Récit de la course : Le Tour de l'Oisans et des Ecrins Non Stop 2011, par Cerium

L'auteur : Cerium

La course : Le Tour de l'Oisans et des Ecrins Non Stop

Date : 27/7/2011

Lieu : Les Deux Alpes (Isère)

Affichage : 1135 vues

Distance : 180km

Objectif : Pas d'objectif

2 commentaires

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Le défi de l'Oisans TOE pour les intimes Edition collector

Le défi de l’Oisans

TOE pour les intimes

Edition collector

 

L’Oisans, bien sûr que vous savez où c’est, l’Oisans, en tout cas depuis que vous avez enlevé les petites roues de votre vélo… L’Alpe d’Huez, le Lautaret, les routes pour le Galibier, le Glandon, la Croix de Fer, mais pas seulement, c’est aussi le massif des Ecrins, et le GR 54 qui le ceinture. Une aubaine pour découvrir la région, ce que nous avions fait en 2010 lors du Défi de l’Oisans, course de 6 jours et 8 étapes.

A l’occasion des 20 ans de cette épreuve, est organisée une édition unique, en une seule étape non-stop. Un clic pour nous  préinscrire en relais avec mon épouse, aussitôt  les remords, la frustration  et le sens des réalités me tourmentent : Tout coureur normalement constitué ne peut refuser une telle proposition : participer en solo. Petite persuasion psychologique,  genre pas de problème, c’est juste un peu plus long que l’UTMB, avec une bricole de dénivelé en plus, on va pas se laisser effrayer par 12000 m de montée étalés sur 180 km et quelques cailloux, d’ailleurs ça fait autant de descente que tu aime bien… faut savoir parler aux femmes !

Même pas peur ! Après un début de saison basé sur du plat, 24h et 100km, j’arrive aux 2 Alpes avec plus de récupération que d’entrainement et un dénivelé à rendre neurasthénique un Hollandais, mais heureux de participer à ce que je ne vois pas comme l’objectif de la saison, mais plutôt une belle aventure qui s’annonce.

Départ sous un ciel couvert pour la première descente, aussitôt suivie par une succession de bosses,  -1400m quand même-, descentes techniques et raidillons, qui nous amènent à Besse en Oisans. Juste le temps de mettre un visage sur certains pseudos, d’échanger quelques mots, de me demander pourquoi les fabricants de chaussures vendent de la technologie quasi spatiale et ne sont pas capables de fournir des lacets qui ne se défont pas…la pluie s’invite par intermittence dès le col de Cluy. Un coureur m’annonce viser 70 heures, je lui signale qu’à notre rythme, j’estime plutôt 40 h. Non, il n’aime pas courir la nuit et à planifié de dormir dans les différentes bases vies. Rapide ravitaillement,  les lacets gras et raides du col Nazié permettent de pointer les premiers écarts, avant de relancer à travers le grand plateau d’Emparis, par une sente boueuse et glissante, sans la vue promise sur la Meije, perdue dans les nuages gris et un fin rideau de pluie. La redescente sur le Chazelet confirme que les grimpeurs n’apprécient guère les secteurs roulants, peu de monde en vue. Ravitaillement toujours rapide aux Terrasses, pour me laisser tomber en solitaire sur la Grave par un large chemin raide de gros sable ou je m’étonne de ne découvrir que peu des nécessaires marques de freinage….

Tout ça pour attaquer en face les 250 m de montée bien là, et trouver la compagnie d’un petit peloton qui se forme le long de la rivière menant au Pas d’Anne Falque. Je mène ce petit monde à un bon rythme soutenu, dans ce secteur roulant qui me convient bien, pas trop vite, mais sans trainer. Ce n’est pas le moment de s’exploser en forçant l’allure, ni de trop vouloir s’économiser sur un faux train : utopique d’espérer récupérer le temps perdu sur la fin. Apres 100km, plus personne n’accélère suffisamment pour compenser. Juste ne pas s’épuiser maintenant !

