Récit de la course : Sur les Traces des Ducs de Savoie 2013, par Raideurjbp

L'auteur : Raideurjbp

La course : Sur les Traces des Ducs de Savoie

Date : 28/8/2013

Lieu : Courmayeur (Italie)

Affichage : 956 vues

Distance : 119km

Objectif : Terminer

3 commentaires

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TDS 2103 : Objectif(s) atteint(s) dans des conditions idéales !

Tout a commencé en décembre 2012. Pré-inscription à la CCC histoire de faire pour la première fois un trail de plus de100 km. Janvier 2013, le couperet tombe, nous apprenons dans la voiture qui nous amène à la Romeufontaine, que nous sommes recalés avec mon collègue Gilles. Tant pis, ça ne va pas nous arrêter, on s’inscrit à la TDS !

La préparation à cet objectif principal de l’année se passe sans encombres de mon côté. Plusieurs trails (Eco-Trail de Paris 80km &1000 mD+, Maxi-Race en OFF suite à son annulation80 km&5000 mD+, Sky-Race des Ecrins47 km&3200 mD +) et des vacances aux Arcs 1950 cet été avec pas mal de randonnées ont parfait cette préparation. J’arrive donc confiant à Chamonix contrairement à Gilles qui de son côté reçoit des alertes à l’un de ses genoux depuis quelques semaines.

La course part mercredi matin. On profite donc de notre arrivée anticipée le lundi pour faire un petit décrassage et assister au départ de la PTL (330 km&2400 mD+ en 136 h maximum !). L’ambiance est géniale avec en guest stars Sébastien Chaigneau et Antoine Guillon, deux des meilleurs trailers français qui sont là pour encourager les 92 équipes de 2 ou 3 coéquipiers : SUPERBE !

Mardi, retrait des dossards, visite du village UTMB®, des boutiques officielles où nous rencontrons Emilie Lecomte, malheureusement forfait pour l’UTMB®. Puis préparation du sac (mer… il me manque la pipette du camelbak, vite un tour en boutique….), ainsi que du sac de change qui nous attendra au Cormet de Roselend à mi-course, sieste, dîner et on s’endort. Le tout est rodé, connu, demain c’est le départ !

Mercredi 28 août 2013, 4h du matin, c’est le réveil… et c’est dur ! La nuit fut courte et le sommeil léger les deux dernières heures. Petit déjeuner à base de Gatosport® et de thé puis nous rejoignons le centre-ville de Chamonix pour prendre le bus de l’organisation (super pro au passage) direction Courmayeur et la ligne de départ, non sans un petit contretemps car Gilles a oublié ses bâtons mis en évidence à l’appartement ;-).

Arrivés à Courmayeur, nous sommes dans le bain. Il fait encore nuit, mais l’ambiance est présente. 6h30, le speaker commence à chauffer les coureurs via des encouragements dans le micro. On rejoint la ligne de départ dans le gros du peloton : 1525 partants dont un peu plus de 10 % de femmes.

7h, nous partons dans les rues de Courmayeur avec l’hymne de l’UTMB® à travers les enceintes. Ce qui nous attend ?118,7 km–7207 mD+ - 9 cols à plus de2000 m– 1 nuit blanche – et des paysages MAGNIFIQUES !

Km 0 Courmayeur – Km 15 Lac Combal : Une première partie en retenue 

Le début de cet Ultra se fait en retenue. Je n’ai pas envie de partir comme un taré et de me griller rapidement. J’arrive donc au Col Checrouit, 1er check-point, au milieu du peloton autour de la 750ème place. Je repars immédiatement en direction de l’arrête du Mont-Favre sous les sifflements des marmottes dont une que j’aperçois et que je montre à un russe qui répète avec son accent « marrrmôt », très fun ! Plus de1200 m de dénivelé positif en11 km, ça part fort ! Quelques petits bouchons imposent un repos mais rien de grave.

Dans la descente en direction du Lac Combal, nous rencontrons pas mal de randonneurs, ce n’était pas le jour pour eux ! Les pauvres, 1500 gars et filles du monde entier qui passent à fond, ça fait plus ligne 13 du métro parisien que randonnée au vert ! Allez, je leur lance un petit message d’encouragements : « plus que 1000 derrière ! ;-) ». On arrive donc au 1er ravitaillement où c’est un peu la guerre pour prendre de l’eau (enfin pour certains qui pensent que gagner quelques secondes sur118,7 km est vital) et où j’ai la surprise de croiser une tête connue, à savoir un coureur dela Société Générale qui court tous les midis au Parc de Nanterre ! On se croisera comme cela jusqu’à Bourg… 

Km 15 Lac Combal – Km 50,6 Bourg-Saint-Maurice : Que c’est beau !

