Récit de la course : L'Infernal Trail des Vosges - 150 km 2011, par c2

L'auteur : c2

La course : L'Infernal Trail des Vosges - 150 km

Date : 10/9/2011

Lieu : St Nabord (Vosges)

Affichage : 2650 vues

Distance : 150km

Objectif : Terminer

3 commentaires

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infernal des Vosges 2011 - 156km

 Ce texte est paru dans Ultrafondus d'octobre 2011.

Cette version est enrichie en photos personnelles

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L’Infernal des Vosges, ensemble d’épreuves, pour sa troisième édition, s’étoffait d’un ultra-trail. Aux traditionnels, 30km, 72km solo ou relais, run and bike et course enfants l’organisation avait ajouté quelque chose de beaucoup plus conséquent : Un 156 kms avec 7350m de dénivelé positif. Alors ce nouvel Infernal serait-il vraiment « infernal » ?

 

Voir la vie en Vosges sur l’Infernal

 

Les Vosges dans l’inconscient collectif cela pourrait se définir par des forêts, des coupes de bois, des lacs, encore des forêts, des paysages de moyenne montagne associés au calme, au repos et quelques noms de villes de taille raisonnable bien ancrées dans le passé comme Epinal, Plombières-les-Bains, Remiremont ou bien encore Gérardmer. Toutes ces douceurs et rondeurs ne se télescopaient-elles pas avec cet intitulé « d’Infernal des Vosges » ? Comme avec une bête tapie dans l’ombre, avec un lynx qui peuplait le massif forestier Vosgien ou bien encore avec un loup croqueur de brebis, quelle mauvaise rencontre allions nous faire sur le terrain ? Sur quoi nos chaussures allaient-elles butter ? Quelles épices pourraient rendre encore plus relevée que prévue la dégustation de ce plat déjà gastronomique?

 

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C’est en lettres de feu sur la colline du stade des Perray de Saint-Nabord que l’imminence du départ de cet Infernal nous est annoncée, accompagnée d’un magnifique feu d’artifice qui ravit tous les présents. Nous sommes 140 dont 4 féminines à nous élancer à 0h 05 en ce samedi 10 septembre pour cette première édition. Ceux qui sont « plutôt » du matin sont satisfaits par cet horaire, les autres gèreront au mieux les aspects sommeil. Il faudra être fort dans sa tête car de nombreux tronçons du parcours risquent de se faire en solitaire et de nuit. Quant à la vigilance et la lucidité, elles seront mises en permanence à contribution dans un paysage souvent boisé afin de ne rien rater question orientation et changements de direction surtout la seconde nuit. Un balisage irréprochable et exceptionnel nous facilitera heureusement grandement la tâche de ce côté-là.

 

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Nous avons un temps de 42 heures maximum pour boucler l’épreuve avec trois barrières horaires calées sur un 4km/h de moyenne minimum. Toute la semaine précédente les perturbations se sont succédé. Une bonne partie de ce vendredi a été arrosée avec un plafond plombé et puis comme annoncé le ciel s’est progressivement dégagé dans l’après-midi avec une violente remonté des températures. Nous sommes entre deux passages pluvieux. Cela sera une chance pour les yeux qui pourront se gaver de magnifiques paysages mais ajoutera des difficultés supplémentaires pour les organismes avec une première nuit assez étouffante saturée d’humidité, 17°C au départ à minuit, un terrain souvent très gras pour ne pas dire plus et 27°C à l’ombre au plus fort du samedi.

 

Le tracé du parcours ressemble à un nœud papillon : deux grandes boucles parcourues dans le sens horaire reliées au centre par une petite boucle parcourue dans le sens antihoraire. Il y a donc deux points de croisement. « La Croisette » à l’ouest qui porte bien son nom au 17ième puis au 110ième kilomètre et « les Maxelles » à l’est au 23ième puis vers le 100ième kilomètre point haut avec une terrible montée version ouest à l’aller où les porteurs de battons auraient peut-être préféré ce jour-là avoir dans les mains des piolets et une approche sud beaucoup plus longue mais à la pente plus régulière et familière au retour.

