je joue au tennis avec mes filles mais j'ai la tête ailleurs et une
grosse boule à l'estomac, je n'aime pas les heures qui précèdent un
grand évènement, je n'arrive pas à penser à autre chose qu'au challenge
que je me suis lancé et pour tout vous dire j'ai la trouille..........

Peur de décevoir, peur de me décevoir, peur de me réveiller encore trop
tôt sans être allé au bout de mon rêve........

L'arrivée de Catherine (LOOP) et d'Hervé (un copain), me permet de me
décontracter un peu,
comme si le fait de parler de quelque chose permettait d'en atténuer
l'importance....... A la remise des dossards nous apprenons que le
circuit est modifié, car le nombre de coureurs inscrits (190), ne permet
plus de passer par la vallée des merveilles...dommage...surtout que
cette modification du tracé va augmenter le dénivelé de 600m !!!

Ces formalités accomplies, nous nous retrouvons à table, Christine nous
a fait des pâtes, il nous faut prendre des forces car nous allons en
avoir besoin. Après avoir mangé je vérifie encore une fois mes affaires
(en fait mon sac est déjà prêt depuis plusieurs jours !!!), mais j'ai
toujours l'impression d'oublier qq chose d'important...... D'ailleurs en
parlant de sac, j'aurais dû dire mes sacs car en fait j'en ai
trois....le sac que j'emporte, celui que je récupèrerais au 67ème km et
un pour l'arrivée avec des affaires de rechange.......... Le fait que
Catherine nous suive avec la voiture nous permet que d'emporter le
strict nécessaire, j'apprécie ce confort, on pourra toujours se
rattraper si l'on a oublié qq chose d'important.......la seule chose que
je regrette c'est de ne pas avoir donné mes bâtons à Catherine car
j'aurais pût les récupérerà la Madone de Fenestre au 32ème km, juste
avant les plus grosses difficultés, et les lui rendre ensuite à la
Baisse de Tueis au 67ème km.

La nuit d'avant course, comme d'habitude fût courte et agitée mais comme
çà fait 15 jours que je dors 10h par nuit çà ne m'inquiète pas, j'ai du
sommeil d'avance, je suis bien reposé et je me suis adapté à
l'altitude.......d'ailleurs j'ai mis à profit ces 2 semaines pour faire
de belles randonnées, j'ai d'ailleurs fait les 18 premiers km de la
course, ils sont très roulant et les paysages magnifiques...... Ces
sorties mon permis aussi de valider mes chaussures Eider, maintenant
qu'elles se sont faites à mes pieds je les trouve super, elles sont
confortables et surtout d'une stabilité et d'une rigidité étonnantes, je
n'ai d'ailleurs plus aucun problème avec mes chevilles depuis que je les
ai adopté......j'ai enfin trouvé chaussure à mon pied ;-)))


Samedi 21 juillet, 3h30......

On y est, c'est le grand jour...même si il fait encore nuit........
Habillage, petit déjeuner, derniers préparatifs.........il est 4h45
lorsque l'on quitte l'appartement pour se rendre au point de départ,
Christine et mes 2 filles se sont levées pour nous voir partir ce qui me
fait plaisir lorsque je pense que j'ai du mal parfois à les faire se
lever à 9h !!!!

A l'arrivée, j'ai l'impression que l'organisation est un
peu dépassé et que le départ se fera avec un peu de retard........je
note les n° de dossard de Lionel et de Valérick (des copains de la net team
de LTDB) et j'essaie de les
retrouver........ Vers 5h15, une nuée de coureurs apparaît, c'est le bus
de Lucéram qui vient d'arriver avec un peu de retard, et c'est au
contrôle des dossard que j'aperçois enfin Lionel, j'ai juste le temps de
lui dire un petit bonjour car il doit encore passer au contrôle du
sac............ Il est 5h30 lorsque tous les coureurs sont demandés sur
la ligne de départ pour le briefing d'avant course et c'est à ce moment
là que je fais la connaissance de Valérick, le temps de discuter un peu
et c'est presque 6h lorsque le départ est donné.......le jour se
lève.......

