Récit de la course : EmbrunMan 2007, par augustin

L'auteur : augustin

La course : EmbrunMan

Date : 15/8/2007

Lieu : Embrun (Hautes-Alpes)

Affichage : 1096 vues

Distance : 232km

Objectif : Se défoncer

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Embrun 2007 ou « Le difficile choix de la raison »

Embrun 2007 ou « Le difficile choix de la raison » 

 

Ah Embrun….les mythes ont la vie dure, ces mots magiques dans le monde triathlètique résonnent comme un graal et font briller l’œil du public averti.

Comme disait mon saint patron, « le meilleur moyen de résister à la tentation, c’est d’y céder ».

Partant de ce principe là, et vu que l’on n’a qu’une vie, eh bien je me suis dis : pourquoi pas moi ?

 

Ce mot mythique d’Embrun renvoie en fait au triathlon réputé comme étant… le plus dur au monde.

C’est un triathlon distance Ironman mais classé en « hors-catégorie » de par la difficulté de ses parcours cycliste et pédestre.

Il consiste à enchaîner 3,8 km de natation (le seul moment plat de la journée) puis 188 km de vélo (dénivelé positif de 3 850m et non 5 000m comme annoncé) et enfin un marathon (400m de D+) pour finir….

Cette épreuve a la chance d’avoir lieu en France, dans le département des Hautes Alpes près de Gap et à lieu traditionnellement chaque année le 15 août et ce depuis 24 ans.

Chaque année environ 900 doux allumé(e)s se retrouvent au départ de cette grand-messe, les premiers finiront en 10h et les derniers, 8h de plus.

 

A Embrun la 1ère victoire est d’être au départ, la seconde est d’être « Finisher ». J’espère pour ma part bientôt appartenir à cette seconde partie !

J’avais quand même un petit objectif pour le jour J : 59 minutes de natation, 5 minutes pour T1, 7h30 de vélo, 4 minutes pour T2 puis 3h45 pour le marathon (donc un temps final d’environ 12h30).

Carrément ambitieux en fait (classement dans le top 100) mais comme dit le proverbe « qui ne tente rien n’a rien ».

 

Pour arriver à ces fins, mon bilan depuis le 1er janvier me donne les résultats suivants :

143 km de natation

2 700 km de vélo

61 heures de home-trainer

975 km de cap

Soit en tout 270h (donc une moyenne à 8h30 par semaine) consacrées à cet objectif…

 

Ma préparation était calée sur 7 mois, avec comme épreuves intermédiaires un triathlon demi-Ironman (début juillet, finalement pas fait…), quelques courses de natation (pas faites non plus !), de course à pied (semi-marathons), de duathlon et enfin une cyclo-sportive de 203 km.

 

Je suis paré, ai longuement préparé (au moins dans les détails, moins dans la quantité d’entraînement !) ce jour tant attendu. Je n’aurai donc rien à regretter si d’aventure les choses ne se passent pas comme prévu.

J’ai encore beaucoup à apprendre en termes de « gestion de course » comme me l’ont montrées mes analyses des IM précédents, donc si j’arrive à organiser ces paramètres dans le bon ordre cela doit pouvoir fonctionner au poil.

De plus, par chance je n’ai eu aucun pépin de santé à déplorer, n’ai jamais été blessé et touche du bois pour ne pas le devenir…

 

En natation, je ne me suis entraîné que 1 à 2 fois par semaine pour cause de disponibilité (que les week-ends en fait), cela fait déjà près de 3 ans que je fonctionne ainsi donc pour Embrun je compte capitaliser sur mes acquis. N’étant pas du tout nageur à la base mais ayant réussi par 2 fois à nager en 58’ sur distance IM, je ne compte rien changer à ma méthode (je suis mon propre coach).

Je suis légèrement sous-entraîné par rapport à l’an dernier à la même époque mais la différence est négligeable.