 

 

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Ici le calibre proposé est différent de ceux que l’on peut trouver dans les Alpes, dans les Pyrénées ou à la Réunion sur les mêmes distances. Pas de montées non-stop interminables, 600m maximum. Un parcours dépassant tout juste les 1000m dans les points hauts rendant les problèmes de raréfaction d’oxygène plus secondaires. Cependant le tracé n’en demeure pas moins exigeant car c’est plus d’une trentaine de « grimpettes » entre 50m et 600m de dénivelé qu’il faut avaler avec des passages techniques et des pourcentages où les mains sont de temps en temps utiles à la montée et des freins moteurs encore bien frais précieux à la descente. Et qui dit pente importante implique appuis très fuyants dans des humus gorgés d’eau ou de la terre version boue. Que d’énergie laissée sur le terrain ! Exigeant aussi évidemment en relances indispensables sur les brèves parties roulantes sous peine de se laisser glisser dans une torpeur extrêmement gourmande en temps. Ne pas se faire anesthésier par le parcours est le principal piège à éviter.

 

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Nous évoluons au sud-est du département des Vosges aux portes du parc naturel régional des ballons des Vosges, un des plus grands de France. La forêt  très fréquemment présente durant notre périple est magnifique avec des fûts de plusieurs dizaines de mètres de haut accompagnés d’une très riche végétation variée au sol. Je comprends mieux maintenant les trois sapins du blason du département et toutes les scieries de la région. Le tracé choisi offre une succession de vues et de terrains plus beaux les uns que les autres : étangs, petits lacs, petits rus, cascades, berges de la Moselle, monotraces serpentines et chemins forestiers souvent caillouteux, séries de marches en pierre plus ou moins ordonnées, mini-éboulis, hors-pistes droits dans la pente ou slalomant mollement entre les bébés sapins ou les pieds de myrtilles, zones humides à la végétation luxuriante qui nous rend souvent à contrecœur nos chaussures engluées, vallées profondes et encaissées dont on ne voit pas la fin ou bien évasées faisant deviner quelques petits villages dans le lointain. Une immense variété de tableaux paysagés continument renouvelés au fil de notre avancée aux colorations évoluant au fil du jour et en fonction de l’intensité et de l’orientation des rayons du soleil. Très peu de route, le strict minimum indispensable aux liaisons inter-vallées. Et à force de tourner dans toutes les directions, il est facile de perdre quelque peu le sens de l’orientation sur des esprits qui voient leur lucidité s’étioler doucement ce qui rend ce parcours encore plus sauvage en ne sachant finalement plus très bien où l’on se situe.

 

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Le gite des Reces, première base de vie est un cap à franchir avec déjà un cumul de 4200m de dénivelé positif. Il marque sensiblement l’entrée dans la seconde moitié de l’épreuve. Il faut repartir sur les hauteurs. Proche de l’automne nous avons un vrai temps d’été. Une petite brise sans vraiment pouvoir nous refroidir balaye les quelques points hauts dénudés sur lesquels nous basculons à chaque fois sur un nouveau versent. Un bénévole en un de ces sommets isolés m’accompagne quelques instants avec une énorme cloche de montagne. Bref et intense échange pour mieux repartir en solitaire. Nouvelle chute dans une autre vallée qui reste à découvrir. Rupt-sur-Moselle nous indique la fin proche de cette immense première boucle avec déjà 95km dans les chaussettes. Le jour baisse progressivement. De placides vaches nous ignorent totalement.

 

L’accueil sur les dix ravitaillements du parcours dont deux bases de vie et trois déposes de sacs est formidable, quasi-familial. Les approches des coureurs deviennent de plus en plus personnalisées au fil des heures surtout dans la seconde partie de l’épreuve du fait des abandons et des écarts importants entre participants.

 

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La nuit est tombée mais la chaleur est encore bien présente. Nous repassons à la Croisette d’Hérival au 110ième km pour finir cette deuxième grande boucle commencée depuis Saint-Nabord. Deux bénévoles, frontale sur la tête, viennent à mon devant dès qu’ils m’aperçoivent en approche. Echange de quelques mots. Tout cela est fort sympathique. Une immense auberge en ce lieu isolé au milieu des sapins à 700m d’altitude fait ce soir-là, repas dansant. Flonflons et mocassins cirés d’un côté, eau glucosée et chaussures gadoueuses de l’autre. Deux mondes différents. Variété des passions. En ce dimanche dès 3 heures les concurrents du 72km monteront jusque-là de la vallée sur le même tracé que nous avions emprunté la veille pour faire ensuite parcours commun sur les 50 derniers kilomètres avec les derniers concurrents de l’ultra. Une aide qui pourra être précieuse en diminuant les grands moments de solitude de certains.

