Récit de la course : L'Ultra Camarguais 2017, par Misou

L'auteur : Misou

La course : L'Ultra Camarguais

Date : 30/9/2017

Lieu : Vauvert (Gard)

Affichage : 1730 vues

Distance : 102.2km

Objectif : Terminer

4 commentaires

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Pour le meilleur et pour le pire…

Le jour J est arrivé et après une heure de bus de Vauvert aux Salins de Giraud, nous prenons le départ du Grand Raid de Camargue. La météo est clémente, l’ambiance est là, la bonne humeur aussi, et nous rentrons assez rapidement dans l’allure de croisière travaillée tout au long de la préparation. Elle était au top notre prépa ! La traversée des Salins de Giraud est magnifique, nous voyons le soleil se lever, de merveilleuses couleurs qui se révèlent douces, apaisantes. Là « tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté ».

Jusqu’ici tout va bien, nous partageons notre bout de chemin ensemble, Cécile, Domi, Pierre et moi. Eric et Philippe sont déjà bien loin devant nous. Je ne vois pas le temps passer, concentrée sur mon allure, et occupée à admirer les différents paysages traversés, discutant aussi avec quelques autres coureurs participants sur le parcours. Les Saintes-Maries-de-la-Mer se profilent au loin à l’horizon, ainsi que des manades. Les amis du club de Védas Endurance sont présents, à vélo, un peu plus loin sur le chemin, et ça fait un bien fou de retrouver le petit groupe venu nous « supporter ».

Après avoir suivi puis côtoyé des abrivados sur le chemin me vient l’idée folle qu’un taureau va s’échapper du groupe de gardians qui encadrent les bêtes et qui se trouve juste devant moi. J’accélère d’un coup, et passe sur le côté pour laisser tout ce joli monde derrière moi. Ouf… J’entends arriver Pierre qui ne me lâche pas d’une semelle, et je mesure la chance que j’ai d’avoir un ami avec qui partager cette expérience.

La motivation est toujours présente, et nous arrivons au Gymnase des Saintes-Maries de la Mer où je suis ravie de pouvoir enfiler un tee-shirt propre et manger du salé. Après une pause au gymnase, nous reprenons bon train et abordons la première partie de sable dur avec la fameuse traversée du bras de mer. Cette année, il n’y a quasiment pas d’eau, mais Cécile et moi enfilons quand même nos sacs poubelle pour protéger nos pieds de l’eau salée et du sable. Nous rions aux éclats nous moquant un max de nos dégaines…

Arrive le bac du Sauvage où le stop chrono permet de récupérer un peu plus longtemps, ravito à l’appui. La fatigue se fait bien sentir, mais tous les visages sont encore assez souriants. Quelques kilomètres plus loin, nous traversons toute une bande de sable jalonnée par des digues de pierres. Et là, ça commence : la pluie se met à tomber, rythmant chacune de nos foulées, les muscles des jambes sont bien raides, le froid et l’humidité n’aidant pas. Les pieds sont mouillés, le sable à l’intérieur des chaussures est gênant. Je me dis que j’aurais dû prendre mes fidèles chaussures de trail.

Nous rentrons à nouveau dans les terres, et empruntons des chemins où l’herbe est coupée et ça commence à glisser sous nos pieds. Les chemins se suivent, se ressemblent et n’en finissent pas, de longues rangées de roseaux les bordent de chaque côté. Heureusement, les ravitaillements et la sympathie des bénévoles nous aident encore à tenir le coup.

Le temps me paraît interminablement long avant Aigues-Mortes, et l’arrivée aux Remparts où je retrouverai le groupe de Védas Endurance. Un vrai rayon de soleil dans toute cette grisaille qui nous trempe jusqu’aux os et la nuit qui tombe doucement. J’ai froid, et Pierre me prête sa veste de pluie que je mets par-dessus la mienne, je suis fatiguée et je commence à me demander dans quel état je vais finir : par delà le froid, le sable, les pieds trempés, les jambes de bois, je commence à avoir des nausées, et j’ai déjà du mal à avaler autre chose que des bouts de pomme et de banane au ravitaillement. C’est clair je ne suis pas dans le dur mais dans le très dur.