 

En vélo, ça se corse, autant la natation n’est pas mon truc, autant le vélo l’est encore moins. Cependant l’exceptionnelle clémence des températures cet hiver en Hongrie m’a permis de ne jamais arrêter de rouler alors que les années précédentes cela n’était possible qu’à partir…d’avril L

Et comme je n’ai jamais fait de vélo en montagne, eh bien je suis parti à la pêche aux infos sur le Net et même ai dégoté une vidéo de la descente de l’Izoard à vélo afin de visualiser ces « fameux » lacets !

J’ai aussi pu visionner les vidéos d’Eurosport sur les éditions 2005 et 2006 de l’Embrunman, riches en enseignements.

Côté matos, j’ai investi dans un pédalier compact 34*50 et dans une cassette « pour grimper aux arbres » avec 12-27. Association chaudement recommandée qui au moins me permet de jouer la sécurité et de garder ainsi du jus pour le marathon…

Je sais pourtant que je suis « light » en kilométrage mais bon…l’an passé 2 700 km c’est ce que j’ai fait sur une année complète, là c’est fait en 7 mois alors pour moi c’est bien J.

Enfin je compte sur mon fidèle destrier Orca m’ayant déjà accompagné lors de mes 4 IM précédents, et cette fois chaussé de Ksyrium SSC SL2 je suis prêt pour la bataille.

 

En course à pied, mon ex-spécialité, je suis plus à l’aise et bien conscient de mon kilométrage. L’an passé j’étais arrivé à Roth avec « seulement » 500 km dans les pattes et je l’avais amèrement regretté, cette année j’espère que mes presque 1 000 km suffiront.

 

Changement de dernière minute dans mon programme d’organisation, je n’arriverai à Embrun que l’avant-veille de la course après avoir effectué 1 700 km en camionnette (Budapest - Rouen) puis enchaîné avec 1 000 km en voiture (Rouen - Gap)…en 3 jours non-stop.

Ma femme et moi logeons à Gap (40 km d’Embrun) grâce à la chaine hôtelière Accor qui me sponsorise en me logeant à titre gracieux, c’est idéal.

 

Le lundi 13 août : je garde en mémoire les conseils avisés d’un ami ancien international de triathlon et spécialiste Ironman, ne pas piétiner, garder en tête qu’il faut SE REPOSER. C’est bien joli mais le temps presse pour moi, je file au retrait des dossards, puce et plaques vélo et retrouve un forumeur, Actarus, en rade de roue AR pour la course, je le dépanne donc bien volontiers en lui prêtant ma roue d’entraînement.

Je pars avec ma femme pour une reconnaissance d’une partie du parcours en voiture, en fait le trajet Briançon-Embrun avec biens sûr les côtes de Pallon (argh !) et Chalvet (ça ne va pas être triste !)

Puis préparation des différents sacs de transition une fois revenu à l’hôtel.

 

 

Le mardi 14 août :

En cette veille de course, au programme le briefing de l’organisation bien sûr mais aussi le rendez-vous des forumeurs Onlinetri, où seuls Actarus, Seb et moi seront présents.

Au lieu de glander et de tourner en rond je vais nager dans le lac pendant 30 minutes, rythme cool, sensations OK.

 

Retrait des puces, plaque de cadre, dossards et sacs de transition en gardant en mémoire que le sac de l’Izoard ne peut contenir que du ravito et ni outils ni habillement (les sacs ne seront pas redescendus par les organisateurs, chose à savoir).

Dépôt des vélos dans le parc, je suis au milieu des 40 autres individuels qui comme moi ne sont pas club et première bonne surprise je suis presque en bout de rangée et comme mon voisin ne viendra finalement pas, je peux donc m’étaler (ce qui est un luxe vu la taille riquiqui du parc). Repas léger le soir pour bien dormir et reprendre la maximum de forces pour le lendemain matin.

 

 

Le D-Day :

Lever peu avant 4h, je réveille ma douce et me résigne déjà à avaler ce que je peux du gâteau sport fait maison, pas fameux j’ai toujours autant de mal à m’y faire. Un micro petit-déjeuner plus tard à côté des compétiteurs espagnols qui logent au même hôtel, nous filons vers Embrun pour arriver au parc à vélo à 5h.