Valèrick (il mettra 16h !!!) nous accompagne jusqu'au col de Mercière, nous
avons parcouru
3km et 342m de D+ ensemble et qq mètres de descente, lorsqu'il prends
son rythme de croisière...... on ne le reverra plus........et c'est
aussi là que j'ai fait ma première erreur tactique, j'aurais jamais dû
le quitter ce gars là......:-)))

Une fois le col de la Mercière passé je savais que les 15 km suivants,
jusqu'au gîte de Boréon, était tout en faux plat descendant, on décide
donc de courir jusqu'à ce point, en se laissant aller dans la
pente.......en fait on marchera juste sur 1km pour passer le col de
Salèse (100m de D+).

2h30 plus tard (8h30), on se retrouve donc au 1er ravito, pour l'instant
tout va bien, mais je sais que c'est à partir de maintenant que les 1ère
difficultés vont commencer car l'on va passer de 466m à 1414m d'altitude
pour passer le Pas des Ladres. Dans cette montée Hervé donne le rythme,
on monte bon train et l'on double pas mal de coureurs, à un moment il me
semble que l'on franchit un col, c'est tout plat avec plusieurs petits
lacs magnifique, mais je ne vois pas comment on va sortir de là car tout
autour je ne vois que des montagnes !!!!!! Tout à coup Hervé me montre
le vrai col......vindiou....il faut encore monter tout çà !!! moi qui
croyais que l'on allait basculer........on aperçoit tout plein de petits
points, ce sont des coureurs devant nous.......impressionnant.......j'ai
l'impression que ce sommet est au bout du monde !!!!

Il est environ 10h, lorsque enfin on atteint le sommet, les derniers
mètres sont durs et j'ai du mal à suivre le rythme d'Hervé, je me suis
mis à bloc dans cette montée........et je suis content de basculer vers
le prochain ravito à la Madone de Fenestre (32ème km, alt. 1903m), où
l'on retrouve Catherine qui est venu à notre rencontre..............

Là, j'en profite pour refaire le plein d'eau et me changer de maillot,
de chaussettes et me pommader les pieds car çà commenceà chauffer sous
les orteils..... Catherine récupère mes affaires sales (c'est toujours
çà de moinsà porter) et nous repartons vers une autre ascension la
Baisse des Cinq Lacs (alt. 2385m), Catherine nous accompagne. Devant le
rythme un peu trop rapide d'Hervé, je décide de passer devant pour
donner le tempo car à cette allure je sens que je ne vais pas pouvoir
aller au bout de ce périple.......et j'avais raison car qq centaines de
mètres avant de basculer, le quadriceps de ma jambe gauche devient de
plus en plus dur, je suis déjà victime de ma 1ère crampe !!!!!!! Un
petit massage à l'arnica me permet de repartir, mais 100m plus loin çà
recommence et je suis obligé de m'asseoir tellement la douleur est
vive........je ne peux plus plier la jambe !!!! Catherine est à mes
cotés et ne sait plus trop quoi faire, lorsque une coureuse nous
doublant, s'inquiète de mon état et me suggère de verser de l'eau froide
sur la jambe, ce que fait aussitôt Catherine........et oh,
miracle.....comme par enchantement la douleur disparaît et nous
repartons rejoindre Hervé qui nous attend un peu plus haut........

Là Catherine nous laisse et nous redescendons à 2000m pour remonter à
2390, à la Baisse de Prals. Dans cette nouvelle montée je suis obligé de
m'arrêter souvent car même si la crampe à disparu, je la sent latente,
près à ressurgir à tout moment......... A ce moment là je me pose
beaucoup de questions et je ne me donne pas beaucoup de chance de
terminer, on a parcouru une cinquantaine de km et le plus dur reste à
faire........... Je demande à Hervé de continuer sans moi, çà ne sers à
rien qu'il m'attende et bizarrement j'ai envie de rester seul et de
gérer ma course.......... En m'économisant au maximum, je fini par
atteindre le sommet et je bascule sur St Grat où m'attends le prochain
ravitaillement et je l'espère un kiné pour remettre la bête en
état.......(à suivre)........

