Récit de la course : Courmayeur - Champex - Chamonix 2015, par guillaume84

L'auteur : guillaume84

La course : Courmayeur - Champex - Chamonix

Date : 28/8/2015

Lieu : Courmayeur (Italie)

Affichage : 1073 vues

Distance : 101km

Objectif : Se défoncer

4 commentaires

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12 ans pour faire le tour du mont blanc

Fin aout 2003 je suis au départ avec mon frère de la première édition de l’UTMB.

 

Malgré quelques ultras, aucun de nous deux ne s’imaginait ce que nous allions vivre : grêle, neige et arrêt pour tous les deux à Courmayeur. Lors de cette édition tout le monde partait en même temps et on pouvait s’arrêter à Courmayeur, à Champex ou à Chamonix.

 

2 mois plus tard un accident de voiture me met les lombaires en vrac et m’oblige à arrêter la course et, sous les conseils de mon médecin, à reprendre l’escalade.

Pendant 10 ans je me consacre à l’escalade à fond en encadrant, faisant des compétitions avec mes enfants, des voyages en Grèce, en Espagne…

Début septembre 2013, je me démets l’épaule violement, cout d’arrêt brutal de l’escalade, mini dépression et reprise de la course à pied.

Je m’y remets tout doucement et arrive au bout d’un an à boucler l’OCC et l’endurance trail des templiers. L’expérience me sert beaucoup, ainsi que le fait de ne pas avoir arrêté le sport.

 

Janvier 2015 je suis tiré au sort pour la CCC

L’entrainement se passe bien, j’observe une progression régulière avec des hauts, des bats mais j’arrive globalement à faire ce que je veux au niveau de l’entrainement.

Je garde notamment de très bons souvenirs de Marseille Cassis par les calanques, des crêtes de la montagne de Lure et du tour du grand Goliath.

 

 

La Course

 

Tout semble être sur des rails, mais le boulot me rattrape la semaine de la CCC.

Nuit blanche de lundi à mardi et arrivée à Chamonix la veille de la course au lieu du mardi soir.

Je dors quand même pas mal et je suis plutôt confiant sur la ligne de départ, dans la 3eme vague.

 

La section jusqu’à la tête de la tronche me parait facile, plein de bouchons, du monde partout. Je décide de ne pas m’énerver, de profiter du paysage et de discuter avec les coureurs autour de moi. Un âne se met dans la file des concurrents et mets un peu le souk dans le rythme de la chenille de coureurs qui s’étends jusqu’aux crêtes.

Je mange une mule barre et m’hydrate bien. J’ai un peu l’impression d’être en balade, de ne pas faire une course.

Tête de la tronche 3h04 de course Class :1632

 

J’attaque la descente bille en tête (j’aime bien les descentes), me prend une gamelle (normal) et me calme.

L’arrivé à Bertone m’inquiète, les sensations ne sont pas bonnes, pas d’énergie, envie de me poser.

Bertone 3h44 de course Class :1495

 

J’enchaine quand même sur Bonatti, mais c’est de pire en pire. Je m’arrête même dans le petit raidillon juste avant le refuge.

Je rempli mes flasques, et repart vite car j’ai peur de ne pas repartir.

Bonatti 5h02 de course Class :1497

 

Le départ du refuge est laborieux, je n’avance pas et décide de m’arrêter sur le bord du chemin et de m’allonger 5,10 minutes. A ce moment je ne donne pas cher de ma peau.

 

La section jusqu’à Arnuva se passe, ni bien, ni mal. Je fais une descente correcte et me retrouve au ravitaillement avec juste une demi-heure d’avance sur la barrière horaire.

Je rempli mes flasques, m’enfile 2, 3 verres de coca, une soupe et je repars. Doucement.

Je connais la montée au grand col ferret, la première partie qui me faisait peur se passe plutôt pas mal, alors que la deuxième me semble très trés longue.

Grand col ferret 7h57 de course Class :1523

 

L’arrivée au grand col ferret sonne pour moi comme une délivrance, ça me débloque complètement, je voudrais bien savoir pourquoi.