L’an dernier il faisait un froid de canard en cette fin de nuit (normal, Embrun est à presque 900m d’altitude) : à peine 6-8° donc polaire et bonnet de rigueur, mais pour cette édition c’est incroyable, il fait déjà 19° avant 6h…Sauf que du coup cela laisse présager une température caniculaire de forte mauvaise augure pour nous…

Marquage à l’entrée du parc et dépose du sac ravito perso qui sera collecté au sommet de l’Izoard, petit à petit chacun est dans sa bulle, je vois Actarus qui me rend finalement ma roue car un de ses collègues de club lui en a prêté une et question organisation ce sera plus simple pour tous.

 

A partir de maintenant les gestes sont connus, il faut commencer par aller regonfler les pneus puis préparer le sac de transition natation / vélo, fixer les barres énergétiques et gels dans la sacoche de cadre, fixer le bidon d’iso et enfin un détour au p’tit coin.

Ambiance calme et sereine dans le parc, et surtout…un incroyable silence.

Les visages sont fermés, les athlètes concentrés bref une ambiance unique qui fait frissonner en cette matinée pas fraîche du tout.

Il est temps de s’équiper maintenant, combinaison, bonnet et lunettes et chrono prêt à bondir.

A 5h55 les quarante femmes et les handisports (Etienne Caprin seul ?) s’élancent dans les eaux noires du lac, spectacle troublant et unique alors que le soleil n’est toujours pas levé.

 

Pour nous, le départ a lieu à 6h du matin, évidemment il fait toujours nuit et l’ambiance est particulière, avec notamment ces flashes qui crépitent de partout.

Nous sommes près de 850 concurrents au départ cette année. Arrivé un peu tard j’ai du mal à me placer dans le pack mais dès que nous serons autorisés à s’avancer jusqu’à la ligne, je tâcherai de mieux me positionner.

Au programme, 2 boucles dans le lac de Serre-Ponçon, l’eau est très bonne (22° !) et heureusement les combinaisons sont autorisées.

Je me place devant (3ème ligne) pour une fois, un peu ambitieux mais j’ai un objectif qui devrait me classer dans les 100 premiers concurrents.

Au top départ, ça bastonne pas mal, ça nage même plutôt fort et le niveau est relevé.

La logistique est gérée par des canoës qui nous accompagnent afin de nous guider car les bouées, bien qu’éclairées, ne sont pas faciles à repérer. C’est la galère, il y a toujours du monde autour dans l’eau, les routes se croisent et on ne peut pas encore nager normalement, il faut éviter les coups…et passer les bouées sans se faire coincer à l’intérieur. Puis c’est la fin de la première boucle, bonnes sensations de glisse, rythme régulier, je m’applique…mais pas le temps de regarder le chrono, car ça bastonne encore à la bouée.

Début donc de la 2ème boucle, peu après 6h30 le soleil se lève, je reste appliqué et dans la dernière ligne droite je remets en marche mes jambes afin de les préparer pour la suite.

 

Sortie de l’eau en 59 min 52 à ma montre (116ème temps). Argh c’est 1 minute de plus que prévu, mais vu les conditions, c’est négligeable.

Je me dirige vers mon (grand) emplacement, première transition rapide, les gestes sont connus et calculés mais en prenant le temps de rester efficace (surtout bien se sécher car à 7h du matin en montagne il fait un peu frais). Je peste car n’arrive pas à m’habiller correctement, je suis encore mouillé et je dois tirer comme un malade pour enfiler mes fringues, alors je m’énerve.

J’attrape mon fidèle destrier pour cette aventure et me précipite vers la sortie du parc.

La transition aura duré 5’06 minutes (5’ prévues), tout va bien, je suis bien classé, mais je reste humble car je sais qu’à vélo je vais jouer profil bas !

 

Vélo :

Dès la sortie du parc le public est nombreux pour nous encourager, je reste calme car je suis prévenu : nous attaquons par 200m de plat puis déjà 10 km de montée (vers Les Puys) à environ 10%. Comme ça, on se retrouve tout de suite dans l’ambiance… et ça calme.