 

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Le ciel est étoilé, extra-pur. La pleine lune joue, selon l’axe de progression, les frontales d’appoint. Grand moment d’introspection et de solitude dans le sens agréable du terme. La foret prend encore une fois une nouvelle dimension, amplifie et décuple les sensations au moindre bruissement ou craquement. Le manque de sommeil commence à me jouer des tours. Je repense à certains sommets du parcours, Haut du Roc, Piquante Pierre, Haut du Tôt, Chèvre Roche,  Haut de l’A. Le monde devient parallèle et je me pose des questions bizarres dans cette seconde nuit profonde : Ne suis-je pas arrivé trop tard au Haut du Tôt ? Chèvre Roche ne m’a-t-il pas rendu chèvre ? Quant au Haut de l’A, n’y suis-je pas déjà dans l’au-delà ?

 

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Girmont-Val-d’Ajol, 122 kms. 6300m de dénivelé d’avalé, dimanche milieu de nuit, deuxième base de vie. J’ai complètement sous-estimé la difficulté de l’épreuve par méconnaissance du terrain et surement mal préparé et mal géré la chose alors j’ai ruminé ma décision durant les trois dernières heures faites en solitaire avec quatre grimpettes de plus dans la besace. En 28 ans d’ultra, il fallait bien que cela arrive un jour. Ma femme et quelques bénévoles n’arrivent pas à me faire changer d’avis malgré un grand confort vis à vis de la barrière horaire. Le corps pourrait certainement encore suivre sans problème mais la tête n’y prend plus de plaisir et là me semble être l’essentiel. Je reste sur ma position et signale mon abandon, sans regrets.

 

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En ce milieu d’après-midi de dimanche des trombes d’eau s’abattent sur la région. Décidément il aura fallu tout endurer pour certains durant la course. C’est au cours de la cérémonie des podiums, judicieusement suspendue que les cinq derniers entrent groupés dans le stade d’arrivée un peu avant 18h et c’est accompagnés des vainqueurs et de nombreuses autres personnes, coureurs et spectateurs, qu’ils franchissent l’arche finale sous de nombreux applaudissements. Soixante coureurs dont deux féminines arriveront à bon port.

 

C’est Infernal version 156 kms est très bien né. Toute une région est mobilisée. De nombreuses communes participent. Alors un grand merci à Stéphane Hairaye, l’instigateur du projet, aux membres de l’ASRHV (Association Sportive Remiremont Hautes-Vosges) et aux 300 bénévoles vus pour certains sur le terrain. L’accueil était à la hauteur de la qualité du parcours avec un tracé qui en a surpris plus d’un par sa difficulté. Sachez pour finir chers coureurs que cet ultra Infernal est bien infernal. Il a tout d’une grande épreuve dans son exigence et dans sa beauté. Il suffira de bien préparer votre affaire pour aller au bout afin que votre futur Infernal ne se transforme pas en « ENFERNAL » !

Christian

3 commentaires

Commentaire de ChrisTof posté le 29-12-2011 à 16:29:06

Voilà une course à deux pas de chez moi dans une région que je connais très bien et qui me sert parfois de terrain d'entraînement. Ca me tente beaucoup mais la date de l'épreuve ne s'accorde pas -encore- avec mes impératifs professionnels. Peut-être en 2012 ?
En attendant de pouvoir y "goûter", je peux déjà m'y "plonger" en lisant ton superbe récit.
Tu l'as dit : l'infernal est infernal et peut en surprendre plus d'un qui sous-estimerait le relief vosgien. Merci pour ce compte-rendu et bravo pour ta course, fusse-t'elle interrompue avant la fin.

Commentaire de filipe68 posté le 29-12-2011 à 19:02:06

beau texte, belles photos, dommage pour l'abandon mais félicitations malgré tout pour le compte rendu de cette course qui pourrait m'interesser..mais dans une version bien plus courte..

Commentaire de JLW posté le 01-01-2012 à 15:23:57

Très beau récit, superbement écrit et qui montre bien la grande difficulté de cette épreuve et, expérience à l'appui, je suis assez convaincu qu'une succession de "petites" montées sont bien plus usantes au final qu'une grande montée d'une seule traite. Bravo à toi malgré la déception d'un arrêt au 122ème kilo qd même.

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