Récit de la course : La Ronde des Elephants 2017, par Seabiscuit

L'auteur : Seabiscuit

La course : La Ronde des Elephants

Date : 4/11/2017

Lieu : Chambery (Savoie)

Affichage : 564 vues

Distance : 100km

Objectif : Pas d'objectif

2 commentaires

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La ronde des éléphants 2017

Ce week-end, je suis sur une course mais cette fois il n’est pas question de faire un temps, ni même de finir, l’objectif est de servir au mieux les participants. Je tiens un ravitaillement de La ronde des éléphants, un 100 km sur route.

Pas de stress donc mais plutôt de l’excitation ; ce sera la première fois que je serai bénévole sur une épreuve sportive, ma manière de renvoyer l’ascenseur aux organisateurs de courses.

On m’a donné rendez-vous à 14h devant la salle polyvalente qui abritera le ravito. Il est situé au 80ème kilomètre.

    

Point positif : je serai abrité et c’est appréciable car la météo ne s’annonce pas terrible.

Dans l’attente de la logistique, j’installe les barrières qui serviront à diriger les personnes vers l’entrée de la salle.

Dès l’arrivée du camion de l’organisation, s’engage une course contre la montre pour tout installer (j’aurai finalement fait une course). On décharge tout, nourriture, boisson et lits de camp.

A peine fini de couper le fromage en dés, de trancher le saucisson, de présenter la brioche, de verser cacahuètes et fruits secs, de couper les oranges en quartiers et les bananes en morceaux, de mettre l’eau à chauffer pour la soupe et le thé, de préparer les verres d’eau plate, d’eau gazeuse et de coca, de préparer les assiettes de biscuits salés, d’installer les lits qu’arrive le premier coureur avec son accompagnateur qui est en fait … le deuxième car le premier ne s’est pas arrêté !! Les paroles se font rares, toute action se fait à l’économie. Les coureurs de tête sont des maîtres de la gestion de l’effort.

Le troisième s’arrête et prend le temps de grignoter. Son fan-club l’attendait depuis un bon bout de temps. Le quatrième arrive à son tour. Lui a l’air encore étonnamment frais après 80 km !

Moi, j’en suis encore à l’échauffement.

Les coureurs se succèdent maintenant les uns après les autres. Ca s’active !! La fréquence des passages permet toutefois de s’enquérir de leur état de forme et d’être à l’écoute de leurs besoins. Il faut néanmoins que j’adapte mon allure des va-et-vient entre la salle et la cuisine pour toujours avoir à dispo de l’eau chaude. Ca ressemble parfois à du fractionné !!

La première féminine fait son entrée suivie de près par la deuxième puis la troisième. Elles sont toutes les trois au ravito, elles se tiennent dans un mouchoir de poche. L’une d’elles se plaint d’une douleur au pied. Après l’avoir mis à nu, elle découvre une ampoule de la taille d’une pièce d’un euro gorgée de sang. Son compagnon-accompagnateur, médecin urgentiste d’un jour, sort le couteau, pas d’autre ustensile chirurgical à dispo, et lui perce. Cette concurrente, dure au mal, gagnera la course 20 km plus loin.

Je fais vraiment de belles rencontres, je vois arriver de sacrées personnalités, des gens qui forcent le respect, des personnes « haut en couleur », des individus qui suscitent l’admiration. On est bien loin des « m’as-tu vu », de ces sportifs démonstratifs et exubérants. Là, je suis face à des gens humbles qui aiment leur sport et qui le pratiquent sans fioritures.

La nuit tombe, l’arrivée des coureurs est annoncée par le faisceau lumineux de leur frontale. Un groupe fait son entrée. Et là, pour le coup, c’est un véritable afflux de lux. C’est le #teamJuju qui débarque. Ils tractent pour les uns, poussent pour les autres, une joëlette. Je suis dans le rouge, j’ai du mal à suivre le rythme. Je n’avais pas anticipé cette arrivée massive d’une quinzaine de personnes. Remplir les bols, refaire chauffer de l’eau, réapprovisionner en produits salés et sucrés. Il ne faut pas que je lâche !! On compte sur moi !

La tempête est passée, retour au calme quand ils reprennent la route pour s’attaquer à la montée de l’épine. Bon courage à eux.

Le flot des concurrents reprend son rythme, certains rentrent quand d’autres sortent. Il y a des jeunes et des moins jeunes. Tous forcent le respect.

Puis il fait son entrée dans la salle, je le reconnais de suite aux tatouages qui ornent ses jambes (et qui ne l’entravent pas pour courir, ceux qui le connaissent comprendront). C’est No Bru que j’ai connu dans le groupe Marathon Addict sur FB. Ca me fait plaisir de le rencontrer et heureux pour lui qu’il soit arrivé jusqu’ici. Il est accompagné de deux copains qu’il a persuadé de monter sur un tandem. J’ai l’impression que ça constitue pour eux une épreuve à elle seule. Les échanges avec ce trio bien sympathique égaient cette soirée déjà bien riche.

