Récit de la course : Paris-Brest-Paris 2015, par André V

L'auteur : André V

La course : Paris-Brest-Paris

Date : 16/8/2015

Lieu : St Quentin En Yvelines (Yvelines)

Affichage : 1231 vues

Distance : 1250km

Objectif : Pas d'objectif

4 commentaires

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Pari (-Brest-Paris) réussi

2015 devait être pour moi l’année de mon 1er Paris-Brest-Paris. L’objectif est maintenant atteint non sans douleurs.

Cette grande classique de la randonnée vélo longue distance se déroule tous les 4 ans. Elle attire des randonneurs du monde entier. Pour cette édition, plus de 6000 inscrits venant de 66 pays différents. L’itinéraire part de St Quentin en Yvelines (vélodrome national) pour rejoindre Brest. Il n’y a plus alors qu’à faire demi-tour pour rentrer à St Quentin! Le total fait officiellement 1230 km. Chaque participant choisit sa formule: moins de 80 heures, moins de 84 heures ou moins de 90 heures. Cela permet à l’organisateur (ACP: Audax Club Parisien) de répartir les cyclistes en différentes vagues et d’étaler ainsi les départs. Certains roulent avec leur « barda »:  sac de guidon, sac à dos et/ou sac de selle. D’autres sont accompagnés par une voiture suiveuse qui peut leur fournir de l’assistance en chacune des 13 villes-contrôle que comporte l’épreuve.

Se préparer

Ma préparation avait commencé dès le début de l‘année avec de nombreuses sorties, y compris longue distance (200, 300, ... Km). Par ailleurs, l’organisateur oblige chaque candidat à passer des « brevets » permettant de vérifier l’aptitude de chacun à de tels efforts. J’ai donc ainsi, depuis fin mars, réalisé avec succès ma série de brevets: 200 km à Ménigoute (79), 200 km à Angers, 300 km à Cahors, 400 km à Aix en Provence et enfin le 600 km sous forme d’un aller-retour La Roche su Yon - Limoges - La Roche sur Yon. Ces brevets sont l’occasion de vérifier la bonne forme mais aussi de tester le matériel et l’équipement nécessaire.
Ne souhaitant pas être « assisté », j’avais opté pour un sac à dos plus un sac de selle. Il fallait y loger un minimum d’alimentation, de matériel de réparation, d’équipement vestimentaire, de pharmacie, ... Evidemment il faut trouver un bon compromis entre poids et efficacité. En ce qui me concerne, j’estime que le poids de mes 2 sacs représente 5 à 6 kg de surpoids auxquelles il faut ajouter 2 kg de boisson réparties dans 2 bidons de 1l. Les jours et les heures qui précèdent le départ sont évidemment occupés à rassembler tout cet attirail.

J - 1

Me voici donc samedi 15 août sur la route vers Paris au milieu du « chassé-croisé » des vacanciers. Grande chance pour moi: j’ai un oncle qui habite à 1,8 km du point de départ; situation idéale. Pour faire un grand saut, il faut un bon tremplin.
Samedi soir: opération contrôle des vélos et des équipements. Organisation parfaite, bien rôdée et sans temps mort. Une occasion de pénétrer à nouveau dans ce « temple du cyclisme » qu’est le vélodrome national.
Dimanche midi:  repas avec le communauté des cyclos. Maillots étrangers, maillots spéciaux « PBP 2015 », maillots de club... En tout cas, maillots multicolores. L’ambiance est joyeuse mais on sent la tension monter. Je reconnais Philippe M de Brive avec lequel j’avais partagé une partie du brevet de Cahors. On discute de nos objectifs sur ce PBP.
Retour chez l’oncle; tentative de sieste; et hop.. 15 heures, il faut enfourcher le vélo.