Cette partie du parcours est absolument incroyable par ses paysages. Je vous le donne en mille (et en photos) : montée à 23 % de moyenne vers le Col Chavannes, point haut de cet Ultra (2603 md’altitude), avec ses vaches d’alpages, le Lac Verney et une petite montée qui fait bien mal vers le col du Petit Saint-Bernard marquant la frontière entre Italie et France ; une descente très longue vers Bourg-Saint-Maurice de plus de 11 kmavec la traversée des villages de Saint-Germain et Séez où nous attendent des bénévoles géniaux par leurs encouragements. Bref, je prends mon pied et ça se voit au niveau du classement car je remonte vers la 500ème place. 

Km 50,6 Bourg-Saint-Maurice – Km 66,4 Cormet de Roselend : Un repérage opportun !

Après avoir repris quelques forces et s’être fait contrôler le sac au ravitaillement de Bourg, je repars pour la partie la plus dure d’un point de vue dénivelé : près de2000 men positif ! Mais je pars trop vite du ravitaillement et après300 mdans les rues de Bourg et une petite gorgée dans le camel, je me rends compte que ce dernier est vide alors que je pensais qu’il était rempli à moitié minimum !

Mais je n’ai pas envie de faire demi-tour,119 kmc’est déjà assez ! Je parie sur le fait de trouver une source plus haut. Je passe alors devant un cimetière où il n’est pas écrit eau potable sur le robinet. Je n’ai pas envie de tenter, la symbolique d’une eau impropre provenant du cimetière ne me plaît pas trop ;-). Mais par chance, quelques mètres plus loin je vois un abreuvoir avec de l’eau potable ! Un bonheur, surtout qu’elle est extra-fraîche et que ce n’est pas de refus étant donné qu’il fait vraiment chaud depuis la fin de matinée avec un soleil radieux !

Je reprends donc le fil de ma course rassuré pour cette partie repérée un mois plus tôt lors de mes vacances. Je sais à quoi m’attendre et prends un rythme plutôt bon à près de 700 m/h jusqu’au Fort dela Platte. Unmec se cale dans mes pieds, me marche dessus quelques fois mais est bien sympa. On fait ce bout de chemin ensemble en ramassant les morts partis trop vite au fur et à mesure de la montée.

La deuxième partie jusqu’au Col de Forclaz se fait à un rythme moins élevé de 400 m/h du fait de la moindre déclivité. On redescend un peu et c’est reparti vers le Passeur de Pralognan, grand moment dela journée. Eneffet, le basculement dans ce début de descente à plus de 50 % et avec les hélicos qui nous accompagnent au-dessus de nos têtes nous donnent des frissons de peur et de joie ! Puis c’est un long replat vers le Cormet de Roselend avec les encouragements d’un homme-vache super sympa. Cormet de Roselend = ravito + changement d’habits et de chaussures et c’est parti pour la nuit ! 

Km 66,4 Cormet de Roselend – Km 85,2 Col du Joly : L’aube viendra au bout de cette nuit !

Comme d’habitude, je pars trop vite. J’oublie une mini-guêtre (d’où un look que l’on va qualifier d’original), ainsi que de mettre l’Ipod en route. Petit stop inévitable et là200 maprès le Cormet, je change de monde. La nuit qui commence à tomber, le brouillard qui nous enveloppe à2000 md’altitude, je suis seul… mais j’ai « Iron » du génial Woodkid dans les oreilles (pour ceux qui ne connaissent pas -> http://www.youtube.com/watch?v=vSkb0kDacjs). Autant vous dire qu’à ce moment je me sens INVINCIBLE ! Plus rien ne m’arrêtera ! 

Je monte donc tranquillement au Col de la Sauce en compagnie de deux jeunes japonais plutôt sympas. Mais la fatigue arrive vite, presque aussi vite que ce début de nuit. La descente vers la Gitte n’en sera que plus douloureuse mentalement. Résister au sommeil lorsque le terrain vous harcèle, vous demande toujours plus du fait de sa technicité, c’est très dur mais c’est tout de même compensé par ce passage majestueux qu’est le chemin du curé. Construit en 1891 et 1892, ce passage se fait à l’intérieur de la roche avec le vide en contrebas. Réellement impressionnant, même par nuit noire. D’ailleurs, peut-être est-ce un fait exprès de l’organisation pour ceux qui ont peur du vide ;-).

