Récit de la course : Le Grand Raid de la Réunion : La Diagonale des Fous 2012, par YannC

L'auteur : YannC

La course : Le Grand Raid de la Réunion : La Diagonale des Fous

Date : 18/10/2012

Lieu : St Philippe (Réunion)

Affichage : 3381 vues

Distance : 170km

Objectif : Pas d'objectif

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Le Grand Raid de La Réunion 2012 - Ma Diagonale

Le Grand Raid de La Réunion 2012 - Ma Diagonale

 

Tout commence il y a 5 ans. Alors que nous emménageons sur Lyon avec Audrey et Thomas, je décide de m’inscrire au cross du Mont-Blanc, mon premier trail. J’ai déjà quelques expériences de course à pied (quelques semi-marathons et raids) et beaucoup de pratique sportive depuis l’enfance (foot, tennis). Je finis cette course avec un sentiment réel de plaisir tant tous les ingrédients sont présents dans ce que je viens de vivre pendant un peu plus de 2h et 21km  : un paysage à couper le souffle sur la vallée de Chamonix et le Mont Blanc, un effort exigeant qui nécessite beaucoup de gestion et de connaissance de soi, un terrain de jeu varié, une ambiance très sympa et sincère entre les coureurs. Ce sera pour moi un réel déclencheur avec une envie constante de progresser dans cette discipline qu’est le trail running, de découvrir de nouvelles courses, d’aller chercher de nouvelles limites et d’allonger mes périples à travers les montagnes.

Le cap est alors donné. Je décide de me lancer chaque année avec mon ami Olivier Pinelli un nouveau défi que nous essayons de préparer le mieux possible en fonction de nos contraintes et de nos lieux de vie respectifs (Lyon pour moi et Paris pour lui). Ce sera d’abord la 6000D, doyenne des courses de montagne, avec sa fameuse montée au glacier de Bellecôte et ses 3000m de dénivelé positifs et négatifs. Je l’ai fait, c’était dur mais mon addiction n’en a été que renforcée. Puis ce sera le Marathon du Mont Blanc, l’Ultra 6000D, le tour des glaciers de la Vanoise, le Nivolet Revard… Chaque année, chaque objectif, chaque course m’aura permis de progresser d’abord grâce à un travail réalisé sur route toute l’année avec mes amis de club (AAAL), puis par de longues sorties sur les sommets (printemps, été).

Les rêves de courses mythiques telles que l’UTMB ou le GRR étaient déjà en tête mais je ne souhaitais brûler les étapes. Après une montée progressive dans les difficultés, une expérience acquise petit à petit, je pense enfin être prêt à me lancer. Fin 2011, la décision est prise, direction La Réunion et le vingtième anniversaire du Grand Raid en octobre 2012. J’oriente toute ma saison sur cet objectif et me construis un planning avec quelques courses de préparation qui se passent très bien : 

  • Trail givré de Montanay 21km / 400+ (06/02) – 26ème
  • Lyon Urban Trail 36km / 1700+ (01/04) – 28 ème
  • Trail des Allobroges 58km / 4300+ (27/05) – 10ème
  • Un Tour en Terre du Jura 110km / 6000+ (07 et 08/07) – 7ème

Je fais également quelques blocs d’entrainement en montagne quand je le peux et essaie d’être très régulier dans les sorties D+ en utilisant la proximité des Monts d’Or le WE et son super terrain de jeu. Au final un peu plus de 50 000m de D+ sans bâtons (pas autorisés au GRR) pour préparer cette Diagonale !

 

Jeudi 18 octobre 2012 – St Pierre – La Réunion

C’est le jour J. Nous sommes partis à La Réunion avec un couple d’amis dont les parents habitent à St Pierre. Toute la famille est mobilisée pour faire mon assistance et c’est un réel plaisir que de pouvoir partager cela avec eux. Mon équipe de choc de gauche à droite : Audrey (ma femme), Juliette, Jérôme, Claude (dit Zou), Jacques (dit Zou aussi). Je suis bichonné depuis le début du séjour. J’ai aussi la chance de pouvoir échanger avec Renaud, un voisin et coureur réunionnais, qui a déjà 6 diagonales à son palmarès. Sur ses conseils, nous décidons d’utiliser les bus mis à disposition par l’organisation pour rejoindre le site du départ car chaque année ce site est quasi inaccessible en voiture. Jacques nous emmène à la gare routière de St Pierre où le bus doit nous prendre vers 18h30. Nous arrivons vers 18h sur place. Il y a d’autres trailers. Premier coup de stress. Nous attendons une bonne heure mais aucun bus à l’horizon. Le stress commence à monter car je souhaitais vraiment ne pas arriver trop tard au départ pour pouvoir me placer et faire mon rythme dès le début de course. Au final, le bus ne passera jamais à cet arrêt. L’heure tourne et je finis par demander à Jacques de nous emmener en voiture. Les premiers kilomètres se passent sans encombre. Jacques doit néanmoins remettre de l’essence. Et là, deuxième coup de stress à la pompe à essence. Problème de batterie, le moteur ne repart pas !! Ni une ni deux nous descendons avec Renaud de la voiture et poussons. Ouf, la Zou mobile ronronne à nouveau. Je n’ai pas de cardio sur moi mais j’ai vraiment les puls qui montent avec le temps qui défile et ces difficultés pour nous rendre au départ. Nous sommes désormais dans de très denses ralentissements. Il reste 4 ou 5 km en bord de côte. Il est 20h20. Un quart d’heure après, nous décidons de quitter le véhicule et de nous rendre en trottinant au départ. J’essaie de me calmer, de relativiser en me disant que je serai largement dans les temps pour partir. Mais je sais aussi pertinemment que ce n’est pas le départ dont je rêve car nous allons devoir courir 3 bornes (et que 170 nous attendent) et que je serai probablement très mal placé pour faire mon rythme. Nous rejoignons Cap Méchant. Ce n’est pas le moment de nous griller. Je tente de trouver du positif. J’ai l’impression que mes jambes sont bonnes. Tant mieux, car le menu à venir va être gargantuesque.

Après une bonne queue pour passer le contrôle des sacs, je suis enfin sur l’aire de départ. J’arrive à progresser tant bien que mal. Au final je suis stoppé à une cinquantaine de mètres de la ligne. Je me dis que c’est tout à fait satisfaisant compte tenu du périple que nous venons de vivre et que les 5-6 km du début de course sur la route seront amplement suffisants pour me mettre dans un groupe et un rythme qui me conviennent. Il reste 30mn avant le grand départ. Tout est prêt. Je suis curieusement libéré de tout stress. Plus rien ne peux m’empêcher de m’élancer dans de bonnes conditions, je n’ai pas trop laissé d’énergie dans l’histoire et l’ambiance est tout simplement phénoménale !! Musique, chants, sourires, présentation de l’élite, hymne de la course : c’est électrique. Les regards de chacun en disent long. On ne se connait pas mais le respect mutuel transpire. Nous partons pour une aventure où l’autre n’est pas un adversaire mais un compagnon de route et de galère.

 

St Philippe Cap Méchant (départ) – Volcan  (km 35) -  D+ 2595m – « A la recherche de ma bulle »

30s avant le départ, l’hymne retentit, les visages se ferment, j’allume ma frontale, ferme les yeux pour essayer de profiter au maximum de ce qui m’entoure et faire le vide. Je sens la foule avancer et le décompte commencer. Je rouvre les yeux. Pan ! Rapidement je peux trottiner puis courir. La route est large mais rétrécie par des supporters de part et d’autre. Les premiers 500m sont tout simplement énormes : chants, percussions, cris, fumée (licite et illicite ;-)). Est-ce le sommet d’un col du Tour de France ? Non. Nous sommes fêtés comme des aventuriers qui partiraient sur leur navire à la conquête de nouvelles terres. Cette vision est certes décalée mais ce coté aventure transpire vraiment du décor alentour. J’en profite au maximum tout en essayant de me préserver et de trouver mon rythme. Il commence à pleuvoir un peu. Petit à petit la foule se fait moins présente, nous pouvons vraiment courir avec de la place. Je me mets à l’écoute de mes sensations pour trouver le bon tempo. Il serait facile de courir plus vite mais je pense déjà être à un bon 12-13 km/h et ce serait inutile de plus lâcher les chevaux. Je double deux filles que je reconnais, ce sont Karine Herry (1ère femme en 2011) et Corinne Favre (qu’on ne présente plus). Cela me conforte dans le fait de ne pas essayer d’en mettre plus. Si Karine Herry part sur ces bases, vue la connaissance du parcours qu’elle a et son expérience, c’est qu’il y a une raison. Petit à petit la pluie s’intensifie mais elle est chaude et il y a peu de vent. J’ai curieusement de petits points de côté (cela ne m’arrive jamais), j’essaie de forcer les expirations au maximum. Cela ne me gêne pas énormément mais j’ai du mal à les faire passer. Est-ce l’humidité mêlée à la chaleur ? Bref pas trop grave, je me dis que cela va passer.