 Passage à la marche pour gravir le verrou rocheux à côté de la cascade, face aux randonneurs trempés. Montée menée à bon train avec Frédéric, si bien qu’au col d’Arsine, nous avons largué tous nos compagnons. Malgré la pluie, je n’ai toujours pas mis ma veste, mais le vent glacé montant de la vallée me décide enfin. Faut dire que je n’avais pas le temps jusqu’à maintenant, j’utilise un sac avec une sacoche ventrale maintenue par trois sangles, donc un sacré boulot pour s’harnacher… et je n’apprécie pas trop la sensation d’étuve quand il ne fais pas trop froid. La dévalée sur le chemin caillouteux est bien tracée, mais fort raide et sinueuse, laissant juste le temps de plonger le regard dans le bleu blanc du lac de la Douche. Ne reste plus qu’à rejoindre la première des quatre bases vie, celle de Mônetier en compagnie d’Eric et Marc, bien meilleurs descendeurs que moi.

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Monetier les bains (la douche…) en compagnie d’Eric, Benjamin (Sprolls) qui me fera bien des misères dans le col de la Muzelle... et Marc

65°km, 8h50 de course, je me laisse déconcentrer par le passage envieux près des bains thermaux, et tombe dans le premier piège de cette course : les bénévoles trop accueillants… D’habitude plutôt efficace et rationnel aux ravitaillements,  je me laisse tenter par une assiette de pâtes et un potage apportés avec sourires et gentillesse, ajoutés à ma boisson chocolatée c’est légèrement roboratif ! Je prends surtout le temps de soigner mes pieds : Pour protéger des restes de cloques, j’avais placé un compeed en plus de mes tapes habituels, mauvaise idée ! Avec l’humidité tout vagabonde au fond de mes chaussettes. Une nouvelle bande et je repars bien après mes compagnons à l’attaque du col de l’Eychauda.

Oh surprise, en dixième position ! Je pensais vraiment avoir plus de monde devant. Y’en a pas mal qui ont dû trainer aux ravitaillements !

Mauvaise surprise ! Non seulement c’est raide et détrempé dans la forêt, mais mon estomac proteste contre ma gloutonnerie. Des remontées acides me gênent à chaque gorgée, ça ne va pas être facile de s’hydrater et je me traine avec lourdeur sur ce monotrace étroit.

Bonne surprise ! En débouchant sur les pistes de ski de Serre Chevalier, Eric et Marc sont juste devant, peut-être bien que le chemin était aussi raide pour eux…Je les reprends avant de basculer dans la longue descente, où, évidemment, Eric, le roi de la descente, disparaît rapidement alors que je tente de m’accrocher à Marc. 13km pour 1275m de dénivelé, c’est long et pas très pentu sur chemin, sentiers et routes, mais au moindre passage technique, pierrier ou éboulis,  je perds 20m sur mon compagnon, que je reprends pour reperdre au prochain arrêt pipi. Les jambes lourdes, je prends conscience que je manque un peu d’affûtage pour mon rythme de course. Va falloir me refaire une santé…!

Vallouise, 85 km, deuxième base vie. Déjà une demi-journée de passé. Concentré, je refais soigneusement les pleins, sans manger, prépare la frontale, profite des toilettes. Eric croira m’avoir causé deux minutes sans réponse de ma part. Pauvre garçon ! il devait être bien fatigué… D’un commun accord, Marc m’accompagne pour cette longue étape nocturne. C’est plus sécurisant et surtout je sens qu’il compte sur ma diligence pour négocier notre passage dans les parcs à moutons  avec d’éventuels  patous! Au parking d’Entre les Aygues, nous quittons après moultes papotages de coureurs les 6 km de route montant gentiment, pour nous engager plein sud et pleine nuit vers le col le plus haut -2735m- du parcours. Suite de petites bosses et de replats, le début rend désespérant l’accès à la lampe qui clignote au col. Elle reste toujours aussi haute, ou est-ce un satellite ?… et quand on monte véritablement, c’est sur une pente schisteuse, raide et en dévers. Lunaire et magnifique de jour, hasardeuse dans le noir. Mieux vaux ne pas oublier de tourner aux lacets!