Dimanche 16 août; 16 heures

Je me suis inscrit dans la 1ère vague, la vague des « A »; chaque vague est désignée par une lettre et les vagues (350 coureurs environ) partent à 15 mn d’intervalle. A 16h précises, c’est le grand départ sous les applaudissements des suiveurs et des spectateurs.
Les premières vagues ressemblent ceux qui sont là pour une « perf ». Le départ est donc rapide. Bien que la route soit protégée sur les 10 premiers kms, la vigilance s’impose: risques de télescopage, chutes de bidons, rétrécissements de la chaussée, ralentisseurs... Les pièges sont nombreux pour le cycliste. Finalement, je n’ai vu que 5 gars par terre, sans gravité apparemment.
Après une dizaine de kms en zone urbaine, nous voici dans la plaine. Le rythme s’accélère avec, pour moi, une question permanente: suivre ou ne pas suivre la tête. Je suis sans trop de difficultés car le peloton est important ce qui permet de mieux encaisser les accélérations. Chaque bosse, chaque traversée de ville ou de village nécessite une bonne attention pour ne pas trop reculer dans le groupe. De temps à autre, je fais l’effort de remonter dans les 50 ou 80 premiers. A ce rythme, 104 kms sont parcourus dans les 3 premières heures.
Le règlement du PBP exige un respect complet du code de la route; il faut bien dire que tout le monde s’en fout et je fais partie de tout le monde... Je trouve finalement les automobilistes très courtois en cette fin de dimanche après-midi et je ne manque pas de les remercier de la main. Quelques cyclos éprouvent déjà le besoin de se « soulager » et ils le font à la manière des cyclistes du Tour de France: en roulant...

1ères bobosses, 1ers bobos

Bientôt s’annonce le Perche, région de fortes collines. Mon topo (je me suis fait un topo très détaillé) m’annonce 3 bosses successives. La 1ère, à la sortie de Longny: 900 m à 6,4 %. Je traverse la ville en tête; au pied de la bosse une voiture arrêtée bloque presque complètement la rue. Je me « musse » entre pare-choc et trottoir et je me range bien à droite pour laisser la « horde » me dépasser. Manoeuvre bien réussie puisqu’en haut je suis encore dans le peloton. Et ainsi pour les 2 bosses suivantes.
Arrive Mortagne au Perche (km 139), 1er point de ravitaillement (sans contrôle) avec une longue montée vers le centre-ville. Et là, je n’arrive plus à suivre. Il faut se résigner mais après tout ce qui est fait est fait. Les « lachés » comme moi se regroupent par petits paquets de 5 à 10 et nous avançons à un rythme moindre mais toujours soutenus. La nuit tombe, les loupiotes s’allument. Les bosses se succèdent et entament un peu les réserves.

Dimanche 16 août - 22h35 - Villaines la Juhel (km 221)

Nous voici à Villaines la Juhel, en Mayenne, pour le 1er vrai contrôle de passage. L’occasion d’en découvrir l’organisation. Après un petit parcours entre barrières métalliques, vous posez votre vélo dans un parking spécialement aménagé. Il faut alors se rendre à pied dans une salle pour passer sur un tapis qui détecte votre puce électronique puis faire tamponner votre carnet de route. Certains pestent contre ces quelques centaines de mètres à faire en chaussure-vélo. De mon côté, avec mes sandales et cales VTT, j’ai une marche plus naturelle; c’est un confort.
Après le pointage, s’offrent à vous toutes les prestations utiles: secouristes, toilettes, point d’eau, réparateur vélo. Pour la restauration, de véritables « self -services» sont mis en place avec repas complet, fast-food, petit-déjeuner, sandwich...  Pour le repos, dortoirs de collège ou salles communales ont été ouverts avec éventuellement douche et même fourniture de savon et de serviette... Le tout payant mais à des prix raisonnables. Une organisation bien pensée et qui demande de nombreux bénévoles (250 par exemple à Villaines la Juhel). Et pour répondre à toutes les questions y compris celles des étrangers, on peut faire appel à des interprètes !!!
Bilan pour moi: 221 km en 6h35 soit plus de 33.5 de moyenne. C’est évidemment suicidaire. Ce qui est fait est fait mais je m’interroge pour la suite. Je prends le temps de bien me restaurer. Vu l’heure, il faut s’équiper sérieusement pour la nuit. Eclairage avant et arrière, gilet de sécurité, coup d’oeil sur mon topo que j’ai du mal à lire la nuit.
Je repars seul dans une atmosphère déjà nettement refroidie. Un motard accompagnateur monte à mon niveau et me signale que mon gilet de sécurité n’est pas du tout visible. Heureusement, j’ai aussi embarqué le gilet officiel du PBP, distribué à chacun au départ. Avec l’aide du motard, je l’enfile par dessus le sac à dos et je repars bien visible. 2 gars me rattrapent; on roule ensemble un bon moment en avançant correctement.
89 km jusqu’à Fougères; c’est l’étape la plus longue. Après Mamers, le relief s’adoucit; on a même droit à des bouts de plaine. Officiellement, il me faudra 3h17 pour cette distance mais ce chiffre comprends le temps d’arrêt et restauration de Villaines.  Par regroupements successifs, un bon groupe se forme qui roule bien jusqu’à Fougères. Parmi eux, Lionel D. du RCA Angers que je n’avais pas pu suivre jusqu’au bout sur le BRM 200 d’Angers et aussi Christiaan VAN ZYL, un Sud-Africain qui était arrivé le 1er sur le Mille du Sud 2014.