Peu de monde autour de moi, cool ça veut dire que j’ai fait une bonne natation (depuis les premières hauteurs on peut encore voir les concurrents qui terminent l’épreuve de natation accompagnés des canoës de l’organisation), mais je sais que beaucoup me doubleront à vélo…et aussi que j’espère pouvoir les reprendre sur le marathon, enfin… si tout va bien !

Petit check-up : primo content d’être là J secundo en forme, bien équipé (veste ouverte mais pas encore besoin des manchettes) car je crains beaucoup le froid (impossible pour moi de faire du gras !)

J’appréhende forcément cette partie cycliste, je n’ai fait qu’une cyclo de 200 bornes et un entraînement de 130 km il y a 3 semaines…par contre je suis spécialiste des entraînements de 32 km J ! (correspond à mes sorties vélo de semaine, bon d’accord ce n’est pas ça qui fera la différence aujourd’hui !).

 

Les risques sur un tel parcours sont principalement les variations de température, les ascensions répétées, la chaleur…et le vent. Sans parler d’un éventuel pépin mécanique !

Dans cette première boucle de 40 km autour du lac de Serre-Ponçon, après les 10 premiers km de montée on reste un peu sur la crête jusqu’aux Méans (1 260m d’altitude), ça monte et descend un peu avant de descendre vers les Rousses et St Apolinaire entre les 20 et 30ème km. La route que l’on rejoint après est un vrai billard et malgré le vent de face (forcément) l’allure est bonne. Passage par Savines puis traversée du pont en direction de Savines le Lac et plus tard de Crots.

Peu après le 40ème km on passe par Baratier pour rejoindre le rond point des Orres, connu des compétiteurs car beaucoup de public à cet endroit. Heureusement que je n’avais pas donné rendez-vous à ma femme ici car il y a vraiment beaucoup de monde et nous passons rapidement, donc n’aurait pas eu le temps d’en profiter.

Au 45ème km le parcours croise Embrun, puis direction la route des traverses via St André d’Embrun et

St Clément au 60ème km. Là, le ravito est bienvenu, même si peu de tables donc c’est soit eau soit solide mais pas les deux, les tables ne sont pas assez longues pour permettre les deux (à moins de s’arrêter bien sûr).

Je passe à Guillestre après un peu moins de 2h30 de vélo, nous en sommes au 65ème km et direction les gorges du Guil.

De la Maison du Roy (juste après Guillestre) jusqu’au début du col je sais que la route a été refaite et que le revêtement est idéal, ça fait du bien de rouler sur du billard.

Dans ces gorges justement, la route a été fermée à la circulation cette année, les paysages sont magnifiques, mais je sais que c’est dans ces portions de faux-plat qu’il ne faut pas s’enflammer car la course ne commence qu’à Briançon (120ème km quand même !) comme nous l’ont appris les vieux briscards de la discipline.

Nous sommes en plein dans ce qui s’appelle le Queyras et ce n’est pas tout plat, on ne nous a pas menti ! (en fait 400m de D+ sur 10 km). Un coup d’œil sur mon chrono m’apprend que je passe le 80ème km en pile 3h. Cool.

Voici Arvieux qui se profile, synonyme de ravitaillement et nous sommes maintenant au 95ème km et l’altitude est de 1 514m. Ravito à la volée comme d’hab’ puis la route commence à se corser. En effet, on voit les lacets qui nous mèneront au sommet de l’Izoard à 2 366m d’altitude…

Il fait toujours aussi chaud, mes acolytes et moi roulons ensemble depuis quelques temps et chacun s’accroche car le pire reste à venir : le pire, ici, c’est après la ville de Brunissard car c’est la dernière étape avant l’Izoard, jusqu’ici tout va bien, la difficulté se situe juste après…c'est-à-dire 500m de montée à 9-10%. Bon là pas d’alternative, c’est « tout à gauche » (34*27) et on attend que ça passe, dans le silence, la bonne humeur...et la chaleur.