J’ai à partir de ce moment l’impression d’être dans une course, alors qu’avant c’était une balade entre collègues.

La descente sur la fouly est un régal, je n’ai pas mal aux jambes tout va bien, je contrôle bien ma foulée et la baisse de température me fait du bien.

La Fouly 9h20 de course Class :1422

 

J’applique mon rituel habituel au ravito.

Remplissage des flasques, 3 verres de coca, une soupe et go ;

Je me rends compte que depuis la mule barre de la tête de la tronche je n’ai rien mangé. J’essaye un morceau de pain, mais ça ne passe pas. Comme je n’ai pas faim et que la forme est là, ça ne m’inquiète pas plus que ça.

La section jusqu’à Praz de fort est un régal, je me souviens d’un chemin en faut plat descendant, complétement droit, où on était cinq à se suivre, sans effort. Le pied total.

La monté sur Champex se fait à la tombée de la nuit et ce passe bien ; étonnement à ce moment-là, je suis sûr de finir.

Champex lac 11h55 de course Class :1268

 

Alors là c’est le cirque.

Une tente surchauffé, pleine comme un œuf, je ne comprends pas ce qui m’arrive.

Des personnes partout, du bruit, ça crie, râle.

Plus qu’une envie : repartir. Remplissage des flasque 3 verres de coca et je fuis dehors avec ma soupe.

Juste à gauche de la tente je trouve un banc sur lequel je m’installe. J’en profite pour discuter avec une chinoise qui attend son maris. J’enfile une micro polaire pour la nuit, bois ma soupe et en route.

Le pied de bovine se passe bien, je papote avec un jeune couple qui vient du Mozambique.

Et puis bovine arrive, mais surprise, ce n’est pas le bovine de l’OCC, il y a des blocs partout, c’est quoi ce chemin….

Heureusement que j’ai mes bâtons, qu’est-ce que j’ai poussé dessus, à en avoir mal au bras.

L’arrivé à la cabane est vraiment une délivrance. A partir d’ici je connais le chemin.

Je me lâche un peu dans la descente en essayant de ne pas trop prendre de risque.

Je fais la fin de la descente avec un stéphanois qui me convainc presque de faire la sainte Lyon.

Trient 15h42 de course Class :999

 

A trient c’est le même bazar qu’a Champex, donc je fais le même protocole.

Cette fois ci je suis sur un banc où un japonais se fait dorloter par 3 personnes. Ils ont même un réchaud et lui font une petite soupe. Même pas ils m’en proposent, ça avait l’air super bon.

Allez zou plus que deux bosses, maintenant catogne.

Je me colle derrière un groupe qui adopte un rythme qu’au début je trouve lent mais qui a la fin est idéal pour moi ce qui me permet d’arriver à la section en faut plat en ayant les jambes pour trottiner.

Je me lance dans la descente sur Vallorcine. Le début est bien courable, dans deux virages il y a une petite rubalise avec une lampe qui clignote qui fait office de rambarde de sécurité, ça me fait bien rigoler vu le trou qu’il y a derrière.

Par contre dès que l’on rentre dans la foret je rigole moins. Des racines dans tous les sens et je mets un temps fou pour arriver à Vallorcine.

Vallorcine 18h35 de course Class :865

 

Même si c’est beaucoup plus calme qu’a champex je me sauve pour boire ma soupe à l’extérieur après avoir fait le plein.

 

La remontée vers le col des montets est froide. Je suis toujours avec ma micro polaire, j’envisage de mettre le gore tex, mais je commence à avoir la flemme et décide de ne rien faire.

Je débouche au col ou un choc m’attend.

Une ribambelle de frontale me montre le chemin et bien ça parait beaucoup plus raide qu’en plein jour. Premier coup au moral depuis longtemps. Allez, c’est la dernière bosse, je la connais et après c’est facile…

Je fais comme à catogne, je me colle à un groupe et je débranche le cerveau. Cette montée n’est quand même pas simple, 2 ou 3 fois on pense que c’est fini, et ça repart avant d’arriver dans les tourbières du lac blanc, qui annoncent la fin des difficultés.