Ces 6 premiers km commencent à être monotones et je suis bien content de découvrir que tout le monde met le clignotant à gauche direction les champs de canne à sucre. Premiers mètres de D+ sur des petites pierres de laves mouillées. C’est relativement praticable. Depuis le début je suis à la recherche de ma bulle : trouver ses sensations, faire abstraction des autres même si nous sommes encore relativement groupés. Je trouve que les personnes qui m’entourent respirent bien forts et sont très irrégulières dans leur manière de courir. Beaucoup ne supportent pas de se faire doubler et donc font l’effort pour redoubler dans la foulée. Je décide assez rapidement de ne pas en tenir compte. Peu importe si on me dépasse, je fais tout au feeling pour avoir le plus d’aisance possible dans ma progression. Après quelques portions plus raides nous rejoignons le premier point de contrôle de Chemin Ceinture. Je pointe et repars illico sur une section descendante peu marrante. Cela permet de dérouler puis nous attaquons la route forestière de Mare Longue Camphriers. J’ai toujours un peu de mal avec un léger point de côté mais commence à toucher du doigt … la bulle. Sans accélérer, il me semble rejoindre progressivement des groupes de coureurs que je double. Je suis enfin seul depuis plusieurs minutes et fais mon rythme. J’ai l’impression d’être vraiment rentré depuis quelques minutes dans ma course. Tout se met en place, je commence à prendre du plaisir sur cette route forestière montante qui doit être magnifique de jour mais qui l’est beaucoup moins de nuit avec les sceaux d’eau qui nous tombent sur la tête. J’aperçois 50m devant Karine Herry qui a une véritable horde de gardes du corps d’une vingtaine de coureurs autour d’elle. Petit à petit la horde devient un petit troupeau. Les gars lâchent un à un. Pas évident de suivre Karine ;-) Le ravito du Kiosque (km 20,5 – 855+ - 2h07) se profile au loin. L’ambiance est énorme. J’en profite pour commencer à manger et recharger mes bouteilles pour attaquer la montée du volcan avec le plein de munitions. Je ne m’attarde pas et attaque ce fameux mur.

Changement de profil radical, c’est le moins que l’on puisse dire. Une pente très raide, des racines sur des roches volcaniques, des marches naturelles très hautes et glissantes. Tout le monde est calmé. Je peux faire mon rythme car j’entre seul face à ce mur végétal. Ca y est, je quitte la civilisation, c’est parti pour le périple et la découverte de cette île magique. Ca y est, physiquement et mentalement, je suis dedans. L’aventure peut commencer. J’ai saisi la bulle, je ne la lâcherai pas. Je me mets dedans, comme un cocon protecteur et enchaîne les pas. Je profite de cette ambiance unique que procure cette végétation luxuriante, cette humidité, ces odeurs. Que l’aventure commence !

Rapidement j’ai quelques coureurs derrière moi. De peur de les freiner dans leur évolution je leur propose de passer s’ils le veulent. Tous répondent que le rythme leur va bien et qu’ils ne souhaitent pas doubler. OK, ça me va aussi. Je fais mon allure et c’est parfait ainsi. Ma bulle est là, je suis dedans, je n’en sors pas, je ne la lâche pas. Trois fusées nous dépassent quelques minutes après. Il s’agit du wagon express Herry/Favre/Combarieu. Waouh !! Quel train express. La différence est saisissante. Je ne comprends pas trop pourquoi elles mettent tant d’énergie à ce moment là. Peut-être sont elles renseignées sur les écarts et souhaitent elles faire l’effort à 3 pour recoller au volcan ? Je les imagine mal aller jusqu’en haut à ce rythme. Très vite je ne les aperçois plus et continue à conduire mon petit wagon de collègues. Je pense à être bien régulier, à m’aider des mains et des arbres chaque fois que je le peux pour économiser les  jambes, à m’hydrater et manger un petit peu régulièrement. Je n’ai pas froid mais guette le moment à partir duquel je vais sortir la veste. La pluie continue mais petit à petit nous gagnons en altitude et la végétation se fait moins dense. Je m’équipe tout en marchant et constate qu’il n’y a plus qu’une seule une personne derrière moi. Nous commençons en binôme à reprendre des coureurs partis trop vite. Certains ont l’air déjà bien cuits, un autre dort sur le bord du chemin tel un fakir sur une planche de clous (ok la roche volcanique c’est certainement plus agréable que les clous mais pas génial quand même). Nous sortons toujours à deux de la forêt vers Puy Ramond pour partir à l’assaut de Foc Foc. La pluie s’intensifie et le vent s’en mêle. Nous commençons  à rejoindre des portions courables pour dégourdir les jambes. Je ne me fais pas prier pour lancer les premières foulées. Même si pour le moment je ne souffre pas du froid, je veux vraiment éviter de lutter contre l’élément. Courir est une bonne solution. Nous rejoignons encore quelques coureurs. Il est très difficile de voir le chemin et le balisage. Nous unissons nos efforts avec le prochain petit groupe pour éclairer au mieux ce single rocailleux. Foc Foc (km 29 – 2445+ - 4h47) nous voici, sous des trombes d’eau. Les pieds sont trempés mais les bénévoles nous réchauffent par leurs paroles et leur soupe. Trop bonne cette soupe de vermicelles ! Et dire que petit je rechignais quand on m’annonçait de la soupe au menu ;-) Je repars direction le Volcan. Chacun ayant pris un temps de pause différent, je suis seul. J’ai emboîté le pas assez vite par rapport aux autres coureurs et suis donc seul sur ce chemin. Rebelote, c’est très dur de trouver sa route. Je fais quelques essais avec ma frontale pour essayer différents réglages. Finalement j’opte pour un faisceau concentré (d’habitude j’utilise plus un mode diffus qui éclaire plus large) et je dois dire que c’est vraiment pas mal. La jonction avec le ravito du volcan arrive assez vite. Je pointe en 5h29. Je suis  101ème (km 35,3 – 2595+). A ce moment là, je ne connais absolument pas ma position et je ne souhaite pas la demander. Je continue à reprendre quelques coureurs, et mes sensations, indépendamment des intempéries, sont correctes. Mon but, laisser le moins d’énergie possible dans cette nuit dantesque. En sortant du ravito, j’entends quelqu'un m’interpeller. Je me retourne. Il s’agit de Thierry Sautron, un collègue de club qui fait l’assistance de son frère. Je ne sais pas comment il a fait pour me reconnaître vues les conditions d’obscurité et la capuche sur la tête. Merci Thierry, c’était super sympa d’échanger quelques mots avec toi. Direction l’Oratoire St Thérèse.

 

Volcan (km 35) – Cilaos (km 72) – D+ 1395m – « Chemins ou ruisseaux ? Les deux mon capitaine. »

J’attaque la plaine des sables avec quelques repères. Nous sommes venus pique-niquer 2 jours plus tôt dans le coin et cela m’avait permis de bien visualiser cette portion et le profil jusqu’au Piton Textor. La montée à l’Oratoire ruisselle et la pluie est forte. Je découvre le concept que l’on m’avait présenté quelques jours plus tôt sur les vidéos disponibles sur le site de la course : le fameux « chemin-ruisseau ». Le nom parle de lui-même, L’eau ravine et emprunte le chemin pour descendre. On marche donc dans un petit ruisseau. C’est sympa pour le rafraîchissement. Merci amis réunionnais !! Outre cette pluie, la montée se fait bien et nous basculons vers la descente sur Piton Textor assez rapidement. Il faut être vigilant dans cette descente car le sol est composé de scories très abrasives qui peuvent faire très mal en cas de chute. J’ai un compagnon de route depuis peu et c’est plus facile à deux. Je le suis et prends quelques relais. Le ravito du Piton Textor (km 42 – 2755+ - 6h48) est vraiment sympa. Ambiance disco avec perruques bleues pour les bénévoles. J’en profite pour remplir le camel et les bouteilles, enlever quelques petits cailloux venus me titiller la voûte plantaire et m’avaler une bonne soupe. Je me rends compte que Maud Combarieu et Corinne Favre sont également au ravito. Elles sont arrivées juste avant nous. Elles repartent quelques secondes avant moi. Ca me rassure. Cela veut dire que ma montée progressive au volcan était une bonne stratégie et je ne pense pas y avoir laissé trop de cartouches.

Le changement de terrain est saisissant. On arrive dans la plaine des Cafres et ses paysages pouvant parfois s’apparenter à la Normandie ou à l’Auvergne. Beaucoup de champs, de vaches et un single en terre qui est curieusement assez praticable malgré les conditions. Cette portion est très courable et je reprends pas mal de monde dont le train Combarieu-Favre sur la descente sur le chalet des Pâtres. Le jour fait progressivement son apparition. Nous arrivons ensuite sur quelques kilomètres peu marrants sur route pour rejoindre Mare A Boue. Je peux dérouler sans trop laisser d’énergie mais fais attention d’être le plus souple possible car ces appuis répétés sur l’asphalte sont difficiles à encaisser musculairement. Je sais que Jacques m’attend à Mare A Boue et que le fait de pouvoir échanger avec lui et d’avoir son assistance va me faire beaucoup de bien. C’est là que je réalise la chance que j’ai de pouvoir compter sur eux à différents endroits jusqu’à l’arrivée. J’arrive enfin à Mare A Boue (km 52). Jacques a tout préparé. Il me félicite, me sort un t-shirt sec, me change les piles de la frontale en prévision de la prochaine nuit, m’aide pendant que je me pommade les pieds de crème NOK. Son sourire et ses encouragements me boostent. Je le quitte en lui donnant RDV à Cilaos. Merci Zou !