 

En ce 15 août, et contrairement aux années précédentes, les spectateurs présents n’arborent pas de manteaux d’hiver, ni gants et bonnets…pas mal ! Leur soutien, tout au long du parcours, est vraiment le bienvenu.

Le fameux col de l’Izoard est en vue, nous sommes au 87ème km, plus que quelques lacets bien raides et ce sera à notre tour de basculer vers Briançon.

Le col culmine à 2 366m d’altitude et affiche le chiffre prometteur de 7,7% de pente moyenne…d’où la classification en « hors catégorie »…

En fait la première partie (jusqu’à la forêt) est très dure (10% et +) puis ça se calme un peu (7-8%).

Pas de nuages, le soleil cogne dur, je mouline comme je peux en 34*27 et ce développement n’est vraiment pas un luxe. Je transpire à grosses gouttes et voit celles-ci s’écraser sur le cadre tandis que j’enchaîne les lacets à 9-10 km/h la plupart du temps. Dur dur, je double pas mal de concurrents qui respirent bruyamment et en bavent autant que moi. Avec ce soleil on cuit vraiment, pas mis de crème donc je connais la sanction, et effectivement je n’y échapperai pas.

Au 96ème km nous passons par la « Casse Déserte » : pourquoi ce nom ? C’est en fait parce que c’est un désert minéral où le soleil règne en maître et vous frappe de plein de plein fouet sous le regard des deux pics rocheux qui dominent de chaque côté des lacets. Paysage lunaire vraiment canon, et un peu de répit pour nous car il y a une petite descente avant d’attaquer la dernière partie de l’ascension.

Lorsque l’an dernier la température maxi était de 8°, cette année il fait bien 25° et dans les derniers lacets je suis à sec d’eau, mes deux bidons sont vides et je dois attendre le sommet pour ravitailler…

Je suis trempé de sueur, mon tee-shirt respirant sous mon cuissard est là pour me rappeler et même mon cuissard est trempé, à croire que je me suis pissé dessus. Je passe le panneau du 100ème km, je sais que le sommet est tout proche et la présence accrue de spectateurs nous le rappelle.  

Enfin le sommet, on doit être vers le 101ème km, et une petite halte est la bienvenue.

Il est 11h30, cela fait 4h30 que je roule et je suis bien en « timing » (hors délai à partir de 13h10).

Un bénévole lit mon numéro de dossard, le crie à un autre qui s’empresse d’aller chercher mon sac de ravito perso.

Ravito (salé) bienvenu lui aussi, je prends quelques minutes pour m’équiper (manchettes, coupe-vent) mais pas question de traîner car il fait frisquet et je suis trempé.

 

Descente (de 20 kms) vers Briançon en passant par Cervières, il faut « tourner les jambes » pour ne pas s’endormir, et surtout penser à s’hydrater et s’alimenter le plus régulièrement possible. Comme ce n’est franchement pas ma spécialité, je suis hyper concentré. Cependant des débuts de crampe inconnues jusqu’à alors font leur apparition, très haut placées sur la cuisse je les découvre avec appréhension.

Peu de temps après je me rends compte que j’ai oublié mes deux sandwiches là haut, ils ont du tomber du vélo pendant que m’équipais, quel âne…moi qui me faisais un plaisir de manger enfin salé, je suis nul et me maudis. Je me rends compte que même en m’étant arrêté là haut quelques minutes, je n’étais pas assez lucide pour m’apercevoir que j’avais zappé les sandwiches…

Passage devant le célèbre « refuge Napoléon », je suis bien couvert (coupe vent + manchettes) mais j’ai froid en dessous car j’ai tellement transpiré dans la montée que je suis trempé et je suis pris de tremblements, j’espère que cette alternance de chaud/froid ne me sera pas préjudiciable pour la suite.

Je garde en mémoire les conseils glanés sur Internet, notamment celui disant que « la course commence à Briançon »…Cool, Ambiance !