Guerrier oui, Martial non

Nous voici à Fougères vers 1h55 du matin. Une famille appelle son protégé: « Martial, Martial, on est là ». Je pose mon vélo sur une barrière métallique; on me tape sur l’épaule: « Martial, on t’attend au camping-car ». J’enlève mon casque; non je ne suis pas Martial.
A chaque contrôle, les groupes se font et se défont en fonction des stratégies d’arrêt et de ravitaillement de chacun. Je repars encore une fois seul. 2 gars me rattrapent; je les suis. Peu à peu, un bon groupe se constitue. Tinténiac n’est qu’à 54 km et l’étape est facile. Nous y sommes un peu après 4h.
Je mange bien (me semble-t-il). Pas de problème de somnolence. Tous les feux sont au vert pour repartir.  Nouveau groupe, nouvelle partie de manivelles, à un rythme qui cependant baisse. La nuit est bien fraîche mais le froid aide à oublier les 1ers petits bobos qui apparaissent.
Cependant, aux premières lueurs de l’aube, des sensations bizarres m’envahissent. Pas de doute, c’est une fringale. Je m ‘alimente (ah! le chocolat !!!) mais déjà le groupe est loin devant. Je vais sans doute devoir terminer seul les 35 derniers kms de cette étape. Car même rattrapé, je ne me sens pas capable de m’accrocher.

Jusqu’à La Chèze dans un fauteuil

Peu à peu cependant les jambes reviennent et lorsqu’un solitaire me rejoint, pas de difficulté pour suivre et même pour faire une partie du boulot jusqu’à La Chèze. Loudéac n’est plus très loin....
Là je prends vraiment le temps de manger...
L’étape suivante (Loudéac—Carhaix) est considérée comme difficile. Effectivement, les bosses succèdent aux bosses; les routes sont souvent étroites, en état très moyen. Les changements de direction sont fréquents. Mais la forme semble revenue. Je rencontre d’abord un franco-canadien: originaire de Troyes, il habite Montréal depuis 10 ans et retrouve la France pour ce PBP. Nous sommes bientôt rejoint par VAN ZYL le Sud-Africain qui roule fort mais qui prend d’énormes risques par rapport à la circulation. À Corlay, non seulement il grille le STOP, mais il prend la voie de gauche et se retrouve coincé entre le trottoir et un camion. « Follow me, follow me » nous disait-il. « Pas partout » ai-je répondu mentalement.  
J’ai aussi le plaisir de retrouver Sylvain H. avec qui j’avais roulé toute la nuit durant le Bordeaux-Paris 2014. Il a gardé la forme et ne rechigne pas à passer devant. Il terminera ce PBP en 56h.
A noter que pendant ce PBP, je retrouverai ici ou là 3 des 4 gars qui m’avaient accompagné dans la nuit du Bordeaux-Paris.
Vers 11h30, nous sommes à Carhaix. Pause un peu plus courte pour entamer la dernière étape vers Brest.

Rouler avec une bande de C..., pourquoi pas ?

Nouveaux compagnons en direction de Huelgoat. Il y a là beaucoup de dossards C... partis 30 mn après moi. C123, C172, C234, ... Rouler avec une bande de C... permet de bien avancer! Un allemand monte à mon niveau et m’adresse la parole dans sa langue. « Ich verstehe nicht, je ne comprends pas ».  Il recommence en y ajoutant un peu d’anglais. En fait il me reconnaissait pour avoir participé au Mille du Sud (https://sites.google.com/site/le1000dusud/).
Huelgoat passé, nous nous rapprochons du Roc Trévézel (344 m). La montée, sans être très pentue, est quand même assez longue. Et c’est là que mes forces m’abandonnent une 2ème fois. Et pas question de fringale ici; c’est une vraie défaillance. Je laisse filer la bande et je monte à un tout petit rythme. J’ai ainsi tout le temps d’admirer un paysage de landes que j’avais découvert lors d’un périple Vendée-Concarneau au printemps 2014.
Je termine un peu mieux sur le haut. Au sommet on m’encourage: « 15 kms de descente à suivre !!! ». Pas d’euphorie pour autant chez moi car d’une part cette descente est de l’ordre de 1,6% et, au retour, elle va inéluctablement se transformer en montée...
Dans la descente, il faut effectivement pédaler. Rejoint, j’arrive à suivre. Nous sommes 7 pour pénétrer dans Brest par l’ancien pont routier désormais réservé aux marcheurs et aux cyclistes. Certains sortent l’appareil photo.
Mais avant de se poser et de se reposer, il reste une rampe sévère pour rejoindre le lycée Keraudren en centre-ville à 15h10.