C’est parti pour l’ascension du Piton des Neiges. Ma bulle est là, je suis dedans, je n’en sors pas, je ne la lâche pas. Le terrain est tout de suite beaucoup plus gras et boueux. Je reprends rapidement quelques coureurs. C’est de moins en moins praticable. Il est parfois difficile de garder la trace du chemin (trop de boue et d’eau) et il faut contourner pour tenter de trouver une voie de progression plus facile. Rétrospectivement, je pense avoir mal négocié cette partie. Les pieds et les chaussures étaient de toutes les manières trempées. J’aurais parfois mieux fait de tailler tout droit. De toutes les manières, même en contournant légèrement c’était identique en terme de résultat : boue et eau qui entrent dans les chaussures, glissades par endroit. J’essaie de positiver car à part cette boue qui freine mon évolution, la météo tend à s’améliorer et je me sens bien physiquement. Je pense alors au récit du GRR 2011 de mon ami Samuel qui racontait les différents types de boue qu’il avait rencontré entre Bélouve et Hellbourg l’année précédente. Nous ne sommes pas très loin du cirque de Salazie. Ca doit être le style des randos du coin d’avoir de la boue collante, de la boue glissante, de la boue bien froide. Une ou deux fois la chaussure manque de rester plantée dans le sol, mais ouf, elle remonte quand même avec le pied. Je commence à me faire doubler allégrement. Maud Combarieu me repasse. Elle a l’air facile sur ces sentiers. Je l’encourage.

Fini Côteau Maigre, nous enquillons sur Côteau Kerveguen. Encore un nouveau type de chemin cher à nos amis réunionnais. Après la découverte des « chemins-ruisseaux », celle des « chemins-bain de boue », je fais connaissance avec le « chemin-escalade ». Cette montée au Piton des Neiges n’est vraiment pas faite pour moi : de gros blocs de pierre mouillées, l’eau qui ravine et ruisselle, une ligne naturelle de progression peu évidente et parfois quelques poses de mains nécessaires pour avancer.  Je ne souffre pas physiquement mais doit mal m’y prendre. Je continue à me faire doubler de temps en temps. J’essaie de comprendre comment font les gens qui me doublent pour avancer si vite sur des blocs inégalement répartis. Beaucoup ont l’air d’être réunionnais. J’en finis par conclure qu’ils doivent avoir l’habitude. Je comprends dans cette ascension pourquoi l’usage des bâtons n’est pas possible sur des sections de ce type. J’aperçois enfin le gîte du Piton des Neiges que je rejoins après une énième glissade (km 64 – 11h04 – 3940+). Je fais le plein d’eau, me refais la cerise avec une petite … soupe aux vermicelles et demande pour la première fois mon classement. 81 coureurs ont pointé avant moi. OK merci pour l’info. J’ai maintenant un gros plaisir qui m’attend. La descente sur Cilaos et quelques minutes avec ma super team d’assistance. Zou 1, Zou 2, Juliette et ma chérie seront là pour moi. Excusez-moi l’expression mais je kiffe grave par avance ;-)

A moi la descente du Bloc. Ca commence mal, je me trompe de chemin et continue à flanc sur une fausse piste après l’aller-retour au Gîte du piton des Neiges. Je fais demi-tour au bout d’une minute pour enfin trouver le point de bascule pour la descente. Je sais d’après les cartes IGN que c’est une descente très raide. On m’a aussi dit que c’était relativement cassant et technique. Je me lance. C’est effectivement comme on me l’a décrit mais j’arrive à courir tout le long. C’est plus en phase avec ce que je sais faire que la montée précédente. Je reprends quelques coureurs dont un qui est vraiment énervé car il a perdu sa veste depuis un moment. Il a un sac poubelle qu’il a dû récupérer à un ravito sur le haut du corps. J’échange un peu avec lui mais je ne peux pas l’aider. Je n’ai qu’une seule veste. Il me dit qu’il en a une qui l’attend dans son sac à Cilaos. Je l’encourage et continue mon bonhomme de chemin. Le sentier déboule sur une route qui annonce 2,5 km pour rejoindre la civilisation. Pas très drôles ces kilomètres goudronnés mais les gens sont dehors et encouragent sur chaque perron de maison. L’ambiance de ce trail est vraiment géniale. Tout le monde participe à la fête. Les encouragements s’intensifient à l’approche du stade et Jacques est venu à ma rencontre pour courir un peu avec moi. Il ne peut pas rentrer dans le stade car seuls les coureurs y sont habilités. Je pointe 78ème en 12h22, prends une assiette de coquillettes. A la sortie je rejoins ma « team ». Ils sont géniaux. Tout est prêt : chaussettes, chaussures sèches, t-shirt, vivres de course, … On parle un peu de la nuit, des conditions, du départ épique de la veille. Je ne m’épanche pas car je suis dans ma course et tente de ne rien oublier d’important. On se tape dans la main. Je ne veux pas leur montrer ou en parler mais j’appréhende un peu Mafate et le temps qui me sépare de notre prochaine rencontre qui est prévue à la Rivière de Galets (km … 135). Un bisou à Audrey puis Jacques m’accompagne jusqu’à l’entrée du « chemin des porteurs ». En sportif qu’il est, il m’encourage et sait trouver les mots pour me booster.

 

 

Cilaos (km 72) – Maïdo Tête Dure (km 120) – D+ 4610m – « Mafate : enfer ou paradis ? »

Une nouvelle course commence. Il est un peu plus de 10h du matin. Le soleil commence à percer la couche de nuages présente sur Cilaos, les conditions climatiques s’inversent pour laisser place à une forte chaleur. Je profite de la petite descente sur Cascades Bras Rouge pour faire un bilan avant d’attaquer le fameux Col du Taïbit. Les jambes sont relativement bonnes (pas neuves mais plus que correctes après plus de 70km et 4000D+), je n’ai pas de bobo ou d’alerte particulière, le moral est gonflé à bloc, je suis tout simplement heureux d’être là, de pouvoir être seul en pleine nature à l’attaque de ce col qui va me faire basculer dans ce cirque dont j’entends parler depuis tant de temps, j’ai nommé … Mafate.

La première partie de l’ascension se fait sous un fort soleil. Mon t-shirt pourtant changé à Cilaos est déjà trempé par la sueur. Je pense à m’hydrater le plus possible mais cela n’atténue pas cette chape de plomb qui pèse sur mes épaules. J’adopte un rythme relativement tranquille mais que je suis certain de pouvoir tenir sur toute l’ascension. N’ayant pas vu d’autres coureurs sortir du stade à Cilaos pendant mon arrêt, je m’attends à voir revenir des coureurs qui étaient devant moi à Cilaos mais qui ont pris un peu plus de temps à se ravitailler. Malgré ce petit rythme que je tiens, personne ne revient, c’est même le contraire lorsque j’arrive au PC du pied du col auquel je rejoins 2 ou 3 coureurs qui ont l’air assez marqués. Ma bulle est là, je suis dedans, je n’en sors pas, je ne la lâche pas. Je m’asperge abondamment avec des jets d’eau présents sur ce PC, refais le plein d’eau. Je décide de continuer en mode économie. C’est tout bénéfice car je n’ai pas l’impression de laisser trop d’énergie et je continue à grignoter pas mal de places. Finalement trois coureurs reviennent sur moi en fin de montée. Ce petit wagon me plaît bien et nous basculons quasiment ensemble au sommet pour enfin rentrer dans Mafate. A noter au milieu de cette ascension un petit barnum sous lequel on propose à tous les coureurs une tisane locale dénommée « tisane ascenseur ». Super sympa ce petit clin d’œil qui nous fait croire qu’on va monter au Taïbit en appuyant sur un simple bouton ;-) Encore merci aux bénévoles, à défaut de me faire monter plus vite, j’ai bien apprécié vos sourires chaleureux et votre breuvage.

La descente sur Marla est relativement aisée. Mes compagnons de route décident d’envoyer un peu sur cette section. Je préfère temporiser et préserver les cuisses car d’après ce que j’ai vu sur les profils, les 20 km qui arrivent devraient être plutôt roulants (enfin c’est ce que je pense, la suite me donnera partiellement tort) et je compte bien en profiter pour courir dès que j’en aurais l’occasion. Marla s’offre à nous  (mi course - km 85 – 56ème – 15h49 - 5370+). Ce petit village à l’entrée du cirque est coloré et fort accueillant. Les bénévoles sont une fois de plus aux petits soins. Je me rends compte que depuis le Volcan j’ai quasiment toujours eu un bénévole pour moi tout seul qui m’a chouchouté et fait un service complet (recharge en eau, nourriture, soupe). Ici c’est encore mieux, on m’installe une chaise. C’est du ravito 4 étoiles ! Chacun semble avoir envie de rester tellement c’est bon de manger quelque chose de chaud dans ce petit coin de paradis. On m’annonce 56ème. Je suis super content car cela fait plus de 20 places de gagnées depuis Cilaos (avec les abandons). Je prends quelques vivres de course à grignoter tout en me dirigeant vers la sortie du ravito. J’enclenche une petite foulée en me lance sur le sentier vers Bras Machine.