J’éteins la frontale juste avant le pointage et me dirige vers la flegere. Le lever de soleil sur le massif est magnifique, je me régale.

Je commence à faire des calculs dans ma petite tête (à ce moment ce n’est pas évident) : Moins de 24 heures c’est acquit, moins de 23 heures il va falloir que je m’arrache dans la dernière descente. Je choisis la deuxième option.

La flegere 21h48 de course Class :757

 

Je traverse le ravitaillement sans m’arrêter et attaque la descente à fond (7kmh).

Ça doit être la cinquième fois que je la fais, les jambes répondent toujours bien. WAZAA

Première partie raide, je croise un italien qui descend en marche arrière avec un seul bâton, je lui propose de lui en laisser un des miens, ils ne me servent pas en descente, s’il me le laisse à l’arrivée, tout ira bien. Il accepte, me remercie et j’enquille.

 

J’arrive a bien gérer la section jusqu’à la foria et ensuite c’est que du bonheur, je sais que je vais finir, et que ce sera dans un temps dont je ne rêvais même pas, surtout à Arnuva.

Je profite de cette dernière partie à fond, je fais durer.

Je passe la ligne en 22h46, 704eme, inouï.

 

 

Enfin, j'ai fait le tour du mont blanc. Il m’aura fallu 12 ans.

 

Cette course a été étonnante, prêts de l’abandon à bonatti et à partir du grand col ferret, l’euphorie.

Quel pied de pouvoir courir la section vers Praz de fort

J’ai remonté 900 places, en grande partie grâce à des arrêts aux ravitaillements très courts.

A posteriori je pense avoir pris un bon coup de chaud dans la montée de la tête de la tronche, ça a été mieux à partir du moment où les températures ont chuté.

Au niveau hydratation j’ai absorbé 500ml de liquide par heure, essentiellement du coca (pas pratique dans les flasques), mais je n’ai mangé, en tout et pour tout qu’une unique mule barre en 22 heures de course. Est-ce bien, mal, je n’en sais rien, à priori ca a pas trop mal marché pour moi.

Coté matériel les new balance Leadville ont étés au top, pas une ampoule, pas d’échauffement, une seule glissade (je regardais le mont blanc).

Je n’ai pas récupéré mon bâton.

5 Jours après je n’ai qu’une envie, recommencer à courir, aller en montagne.

4 commentaires

Commentaire de DidierC posté le 02-09-2015 à 18:31:59

Bravo, très fort de finir un 100 bornes si vite après avoir repris la course à pied !!! Perso je suis encore loin de ces distances, mais pourquoi pas la tenter en 2017... petite question: les bouchons dans la tête de la Tronche ça avance tout doucement à peu près régulièrement, ou ça bloque carrément plusieurs minutes sans bouger ? J'ai un très mauvais souvenir de la TDS 2012 sur l'ancien parcours par la Youlaz, où ça bloquait carrément pendant des périodes assez longues...

Commentaire de scrouss posté le 02-09-2015 à 18:56:24

Très impressionnant, ça donne envie de s'y essayer. Le retour d'expérience sur la gestion de l'alimentation est bien intéressant.

Commentaire de Sylvtrail06 posté le 02-09-2015 à 19:04:24

Super course et belle remontée tu à fais sans cette remonter des places alors que moi à l invers je n ai fais qu en perdre ! Je fini juste avant toi mais avec une fin bien moin glorieuse. Bravo !

Commentaire de Arclusaz posté le 13-11-2018 à 22:09:16

Toujours pas retrouvé le bâton ? je passe par hasard sur ton récit 3 ans après...
Bravo pour ta course et ta générosité.
et puis " Un âne se met dans la file des concurrents et mets un peu le souk dans le rythme de la chenille de coureurs qui s’étends jusqu’aux crêtes.Je mange une mule barre et m’hydrate bien".
Une mule juste après un âne, ça fait un effet boeuf dans la chenille de coureur.

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