Beaucoup d’interrogations

Le bilan à mi-parcours est flatteur: 23h10 (dont 21h13 dsur le vélo) pour 618 km. C’est mon 600 km le plus rapide. Lors du brevet 600 km de La Roche sur Yon en juin, j’avais mis 24h30. Mon Bordeaux-Paris de 2014 (623 km) m’avait demandé 22h40 mais les règles du jeu étaient différentes.
Pourtant je suis très inquiet car mes forces sont beaucoup trop entamées et je me sens « dans les nuages ». Les fesses sont elles aussi « dans le rouge » ! Je décide d’un long arrêt pour manger et dormir. Je me dirige d’abord vers le self pour un vrai repas complet. Mais rien ne rentre; je saute du taboulé au yaourt; je reviens au poulet; je mordille les pâtes... De temps à autre, je pose la tête sur la table. Je sens des regards inquiets de bénévoles  qui me surveillent. A la première accalmie, je me dirige vers le dortoir. Il est 17h; je demande à être réveillé à 22h.
Je m’endors correctement mais seulement pour 2h. A 19h, impossible de se rendormir. Je décide donc de repartir non sans repasser par le self pour un vrai... petit-déjeuner.
A 20h, je suis sur le vélo.

Le bonhomme n’est pas tout à fait mort

Sortie de Brest laborieuse mais pas trop pénible. J’ai changé de cuissard; l’opération est bénéfique pour mon séant. Je garde en point de mire le hollandais qui vient de me doubler. Sur toute l’étape, j’arriverai grosso modo à le suivre. Remontée au Roc Trévézel: sur un petit rythme mais sans à coups. Je double plus que je ne suis doublé: c’est bon signe.
3h36 pour faire les 85 km de Brest à Carhaix, de nuit, avec 600 km dans les jambes; après tout, ce n’est pas si mal. C’est même encourageant. Je me jure cependant de rester sage et de faire de vrais arrêts pour éviter de nouvelles défaillances.
L’étape suivant (Carhaix-Loudéac) est plus dure. Longue de 79 km, elle me demandera près de 4h. Nous avons pourtant bien roulé à 2 ou 3.

Une file ininterrompue de phares ultra-puissants

Il faut dire que depuis le début de la nuit, nous croisons une file presque continue de cyclistes, moins rapides ou partis plus tard, qui terminent leur aller vers Brest. Beaucoup sont équipés de phare, voire de frontale, ultra-puissants qui nous éblouissent. Sur de petites routes étroites, sans bandes blanches, en mauvais état, les descentes se font à l’instinct en priant pour que tout se passe bien. Parfois il faut crier pour demander le passage à des groupes qui occupent plus que leur côté. Certains sont arrêtés sur le bord de la route, vélo couché, phares allumés. J’en ai même vu un dormir dans le fossé avec la tête à 50 cm du bitume. La fatigue n’excuse pas tout.
A noter que les derniers cyclistes croisés (des thaïlandais m’a t-on dit) avaient un tel retard qu’on se demande ce qu’ils recherchaient sur une telle épreuve.
Loudéac-Tinténiac (85 km) se déroulera aussi dans d’assez bonne conditions. Après le lever du jour, nous sommes rejoints par un groupe de 3 qui roule bien. L’un s’approche de moi pour me dire qu’on a roulé ensemble sur Bordeaux-Paris (encore un !). À 4, nous tirons, nous étirons puis nous cassons le groupe. Nous finirons ensemble à Tinténiac un peu à près midi.

Une 2ème « nuit »

Mais je sens à nouveau fatigue et sommeil. Je fais donc un bref passage (1h) au dortoir de Tinténiac avant de reprendre la route vers Fougères. Le sommeil a été profitable. L’étape, brève (54 km) passe bien. Bon repas à Fougères, je me sens tout gaillard pour repartir.
921 km de parcourus. Un suiveur me lance « Plus qu’un quart ». Je lui répond « Oui mais ce ne sera pas un quart à fond » !
Il n’y plus grand monde sur les routes, ni dans un sens ni dans l’autre. L’étape est longue (88 km) et bosselé. On se dirige vers Le Perche, région de collines bien marquées.