Il est environ 14h lorsqu'enfin j'arrive à St Grat (km53 et alt.1480m),
après une descente longue et monotone, où malgré tout je double 3
coureurs.............. A St Grat, quelle ne fut pas ma déception (et je
n'étais pas le seul), lorsqu'on me dit qu'il n'y avait pas de kiné sur
la course........ils étaient tous à l'arrivée ??? Heureusement, un
bénévole qui se dit masseur, me propose de me masser la jambe et réussit
à supprimer la boule que j'ai sur la cuisse.......merci cher bénévole
car sans toi je crois bien que je n'aurais jamais vaincu cette sacré
cime du Diable.................. Eh, oui, ce moment de la course est
crucial, 1200m de dénivelé m'attende et l'organisateur nous à promis des
passages délicats, pierrier immense, névé, etc.......

Je repars avec quelques concurrents, vers une ascension qui n'en fini
pas, mais c'est tellement beau et féerique que j'en oublie parfois la
douleur........ Des cascades d'une eau limpide, des chamois, affolés
certainement par des coureurs, passent à qq mètres de moi, un aigle, le
cri des marmottes, un pierrier aussi beau que grandiose qui met mes
facultés d'équilibriste à rude épreuve, un névé.........c'est immense,
grandiose, magnifique...........et parfois l'envie me prends de
m'allonger, là au soleil, pour profiter de ces moments
inoubliables........ mais il me faut continuer, le chemin est encore
long jusqu'au sommet, et en voulant économiser ma jambe gauche j'ai
rendu la droite jalouse et je sens des prémices de crampes dans celle-là
aussi....... Malgré tout, même si j'ai le sentiment de ne pas être au
mieux, j'ai lâché tous les coureurs qui étaient avec moi au départ de St
Grat et dans l'ultime coup de rein pour atteindre le sommet je rattrape
2 autres coureurs qui bizarrement sont victime du vertige............moi
ce qui me donne le vertige c'est la beauté du paysage et lorsque
j'atteint enfin le sommet à 17h, une vue magnifique à 360° s'offre à
moi, j'aperçois la mer, les Alpes dans toute leur splendeur et plus bas
la Vallée des Merveilles avec tous ses lacs au reflet d'argent, vallée
que l'on aurait dû traverser.........dommage................

La descente se fait par un chemin sur des crêtes, et si le début est
assez technique et dangereux la suite devient plus roulante, je suis
seul et au bout d'un moment j'ai un coureur en point de mire que je fini
par rattraper.........c'est une coureuse, celle qui quelques heures
plutôt m'avait conseillé de m'arroser ma crampe d'eau
froide...........je là remercie de son conseil et nous faisons qq kms
ensemble en bavardant...........à un moment, la piste s'élargit et
devient plus roulante, elle me conseille de là laisser et de courir un
peu afin de dégourdir mes muscles et de chasser l'acide lactique
accumulé..........et ce sera encore un autre bon conseil car j'arrive à
la Baisse de Tueis (km 67, alt. 1889m), vers 19h, en pleine forme, et je
retrouve avec beaucoup de plaisir Catherine...

J'ai mis 13h pour parcourir les 67 premiers et plus durs km et je suis
loin de penser qu'il m'en faudra encore autant pour rejoindre
l'arrivée...........

A cet instant de la course, je me voyais bien terminer en moins de 20h
car d'après le road book il ne restait plus qu'une quarantaine de km à
parcourir avec moins de 1000m de dénivelé, soit 7 h de
course...........et aujourd'hui je n'ai pas toujours compris pourquoi il
m'en a fallu presque le double ????

Donc me voilà reparti vers 19h30, aprés avoir ingurgité 2 assiettes de
pâtes, changé mes vêtements et refait le plein de ma poche à eau. Les 3
premiers km se font sur la route et en descente, je cours un peu et je
double 2 coureurs, au bout d'un moment je marche car j'ai un doute et je
me demande si je ne suis pas allé trop loin, mais des marques sur la
chaussée me rassurent et Catherine me double avec sa voiture avec un
petit coup de Klaxon d'encouragement........ Après un restaurant il faut
prendre le sentier col de Turini et remonter une piste de téléski, je
suis un peu distrait (la fatigue peut être) et ne trouvant plus de
rubalise, j'ai un doute et je me retourne et je vois en bas les 2
coureurs que j'ai doublé il a 5', qui tournent à droite .......m...., je
suis allé trop haut........... Je reviens sur mes pas en me disant que
si je rattrape à nouveau les coureurs ils vont me prendre pour un
branque........je réduis donc mon allure en faisant attention cette fois
ci à ne pas me tromper de chemin........et je ne les rattraperais que
bien plus tard, mais il fait alors nuit et ils ne me reconnaissent
pas.......ouf, l'honneur est sauf.