 La nuit est tombée, l’air est chargé d’humidité, je veille à garder de la soupe au chaud. C’est une source de réconfort appréciable quand ils arrivent à ce qui s’apparente de plus en plus à un refuge pour les naufragés du bitume : coureurs en premier lieu mais aussi accompagnateurs. Je m’amuse de certaines situations où ces derniers, improvisés cyclistes le temps d’un 100 km, semblent plus marqués que celui qui court. Ils se plaignent surtout de leur séant, partie vulnérable de leur anatomie pour qui aurait négligé la peau de chamois ! D’ailleurs, je vois certains repartir à pied, vélo à la main.

 La fatigue est présente, ça se voit à leur démarche, à leurs gestes, à leur posture. Pour autant, je suis épaté de les voir positiver, le visage illuminé par des sourires, l’esprit toujours alerte et l’humour toujours présent. Même lorsqu’ils entrent agacés, comme cette concurrente qui a fait quelques kilomètres de plus pour s’être fourvoyée dans le fléchage, la mauvaise humeur ne s’installe pas. Les voir dans de telles dispositions après 80 km et à l’approche d’une montée de 7 km à 8%, quelle leçon d’humilité !

 

 Un motard nous annonce qu’il reste cinq concurrents, ils abordent la descente sur Novalaise. Je décide de venir à leur rencontre. Je rejoins tout d’abord deux dames. Je leur annonce que le ravitaillement n’est pas loin et je comprends à l’accent chantant de leur réponse qu’il s’agit d’italiennes. Un compatriote, quelques mètres en retrait, termine le trio. Je les sens fatigués. L’une d’elles s’allongera et étonnamment ce fut la seule à le faire des 85 coureurs qui sont passés par ici.

J’y retourne et aperçoit un homme qui évolue à un bon rythme aidé de bâtons. Je suis surpris. Il m’explique qu’il marche depuis le départ ! Il a une mine enjouée et d’après les échanges que nous entretenons je peux constater qu’il garde un moral excellent.

Il n’en reste plus qu’un, seul dans la nuit. Il ne doit pas être loin. Je le repère d’ailleurs là-bas, plus haut, escorté par une moto de l’organisation. Rendons à cette occasion hommage aussi à ces bénévoles qui ont maintenant 13 h de selle.

Après avoir pris une soupe revigorante, il repart peu après 21h. Je l’accompagne sur quelques dizaines de mètres histoire de lui indiquer la bonne direction. Il se met à pleuvoir, une pluie cadencée, froide, pénétrante. Je vois sa silhouette éclairée par la faible lumière des lampadaires se déhancher mais avancer vaille que vaille. Bientôt, seul le faisceau de sa frontale lui indiquera le chemin.

On replie et range dans le camion logistique sous cette averse et rien ne semble indiquer que cette fois elle sera de courte durée. La montée du col s’annonce pénible pour ceux qui s’y sont engagés, à croire qu’elle ne l’était pas suffisamment par ses fortes pentes !

 22h30, extinction des feux et passage en position allongée bien au chaud sous la couette. Après une après-midi bien remplie, le repos est salutaire mais le sommeil est difficile à trouver. Le bruit de la pluie contre les velux me rappelle qu’il y en a encore dehors, en pleine nuit, sous ce déluge. Je ne peux pas m’empêcher de penser à eux. Quel plaisir peut-on en tirer ? Eux seuls ont la réponse.

Le lendemain, je scrute les résultats en espérant y voir le nom de tous ceux qui étaient à la peine la veille au soir. Avec beaucoup de satisfaction, je constate qu’aucun n’a abandonné. Loïc, le marcheur, a doublé le trio italien qui a fini juste devant Gérard (Master 3 tout de même !!) 85ème et valeureux « lanterne rouge » de cette édition. Le peu de temps passé avec eux a suffi pour créer un lien fort emprunt de respect et d’admiration.

Quelques jours après, en rédigeant ces quelques lignes, je constate que cette action de bénévolat constitue un formidable anti-dépresseur. J’ai l’impression que chaque participant m’a insufflé une partie de son énergie. Je puise dans l’action des autres une motivation personnelle pour me fixer des challenges et mener à bien des projets futurs. Leur abnégation devant l’effort me permet également de relativiser les petits tracas du quotidien. A cette époque où nombre de compétitions disparaissent du calendrier faute de bénévoles (et aussi, il faut le dire, en raison des complexités administratives), les organismes de santé ne devraient-ils pas indemniser ceux qui prennent sur leur temps pour participer à l’organisation d’épreuves sportives ? Je ne quémande rien, j'en ai tiré pour ma part beaucoup de plaisir et de satisfaction.

 Et en plus, j'ai gagné une bouteille de la boisson de récupération préférée des savoyards !!

2 commentaires

Commentaire de BOUK honte-du-sport posté le 11-11-2017 à 20:18:33

G-é-n-i-a-l ce récit !!!
En rentrant de soirée le samedi soir tard je vois le gymnase de Cognin tout allumé, ah oui, il y a les allumés de la Ronde des Elephants :)

Commentaire de Seabiscuit posté le 11-11-2017 à 20:24:50

Allumés, peut-être. Courageux, sans doute. Passionnés, assurément.

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