Les premiers kilomètres avant la montée au col de Fourche sont très agréables. Le terrain est enfin praticable par rapport aux sentiers auxquels nous avons eu droit depuis le départ, les odeurs de tamarins sont enivrantes et douces. Je prends un plaisir immense à courir dans cette ambiance. Changement de décor avec les premiers mètres de D+. Le terrain redevient compliqué. Mes 3 compères du Taïbit reviennent sur moi, ils me passent franchement. Je continue à mon rythme et ne me sens de toutes les manières pas capable de tenir ce rythme en montée. Je pense alors ne jamais les revoir. Je suis surpris de recoller à plusieurs reprises sans vraiment le vouloir tant cette montée au Col de Fourche puis au Col des Bœufs ne me plaît pas. Je m’attendais à un terrain plus simple et c’est encore un terrain inédit à la réunionnaise qui m’est offert. Les conditions redeviennent humides avec quelques gouttes qui commencent à faire leur apparition. Une forte pluie s’installe à l’approche du sentier Scout. Il faut faire attention car certains passages sont très engagés (j’apprendrais après l’arrivée qu’un trailer fera une chute mortelle sur cette section dans la nuit qui suivra notre passage. Quelle tristesse pour ces proches et sa famille). Le va-et-vient avec mes compagnons de route continue, la pluie redouble, je remets ma veste que j’avais rangée dans mon Camel au Piton des Neiges. Nous arrivons sous des sceaux d’eau au ravito (km 93 – 5960+). Un ami de Jacques, qui m’avait vu à Cilaos, me reconnaît et m’encourage vivement. Il s’agit de son coiffeur qui habite au Tampon. Merci ! Ca fait du bien un peu de réconfort vues les conditions ;-)

On prend les mêmes et on recommence pour la descente vers La Plaque. Le temps se calme. Le rythme de mes collègues est toujours très inégal mais je suis toujours dans le groupe de temps à autre en étant super régulier. Je laisse filer quand cela me semble trop rapide. Nous rejoignons enfin Ilet à Bourse après une longue descente. Le hors d’œuvre est bientôt terminé. Nous avons découvert l’est du cirque de Mafate (et longé le cirque de Salazie), nous allons maintenant faire connaissance avec le plat de résistance. Miam.

La remontée qui nous mène de La Plaque à Ilet à Bourse est sèche et fait son effet. Notre groupe de 4 (qui n’en était pas vraiment un car nous avons fait par miracle 20 km sans nous perdre de vue mais sans réellement pouvoir courir ensemble tant nos rythmes respectifs étaient différents) va se dissoudre. Deux collègues partent comme des balles sur cette grosse grimpette, l’autre semble marquer sérieusement le pas. Ma stratégie reste la même : je veux sortir de Mafate avec de l’essence dans le moteur (il restera encore 50km et 2000m de D+  après Mafate) et la portion qui arrive est tout simplement monstrueuse. Je reste à l’écoute de mes sensations et de mon corps et profite de ce décor magnifique. Les « Ilets » se détachent du ciel bleu qui règne désormais sur le cirque, les odeurs sont toujours aussi présentes, la luminosité est très particulière. Celle-ci diminue à l’approche de la nuit et j’ai parfois l’impression que certaines plantes dégagent un léger faisceau lumineux. Je sais bien que c’est un effet d’optique lié à la luminosité mais c’est vraiment beau et je profite à plein de ces instants. Je rejoins le point de contrôle d’Ilet à Bourse (km 101) en 51 ème position. Je retrouve mes deux anciens compères partis rapidement tout à l’heure. Ils sont vraiment très irréguliers me dis-je. Il ne me manque rien et je sais que Grand Place n’est pas très loin. Je repars devant eux et ne les reverrai finalement plus.

La jonction avec Grand Place les Bas est rapidement effectuée (km 104 – 48ème). Je sais que c’est mon dernier ravito de jour dans Mafate et donc en profite pour faire un check complet avant le gros morceau qui arrive : eau, vivres, frontale. J’ai une irritation depuis peu à l’entre-jambes. C’est tout à fait supportable mais c’est le genre de petit truc qui peut vite devenir l’enfer. Je demande s’ils ont de la crème anti-frottement. Ils n’en ont pas mais ils ont une crème qui pourra faire l’affaire. J’en mets et repars en trottinant. Je sais que les 15km et 2260m de D+ qui arrivent vont faire très mal à tous. Je profite de ces premiers mètres pour décomposer et visualiser mentalement ce qui m’attend. Tout d’abord une première cartouche vers Grand Place les Hauts (340m+) ensuite une deuxième cartouche entre Roche Ancrée et Roche Plate (860m+) et enfin une troisième cartouche pour sortir par le Maïdo (1060m+) !!! On a déjà 105 km et 6340m de D+ au compteur. Oui, c’est bien la diagonale des fous, j’y suis, c’est la démesure du défi qui me fait curieusement me marrer à ce moment là. Mais ma bulle est là, je suis dedans, je n’en sors pas, je ne la lâche pas.

La nuit tombe. La première ascension se passe bien. Je bascule à Grand Place les Hauts vers la Roche Ancrée. Il fait maintenant nuit noire. Aucune frontale devant, aucune frontale derrière. Je plonge dans ce sentier très technique. Les bruits sont omniprésents (eau, grenouilles, …), c’est irréel de me retrouver seul dans cette immensité et cette nature sans connaître les lieux. C’est excitant mais cela me pousse aussi à être très prudent tant il serait rapide de me blesser en chutant bêtement. J’adopte le mode diesel (celui qui passe partout mais pas bien vite). Dommage de ne pas avoir pris l’option ABS car à défaut de disques de freins j’ai des quadriceps qui commencent à râler un peu dans cette descente infernale. Le bruit de l’eau se fait plus pressant, je rejoins la rivière, la traverse. La montée à Roche Plate qui suit sera certainement le moment le plus difficile de ma course. Une première ascension de 300m de D+ suivie d’une descente très technique puis d’une nouvelle montée d’un peu plus de 500m de D+. Ce chemin est composé de grosses marches qui ne laissent aucun répit. Chaque pas, chaque mètre de D+ gagné, va se chercher musculairement. Pas possible de se cacher, la nature est sur votre dos à chaque instant et ne vous lâche plus. Ici l’homme n’a rien imposé, n’a rien dicté, mais a composé avec l’élément pour tailler un passage comme il le pouvait. Je croise un autochtone et lui demande si le ravito de Roche Plate est loin. Il me répond poliment que ce n’est plus très loin (500m en distance). 40 mn après l’avoir croisé je suis toujours dans ces marches qui n’en finissent pas. Je comprends donc qu’en plus d’être poli, cet autochtone était gentil mais aucunement géomètre. Mais ce n’est pas grave, je prends mon mal en patience et positive car mon diesel tourne. Il ne tourne pas vite mais il tourne sans relâche et à l’économie. Plus rassurant, personne ne me reprend. Ma bulle est là, je suis dedans, je n’en sors pas, je ne la lâche pas.

Retour à la civilisation à Roche Plate (km 114). Je pointe 45ème. N’ayant doublé personne, j’en déduis que les abandons continuent bon train. On s’occupe une fois de plus de moi sans compter. On m’installe une chaise, on s’occupe de recharger le Camel et mes bouteilles. Une amie des Zou est là et avait mon numéro de dossard. Elle me reconnait et me chouchoute de plus belle. Merci pour ces mots sympas. Elle me trouve frais (c’est bien sûr relatif). Ces impressions me font plaisir mais je suis tout de même un peu groggy après ces derniers 800m de D+. Le moteur est quand même là et je m’élance dans le fameux Maïdo.

La nuit se fait un peu plus fraîche, je passe la Brêche où deux bénévoles m’attendent pour me guider et surtout me demander de saisir la main courante en longeant bien la paroi avant de bifurquer sur la gauche. On sent que ce Maïdo est très aérien. De jour, cette montée doit être relativement impressionnante, mais là, ne voyant pas le vide, je ne ressens aucune appréhension particulière. Je remonte mes manchons sur les bras pour me tenir au chaud et continue à avancer doucement mais régulièrement. Je croise une personne qui descend avec une frontale et lui demande ce qu’il reste avant de sortir ce sommet. Il me montre une lumière clignotante en haut et me dit que c’est le ravito. Cette lumière est encore bien loin et je me dis que j’essaierai de la retrouver plus tard lorsque j’aurai gagné en altitude. 40 mn plus tard, je tente de me situer par rapport au sommet. Je fixe un point lumineux que je trouve curieusement encore plus haut que la lumière clignotante repérée auparavant. Je gamberge un moment en me disant que ce n’est peut être pas le même repère. Mais que ce point lumineux est haut !!! Je percute enfin que je suis en train de confondre avec une étoile. Ouch !! Cela m’alerte. Suis-je en train de divaguer ? Ai-je sommeil ? Non je ne crois pas. Je me sens tout de même un peu faible (malgré l’allure qui n’a pas chutée) et décide de m’alimenter un peu en marchant. Cela a l’air de fonctionner, je me trouve un peu plus lucide et continue mon bonhomme de chemin. Au final, j’arrive au sommet sans m’en rendre compte. Je regardais juste 1m devant pour avancer et vois d’un coup quelques personnes m’encourager avec des frontales. Deux filles  me hêlent et crient : Yann !!! Grosse surprise : Juliette et Audrey sont là ! Je suis super content de les voir mais suis tellement dans mon effort et étonné de leur présence que j’ai du mal à le manifester. Merci les filles d’être montées là avec les frontales vissées sur la tête. Je vous assure que votre présence m’a vraiment aidé pour enchaîner sur une fin de nuit parfaite. J’embrasse Audrey et m’élance vers le ravito qui se situe en contrebas à 1km de là.

