Récit de la course : Semi-Marathon de Paris 2014, par Prokofiev

L'auteur : Prokofiev

La course : Semi-Marathon de Paris

Date : 2/3/2014

Lieu : Paris 12 (Paris)

Affichage : 1249 vues

Distance : 21.1km

Objectif : Pas d'objectif

2 commentaires

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Le récit

Galère sur le périphérique.

Ca fait plus d’une demi-heure que nous avançons avec grande difficulté sur la voie de droite pour la porte de Vincennes. Je peste de ne pas avoir anticipé ça. J’aurais du sortir porte de Charenton. Heureusement que nous sommes partis tôt. La perspective d’ arriver tard à la porte de Vincennes, de tourner sans fin pour garer ma boîte à roues à des kilomètres et de devoir rejoindre mon sas sur l’esplanade du château de Vincennes, tout ça avant l’heure fatidique du départ me met les nerfs en pelote. J’apprendrai plus tard que certains ont décidé de laisser leur voiture sur le périph et rejoindre le départ en courant.

Enfin, j’atteins la sortie et je parviens à garer ma voiture assez rapidement dans une ruelle sur la droite. Nous rejoignons l’aire de départ, distante de 2 kilomètres, en un petit footing finalement parfait pour s’échauffer. Pas de panique, nous ne sommes pas en retard.

L’atmosphère est idéale, un ciel bleu sans nuage et une température idéalement fraîche au point que j’ai choisi de ne porter qu’un T-shirt à manches longues et de laisser mon coupe-vent dans la voiture. Après m’avoir donné quelques conseils, mon camarade de course du jour, un collègue de travail marathonien, rejoint son sas 1h35, non sans avoir déjà uriné deux fois sur le trajet. Il m’apprendra par la suite qu’il a l’habitude de se saturer d’eau la veille et de faire aussi un arrêt-pipi pendant chaque course (Ce à quoi je lui réponds qu’il gagnerait peut-être une minute sur ses chronos s’il faisait comme tout le monde, à savoir : boire normalement).


Pour moi ce sera le sas 1h50, exactement mon chrono objectif. C’est mon deuxième semi. 1h50, c’est 4 minutes de mieux que mon temps de référence à Boulogne-Billancourt.

La place est joyeusement colorée et archi-pleine, plus de 40 000 inscrits sont là à attendre d’en découdre ! C’est pas une course pour les ours agoraphobes ! Les coureurs s’observent sans prêter grande attention aux speakers. Je déclenche le mode chrono sur ma montre GPS.

Vague après vague, nous approchons de la ligne de départ, le long du Parc Floral de Vincennes. Alors que le speaker annonce le départ imminent, je réalise avec horreur que ma montre en revenue en mode normal. Rapidement je relance le mode GPS, mais trop tard.

Top départ ! Le troupeau s’ébranle avant d’avoir pu accrocher les satellites. Ce n’est qu’une bonne minute après le départ que je peux appuyer enfin sur le bouton « start ». Aaaarh !


Photo Frédéric Poirier 

Bon, je peux enfin me concentrer sur la course. Ah ce délicieux moment du départ qu’on attendait depuis des semaines, où les jambes ne demandent qu’à dérouler, ce moment où tout est possible, instant plein de courage et de joie de vivre .

Mais beaucoup de monde aussi et, comme d’habitude, des traînards qui ont dû « se tromper de sas » (on va rester poli). Le slalom est pénible. Pas de bol, les allées latérales sont boueuses et, avec d’autres, je passe les trois premiers kilomètres à zigzaguer entre route et trottoir. Un œil sur mon allure me confirme que je ne suis pas dans l’objectif, va falloir que je rattrape. Ce qui arrive finalement au quatrième kilomètre où on oblique vers Paris, une petite pente agréable et large où je peux enfin adopter l’allure prévue aux alentours de 5:10 au kilomètre. On y voit plus clair, le slalom est fini.

Kilomètre 5 : (temps 26'38'') Conformément à mon plan, je bois ma petite gourde d’eau sucrée en évitant la bousculade du ravitaillement. Je ralentis l’allure pour boire plus commodément.

Nous entrons dans Paris et je suis surpris par la foule qui nous encourage ! Rien de tel lors de mon premier semi à Boulogne où le public était aux abonnés absents. Oh, pas de cris de joie délirants, non, mais une vraie présence nombreuse et encourageante. Bien sûr ils ne sont pas là pour moi, ils scrutent les silhouettes à contre-jour derrière moi, dans l’espoir de voir l’ami, le frère, le cousin, le papa ou la maman qu’ils sont venus encourager. Des enfants arborent timidement des panonceaux « Allez Papa » ou « Maman tu es la meilleure ! » écrits au feutre de couleur par leurs petites mains. Je pense à mes enfants.