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De nuit, c’est noir !

Un coup de barre brutal m’assoit carrément dans le dernier virage, souffle épais. Bouf ! Je récupère trente secondes face à la pente, cherchant les rares frontales et la limite invisible entre les crêtes et le ciel tant la nuit est noire. Encore quelques pas poussifs, un salut au bénévole chaudement emmitouflé et je rejoins Marc moyennement en confiance au milieu de la trace traversant de biais sur le Pas de la Cavale. Il cherche du faisceau de sa lampe le bas de la pente, je le « rassure » y’a pas de fond à cette vallée!

900 m plus bas, une minuscule lueur situe le refuge du Pré de la Chaumette, qu’il suffit de  rejoindre pour une petite sieste bienvenue. Il suffit de suivre précisément le chemin afin d’éviter les sauts de falaises. Pour trouver, le chemin il suffit de suivre le balisage du GR. Pour trouver le balisage, il suffit qu’il y en ait, car parc national des Ecrins oblige, pas de flèches sprayées par l’organisation, mais guère plus de marques rouges blanches officielles. Autre solution, utiliser le GPS obligatoire. Ces engins, un acheté pour mon épouse, l’autre emprunté -merci Peter- m’auront déjà fait perdre assez de temps à l’entrainement, à paramétrer, capter les satellites, apprivoiser l’outil, me perdre à suivre des traces connues… J’opte pour la mémoire des lieux et entraine Marc «en visuel» sur les traces de moutons, tournant autour des rochers, sautillant au dessus d’une cascade, évitant les cailloux encombrant les nombreux lacets. Connaitre le parcours n’est pas forcément un avantage psychologique en cas de coup de pompe dans une «petite» côte, par contre, c’est un plus indéniable pour l’orientation. Pas de doute, pas de stress, pas de perte de temps pour consulter le gps.

Comme prévu, nous nous ravitaillons, plein des gourdes, et hop, au dodo sur les matelas disposés au sol. Décidemment, cet exercice d’endormissement rapide reste ma hantise, pas moyen de plonger dans un sommeil réparateur, je me relève après 35 minutes vaseuses, secoue mon compagnon et relance frileusement dans la nuit. Pas longtemps ! En 100m je bascule deux fois dans les éboulis, sans aligner trois pas en rythme ! Penaud, je demande à Marc de passer en tête, et me cale derrière,  hypnotisé par ses semelles dans le faisceau de ma frontale.  À chaque virage, j’ai l’impression que les yeux tournent alors que le cerveau continue en ligne droite… Malgré cela, je suis étonné de buter plutôt rapidement 860m plus haut sur une tente posée à cheval sur le col de la Valette. Au fond de la tente, dans la pente, une couverture de survie en boule fait semblant de dormir, une autre couverture bredouille en grelotant « nr° de dossard ? »… Je me sens soudain bien mieux à ma place…D’autan que la suite est amusante : Pensez, une descente en zig zag réguliers sur une trace noire, dans une pente en schiste noir, dans la nuit noire. Super rigolo, et je suis enfin réveillé. Un petit plateau caché entre deux cols, 100m de remontée et descente en biais nous lancent à l’assaut du col lunaire de Vallonpierre. L’aube nous accueille lorsque nous débouchons face au Sirac fraichement enneigé.  Reste une grosse quinzaine de km à redescendre pour rejoindre la Chapelle en Valgaudemar, troisième et prochaine base vie. Rien ne nous est épargné : Pente raide et schisteuse, pelouse détrempée, lacets dans la caillasse, et surtout 6 km de route où il faut dérouler une foulée passablement fatiguée. Le temps de passer deux coureurs qui clopinent, les 24h de course, de croiser quelques accompagnants à la recherche de leur poulain et on recommence le cérémonial –plein des gourdes-soins des pieds-dodo.