Mafate aura finalement été un paradis. Je n’ai pas eu de moment de détresse ou de doute quant à ma capacité à en sortir dans des conditions correctes. Mais que ce cirque est magique et intriguant. J’ai adoré. Je n’ai pas vu La Nouvelle, La canalisation des Orangers et autres merveilles. Mafate, … je reviendrai (avec Audrey et les loulous).

 

Maïdo Tête Dure (km 121) - Colorado (km 165) - D+ 2245m - «Rencontre bretonne»

Je pointe au ravito en en 25h39 pour 121 km et 8600m de D+ réalisés : ça, c’est fait ! 39ème : ça c’est inespéré ! Pour la première fois, je pense qu’il est possible (et fou) de rentrer dans le top 30 ! Ma stratégie de régularité est payante, depuis le début je me force à me focaliser constamment sur moi et pas sur le classement. Je décide de continuer comme cela. Le résultat, quel qu’il soit, me comblera. C’est une course contre moi-même et pas contre les autres. Ma bulle est là, je suis dedans, je n’en sors pas, je ne la lâche pas.

A Maïdo, on passe du ravito 4 étoiles ou ravito 5 étoiles. On me dirige vers une chaise et on m’apporte tout ce que je souhaite. Le bénévole qui s’occupe de moi est d’une gentillesse incroyable. Il est admiratif devant ce que nous sommes en train de réaliser. Je demande un café en me disant que cela m’aidera à poursuivre mon effort dans la nuit. Je pars en marchant tout en sortant ma veste (nous sommes tout de même à plus de 2000m et il est minuit). Il m’aide carrément à l’enfiler et continue une centaine de mètres jusqu’à ce que je parte en courant dans cette descente. Je m’arrête, me retourne et lui serre la main et le remerciant vivement pour ses services. Bref ça résume bien ce que ce sont les bénévoles sur cette course. Je n’ai jamais vu ça ailleurs. Merci.

Le mot descente, c’est bien ce que j’avais en tête sur les 13 km qui nous permettraient de rejoindre Sans Souci depuis le Maïdo. En fait, c’est encore un nouveau type de chemin réunionnais. Et oui, si les montées réservent leur lot de surprises (boue, échelles, ruisseaux, marches, …), les descentes, ont elles aussi leur spécificité. Elles montent ;-) La section entre le Maïdo et Ilet Alcide est certes très agréable avec un single en sous bois (du moins c’est mon souvenir) qui est composé de successions de montées et de descentes. Globalement cela descend légèrement mais de petites grimpettes interrompent sans cesse le rythme que je tente de mettre en courant. De jour, cela doit être splendide car on doit passer par tous les types de végétation existant entre les sommets et le bord de mer. De nuit, c’est aussi un moment agréable de sentir ce décor changer sur un sol relativement doux. Cela fait aussi du bien d’enfin courir alors que je viens de me taper 5h d’ascension quasi permanente entre Ilet à Bourse et le Maïdo. Je passe les panneaux Ilet Alcide et longe un campement où deux personnes sont là. Cela fait maintenant longtemps que j’ai quitté le sommet et pense en avoir encore pour environ 4 km pour atteindre Sans Souci. On m’indique qu’il en reste 8 ! Aie, ce sont donc bien des descentes qui montent ;-).

Le terrain se fait tout de même beaucoup plus roulant. Je situe Sans Souci au niveau de la mer et suis un peu surpris de ne pas encore apercevoir une seule lumière d’un village côtier. Petit à petit les repères lumineux sont visibles mais très lointains. Je quitte la forêt pour rejoindre les champs de canne. Le chemin est relativement large, terreux (pas boueux), et composé de petites marches (petits rondins pour éviter les glissements de terrain) réparties très régulièrement. Il est possible de courir à un bon rythme mais c’est tellement long que ces chocs tous les 3 ou 4 mètres pour descendre ces marches usent les organismes et les articulations. J’aperçois deux coureurs devant moi et m’emballe un peu au lieu de poursuivre au même rythme. Je les double les deux dont Julia Bottger (alors 3ème féminine) que j’encourage. Elle a l’air de vraiment souffrir au niveau musculaire dans cette descente. Elle marche tout comme la personne que je double quelques minutes plus tard. Cette descente est vraiment interminable. Ma cheville droite, du fait des efforts accumulés et des chocs sur ces derniers km commence à me faire souffrir. Tout comme les deux acolytes que je viens de doubler, je décide de marcher pour me préserver. Je rejoins enfin un chemin plat. C’est un chemin en pierre ultra dur sur lequel j’oscille entre petits trots et marche. Ce chemin est trop cassant pour l’organisme pour y courir (enfin je suppose que Kilian n’a pas eu la même analyse ;-) Je rejoins enfin la route qui me permet d’entrer dans Sans Souci (km 134). J’aurais mis 3h pour descendre ces 13km mais je pointe en 36ème position. Nouveau ravito plein de charme. Les bénévoles m’indiquent que des crêpes chaudes sont prêtes. Je suis très tenté par cette proposition gastronomique et en avale 3. On me propose aussi de tremper ma main dans la peinture et de mettre mon empreinte sur le mur de cette école et de signer. Je me plie volontiers à l’exercice et repars direction la Rivière de Galets où m’attendent Zou et Jérôme. Le fait de les savoir là en pleine nuit me donne vraiment une vision positive et me rebooste pour reprendre la route et un petit rythme. Je descends et rejoins cette fameuse rivière de galets. Le parcours la longe sur un chemin carrossable mais ultra cassant. C’est très rude pour les articulations. Deux coureurs alternent marche et course à 200m devant moi. Petit à petit, avec un rythme régulier, je me rapproche d’eux. On traverse la rivière et c’est reparti dans l’autre sens pour un chemin identique au précédent. C’est vraiment la partie la plus désagréable de ce GRR avec la fin de la descente sur Sans Souci. C’est vraiment très dur pour l’organisme. Il n’y a de plus aucun intérêt par rapport aux difficultés et à la variété de ce que nous avons dû affronter jusqu’ici. Bref, à méditer pour les prochaines éditions : il faut aussi veiller à l’intégrité physique des coureurs. Ce chemin passé, la pente s’élève à nouveau pour rejoindre le Stade Halte-Là (km 136 – 33ème). Jérôme et Zou m’attendent. Je suis vraiment heureux de les voir. Je sais qu’on va vivre la fin de ce GRR ensemble et que je le tiens ce maillot de finisher. Sauf blessure, il est à portée de main.

Comme sur les ravitaillements précédents, j’essaie de ne rien oublier. Jérôme m’accompagne dans tous mes gestes. Je m’occupe de mes pieds (crème) pendant qu’on me ravitaille en eau. Je mange un peu. Mon pied droit est assez douloureux depuis la fin de la descente sur Sans Souci. Je pense pouvoir rejoindre l’arrivée en serrant les dents mais je préfère prendre un anti-inflammatoire au cas où la douleur deviendrait plus importante. Je suis un peu marqué par l’effort et la nuit mais me sens encore dans un bon état de forme. Jérôme me lâche alors : « t’as l’air frais par rapport aux autres » Cette phrase va être un déclic pour moi. Merci Jé ! Un vrai coach sur coup. Je fais le point. Outre mon pied droit qui me fait quelques misères, j’ai encore de l’énergie. Je sais aussi mesurer ce qu’il me reste à accomplir : 35km et 2000m+. Cela correspond à une grosse sortie d’entrainement. Je sais que physiquement, je vais les tenir et que même mieux j’ai encore les jambes et l’énergie pour courir tout ce qui sera courable. J’ai pris pas mal de temps sur ce ravitaillement et au moins 3 coureurs arrivés juste après moi sont repartis devant. Je suis remonté comme une pendule et m’élance direction Le Chemin Ratineau. Pour la première fois depuis le départ, l’idée de rejoindre et doubler devient un objectif (sans me griller bien sûr). Je suis dans ma bulle, je n’en sors pas, je ne la lâche pas.