Il est environ 22h lorsque j'arrive à Peira Cava (km 79), des imbéciles
ont enlevé la rubalise et l'on est revenu sur nos pas croyant nous être
trompé, puis l'on a rencontré d'autres coureurs qui s'inquiétaient eux
aussi.........ce qui nous a fait perdre beaucoup de temps....... A ce
ravitaillement il y a de la soupe (j'en reprends 2 fois) et surtout des
ostéopathes pour nous remettre d'aplomb.......... J'en profite aussi
pour regarder le cahier de contrôle et je vois que Hervé est passé à
20h40....... J'hésite à repartir seul dans la nuit et je propose à un
coureur que l'on fasse le chemin ensemble, il me réponds qu'il allait me
le proposer et juste au moment où nous allions partir la fille qui
m'avait prodigué des conseils pour ma crampe et que j'avais rejoint
après la cime du Diable nous demande si elle peut se joindre à
nous.......nous voilà donc parti tous les 3, dans la nuit noire car il
n'y a pas de lune mais seulement un beau ciel étoilé........ Quelques
centaines de mètres plus loin un coureur nous rattrape et se joint à
nous, nous partons donc à 4 et nous décidons que quoi qu'il arrive nous
finirons ensemble..............ce que nous ferons...........

On est pas trop de 4 pour trouver notre chemin, les rubalises sont trop
espacées et pour éviter de se perdre il faut parfois qu'un coureur reste
à la dernière rubalise trouvée jusqu'à ce que l'on trouve la
suivante.....nous progressons lentement mais sûrement...........

Au col du Lautaret on trouve un couple enveloppé dans une couverture de
survie, ils ont cherché pendant une heure sans trouver leur chemin et la
fille étant complètement épuisé et en hypo, ils ont décidé de rester là.
Un copain à eux est parti chercher des secours mais apparemment il est
parti dans la mauvaise direction..... Après leur avoir demandé s'ils
avaient à manger et à boire, on décide de continuer, on préviendra les
secours dès que possible.......il nous faudra une bonne 1/2 heure pour
trouver la rubalise indiquant le cheminà prendre et au bout d'une heure
de marche on croise des pompiers, ils ont été averti et ont remis le
coureur égaré sur la bonne voie...............

La route jusqu'à Coaraze est interminable, c'est un petit sentier
étroità flanc de montagne, avec des passages délicats et des a-pics que
l'on devine à la lueur des lampes, c'est la partie de la course que j'ai
le moins aimé, j'avais l'impression de refaire toujours le même
chemin............INTERMINABLE..................

Il est 5h lorsque nous arrivons enfin à Coaraze (km98), 15' d'arrêt et
nous repartons pour galérer encore dans des sortes de dunes où l'on
peine à trouver notre chemin, de plus cette partie est glissante et la
moindre difficultés met nos muscles à rude épreuve, encore 300m de
dénivelé et nous devrions apercevoir enfin l'arrivée..........mais rienà
faire on n'aperçoit jamais Lucéram.............. Le jour se lève et il
fait rapidement chaud, nous marchons comme des automates et l'on
aperçoit parfois des coureurs un peu plus loin, une grande descente nous
fait croire que l'arrivée est proche mais il nous faut franchir encore
une nouvelle montée (qui n'est pas mentionné sur le road book), pour
enfin apercevoir au loin ce petit village, tant
espéré.........LUCERAM..................

Encore quelques marches dans levillage et nous franchissons la ligne
d'arrivée main dans la main, il est 8h30 et j'ai du mal à croire que j'ai
enfin réalisé mon rêve.........je suis enfin rentré dans le club des cent
bornards !!!!!!!!!


La linotte


PS : Jamais le dicton d'Esnambuc ne m'a paru aussi vrai et aujourd'hui
je n'ai gardé que les bons môments et je suis prêt à recommencer.......
avec pourquoi pas terminer le Canigou l'an prochain (en - de 20h).

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