 

Kilomètre 8:  Nous tournons à droite rue Taine vers Félix Eboué. Une petite côte, le premier test, que je passe sans trop ralentir. Le souffle est bon, les sensations aussi, ça se présente bien. Impossible toutefois de surveiller le rythme cardiaque car j’ai oublié ma ceinture cardio à la maison, âne bâté ! Et dire que j’ai mis des heures à préparer tout ça la veille, choisir les bons vêtements (toujours un casse-tête), les gels, et même (grande première !) cuire un Gatosport. Et je suis là, sans mon cardio. Pas grave en soi, bien sûr, mais bon, en bon geek qui aime bien les chiffres et les statistiques, ça me contrarie.

Kilomètre 10  : Deuxième ravitaillement. 52'03''. Je flanque la moitié de mon verre de Powerade par terre et l’autre moitié dans l’estomac. La chaussée est jonchée de verres en plastique, alors que de grandes poubelles sont à notre disposition 50 mètres plus loin. Parfois je me désole de voir à quel point le comportement de masse peut amener à des comportements aussi peu civiques. Pourtant, pris individuellement, je suis sûr que chacun d’entre nous aurait attendu d’être à la hauteur de la poubelle pour s’en débarrasser. La masse nous déresponsabilise. Les culpabilités individuelles se diluent dans le nombre. « C’est pas moi qui ai commencé » semblent dire ces gobelets.

La foule des spectateurs, à Bastille, est formidablement dense. J’aime ! Je donne quelques petites tapes dans les mains tendues d’enfants. Ça j’aime aussi, je pense qu’à leur âge j’aurais adoré ça. J’en ai presque 50 maintenant (non, pas 50 enfants, 50 ans). Nous rejoignons la Seine par le boulevard Bourdon.

Kilomètre 13 : Hôtel de Ville. C’est le virage du retour vers Vincennes. Lors de la préparation je me suis dit : « bon, interdiction de faire le zouave jusqu’à l’Hôtel de Ville, après tu fais ce que tu veux ». J’y suis, je fais quoi ? Nous avons maintenant le soleil dans l’œil, je commence à sentir la fatigue et n’ai pas spécialement envie de faire le zouave.

Je me trouve un petit objectif : suivre le meneur d’allure qui est devant moi. Ce n’est pas un meneur d’allure officiel, il porte un oriflame« Association Laurette Fugain » dans le dos . Je ne sais pas s’il a un objectif d’1h50 mais ça fait maintenant plusieurs kilomètres que je fais le yo-yo avec lui et il me semble costaud, ce doit être un bon lièvre. Je m'accroche à ma locomotive (merci à lui s'il lit ces lignes)

Kilomètre 15 : 1:17'56''. Nouveau ravitaillement, rue du faubourd Saint-Antoine. Après avoir avalé mon deuxième gel , je saisis une bouteille d’eau que je ne bois qu’à moitié. Mon lièvre et moi commençons à zigzaguer de plus en plus, je me demande si c’est lui qui a accéléré. Non, le chrono est stable un peu au-dessus de 5 minutes au kilomètre. La vérité c’est qu’on commence à dépasser des silhouettes courbées, des corps alourdis, des foulées fatiguées, certains commencent même à marcher. Les optimistes qui ont surestimé leur capacité à durer commencent à déchanter.

Mais le plus dur est encore à venir : la rue de Reuilly.

Kilomètre 17 : C’est un faux-plat montant, pas bien méchant, mais tel qu’il est placé, il fait mal aux organismes. Je l’absorbe plutôt bien, au point d’avoir largué mon lièvre, bien involontairement, d’ailleurs. Peu importe, j’ai en ligne de mire un autre lièvre : un jeune coureur avec un T-shirt blanc et orange aux couleurs de l’ ESCP (bonjour s'il me lit) et que j’ai croisé de nombreuses fois sur le côté droit de la route, nous dépassant l’un l’autre alternativement depuis près de 10 kilomètres. Me suivait-il ?

La difficulté de la rue de Reuilly est maintenant avalée sans ralentissement notable, nous nous dirigeons vers la Porte Dorée et le Bois de Vincennes. La foule des spectateurs est toujours aussi dense.