Le parcours suit une route puis des maisons. Certaines familles sont dans leur jardin et écoutent un reggae à réveiller tout le village. Ils font la fête et encouragent les coureurs. C’est sympa. Un enfant me guide sur quelques dizaines de mètres pour le début de la montée vers le Chemin Ratineau. De nuit, il est difficile de bien comprendre dans quel type de paysage je suis. Le chemin commence à prendre de la pente et est pour le moment très régulier. Je mène une bonne allure et retrouve d’excellentes sensations. J’ai vraiment l’impression d’avancer fort sans être en surrégime. Je double un premier coureur puis en aperçoit un deuxième. Au final je double 6 coureurs de rang juste avant de rejoindre le Chemin Ratineau. Je fais mes calculs : 33ème au ravito précédent, environ 3 places perdues pour des personnes ayant passé moins de temps à Halte-Là et 6 de gagnées dans la montée. Je dois être autour de la 30 ème position ! Le top 30 est vraiment jouable. Je m’élance dans la descente. C’est vraiment très technique avec énormément de troncs d’arbres, de roseaux et d’irrégularités sur le sol. Je mène tout de même un bon rythme en prenant garde à la blessure. J’aperçois un coureur que je rejoins progressivement. Je pense alors à la chasse à l’homme (même adulte on reste finalement de grands enfants). Je prends alors un pied énorme dans cette nuit et cette végétation « à traquer » ma proie. Il descend bien le bougre. Pas grave, j’ai encore le temps. Il reste 30 km. Finalement une section plus roulante arrive avant le pointage. L’écart d’allure est plus marqué sur ce terrain et je finis par doubler mon gibier. Je pointe à Chemin Ratineau (km 142 – 9370+) et demande ma position : 29ème. Ca y est. Je suis dans le top 30. Je me sens encore bien, je décide alors de me battre pour tenter de défendre cette position. C’est déjà bien de finir une course si difficile, mais être dans ce top 30 ne se refuse pas.

La descente se poursuit, j’aperçois un autre coureur pas très loin. Je fonds progressivement sur lui. On a vraiment un rythme très proche l’un de l’autre. On en profite pour engager la conversation. Il est breton, il n’habite pas très loin de Brest à l’endroit où j’ai fini mes études. Marrant cette coïncidence. C’est Thierry Gallou. Ce nom m’interpelle et il me dit qu’il avait fait l’Ultra 6000D en 2009 (3ème). Je savais que j’avais déjà vu ce nom sur quelques résultats de courses (j’avais également fait l’ultra 6000D mais en 2010). Thierry en est à son 4ème GRR avec des places dans le top 30 (ou autour) à chaque fois.  Je lui propose de faire course commune ce qu’il accepte volontiers. Le parcours est très cassant avec de fortes pentes à travers les arbres. Il faut tirer sur les bras pour nous hisser. Nous approchons de La Possession. Le dernier coureur que j’avais doublé revient sur nous mais dès que le terrain se fait plus plat, il n’arrive pas à suivre notre cadence. On en remet une couche à l’approche du ravitaillement et pointons enfin (km 149 – 9580+). Nous sommes 27 et 28ème. Je me lâche un peu au ravito. Il y a du chocolat et ça me fait envie. Je me dis qu’il ne peut plus m’arriver grand chose d’un point de vue digestif et que tout ce que j’ai tenté depuis le début est bien passé. Il n’y a pas de raison que cela change.

Thierry connaît désormais très bien le parcours jusqu’à l’arrivée. Il est lui aussi très motivé pour maintenir nos places et prend les choses en main en terme de rythme. On s’élance sur une partie en bitume avant d’attaquer le fameux Chemin des Anglais. J’ai hâte d’y arriver car j’en ai beaucoup entendu parler et c’est un repère historique de La Réunion. La première rampe sur les blocs de pierres noires passe sans encombre. On essaie de pointer l’écart avec notre poursuivant mais les lacets de cette montée nous empêchent d’avoir un repère visuel simple. Personne à l’horizon, c’est bon signe. La montée passera très bien et à un bon rythme. La descente sera beaucoup plus difficile à gérer car ces grosses pierres sont très inégales et il est vite arrivé de se tordre une cheville. Mon pied droit me rappelle à l’ordre. La douleur est quand même présente. Je ne prends aucun risque. Ce serait trop bête que l’aventure s’arrête là. Thierry a un ami à lui qui a fait le chemin en sens inverse depuis La Grande Chaloupe qui nous rejoint dans la descente. Les pacers étant interdits sur la course, il prend garde de s’écarter pour qu’on ne puisse pas nous reprocher de nous faire aider. Peu avant La Grand Chaloupe, c’est maintenant Jérôme et Zou que j’avais laissé à Halte Là qui sont montés à ma rencontre. Merci les gars ! C’est vraiment très « casse-gueule » comme terrain et c’est sympa de risquer vos chevilles pour moi. On papote tout en descendant ou devrais-je dire en sautillant de pierre en pierre. Le ravito est là (km 156 – 9950+).

On ne passe pas beaucoup de temps à ce PC. Je sors le débardeur de l’organisation car son port est obligatoire pour l’arrivée. Thierry se rend compte qu’il ne l’a pas sur lui. Pas grave, Jérôme a dans le sac d’assistance que j’avais préparé pour la fin de course le deuxième t-shirt (l’orga en donne deux à tous les participants : un débardeur et un t-shirt). Nous formons une vraie équipe qui se serre mutuellement les coudes. On quitte le poste de contrôle. Jacques et Jérôme me disent qu’ils appellent les filles pour caler leur heure d’arrivée à La Redoute et fêter triomphalement le passage de l’arche tous ensemble. C’est bon ça !

Ce n’est pas le tout mais avant de penser à l’arrivée il reste encore 900+ et 14km. Ce n’est pas fini. Je suis dans ma bulle, je n’en sors pas, je ne la lâche pas. On relance la machine direction St Bernard. Cette montée est relativement progressive est sans difficulté particulière. La chaleur s’installe (il est environ 8h). La journée va être très chaude. J’ai une pensée pour les centaines de collègues qui vont souffrir de cette canicule toute la journée et qui ensuite enchaineront pour une troisième nuit de rang. Chapeau ! En nous retournant, on s’aperçoit que notre poursuivant arrive au ravito peu après que nous l’ayons quitté. Il ne lâche rien le bougre. Et si le chasseur devenait le chassé ;-) Nous avançons bien et St Bernard nous tend les bras. Arrivés à St Bernard nous empruntons une portion assez longue sur route. Nous apercevons désormais en haut « la boule » du Colorado et je comprends que le parcours va redescendre assez bas avant de nous emmener vers cet objectif. On aperçoit à 200m un coureur qui a l’air en difficulté. Il marche. Nous avons vite fait de le rattraper. Nous échangeons avec lui et lui proposons de finir ensemble s’il le souhaite. Il n’est plus vraiment lucide et nous explique qu’il pense avoir des hallucinations. Il nous dit avoir eu une vision étrange en regardant une ces pierres noires qui jonchent la route. Elle se serait transformée en animal !! Ouch. Il a l’air d’aller mieux et nous emboîte le pas dans cette ultime difficulté : la montée vers Colorado. Le rythme est toujours bon mais à notre grande surprise notre poursuivant est revenu. Il n’a pas trop envie d’échanger et n’est pas très agréable. Ca ne plaît pas beaucoup à Thierry qui augmente vraiment le rythme pendant 2-3mn puis met ensuite une énorme mine ! Je lui emboîte le pas. Le groupe ne résistera pas longtemps à cette attaque éclair du breton ;-) Je m’accroche  et on creuse vraiment l’écart. On finit cette ascension en mode commando. Je me dis qu’on est quand même barjots de faire un effort pareil après plus de 160km et 10000m +. Le terrain s’aplanit un peu et nous relançons de plus belle pour avoir une bonne avance au point de contrôle du Colorado. Thierry est plus frais que moi. Je m’accroche mais il calme un peu le jeu car on a vraiment envie d’arriver ensemble. C’est super sympa de sa part. Colorado, here we are (km 165 / 10845m + /  27ème).

 

Colorado (km 165) – Stade de La Redoute (km 170) – Cumul D+ 10845m – « Je lâche la bulle »

Là, ça commence vraiment à sentir bon. Dans un peu moins d’une heure, si je ne fais pas une erreur de débutant et ne me blesse pas, je serai finisher du Grand Raid de la Réunion. Thierry est maintenant devenu mon guide. Il connait cette descente par cœur. Il me dit l’avoir déjà faite en 38mn !! Je suis ses conseils et prends sa trajectoire. Je m’attendais à 5 km de plaisir mais c’est vraiment une descente qui est très technique et nécessite beaucoup de vigilance. J’assure les passages les plus difficiles, la cheville droite commence à moyennent apprécier l’aventure. Malgré la perte d’altitude, le stade de La Redoute est toujours hors de notre vue. Nous finissons tout de même par rejoindre une traversée à flanc sur la gauche et découvrons enfin ce stade tant attendu en contrebas. Zou est venu à notre rencontre tout comme l’ami de Thierry que nous avions vu à la Grande Chaloupe. Thierry étant plus frais que moi, je lui dis de passer devant et de profiter avec ses proches de son arrivée. Il refuse catégoriquement : «  c’est ton premier GRR, ce que tu as fait est super, c’est hors de question, c’est toi qui passe devant et profite avec tes proches et je ferai de même derrière ». Quelle attitude après tant d’effort et d’abnégation ! Bravo Thierry et merci pour ce superbe moment que tu m’as offert.

Je passe sous le fameux pont Vinh-San et cours avec Jacques derrière moi en direction de l’entrée du stade. Je visualise l’arrivée, l’image de retrouver Audrey, Claude, Juliette/Jérôme et leurs enfants et de franchir la ligne avec eux. L’émotion commence à me gagner, je retiens mes larmes qui n’en demandent pas tant pour s’évader. Je reprends le contrôle et lâche de vive voix à Jacques : « on va s’en boire une bonne ». Je peux maintenant sortir de ma bulle, la lâcher et la remercier.