Schbling boing, le container à verre disposé derrière la tente dortoir est particulièrement efficace comme diane, malheureusement réglé à peine dix minutes après mon endormissement cette fois parfaitement réussi. Un pacer –un accompagnateur et soutien moral autorisé- me propose ses services. Il a appris l’abandon de son coureur et cherche à se rendre utile pour quelqu’un d’autre, mais je préfère intérioriser ma course, me gérer seul ou en compagnie d’un autre coureur aussi fatigué que moi. Marc étant déjà reparti, je trottine en solitaire la longue route menant à Villard Loubière, sans même songer à placer une petite pointe de vitesse, content de tourner soudain plein nord dans ce qui représente un retour quasi en ligne droite vers l’arrivée. Droite mais pas plate…. Quoique je ne me préoccupe guère des 5000 m de montée en 46 km restant à parcourir. Je me contente de gérer en « flux tendu » les quelques mètres qui me précèdent, un pas après l’autre, dans l’instant présent, à l’écoute des mes sensations. La distance ou le dénivelé ne sont d’ailleurs pas les plus gros problèmes, mais plutôt la gestion du sommeil en fonction des heures passées sur les chemins. 30h ça va, 40 ça commence à devenir pénible, plus impose quasiment le repos, ou le rendement physique se dégrade tant qu’il ne compense plus la perte de temps passé à dormir.

J’attaque d’un pas énergique, soutenu d’une bonne poussée de bâtons, les 1600 m bien sévères  du col de Vaurze. Assis en dessous du refuge des Souffles, Marc souffrant d’un genou  à décidé d’abandonner au Désert, je l’encourage en argumentant que ce hameau à 10 km d’ici est tellement isolé qu’il ne faut pas compter être évacué avant le repli des bénévoles, mais son père est déjà en route pour affronter les 70 km sinueux du cul de sac. Ce parcours à l’intérieur du Parc National des Ecrins est de toute beauté, brut et sauvage, voir limite pour les plus sensibles au vertige, deux petites gorges aériennes et leur torrent freinent un peu les ardeurs, et encore, je les traverse durant les 10 minutes de soleil de la journée, pour beaucoup, ce sera de nuit… Un grand cirque de pierriers et de pentes herbeuses habité des plus grosses marmottes que je n’ai jamais vu, et je pose un pied sur le col, l’autre pied visuellement sur le village du Désert, 1250m plus bas. Technique est un terme qui convient parfaitement à la descente, concentré est mon état, si bien que les traversées vertigineuses, les sauts de cailloux dans les hautes herbes, les lacets gravillonnés, les pierriers vaguement tracés, tout est dévalé comme dans un rêve, juste le temps de saluer les soudains nombreux randonneurs à la peine dans la pente.

Le ravitaillement du Désert consiste à un simple abri et deux chaises au frais près de la rivière. En remarquant la sollicitude des bénévoles, je prends soudain conscience de mon classement, ils n’ont pas encore vu passer grand monde, une dizaine de participants au plus, on n’est pas trop bousculés!  La montée de Côte Belle est parmi les plus courtes du coin… à peine 1046m, mais alors, quelle montée…. Droit dans le pentu ! Je me rapproche de Nicolas et de son amie pacer, quand un formidable coup de barre me tombe dessus. Mélange de fatigue physique, de manque de sommeil, de ravitaillement bâclé à cause de la concentration dans la descente, d’entrainement un peu trop léger, d’hypoglycémie, je laisse passer Alexandre que j’avais si aisément doublé dans le col précédent, et imitant ainsi les chèvres posées sur un gros rocher, je mâchonne mollement une barre énergétique. De nouveau seul au monde, je relance tranquillement, histoire d’arriver dans les lacets terreux à temps pour un gros orage qui transforme le sentier en piste de bob boueuse. Quelques mètres de crapahut acrobatique, jambes écartées sur les rebords pour trouver une zone moins glissante et je me retrouve un virage plus bas, pieds plaqués contre les bâtons plantés pour stabiliser la situation. Une plaisanterie qui m’aurai fort amusé en d’autre temps, mais là, pas trop ! Me reste  plus qu’à couper directement  en direction de ce que j’espère être le col, marchant sur les mottes molles, tirant sur les longues herbes, soufflant dans la pente dégoulinante. Bien vu, une tente fermée répond à mon appel. Un coup d’œil droit derrière sur le col de la Vaurze, un autre droit devant sur le col de la Muzelle, qui émergent des nuages, j’attaque heureux cette descente facile avec plein de relance. Passage somptueux sous d’immenses aiguilles de schiste, quelques lacets, la végétation et le sol changent… Finit la caillasse laminée et les mousses rases, vive la terre et les fougères, ce qui permet de me vautrer trois fois en 15m sans me salir, enfin, pas plus ! Je suis bien assez mouillé et décide de trainer des pieds en papy pépère et prudent. Bizarre cette course, j’ai passé dans du velours une descente que je redoutais, et galère sur le boulevard tant attendu…