Nous quittons Aigues-Mortes et reprenons très péniblement le chemin jusqu’à Vauvert. Ma Garmin s'est éteinte après avoir affiché "signal batterie faible" un long moment. Pierre a insisté pour récupérer mon sac Ultimate, j’ai mal côté gauche à cause du bidon d’eau qui tape régulièrement contre mes côtes depuis des kilomètres et des kilomètres. La nuit est tombée, et nous allumons nos frontales. La mienne délire, l’éclairage est faible alors que les piles sont récentes et que les 3 barres de puissance max. sont affichées. Je suis en colère. Heureusement, celle de Pierre marche du tonnerre et elle éclaire fort le nouveau chemin boueux que nous empruntons.

Cela fait un long moment que je ne cours plus, je n’ai plus la force de relancer, je marche et glisse constamment. Je dois avoir plusieurs centimètres de boue collée aux chaussures, et ai l’impression de soulever 5 kgs à chaque pas. Le sol est complètement instable, et tout mon corps crie pitié. Je me tords à deux reprises chacun des genoux après la Tour Carbonnière. J’hurle de colère. L’enfer, c’est juste l’enfer pour pouvoir avancer, simplement avancer ! Mon moral est en berne, et il y a belle lurette que le plaisir n’est plus là, laissant la place au doute et à son cortège d’idées négatives. J’ai mal au ventre, et n’arrive même plus à boire ou avaler quoi que ce soit, je dis à Pierre que j’ai la nausée et m’arrête pour vomir.

Avant-dernier ravitaillement, une voiture avec les phares allumés est ouverte, musique disco à fond et j’entends Kool & The Gang et son « Celebration ». Nous sommes au Pont de Chaberton et je demande à la bénévole combien de kilomètres il reste. Elle me répond « 9,9 kms très exactement ». Je la regarde complètement ahurie, m’assieds sur la chaise puis lui annonce mon abandon. Je tremble comme une feuille, j’ai très froid, mes doigts sont blancs, pleins de fourmis, j’ai mal partout. Je remercie Pierre pour l’aide et le soutien dont il aura fait preuve aujourd’hui, et le regarde repartir comme un fou pour franchir la fameuse ligne d’arrivée que je ne verrai pas. Je me permets enfin de lâcher et je pleure tout ce que je peux : je suis allée bien au-delà de tout mon vécu en course à pied/trail, et c’est fini !

Parfois la Vie nous enseigne le meilleur en nous faisant vivre le pire, et de toute cette expérience inhumaine ou surhumaine, comme vous voudrez, que je viens de vivre, je souhaite déjà retirer quelque chose de positif. Je commence tout juste à prendre du recul, et pourtant je sais que si j’ai abandonné sur cette édition, je n’ai pas dit mon dernier mot par rapport au GRC !

4 commentaires

Commentaire de Shoto posté le 02-10-2017 à 08:53:46

On apprend autant de ses échecs que de ses reussites. Le principal est que tu ne sois pas blessée ... pour mieux repartir.

Commentaire de Misou posté le 12-10-2017 à 11:23:55

Merci pour ton comm'. J'ai retrouvé sourire et niaque.
La course, c'est une expression du corps, mais surtout du mental. Elle révèle pas mal de choses sur soi (énergie, maux, etc.).
Il s'agit de mon premier abandon, difficile d'arrêter si proche de l'arrivée, après avoir parcouru 92 kilomètres. Et en même temps sain et lucide !
Tout et son contraire à la fois, pour le meilleur et pour le pire !

Commentaire de jazz posté le 11-10-2017 à 21:17:11

ouah misou, c'est jazz.... la chaise en plastique blanche à droite de la table du ravito de chaberton, je l'a connais ; je m'y suis affalé 10 mn puis subitement je me suis levé et j'suis parti à toute vitesse vers l'arrivée pour arriver avant la BH.
C'est marrant j'ai l'impression d'avoir fait la même course, super le matin et bq moins bien l'après midi. Et puis moi aussi j'ai vraiment envie de recommencer.
Vraiment dommage qu'on se soit loupé car je pense qu'on aurait couru de concert.
je te souhaite une bonne récup et pleins d'projets running.

Commentaire de Misou posté le 12-10-2017 à 11:22:23

Merci à toi, à une prochaine peut-être, au détour d'un chemin ou d'un monotrace !

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