Je traverse la route pour rejoindre l’entrée du stade, il y a encore peu de monde vue l’heure mais chaque passant que j’ai pu croiser m’a félicité et encouragé. Virage à gauche pour rejoindre le tour de piste final. Ma team m’attend juste à l’entrée. Il me reste 100m à faire mais j’entends déjà leurs cris. Cela devient dur de retenir les larmes mais je me contiens tout en trottinant. Ca y est, j’y suis. Ils sont là pour moi et pour me fêter. C’est super. On part tous ensemble en courant. Les filles ont fait une banderole et courent derrière moi. Jacques brandit un panneau portant mon numéro de dossard (ce panneau a d’ailleurs été sur tous les postes de ravitos auxquels ils sont venus). Il reste 30m. La délivrance est à portée de main. Chacun y va de son élocution : « On y est », « T’es un champion » … Merci, c’est trop.

Je passe l’arche, on me prend la main pour pointer, on vérifie mon dossard et les marques anti-triche. Je me retourne vers Audrey et explose en sanglots. 36h53mn03s que je suis focalisé sur mes sensations, que je suis dans ma bulle et que je ne l’ai pas lâchée. J’ai l’impression que toute l’énergie que j’ai part soudainement dans le sol, qu’elle m’abandonne. Je ne peux plus rien retenir, c’est bon de pleurer dans les bras d’Audrey, c’est bon d’être là et de vivre cela avec elle et avec eux. Je ne réalise pas ce que je viens de réaliser : La Redoute – km 170 – 10 845m + - 26ème. C’est tout simplement énorme et au-dessus de mes espérances. Je vais faire une bise à ma team. Avec le recul, j’aurais tous dû vous enlacer et vous remercier beaucoup plus d’avoir été présents, de vous être levés tôt pour moi, d’avoir vécu cette course comme si c’était la vôtre. Encore merci à vous pour tout cela. On me demande ensuite d’aller poser ma signature sur un tableau. Chaque finisher de ce GRR sera invité à le faire. Le tableau est encore très lisible. Je suis le 26ème à signer. Les noms de mes prédécesseurs sont pour certains irréels : Kilian Jornet, Antoine Guillon, Emilie Lecomte, Christophe Le Saux, … Ouais, j’ai quand même fait un gros truc, c’est fait et personne ne pourra me l’enlever. Cela m’appartient, c’est l’aboutissement de beaucoup d’entrainement et de réflexion sur ma pratique.

Après ce moment d’émotion pure, je retourne voir Thierry pour le remercier. On se prend dans les bras. Ces 6 dernières heures communes ont été superbes. Merci Monsieur Thierry Gallou. J’espère qu’on se recroisera prochainement. Quelle attitude et quelles valeurs sportives ! Chapeau bas.

Nous allons ensuite prendre un coca bien mérité. Je sors le portable qui a sonné maintes et maintes fois à chaque point de contrôle. Le nombre de SMS reçus est vraiment incroyable. Ces bips après chaque pointage m’ont vraiment donné de l’énergie et permis de m’évader quelques instants en pensant à mes collègues de club. Je ne m’imaginais tout de même pas avoir été suivi comme cela.

 

GRR 2012 – Est-ce une folie ?

Il s’agissait de ma première participation à cette course et de ma première participation à une course aussi longue (le max déjà réalisé étant l’Ultra 6000D 110km – 5200+). Je n’ai donc pas de marque de comparaison. Ce qui est certain est que cette course est vraiment très difficile. Je n’ai jamais été en grande détresse mais j’ai dû faire appel à beaucoup de petits détails glanés sur d’autres courses plus modestes et à mes 5 années de pratique méticuleuse. Faire la Diagonale n’est pas anodin, et cela nécessite pour moi (que l’on veuille le faire pour la finir ou pour la faire en performance) :

  • une pratique régulière et progressive
  • une très bonne connaissance de soi et de ses capacités. Le taux d’abandon le montre (48,8%). Bien sûr il y a toujours des aléas de course, mais beaucoup ne sont pas prêts pour venir à bout d’un tel parcours. Cela m’a particulièrement frappé sur les 3 premières heures de course en voyant des personnes en surrégime complet. Je n’entends pas par capacité le fait de pouvoir réaliser de grandes performances mais plutôt le fait de savoir tenir une allure qui varie d’une personne à l’autre en fonction de ses aptitudes et de son entraînement.

Le parcours de cette édition était tout simplement hors norme. Ceux qui avaient un GPS sortent tous des traces qui oscillent cette année entre 175 et 177km avec 10 900m de dénivelé positifs. C’est certainement trop. Ces sentiers réunionnais sont bien plus difficiles que ce que l’on peut rencontrer sur l’UTMB par exemple. Chercher à l’avenir à aligner la distance de ces deux courses serait à mon sens une erreur.

Sinon que dire de toutes ces merveilles : le Volcan, la plaine des cafres, le Piton des Neiges, Mafate, … des terrains de jeu très différents et magiques. Cette course est grandiose. Et que dire de l’ambiance, des bénévoles, de la place que le Grand Raid occupe pendant quelques semaines dans la vie locale. Horne norme, je pense que cela résume bien le phénomène Grand Raid.

 

Merci

Ce résultat est bien sûr le fruit d’un entrainement régulier et d’un investissement important. Mes premiers remerciements vont donc à ma femme qui est à mes côtés toute l’année et qui vit (et parfois subit) ma passion. Merci à elle pour le temps et la patience que cela requiert. Merci Audrey pour les photos sur les bouteilles, les t-shirts réalisés pour l’occasion. Comme d’habitude, tu as été au top et ta créativité a fait des étincelles.

Merci à tous mes collègues de club à l’AAAL pour leur suivi live, leurs messages de soutien pendant la course. Quand j’ai relu le suivi sur FB, j’ai vraiment été touché, la larme a coulé. Christophe, Emmanuelle, Delphine, Yamina, Anne, Xavier, Thomas, Olivier, Raphaël, Romain, Daniel, Vincent et tous les autres … vous vous reconnaîtrez. Merci à Paco et Françoise, pour leurs entrainements et leur investissement au sein du club depuis des années. Un merci tout particulier à Olivier Dodane, avec qui j’ai pu faire pas mal de sorties longues dans les Monts d’Or. C’était vraiment de bons moments de camaraderie et aussi de très bonnes séances de préparation. Merci à Benoît pour les affiches au bureau, tes messages laissés après la course. Je pense que notre approche est similaire et qu’on se comprend ;-) Merci à mes potes du BDS qui étaient aussi présents à distance et notamment au Président (Vincent Castay) qui a échangé 3000 SMS pendant la course avec Audrey (ok j’exagère un peu Vince). Merci à Olivier Pinelli, que j’aurais bien aimé avoir avec moi sur la ligne de départ (et d’arrivée). Ce sera pour la prochaine Olivier. J’ai beaucoup pensé à toi pendant la course. Content de te savoir de retour sur les sentiers en 2013. Merci aux amis parisiens. Merci à tous les amis ou collègues de travail qui m’ont supportés pendant et félicités après.

Et enfin merci à Zou 1 et Zou 2 pour leur accueil à la Réunion et leur gentillesse. Ca n’a pas du être facile de me supporter les 3 jours précédents la course ,-) Merci à ma team (Juliette, Jérôme, Claude, Jacques, Audrey). C’était super de partager de tels moments avec vous. Ces souvenirs sont précieux et personne ne pourra me les enlever. Merci aux filles d’être montées au Maïdo pour me faire la surprise et désolé de ne pas avoir été très loquace.

Et bien sûr une pensée pour ma famille qui a bien dû stresser à distance, et qui était elle aussi présente dans mes pensées dans les moments difficiles.

 

Le GRR 2012 en chiffres

Si ce récit ne vous a pas endormi par sa longueur, ne vous a pas effrayé par le périple décrit, ne vous a pas dégoûté du trail, voici quelques éléments chiffrés en bloc. Le GRR 2012, c’est :

  • 170 km sur le papier (entre 175 et 177 km en réalité)
  • 10 845m de D+ et de D-
  • 2607 partants et autant de bénévoles
  • 1363 fous (finishers)
  • 1 er homme (ou extra-terrestre) : Kilian Jornet en 26h33mn10s
  • 1 ère femme et 10ème au scratch (ou super woman) : Emilie Lecomte en 33h03mn17s
  • Temps moyen de course des finishers : 57h38mn

Et si cela ne vous suffit pas, vous trouverez tout le reste sur le site de la course : http://www.grandraid-reunion.com

25 commentaires

Commentaire de Ponpon posté le 24-11-2012 à 02:47:28

Très beau récit, on sent l'émotion dans tes lignes !
Je revois certains passages, de jour pour toi, de nuit pour moi ou l'inverse ;-) et me replonge dans cette merveilleuse aventure…

A parcourir ton récit j'aurais presque envie d'arrêter de flâner et de courir sérieusement pour vivre la même chose que toi !
Peut-être un jour ??

En tout cas bravo pour ta gestion de course et merci pour ce récit détaillé !!