Un aller retour de deux km à Valsenestre permet de croiser quelques concurrents.  Ayant participé l’année précédente à la course par étape, je connais la majorité des bénévoles, qui étaient déjà là, parfois comme coureur. C’est assez drôle et sympa de courir à 350 km de la maison et d’avoir l’impression d’être régional de l’étape, ce qui m’a valu d’ailleurs un usage nettement plus soutenu que prévu des bases vies, près d’1h 40 au total, où on était particulièrement bien accueillis. La fête d’arriver à un poste et de trouver un grand sourire accompagné d’un «salut comment tu vas » fraternel.  Des bénévoles particulièrement efficaces et stoïques, changeant de poste au fur et à mesure de l’avancée de la course, ou passant trois nuits sur un col étroit et venteux. Je profite de faire percer des cloques qui n’ont pas trop aimé les 160 km précédents de glissades et travers humides. Prudent le podologue les protège avec une bande de gaze stérile sous le tape, mauvaise idée, car je sens le tout se déplacer rapidement, mais je ne vais pas chipoter pour les vingt derniers km.

La pluie me reprends en même temps qu’un concurrent, j’en reste surpris, pas l’habitude de me faire poser pareillement à la marche dans une montée. Mon moral se retrouve dans le même état que la peau des pieds : tout flétri… J’ai l’impression de vraiment manquer de tonus, et crains maintenant le retour en masse d’un tas de sagouins qui viendraient m’empêcher de finir cette course sans stress. Y’a plus de respect pour les vieux, ma bonne dame ! Je regarde avec inquiétude où Benjamin passe. On monte latéralement dans une zone rocheuse où les contrôleurs ont disséminé leurs tentes sur les rares semblant de rochers plats disponibles avant d’attaquer le dernier mur, pas loin de la verticale. Un chemin vient d’y être tracé, il manque encore un peu de stabilité, mais reste plus facile que l’escalade directe sur les arêtes schisteuses.

 

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Les quelques lacets du col de la Muzelle, c’est aussi sympa sous la pluie...

Ouf, encore 1330m de pris, et en face, les Deux Alpes, l’arrivée ! Petit détail, y’a pas de pont pour éviter les 1740m de descente. Un semblant de chemin mène à un névé, que je parcours au maximum, c’est plus rapide que de sauter sur la caillasse, suffit d’éviter les zones d’écoulement.  Derrière, quelques bouts de traces hasardeuses, pas vraiment évidentes, un choix de cailloux aléatoire pour traverser la rivière, la rive du lac de la Muzelle et son refuge. En fait le site emblématique qui trône sur tous les prospectus de tourisme, mais pas un panneau indicateur ni même un cheminement  correct… et quand il y a un chemin, il est traversé d’énormes marches à sauter…

Gauche, gauche, gauche… Plié en deux, je suis accaparé par une mission importante: je balise assidument de mon pied gauche les cailloux sur lesquels les coureurs suivant doivent poser le pied ! Y’a du boulot, j’espère qu’ils sont attentifs. Une pause pour sortir ma lampe frontale dissipe cette hallucination, houlà, 2 km que je n’ai pas vraiment vu passer ! Un coup d’œil derrière moi pour vérifier la concurrence, aucune lumière dans cette vallée profonde sans pollution lumineuse, c’est tout bon, je peux continuer à trottiner le long des cascades bouillonnantes , sauf sur le pavage de cailloux glissants et ronds qui annonce l’imminence de Bourg d’Arud. Casse gueule le secteur !