Alerte au feu

Pas dans la tête mais dans les pieds. Tout en roulant, je cherche un point d’eau mais... point d’eau. Gorron, Ambrières les Vallées: pas de fontaine. Sur le bord de la route, un riverain a installé un stand avec boissons et ravitaillement qu’il offre gratuitement aux participants. Je m’arrête, je lui demande de l’eau dans une cuvette. Il est surpris mais fait le nécessaire. Je trempe mes pieds dans l’eau sans enlever les chaussettes. Mon hôte prend des notes sur un cahier-archive: nom, prénom, origine, nature de l’intervention... Il note tout et se prépare à une nuit suractive.
En tout cas son aide m’aura été précieuse pour atteindre Villaines La Juhel vers 17h.
Grande ambiance à Villaines: chaque arrivée, chaque départ est salué par des applaudissements. Le speaker interviewe sans relâche, y compris le médecin qui dirige l’équipe médicale. J’en apprends ainsi beaucoup sur l’organisation.
Manger un peu, boire un peu, se mettre les pieds sous le robinet et hop... C’est reparti.
J’accroche 2 gars que je crois compagnons. Erreur, ils vont bientôt s’engueuler. L’un (anglais avec maillot Cofidis !!!) ne supporte pas que l’autre (français) discute avec moi au lieu de rouler. L’autre pique une colère (muette) et se barre dans une bosse. Je reviens sur lui et nous discutons librement sur 10-15 bornes. Jusqu’à ce que l’Anglais nous reprenne et nous dépose sans une parole...
Nous approchons de St Rémy du Val. « St Rémy de la Butte » aurait été plus judicieux pour en décrire la situation !!! C’est là que je coince encore sérieusement. Le feu au pied mais pas que...  J’arrive péniblement à Mamers. Un ravitaillement intermédiaire est en train de se mettre en place à l’initiative des cyclos du coin. « Une boisson, une soupe, un café... » me propose-t-on « Non, non, une cuvette avec de l’eau, SVP ». Eh bien la cuvette est déjà prête! Entre cyclos, on se comprend vite.

Mortagne Haut Perché

Les 25 kms restants jusqu’à Mortagne au Perche vont être très longs. Je lorgne vers les prairies et j’envisage sérieusement une pause-sommeil. Je poursuis quand même. La montée vers Mortagne se fait à 10 à l’heure. Arrivé au rond-point en haut, je me mets debout sur les pédales. Hélas, pas de Tour Eiffel en vue !!!
20h50: Pointer, manger, dormir donc direction le dortoir... Hélas pas de dortoir mais seulement une salle de sport avec des tapis de mousse (1 cm d’épaisseur) au sol. Je m’installe et je dors. On me réveille à 23h. Remanger. Départ à 0h.
J’avance moyennement. Derrière, une lumière se rapproche. Je me motive en me disant: ne pas se faire rattraper avant le sommet de côte. Çà motive tellement que je reprends de l’avance sur la lumière. J’en rattrape un. « Italiano ? ». « No, Español ». Tout va bien.

Coup de Senonches ou Déveine avec la D20

Tout va mal: un cyclo à contre-sens qui ne dit rien. Presque sûr de moi, je continue jusqu’à un panneau où je ne lis pas ce que je cherche à savoir: Senonches. Demi-tour. 500 m en arrière je retrouve la bonne route. Je redouble les doublés. Çà roule sur une route facile. Mon éclairage tombe en panne, je mets en route la frontale. Senonches se fait désirer. Pas de petite lumière rouge devant, pas de halo lumineux derrière ??? Me voici dans le village de MANOU. Jamais entendu parler. Coup d’oeil (trop tardif) sur mon topo; je vois mon erreur. Et là ce sont 4,5 km à refaire en sens inverse. La frontale s’éteint... J’ai un 3ème éclairage, un petit tuc Décathlon à 4,90 €. Je change les piles de mon éclairage principal et je repars. Il fait beau, la nuit est belle, la route est facile, pourquoi se plaindre ?