 

A Briançon, le public est là pour réchauffer l’ambiance, leurs encouragements font chaud au cœur. Retour sur Embrun, comme prévu nous avons le vent de face…Chamandrin puis Prelles annoncent le passage au 130ème km de la côte des Vigneaux qui se présente devant nous. Pas très dure mais elle fait un peu mal quand même ! Descente sur l’Argentière dans la foulée en direction de la tant redoutée côte de Pallon.

Nous y voilà…au km140, la –fameuse- côte (communément rebaptisée « mur » par les athlètes) de Pallon tant redoutée : courte (2 km tout rond) mais difficile (17% -c’est le % le plus élevé de la course-) donc tout à gauche obligatoire. Au milieu de ladite côte en doublant un concurrent ce dernier m’interpelle et me reconnais, en fait nous avons fini le marathon de Roth l’an dernier en même temps ! Le monde est petit…

Heureusement le public ne s’y est pas trompé et est présent en force. Bon ce n’est pas le Solarberg de Roth mais pas loin !

J’en profite pour scruter mon chrono, car j’ai lu que selon les experts Pallon est située à la moitié de l’épreuve (en temps) : j’en suis à un peu plus de 6h30 d’efforts.

 

On passe à Champcella puis St Crépin avant Réotier puis St Clément et enfin la route retour vers St André d’Embrun, on doit être au 160ème environ, il fait toujours aussi chaud, moi je n’ai plus de jus et les crampes ont refait leur apparition…Manifestement mon hydratation a été insuffisante, ce que corroborent ma pause pipi forcée et mes crampes. J’essaie de m’étirer comme je peux à vélo mais j’appréhende le marathon à venir.

Mais l’arrivée est encore loin, nous passons par Embrun (cruel spectacle car nous voyons les premiers qui sont déjà en train de courir le marathon) ou je passe en 7h30 de vélo, pas fameuse la fin mais je n’ai plus la force d’emmener du braquet, malgré tout j’avance comme je peux.

Enfin la toute dernière côte (ouf !), et pas des moindres celle-là, il s’agit de Chalvet (5 km à fort pourcentage).

La première partie est difficile, mais la deuxième partie, juste après les chalets de Chalvet, est pire encore !  

Déjà 180 km dans les pattes, l’agonie est proche ! Une fois en haut, bonne surprise ma femme est là, je m’arrête pour discuter avec elle quelques minutes puis file vers le ravitaillement. Ce dernier est le bienvenu surtout pour les bidons d’eau car une fois de plus je suis à sec, le bidon d’eau demandé qui m’a été refilé lors du ravito du pont neuf s’étant avéré être du coca, et encore seulement à moitié rempli !

 

La descente qui s’ensuit est un peu périlleuse, le revêtement est vraiment de mauvaise qualité et il faut vraiment se concentrer pour éviter une erreur fatale, comme dirait Windows J

Ces derniers kilomètres sont une succession de lacets, prudence prudence, puis passage par le passage à niveau, ça sent la fin.

Ces kilomètres sont longs, normalement un Ironman comprend 180 km de vélo mais là il y en a 8 de plus et ils se rappellent à notre bon souvenir !

 

Arrivée au parc à vélo, on entend les spectateurs et les animateurs au micro, ça fait du bien ! Il est 15h25, ça va pas mal car la limite pour être hors délai est à 17h15 donc tout baigne.

Je déchausse les pieds de mes chaussures peu avant et à la ligne d’entrée dans le parc bip j’enregistre machinalement mon temps vélo (8 heures 20 minutes, aïe ! en fait ce sera le 359ème temps sachant qu’il y a 20 minutes de pauses réparties entre l’Izoard et les ravitos) et me dirige vers mon emplacement fissa.

Une fois de plus, les gestes sont enchaînés naturellement, j’ai eu le temps de visualiser la transition pendant la fin du vélo et j’économise ainsi mes gestes.

J’opte pour un change complet, et adopte ma tenue de course à pied « compétition » aux couleurs des sponsors, chausse mes fidèles New Balance et m’élance vers la sortie du parc tout guilleret.