Kilomètre 19 : Qui a eu l’idée sadique de faire faire un crochet autour du parc zoologique ? Continuer sur l’avenue Daumesnil nous aurait mené droit vers l’arrivée. Sûrement un piège pour éprouver notre mental à l’approche de la ligne.

Mais le mental tient bon et j’accepte ce %*$£ de détour de bonne grâce.

Depuis quelques kilomètres, la grande question se pose : Je me sens encore bien, j’ai maintenu un tempo régulier et j’ai de la ressource. Quand dois-je accélérer ? Partir trop tôt et je pourris la fin de ma course, partir trop tard et je la joue « petit bras ». Comme pour le semi de Boulogne, c’est finalement une accélération progressive qui s’impose.

Petit à petit j’allonge la foulée, je tire sur les jambes, je double concurrent après concurrent. J’adore !

La ligne d’arrivée se profile enfin, au bout de l’avenue Daumesnil, c’est le signal du sprint. Un sprint finalement modeste, preuve que j’ai vraiment tout donné. Ce n’est pas le final des 10 kilomètres des foulées de Vincennes, il y a un mois, où j’ai franchi la ligne comme si j’avais Al Qaïda à mes trousses.


Photo Frédéric Poirier 

C’est fini ! Ouf ! Un coup d’œil au chrono qui m’affiche un peu plus d’ 1 heure 48 ! Ah oui mais attention, comme je l’ai déclenché un peu tard, je ne dois pas trop m’y fier. Finalement j’aurai fait le temps d’ 1:49:07 temps réel de l’organisation. YESSS ! Objectif sub 1:50 atteint, et de belle manière ! C’est 5 minutes de mieux que mon premier semi. Que de chemin parcouru depuis 5 mois !


Que c’est bon quand ça s’arrête ! Le souffle s’apaise enfin, les pieds cessent enfin de marteler, la tête cesse de gamberger. Je coupe ma playlist qui m’a tenu compagnie toute la course et qui, j’en suis sûr, m’a donné cette gnaque supplémentaire, même si je ne l’écoutais que d’une oreille distraite. Je lève les yeux au ciel, si beau, si intensément bleu. Quelle belle journée ! La vie est belle.

On me donne ma médaille et un poncho bleu. Je remercie les bénévoles d’un sourire. Un peu fadasse, la médaille, mais elle fera plaisir à mes enfants. Depuis maintenant deux ans que je cours, ils ont la garde de ces précieux souvenirs de course de leur papa. Celle-ci ira alourdir encore davantage les cadres de leur chambre.


La sortie du sas d’arrivée est longue. Je prends deux bouteilles au passage et un gobelet de thé chaud que j'ai pris pour de la soupe. Ca fait du bien. Je me dirige vers les lettres géantes du Parc Floral où nous nous sommes donné rendez-vous, avec mon ami. Il me félicite pour mon chrono. Lui a fait un chrono sous les 1 heure 36, un bon temps pour lui qui a pourtant connu des chronos sous 1 heure 30 étant plus jeune. C’est un habitué de cette course qu’il a déjà courue une dizaine de fois.

En chemin vers la voiture je passe devant la Brasserie de l’Esplanade où le groupe des « Forumeurs » s’est donné rendez-vous. Je n’y vois personne et nous décidons de rentrer sans attendre.

Il me faudra maintenant me concentrer sur le grand objectif qui retient mon attention depuis septembre dernier, la course suprême, mon tout premier marathon, le marathon de Paris. C’est dans un mois et je voudrais déjà y être.

2 commentaires

Commentaire de bubulle posté le 03-03-2014 à 20:07:49

Je m'y revois, voici quelques années. Les mêms impressions, les mêmes sensations et, un peu plus d'un mois plus tard, le même objectif...:-). Belle réussite que ce semi de Paris, car 1h49 sur cette course, ça vaut sans trop de problèmes 1h45 sur un semi plus roulant et moins peuplé (et avec de vrais sas).

Bref, ça le sent bien pour le marathon, tout ça......et, qui sait, on s'y croisera peut-être : il te suffira de chercher Bob l'Éponge...:-)

Attention, par contre, on commence comme ça et on finit quelques années plus tard par planifier des trucs de ouf dans les montagnes, c'est une pente dangereuse que tu prends...;-)

Commentaire de Prokofiev posté le 03-03-2014 à 22:46:31

Merci ! Si je vois Bob l'éponge je saurai qui c'est. ;-)

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