Mon ami CGI.com

Enfin sur la D20, je file gentiment vers Senonches. Jonction faite avec un allemand, je décide de rester avec lui pour assurer. C’est à ce moment-là que nous arrive dessus www.CGI.com. Je ne crois pas que ce soit son nom mais c’était marqué sur ses fesses. Et CGI.com n’a pas envie de traîner avec nous... Je suis piqué au vif et je le suis. Je passe même devant de temps à autre pour montrer ma bonne volonté. Il repasse devant en accélérant. Je pense qu’il est peut-être gêné par mon éclairage: je baisse mon éclairage. Il a toujours envie de se débarrasser de moi. On fonce, on double. Le petit jeu me déplait; je lâche du lest tout en le gardant à « une portée de fusil ». Encore quelques kilomètres et je décide de revenir sur lui. Je repasse devant. La guéguerre continue jusqu’à Crécy-Couvé. Soudain CGI.com monte à mon niveau et m’adresse la parole en anglais. Je lui fais répéter car j’ai du mal à comprendre. Il parle de dernière nuit, de Hollande (pas le président, le pays), de Den Haag (La Haye), sa ville de résidence. J’ai compris qu’il venait me proposer la paix, ce que j’ai accepté volontiers. Nous avons roulé ensemble, nous nous sommes serré la main à Dreux (et à deux). Nous sommes serré la main à l’arrivée sur le vélodrome. Voilà comment se nouent de solides amitiés...

3h50 Dreux, arrêt buffet

Me sentant bien, je repars de Dreux 5 mn plus tard. La sortie de la ville est pénible et la suite aussi: petites routes, changements fréquents de direction, balisage un peu juste (à mon goût). J’ai l’impression de ne plus avancer. Je connais par coeur la liste des bourgs à traverser mais çà n’avance pas vite. Du côté de Gambaiseuil, c’est carrément un nouveau coup de barre. J’arrive à suivre le gars qui me rejoint. Je patiente en souffrant et je souffre en patientant.
Soudain la forme revient. C’est à mon tour de partir devant. Je me donne un nouveau challenge pour les 10 derniers kms: finir en moins de 63 h.. Les petites bosses avant Elancourt sont avalées sans problème. Je me faufile dans la circulation qui s’intensifie. Je rentre dans la base de loisirs de St Quentin en Yvelines, je vois la piste de BMX, je vois le vélodrome, je pose le vélo, je passe sur le tapis détecteur de puce. Beep, Beep. 62h54’55.

Pour dire vrai, j’ai fini bien fatigué, un peu délabré même. Mais on s’en remet comme les 6000 autres participants. Pour info, le plus rapide (un allemand) a mis 42h30 ...

Très belle épreuve, organisation superbe, villes-contrôle bien organisées et accueillantes, bon fléchage (sauf pour moi !!!). A noter cependant que pour profiter de la VRAIE ambiance PBP, il vaut mieux rouler avec ceux qui font 75, 80 ou... 90 heures.

Pour moi, beaucoup de détails à régler: gestion de l’effort, alimentation, éclairage, utilisation du topo... Muni de quantité de barres, dosettes... énergétiques, j’en ai été très vite dégoûté. A l’arrivée, il me restait dans mes bagages 1,2 kg de produits énergétiques non utilisés !!!

Rendez-vous maintenant sur le Mille du Sud (1000 km à travers la Côte d’Azur, le nord-ouest de l’Italie et les Alpes du Sud; 16000 m de dénivelé positif) à partir du mercredi 2 septembre

Temps de passage:

4 commentaires

Commentaire de philkikou posté le 29-09-2015 à 12:08:42

Chouette un nouveau cycliste sur Kikourou !!! BIENVENU et je mets ton récit au frais pour le lire dés que j'aurai 5'..et même un peu plus

Commentaire de philkikou posté le 01-10-2015 à 06:38:36

Ca y est bouclé ton PBP !!! Quelle aventure après un aller sur les chapeaux de roues, pas facile le retour avec des pieds en feu ... Bravo, et @+ pour ton récit sur les Mille du Sud

Commentaire de Laurent V posté le 02-10-2015 à 12:30:25

Quel beau récit qui fait vraiment envie. Merci de nous faire partager cette belle aventure et... vivement 2019 pour la prochaine édition.

Commentaire de Rem posté le 23-07-2019 à 22:28:41

Super récit et sacré perf. Je parcoure les CRs PBP , j’y participe cette annee . Le cyclo c’est nouveau pour moi alors les CRs c’est une mine aux trésor. 1ère vague aussi mais plutôt 80h que 60

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