Personne dans la rue. La soirée fraiche et humide étant peu propice aux ballades touristiques, je continue la mienne au petit trot jusqu’au ravitaillement de la télécabine de Venosc. Plus que 700m de montée. Arrêt à l’entrée du village, je ne trouve pas le balisage, pas l’envie de perdre du temps à allumer le GPS, sortons le road book. Hum, la pluie s’est infiltrée dans la chemise en plastique… pas facile à lire, cette bouillie de papier!  Malgré des neurones qui doivent ressembler à du bircher, je parviens à prendre la décision pointue de monter, bon choix, je retrouve les flèches roses.

Milieu de la remontée sur les Deux Alpes, la brume enveloppe les virages et j’ai un colis à transporter à la station, je n'arrive pas à me rappeler à qui le donner. Qu’y a-t-il dans ce paquet ? J’aimerai bien qu’on me dise à qui il est destiné, ça m’inquiète, franchement, ils auraient bien pu l’envoyer par la poste, non,  j'ai une course sur le feu, moi... Ah ben oui, c’est ça, le spot éclairant violement l’arrivée de la benne m’éclaire sur ma situation : je ne transporte rien, à part mes hallucinations, et j’ai une course à finir. Dédoublement de conscience, que ça s’appelle.

La traversée des Deux Alpes ne se passe pas comme prévu, je pensais suivre la route principale, et les flèches que je cherche frénétiquement en balayant le sol de ma frontale m’envoie à l’extérieur, près du golf. C’est pas possible ce qu’il est long ce km, pourtant pas plus que par le centre.

Diites Môôssieur, vous faites un trek, làà ???  Non, un trail, une course à pied, je cherche l’arrivée… Aaah cool, vous en avez encore une taf, ça doit être de la bonne…trois jeunes, casquette trop grande posée sur le haut du crâne, assis sur une barrière dans la nuit…

Et je la trouve enfin, cette arrivée, dans le calme et le froid, peu avant minuit. Parfaitement satisfait mais un poil trop fatigué pour être euphorique, 39 h 38 de crapahut, ça calme un peu! Une 12° place pas évidente au vu de la forme du moment et 1° vétéran 2, ça fait plaisir de prendre de l’âge…

Une goinfrée de sandwichs jambon-Brie et 5h de sommeil sur un lit de camp au fond de la salle me remettent d’aplomb. Une tartiflette au soleil sur la terrasse en face de l’arrivée finit de me contenter.  Les concurrents continuent d’arriver, ma mission dorénavant consiste à trouver une paire de tong pour mon épouse et à l’accueillir à Bourg d’Arud. Elle souffre d’ampoules aux petits doigts et à carrément découpé ses chaussures…mais elle a aussi dormi quelques heures à Vallouise et au refuge des Souffles, fais une bonne part du tour en compagnie de diverses connaissances et est en bonne forme. Nous remontons donc aux Deux Alpes plus vite que ce que je l’avais fais, cette fois à deux mais tout seul dans ma tête ! Elle me mets la pression pour arriver en moins de 60h, parfait, elle finit en 59h48, en 106 position. Avec 163 arrivants sur 242 participants, un  70% exceptionnel de réussite, dans une ambiance décontractée et digne d’une époque ou les course n’étaient pas hyper cadrées, où les coureurs ont pu user de liberté d’initiative et d’autonomie.

Bref, un immense plaisir, une grande satisfaction d’avoir participé à une aventure particulière et unique, même si j’étais assez loin de ma meilleures forme.

Belle course, beaux souvenirs.

                                                                                                           Pierre-André        

 

2 commentaires

Commentaire de Françoise 84 posté le 06-02-2012 à 16:56:28

Merci pour ce récit qui nous replonge dans les délices de ce TOE!!! Bravo à tous les deux!

Commentaire de Bacchus posté le 07-02-2012 à 05:57:57

Belle course
Merci de nous faire revivre cette aventure

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