Re-bip à la sortie, la transition aura duré 3’49 minutes, impec j’avais prévu 4’ je suis dans le timing et dès le début je me dois de rester concentré pour ne pas me trouver dans un faux rythme.

Il est près de 15h30, je suis cuit (au propre comme au figuré, avec de beaux coups de soleil), il fait 32° et j’appréhende…

 

 La partie course à pied consiste en deux tours totalisant 400m de dénivelé positif, c’est un parcours réputé (très) difficile qui se joue autant avec le physique qu’avec le mental alors attention à ne pas faire le fanfaron dès le début. D’autant plus difficile que je ne l’ai pas reconnu, mais seulement entendu parler.

Je garde en mémoire qu’il ne faut surtout pas penser à la distance mais qu’il me faut me mettre tout de suite dans mon rythme d’endurance, bref comme à l’entraînement. Ne pas trop réfléchir d’ailleurs, ça tombe bien après près de 9h30 d’effort nous ne sommes plus en état de grand-chose d’ailleurs !

Jusqu’à présent, je partais toujours trop vite lors de mes marathons d’IM (bases de 3h00 !…) et baissait progressivement. Là, pas question, je compte bien mieux gérer et faire un temps honorable dans ce qui est censé être ma spécialité.

On commence les réjouissances par un tour du plan d’eau (2,5 km), le premier km est passé en 5’15 les jambes ne sont pas si mauvaises mais la chaleur me gêne et je n’arrive pas à retrouver de bonnes sensations. J’alterne course et marche, essayant de faire passer la pointe de côté qui est apparue depuis le début (d’habitude, ça ne m’arrive jamais) donc encore une preuve de mon hydratation insuffisante.

Apparaissent immédiatement après quelques nausées et juste après le panneau indiquant le 4ème kilomètre, rideau, je dois m’arrêter et vomis tout ce que je peux, je pense que c’est une barre énergétique que je n’ai pas digérée, ou bien l’eau ou bien même les deux.

A ce moment là, je suis à près de 10h au chrono, il me reste 38 km à parcourir et sous cette chaleur, et avec un ventre vide je fais le cruel constat que c’en est fini pour moi.

Continuer pour risquer un malaise quelques mètres ou kilomètres plus loin ou me goinfrer au prochain ravito ne me permettront pas de boucler ce marathon, et marcher 38 km ne m’intéresse pas.

Je dois me résoudre à prendre la décision d’abandonner, c’est la première fois que cela m’arrive et cruel spectacle, cela m’arrive ici.

Je suis encore assez lucide pour ne commettre de bêtise qui aurai pu me coûter cher pour la suite et je fais demi-tour, penaud, à la recherche d’un arbitre pour lui signifier mon abandon.

Je ne verrai donc pas la (fameuse) montée d’Embrun, le passage le plus difficile avec la côte à 5% pendant 1 500m, ni tout le reste.

Je me dirige vers la ligne d’arrivée, cruelle scène pour moi car je marche sur la dernière ligne droite qu’emprunteront les finishers, le public ainsi que le speaker m’encouragent afin de me faire recourir et moi je suis là à marcher, une boule serrée dans la gorge avec l’émotion qui ne demande qu’à me submerger…Remise de ma puce à un arbitre et explication sur mon motif tandis que cette brave femme redoute avec les conditions d’aujourd’hui la multiplication des malaises pendant la course à pieds.

Direction le massage maintenant, l’aide médicale qui nous regarde arriver en se disant « quel sera notre prochain client ? »  Je me retrouve à côté des deux premiers concurrents, tandis que plus loin la tente des perfusions est déjà complète…

 

Puis direction le parc à vélo ou errent quelques zombis comme moi, venus récupérer leurs vélos tandis que leur déception se lit sur leurs visages, et parmi ceux-ci j’ai le plaisir de rencontrer un autre fidèle d’Onlinetri, Nico35, qui a dû abandonner pour cause de vélo hors-délai.