La montée au Col Est de la Gitte est tout aussi difficile du fait dela fatigue. Ilfaut dire qu’il est près de 23 h et que l’organisme ne perçoit toujours pas qu’il va faire une nuit blanche… C’est à ce moment que je comprends qu’il existe également un mode « auto » dans notre cerveau. La partie qui suit est une incompréhension totale pour moi. Sur le roadbook, j’ai l’impression d’une petite descente, puis d’une petite montée vers le Col du Joly synonyme du ravitaillement dela nuit. Maisc’est sans compter sur cette foutue nuit. Car qui dit nuit dit frontale(s). Et là, je vois un magnifique spectacle : une succession de frontales qui percent la nuit de leur éclat et forment le « profil 3D » dela course. Oncomprend donc vite que la lueur au loin (très loin !) est celle du ravito du Col du Joly ! Peut-être que son appel, tel le chant des sirènes, fait perdre la boule à certains, mais moi j’ai l’Ipod, rien à faire ! Je prends donc un rythme tranquille en sachant que la deuxième partie de nuit sera pour moi. Peu de temps après, une sirène a réussi son coup. L’un des deux japonais avec qui je faisais ce bout de parcours est au sol au détour d’un rocher. Je demande si tout va bien, en même temps que son pote situé dans mes pas : « It’s Ok ! ». Ouais, enfin pas tout à fait quand même ! Son pote resté avec lui me dépassera à vive allure quelques minutes plus tard juste avant le ravito. J’apprendrai plus tard que c’était une luxation de l’épaule. Sa seule consolation sera de voir son pote finir.

J’arrive au Col du Joly pour le ravito, euh... pour l’enterrement… Incroyable le nombre de morts (vivants ?) ici. Il y en a partout sous des couettes, que ce soit sur des lits, des bancs, des chaises, au sol. Il ne vaut mieux pas les regarder si on veut garder le moral ! Ici ce sera un gros ravito d’une vingtaine de minutes avec soupe, salé et le contrôle de mon corps rapide voir si tout va bien. 

Km 85,2 Col du Joly – Km 102.4 Col duTricot : Le renouveau après 18 h de course ;-)

Reparti environ 370ème du Col du Joly, je sais qu’il ne me reste plus qu’une grosse difficulté avec le Col du Tricot. Je suis donc confiant et ce ravitaillement m’a fait un bien fou. Je ne suis plus fatigué et cette descente technique qui suit le Col du Joly ne me parait pas terrible. A la fin de celle-ci, j’arrive d’ailleurs à prendre le rythme d’un trailer qui marche mais alors très vite ! Du coup, arrivés en bas de la descente, environ 4 km de plat nous amènent aux Contamines à une vitesse éclair. 340ème à ce point.

Mais ce classement, je ne le connais pas en temps réel ou seulement à certains checkpoints grâce aux nombreux et géniaux messages reçus par ma femme, mes parents et mes amis. Messages d’encouragements, de félicitations, de prudence. Ils font véritablement un bien fou et donnent un coup de boost dans les moments difficiles. Surtout depuis que je connais l’abandon de Gilles (souffle court). Je suis encore plus motivé pour finir et j’attaque cette dernière difficulté gonflé à bloc. Je me cale dans les pas d’un compagnon de nuit que j’appellerai « Quechua » du nom de son sac. Je ne le quitte pas jusqu’en haut du Col. En haut, je m’arrête pour me ravitailler en solide mais ne serait-ce qu’en 30 secondes, mes dents se mettent à claquer. Il fait un froid terrible dès que nous nous arrêtons. Je repars donc très vite pour une petite descente avant d’attaquer le Col du Tricot. Ici, un spectacle juste SUBLIME nous est donné.