Commentaire de YannC posté le 26-11-2012 à 23:21:57

Merci. Bravo également pour ta course. A bientôt sur un sentier ;-)

Commentaire de Byzance posté le 24-11-2012 à 11:31:10

Bravo : A une place du TOP 25 !

Commentaire de dragondefeu974 posté le 24-11-2012 à 12:57:33

merci yann pour ton récit. j'ai dévoré chaque mot et j'ai ressenti beaucoup d'émotion car ça m'a rappelé aussi des souvenirs. merci pour ton témoignage encore, ça peut aider les futurs fous du grand raid.

Commentaire de YannC posté le 26-11-2012 à 23:23:57

Merci. Je suis content que cela t'ait plu et rappeler des souvenirs. A lire ton pseudo, j'imagine que tu vis à La Réunion. Quelle chance tu as alors de pratiquer dans ce terrain de jeu. Bonne continuation.

Commentaire de poucet posté le 24-11-2012 à 16:30:41

Bravo CHAMPION ... Joli texte et vraiment unes SUPER perf !!!
Chapeau bas.
Poucet

Commentaire de st ar posté le 24-11-2012 à 21:46:53

et ben..., super récit et énorme perf, Bravo. toutes tes explications sont très instructives pour moi, celles sur tes débuts en Trail et ta progression, celles de la course elle même, et aussi ton bilan en fin de récit. Je m'en servirai sur mes prochaines courses, à travers ton récit et ton analyse de course , je me rend compte de mes points faible à travailler et erreurs de gestion de course notamment sur "mes" Templiers en Octobre dernier, merci d'avoir partagé ton expérience ,bravo encore pour ta course!

Commentaire de YannC posté le 26-11-2012 à 23:26:36

Hello st ar. Tant mieux si ce récit t'a apporté quelques pistes pour tes futures courses. On apprend à chaque course ce qui nous convient et cela varie d'une personne à l'autre. L'invariant doit rester le plaisir ! Merci pour ta lecture et bonne continuation.

Commentaire de 2ni_57 posté le 24-11-2012 à 23:24:24

WAOUW !!!
Quel magnifique récit, quel beau témoignage de cette "première", en terre réunionnaise ! C'est si bien écrit, si précis, qu'on se croirait véritablement en train de courir l'épreuve avec toi...
Merci, en tout cas, d'avoir voulu nous faire partager ces moments forts, chargés d'émotion intense, et qui n'appartiennent, en fait, qu'à toi... euh, qu'à vous ! Surtout avec ceux (comme moi) qui ne feront jamais la Diagonale... Un grand merci de nous la faire vivre, ainsi, par procuration !
Et en plus avec une superbe perf', au final... c'est carrément "géant" !
Vraiment bravo à toi !!!
2ni

Commentaire de YannC posté le 26-11-2012 à 23:32:25

Merci. Si tu ne comptes pas faire la Diagonale (ou le Trail du Bourbon ou la Mascareigne) je te conseille si tu le peux d'aller faire un tour à La Réunion pour te balader. Ca vaut le coup de courir ou randonner là-bas. Bonne continuation.

Commentaire de 2ni_57 posté le 28-11-2012 à 22:06:13

Merci pour tes conseils. En fait, je suis déjà allé à la Réunion, où mon épouse et moi avons fait la traversée nord-sud (à l'inverse de vous), mais en randonnée (et en 9 jours, avec tout le barda !), à l'occasion de notre "voyage de noces", en 86 (le sentier de Grande Randonnée n'existait même pas, encore...). Ca date, c'est sûr, mais "un peu de nous" est resté sur cette île fabuleuse... Et on y retournerait volontiers marcher (à défaut de courir, malheureusement...), c'est vrai !
Alors, vous y "voir" ainsi courir... ça m'y fait retourner direct, quoi ! Et avec vous, les souvenirs de paysages grandioses "remontent" (piton des Neiges, Mafatte, le volcan...) : c'est ça qui est chouette ! Encore merci...

Commentaire de akunamatata posté le 25-11-2012 à 20:51:14

excellent recit, et non moins excellente place ! Bravo

Commentaire de YannC posté le 26-11-2012 à 23:28:48

Merci. De la part d'un illustre kikoureur comme toi, ce compliment me va droit au coeur !

Commentaire de Jean-Phi posté le 26-11-2012 à 10:05:38

Super récit plein d'émotion et surtout très très belle perf !! Bravo !!

Commentaire de YannC posté le 26-11-2012 à 23:30:38

Merci Jean-Phi. Je te souhaite une très bonne saintélyon. Comme chaque année elle va réserver des surprises. Les conditions seront certainement là pour pimenter un peu l'aventure !

Commentaire de Françoise 84 posté le 27-11-2012 à 16:50:48

Je ne découvre ton récit qu'aujourd'hui... Bravo pour cette magnifique course, merci pour le récit que tu en as tiré et félicitations à tout ton "team": eux aussi ont bien assuré! Beaucoup d'amitié et d'échanges autour d'un "fou", c'est ça la Diagonale!!

Commentaire de YannC posté le 28-11-2012 à 22:20:26

Merci Françoise. C'est vrai que ce GRR nous permet aussi de vivre avec ceux qui ne le courent pas (proches) des expériences inoubliables. C'est aussi vrai sur d'autres courses mais l'ambiance et la culture locale décuplent ce constat. J'en profite pour te féliciter pour ta course. J'avais lu ton récit peu de temps après mon retour. Quelle belle progression. Et tu es déjà doublement "folle". 2 GRR à ton actif. Jamais 2 sans 3?

Commentaire de diegodelavega posté le 28-11-2012 à 09:40:55

Merci à toi ... ton récit est superbe et ta performance pas moins ... bravo. J'ai de la famille là-bas et j'espère d'ici 4 ans pouvoir participer et terminer cette épreuve ... on verra.

Commentaire de YannC posté le 28-11-2012 à 22:24:57

Merci pour ton retour et content que ce récit t'ait plu. Vu tes résultats sur la route, en y allant progressivement en trail sur des distances de plus en plus longues, tu ne devrais avoir aucun mal à devenir "fou". 4 ans, c'est largement suffisant (et en plus tu as déjà goûté au long avec un 100km dans la musette).

Commentaire de poulo posté le 29-11-2012 à 14:25:51

Whaou, j’ai pris une bonne claque à lire ton récit !! Superbement écrit, tu nous mets en haleine et on garde le fil jusqu’au bout où j’ai eu la gorge noué, à imaginer les émotions que tu as dû ressentir.
J’ai pour projet de faire le GRR 2013 et d’un côté ça me fait super envie mais de l’autre, ça fait hyper peur aussi !! Dure dure de se lancer !!
En tout cas un gros bravo à toi et merci de nous avoir fait rêver un peu….

Commentaire de YannC posté le 29-11-2012 à 23:23:19

Merci Poulo pour ton message. Vue l'expérience que tu as accumulée sur du long et divers trails, il n'y a pas de raison pour que ton GRR se passe mal l'année prochaine. N'hésite pas si tu te poses des questions ou que tu veux échanger sur des points de préparation ou de gestion de course à me faire signe. Ce qui me convient ne te conviendra pas forcément mais c'est toujours bon de partager les avis.

Commentaire de kikikour posté le 03-12-2012 à 14:54:22

Super récit, j'ai été pris du début à la fin, et n'ai pas lâché ;)
Une sacré aventure que tu as vécu, et que tu as réussi à nous faire vivre. Ce que tu as fait, et que tes proches t'ont permis de réaliser aussi, tient du rêve pour moi ou pas loin. Je ne sais pas si un jour je serai prêt à me lancer dans de telles aventures, le temps le dira. Mais j'ai presque pu sentir les effluves que tu mentionnais lors de ton récit. Quels sont tes prochains objectifs? Etait ce la course d'une fois, ou la première d'une longue série? En tout cas bravo, et félicitations pour ta connaissance de toi! Au plaisir de te relire!

Commentaire de YannC posté le 05-12-2012 à 22:28:33

Merci. Ce n'était pas la course d'un jour mais plutôt une nouvelle expérience. J'ai bien l'intention de continuer à découvrir d'autres paysages et sentiers. Pour 2013 ce sera plus une année sans gros objectif mais en faisant de nouvelles courses. On verra peut être en 2014 pour se relancer dans uns gros ultra. Bonne continuation à toi.

Commentaire de ddfutmb posté le 24-04-2013 à 16:01:11

Bravo,

super récit très détaillé et quelle performance!!! C'est super ce que tu as réalisé! A l'image du commentaire que tu as adressé à Poulo, je serais ravi de partager avec toi sur ta préparation pour une telle course. J'ai exactement le même profil que le tien d'un point de vue de la trajectoire sportive : foot depuis tout petit + autres et est commencé le Trail il y a maintenant 2 ans. Mon plus gros trails a été l'Ardennes Mega Trail (88kms/4800+). Très bonne sensation. Je serais ravi de pouvoir bénéficier de tes conseils.
Encore félicitations pour ta superbe aventure, le classement, le temps..Tout;;;BRAVO!!!

Commentaire de YannC posté le 03-05-2013 à 23:36:34

Bonjour, Merci pour tes félicitations. Pas de problème si tu souhaites échanger sur la préparation ou la pratique sachant qu'on a tous nos petites recettes. Continue à bien profiter de ta pratique. A bientôt.

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