 

Je ne franchirai donc pas la ligne du triathlon le plus dur du monde…ils seront 540 courageux à en venir à bout tandis que plus de 200 personnes seront contraintes à l’abandon et une cinquantaine éliminés pour cause de vélo « hors délai ». Cruelles désillusions pour nous, mais c’est la dure loi du sport et en tant qu’amateurs, cela fait partie des risques inhérents à ce type d’épreuve d’ultra.

 

C’était mon 5ème Ironman et j’ai souhaité finir par celui-là car je suis convaincu qu’il n’existe pas de triathlon apportant autant de moments forts que celui là, et surtout je souhaite tourner cette page qui m’a comblée pendant 3 ans mais qui n’est que peu adaptée à des vies familiale et professionnelle plus importantes à mes yeux.

Justement, ma vie familiale va être bientôt bouleversée par l’arrivée de mon premier enfant et d’un nouvel emploi, ce seront donc désormais mes priorités.

Aussi amère que fût cette dernière expérience, et malgré le goût d’inachevé qu’elle me laisse, je ne regrette rien : je suis avant tout un amateur, le tri est pour moi un hobby et il me faut accepter ma décision.

Avec quelques jours de recul je me dis que j’aurai pu tenter de courir quelques kilomètres supplémentaires mais c’était indéniablement jouer avec le feu, alors…je préfère mille fois la voix de la raison à celle qui aurait pu hypothéquer mes vacances...et ma santé.

 

Je dédie ce récit à toutes celles et tous ceux qui m’ont aidé dans ma préparation, aux organisateurs, aux bénévoles, aux Embrunmens pour leurs conseils avisés et leurs récits, aux forumeurs d’Onlinetri pour leur aide, à mes sponsors pour leur soutien tant financier que moral et à tous ceux qui ont pu me faciliter la tâche dans cette entreprise audacieuse. Je pense aussi à Bertrand Haudegond pour son aide très précieuse, à Firo et à NTQ pour leurs nombreux et judicieux conseils glanés ces trois dernières années.

 

Enfin et surtout, (le meilleur pour la fin !) je dédie plus particulièrement ce compte-rendu, à la femme de ma vie pour son indéfectible soutien.

 

4 commentaires

Commentaire de La Tortue posté le 30-03-2018 à 01:15:31

chouette récit,
une petite précision, Embrun n'est absolument pas le plus "difficile du monde", c'est une légende entretenue par Iacono et son team pendant des années. c'est juste le moins difficiles des plus difficiles : swissman, norseman, altriman, Triathlon X, bearman et surtout evergreen228 sont largement au dessus.
je pige pas pourquoi tu t'arrêtes après 4 bornes de CAP? tu es largement dans les temps, pourquoi tu te poses pas un peu, tu manges un bon coup, tu te reposes et tu repars peinard à 9 à l'heure histoire de finir sans trop puiser.
mais si c'est comme ça que tu le sentais ce jour là, tu as bien fait. et comme tu le dis très bien, ce n'est qu'un hobby il y a pas à se prendre la tête pour ça.
tu y reviendras, j'en suis sure et fort de cette expérience tu boucleras fastoche ce coup là !
félicitations pour le futur champion qui arrive ;-))

Commentaire de augustin posté le 30-03-2018 à 09:03:17

Hello Damien :-) en fait je suis retombé sur ce récit que j avais oublié de publier dans le passé (course en 2007 lol!) et ai corrigé le tir.
A l'époque je ne sais pa si les autres courses que tu as faites existaient déjà? moi je ne les ai découevrtes que plus tard, et notamment via tes récits :-) :-)
Pour le futur champion, maintenant il a 10 ans et a 3 frères & soeurs, ça nous fait une sacré tribu (+une femme traileuse).
A bientot!

Commentaire de La Tortue posté le 02-04-2018 à 22:35:06

mouarf ! j'avais pas vu la date ;-)
on se voit cette année ?
celtman, altriman, icon, j'y serais . et toi ???

Commentaire de augustin posté le 03-04-2018 à 10:55:13

Desole plus trop de tri pour moi, eventuellement le NatureMan (half) dans le Verdon début octobre. Mais ça m'amuserai de te retrouver au depart d'une course un jour à l'occasion!!! ;-)

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