Un mur de 500 mde dénivelé positif pour environ 1.5 km, soit un demi « kilomètre vertical » qui arrive au 100ème km, génial ! Cette montée est matérialisée devant nos yeux par un serpent de lumières discontinues montant vers le ciel comme un défi lancé à la nuit noire. On a presque envie de s’arrêter là, d’admirer la souffrance qui se joue ici. Mais l’Ultra, c’est un partage dans la solitude (tout le contraire de notre société actuelle au passage), et si on veut que les trailers qui suivent puissent assister au même spectacle et bien il faut y aller, faire en sorte d’être un maillon de cette chaîne. La montée se fait plutôt bien et contrairement à la montée précédente, j’emmène « Quechua » dans mes pas jusqu’au sommet.

23 h de course, près de102 kmréalisés. Plus que de la descente (avec quand même200 mde dénivelé positif au milieu) et du plat. Autant en début de nuit, je ne pensais pas pouvoir atteindre mon objectif de 26 h, autant là je me dis que c’est possible. Il me reste 3 h pour faire17 km, soit un peu moins de6 km/hmais avec 100 bornes dans les pattes… 

Km 102.4 Col duTricot – Km 118,7 Chamonix : Juste le bonheur !

Je me lance alors à bâtons rompus dans la descente très technique qui nous emmène aux Houches. Un dernier coup de c… au niveau de Bellevue et on repart en descente. Autant vous dire qu’à ce moment là, je rattrape un monde fou. J’ai les jambes nickels, alors autant en profiter. Aucune douleur, rien, juste dela fatigue. Alorsj’y vais à fond ! La chance va en plus me sourire car2 kmde bitumes arrivent avant le dernier ravitaillement des Houches. Je relance donc assez facilement et ça avance vite.

Ravito des Houches, un ordi me montre en temps réel que je suis 300ème pile poil, incroyable ! Mais je ne m’arrête pas, pas même pour l’eau car je n’ai plus qu’une heure pour faire 8 km. Ces derniers kilomètres sont en faux plats montants et descendants et je maintiens une vive allure rattrapant pas mal de monde. Mon repère, c’est le glacier des Bossons. Je sais que je dois le dépasser nettement pour voir arriver Chamonix. Je demande à un joggeur qui vient dans l’autre sens s’il reste beaucoup de petites côtes avant Chamonix. « Non juste 2 assez courtes ! » me lance t-il. Oui mais ce que ce monsieur ne sait pas, c’est qu’un tout petit faux-plat montant, c’est une côte quand on vient de faire plus de 110 kilomètres !! Pas grave, je relance !!

J’arrive alors dans les rues de Chamonix, je sais que je suis sous les 26 h, je suis euphorique, les larmes montent mais ne coulent pas. Je finis ces derniers kilomètres à près de 9 km/hmais ces derniers hectomètres à un bon 13 km/h. Gilles, venu me voir à l’arrivée, manque de me louper. Petite photo à l’arrivée, je suis épuisé mais heureux ! 25h45 pour 118.7 km, 7207 mde dénivelé positif et une 280 ème place finale. C’est inespéré pour un premier ultra supérieur à100 km et j’ai une softshell rouge finisher TDS, la classe !

Pour compléter mon bonheur afin qu’il soit total, j’appelle alors ma femme, qui commence le boulot, pour lui annoncer mon arrivée. Il faut dire qu’en plus, je n’ai pas donné de nouvelles depuis plus de 3h tellement j’étais à fond dans ce final. Mes parents sont les seconds que j’appelle. Il faut dire que cette victoire sur moi-même, je dois bien la dédicacer à mon père. Marathonien avec un record à 3h dans des conditions dantesques et un 33ème et dernier marathon à 53 ans en 3h33 à Bordeaux (département 33 !), il a aussi fait un 100 bornes route en 10 h et c’est à lui que je dois cette envie et ce bonheur de la course à pied depuis que je suis tout gamin. Papa, celle-là, elle est pour toi !

3 commentaires

Commentaire de franck de Brignais posté le 06-09-2013 à 14:30:36

Bravo pour cette première... je crois lire que ce n'est qu'un début. Tu as une sacré caisse, ça promet !! Ton père doit être sacrément fier de toi, et il y a de quoi !
Bonne récup' maintenant !

Commentaire de franck de Brignais posté le 06-09-2013 à 14:30:57

Bravo pour cette première... je crois lire que ce n'est qu'un début. Tu as une sacré caisse, ça promet !! Ton père doit être sacrément fier de toi, et il y a de quoi !
Bonne récup' maintenant !

Commentaire de Louol posté le 06-09-2013 à 19:15:03

Bravo pour une première et ta fin de course ressemble à la mienne avec 1h de décalage.
Félicitation.

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